M. Vincent Bru, concernant la liaison ferroviaire avec le Pays Basque, depuis le 2 juillet dernier, la desserte offerte par la ligne Sud Europe Atlantique s'est nettement améliorée, avec un gain d'une heure sur la durée du parcours pour un trajet Paris-Pau. Quant au Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest, c'est-à-dire le projet d'une ligne à grande vitesse jusqu'à Dax puis vers l'Espagne, il relève de la décision politique de l'État. La SNCF a pour rôle d'éclairer la décision politique en fournissant des études socio-économiques sur la pertinence de cette nouvelle liaison à grande vitesse, mais c'est au final l'État qui doit trancher. La priorité donnée aux lignes à grande vitesse depuis trente ans s'est traduite par une détérioration des conditions de voyage sur le réseau classique ou pour les liaisons périurbaines. Nous avons aussi trop longtemps négligé la question des noeuds ferroviaires, c'est-à-dire l'accès aux grandes gares. Les réseaux d'approche de ces gares sont aujourd'hui totalement saturés, ce qui crée des goulets d'étranglement, notamment en cas de panne, car il est alors impossible de trouver un itinéraire de contournement pour assurer la fluidité du reste du trafic. Certaines gares sont clairement aujourd'hui sous-dimensionnées, comme celle de Marseille par exemple. La mission confiée à M. Jean-Cyril Spinetta sur la refonte du modèle ferroviaire permettra de présenter un certain nombre de priorités d'investissement pour parvenir à une meilleure utilisation du réseau. Cela ne veut pas dire qu'aucune nouvelle ligne à grande vitesse ne sera décidée, mais avec une enveloppe financière contrainte, il faudra faire des choix.
Sur le fret, sujet très sensible pour le Grand Ouest compte tenu de l'importance du trafic routier de marchandises vers et depuis l'Espagne, je me félicite de la décision prise par l'État d'accorder à la SNCF des crédits pour des études sur l'adaptation du gabarit des tunnels ferroviaires, en vue de permettre à des trains de transporter des camions ou des conteneurs. L'idée est de créer une autoroute ferroviaire dédiée au fret, sur le Grand Ouest jusqu'en Espagne. De son côté, l'État a aussi lancé un appel à projet pour que des opérateurs de fret étudient les possibilités du fret ferroviaire sur cet axe.
Concernant l'open data, la branche SNCF Réseau a diffusé une centaine de jeux de données concernant les caractéristiques techniques de notre réseau. Certaines « start-up » sont très intéressées par ces données, notamment pour proposer des services liés à la « maintenance prédictive », par exemple en cas de risque de surchauffe des rails lors de fortes chaleurs : la vitesse des trains doit être limitée pour des raisons de sécurité et des personnels doivent se déplacer le long des voies pour réaliser des mesures de température ; grâce à une innovation mise au point par une start-up, nous sommes en train d'automatiser ces relevés de température en installant des capteurs thermiques sur les voies. Cet exemple est emblématique d'une bonne coopération entre les start-up et notre groupe. Pour cette innovation déployée dans la région toulousaine, il a fallu seulement un an et demi entre la phase des essais et la phase opérationnelle, alors qu'il faut habituellement trois années, car les procédures d'homologation de sécurité prennent toujours du temps.
Concernant la liaison Lyon-Turin, notre groupe n'est pas le gestionnaire d'infrastructure, c'est le consortium international qui est chargé de la construction du tunnel qui sera ultérieurement en première ligne. Néanmoins ce grand projet nous concerne au premier chef, car ce tunnel devra être relié au réseau ferroviaire français, suisse et italien. Pour que cette infrastructure soit utilisée de manière optimale, il faut définir une nouvelle stratégie pour le fret ferroviaire, en forte baisse ces dernières années du fait de la crise économique et des problèmes de qualité de service.
L'accident survenu dans le corridor ferroviaire de la Vallée du Rhin, en raison d'un affaissement d'un tunnel à Rastatt a mis en lumière l'interconnexion des réseaux européens. C'est le principal axe de trafic intermodal en Europe, puisqu'il permet aux marchandises arrivées dans les ports de Rotterdam ou d'Anvers d'être ensuite acheminées par voie ferroviaire. Environ 50 % des volumes de marchandises entre le nord de l'Europe et l'Italie via la Suisse passent par cet itinéraire. Cette interruption du trafic nous a obligés à trouver des solutions via le réseau français. Nous avons réussi à dégager soixante sillons par jour pour permettre à ce fret d'être acheminé vers l'Italie, via la Suisse, mais l'expérience a montré combien le fret ferroviaire était fragilisé du fait de ne pas disposer d'une voie dédiée au fret. C'est tout l'enjeu de la construction du tunnel Lyon-Turin. Cet incident a été fort instructif pour révéler les faiblesses actuelles du modèle économique du fret ferroviaire européen : ce n'est pas qu'une question d'infrastructure, c'est aussi un problème d'exploitation. Comment par exemple faire en sorte que des conducteurs de locomotives allemands puissent être en mesure de passer sur des matériels ferroviaires français, alors qu'ils ne parlent pas notre langue ? Aurait-il été préférable de moderniser le réseau existant et d'utiliser l'axe ferroviaire qui passe par Vintimille plutôt que de construire cette infrastructure dans l'axe alpin ? La réponse est claire, le réseau qui passe par la vallée du Rhône et la Côte d'Azur est déjà saturée par le transport voyageur. Pour développer le fret ferroviaire à destination de l'Italie en passant par la Provence, il faudrait créer une deuxième ligne ferroviaire, ce qui est impossible du fait de la densité de l'habitat et des caractéristiques du relief. Développer l'axe Lyon-Turin était donc nécessaire, même si le tunnel paraît surdimensionné au regard du trafic fret actuel. Le véritable enjeu est donc de parvenir à refaire gagner des parts de marché au fret ferroviaire par rapport au fret routier.