COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Jeudi 9 novembre 2017
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 9 h 38.
I. Audition de M. Guillaume Pepy, président du directoire de SNCF et président-directeur général de SNCF Mobilités, et de Patrick Jeantet, président délégué du directoire de SNCF et président-directeur général de SNCF Réseau
Messieurs les Présidents, je vous remercie de votre présence devant notre Commission. Il me semble très utile que nous puissions vous entendre, alors même que la politique des transports est au coeur de l'actualité tant nationale qu'européenne. Il me semble par ailleurs essentiel que notre Commission puisse aborder les questions européennes d'une manière concrète en entendant les acteurs économiques nous présenter les perspectives de développement qu'offre l'Europe à leur entreprise.
Le secteur des transports, et tout particulièrement le transport ferroviaire, fait l'objet de nombreuses réflexions au plan national, avec les Assises de la Mobilité, la mission confiée à M. Jean-Cyril Spinetta sur les conditions d'une transformation réussie du secteur ferroviaire, l'installation du Conseil d'orientation des infrastructures. Cette réflexion nationale s'inscrit dans un cadre européen. L'enjeu majeur est la transposition du quatrième paquet ferroviaire, adopté en 2016, et qui sera mise en oeuvre par le projet de loi d'orientation des mobilités, présenté au Parlement au premier semestre 2018. Jusqu'à l'adoption de ce quatrième paquet, les transports nationaux de passagers étaient dispensés d'une ouverture à la concurrence, chaque État membre étant libre d'ouvrir à sa guise tout ou partie de son réseau. Les échéances d'ouverture approchent : 2019 constitue une année charnière, tant pour l'ouverture à la concurrence des lignes à grande vitesse, que pour le lancement d'appels d'offres pour les TER et les trains d'équilibre des territoires. Je voudrais, Messieurs les Présidents, connaître les enseignements que vous tirez des transpositions des précédents paquets et vos recommandations ? Quelles sont les attentes et les craintes suscitées par cette ouverture à la concurrence des lignes nationales et régionales ? Quel est, du point de vue de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau, le scénario qui permettrait de répondre au mieux à ces attentes et de calmer ces craintes ?
Si la perspective d'ouverture à la concurrence a été prise en compte dans la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, qui a réorganisé la SNCF en trois établissements publics industriels et commerciaux, ce quatrième paquet a néanmoins des incidences importantes en matière de gouvernance et d'organisation du système ferroviaire. Deux sujets en particulier sont mis en avant au regard du droit européen : le statut d'EPIC de SNCF Mobilités et le rattachement de SNCF Gares & Connexions. Quelles évolutions doivent-elles être envisagées ?
Par ailleurs, en matière d'infrastructures, le réseau ferroviaire européen demeure aujourd'hui un système composé de vingt-six réseaux ferroviaires distincts qui sont loin d'être pleinement interopérables. Deux récents rapports de la Cour des Comptes de l'Union européenne sont particulièrement critiques sur, d'une part, le système européen de gestion du trafic ferroviaire, l'ERTMS, et, d'autre part, sur le fret ferroviaire. Pour ce qui concerne notre pays, après cinq plans successifs de relance de fret entre 2003 et 2016, les résultats sont négatifs ; fin 2016 sur les 6 999 kilomètres concernés, seuls 7 % des lignes opérationnelles étaient équipées de l'ERTMS. Le pilier technique du quatrième paquet comprend des éléments directement liés à l'ERTMS, comme le renforcement du rôle de l'Agence ferroviaire européenne, qui deviendra l'autorité responsable du système ERTMS à partir de la mi-2019. Est-ce une réponse satisfaisante aux constatations de la Cour des Comptes de l'Union ? Quelles actions le groupe SNCF et ses composantes opérationnelles entendent-ils mettre en oeuvre ?
Pour mieux construire cet espace ferroviaire unique européen, la Commission européenne a récemment proposé une refonte du règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires. Cette proposition modifie en profondeur l'économie du secteur par l'extension de son champ d'application aux services ferroviaires urbains, suburbains et régionaux. Est-elle justifiée à vos yeux ? Quelles seront les répercussions de ce nouveau régime d'obligations à la charge des opérateurs ?
Enfin, cet espace ferroviaire unique européen a une dimension numérique incontournable. S'appuyant essentiellement sur l'usage des technologies de l'information et de la communication afin de recueillir les données et fournir un réseau de communication pour tous les utilisateurs du ferroviaire, la numérisation du ferroviaire dépasse très largement le cas des passagers, et comporte une dimension industrielle fondamentale. Le cadre européen est-il adapté ? Quelles sont les stratégies et actions mises en place par le groupe SNCF et notamment ses composantes opérationnelles ?
Avant de vous donner la parole, Messieurs les Présidents, je souhaite vous rappeler, mes chers collègues, que notre réunion porte sur le cadre européen dans lequel le groupe SNCF s'inscrit. Je vous remercie donc par avance de respecter ce cadre dans vos questions.
Merci de nous recevoir et de nous donner l'occasion de nous exprimer sur nos activités, notamment dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. Notre responsabilité de manager est de préparer l'entreprise publique qu'est la SNCF à cette perspective afin d'éviter un échec, comme cela s'est produit pour le fret ferroviaire, dont le trafic a diminué depuis la mise en place du cadre concurrentiel. L'objectif que nous devons viser est triple : augmentation du nombre de voyageurs, augmentation du taux de satisfaction des voyageurs et diminution des dépenses pour la collectivité.
Il faudra veiller à ce que la concurrence soit équitable pour les nouveaux entrants, mais aussi pour l'entreprise historique. Concernant les salariés, la concurrence ne doit pas être synonyme de dumping social. Il faut une harmonisation des règles sociales. Elle commence à s'organiser, puisqu'il existe désormais une convention collective. Mais il va maintenant falloir statuer, y compris au Parlement, sur le transfert des personnels. Concernant la SNCF, il faudra tenir compte du fait qu'elle est soumise à des charges que ses futurs concurrents n'auront pas, comme, par exemple, un taux de cotisation pour les retraites très élevé, des règles particulières pour l'interruption du contrat de travail, la fiscalité ou les obligations de service public non compensées.
Je voudrais insister sur l'importance des modèles économiques. L'introduction de la concurrence dans le secteur du fret s'est soldée par un échec, car il n'existait pas de modèle économique. Les vingt opérateurs privés qui ont intégré le secteur depuis dix ans ont perdu de l'argent. Notre principal concurrent, ECF, filiale de la Deutsche Bahn, a perdu 200 millions d'euros en France en dix ans et a dû faire un plan social. Les pouvoirs publics se sont saisis du problème. La ministre des Transports, Mme Élisabeth Borne, a fait du modèle économique du TGV un de ses chantiers prioritaires. Nous pensons que c'est une sage décision. De même, il faudra rétablir la robustesse du modèle économique du fret pour que les entreprises concurrentes réussissent à créer plus de trafic ferroviaire de marchandise, alors qu'actuellement c'est l'inverse qui se produit.
La SNCF devra parallèlement entreprendre des efforts puisqu'elle s'est engagée vis-à-vis de l'État à réaliser 2,6 milliards d'euros de performance d'ici 2020. Cela se déclinera sous la forme d'une amélioration industrielle (« faire mieux avec moins de moyens »), d'une augmentation des recettes commerciales et d'une réduction des frais de gestion administrative. La SNCF est en ligne avec la trajectoire du contrat de performance, mais il reste beaucoup à faire d'ici 2020.
La SNCF a des objectifs sectoriels très clairs. Concernant le Transilien, qui représente 70 % des voyageurs en France, la présidente de la région Ile-de-France, Mme Valérie Pécresse, et nous-mêmes, partageons la même priorité de modernisation accélérée avec comme levier principal le changement de matériel pour le RER. Il est prévu un investissement de dix milliards d'euros d'ici 2023 pour l'achat de matériel neuf. Pour les TER, les régions réclament « mieux, moins cher ». Pour répondre à cette exigence, la SNCF a mis en place le plan « Cap TER 2020 » qui doit aboutir à proposer un meilleur service (fréquence, régularité) à un coût moindre pour les régions. Pour le segment du fret, la SNCF doit s'adapter très rapidement, car l'enjeu est européen. La moitié des trafics sont européens et la SNCF doit impérativement se développer pour continuer à être en mesure d'assurer ces trafics européens. Actuellement, la Deutsche Bahn est le premier opérateur européen, la SNCF, le deuxième, nous ne devons pas nous laisser distancer. Les gares constituent un actif très important du système ferroviaire français. La SNCF est actuellement engagée dans un plan de modernisation considérable. Les grandes gares ont toutes été rénovées en dehors de la gare du Nord, qui le sera à partir de l'année prochaine. La prochaine étape concernera les gares moyennes.
L'organisation des différents chemins de fer en Europe a-t-elle un impact sur la concurrence ? Autrement dit, faut-il suivre le dogme de la Commission européenne selon lequel il faut dégrouper les chemins de fer pour établir la concurrence ? L'exemple allemand démontre l'inverse. C'est le pays européen où la concurrence est la plus développée et où l'opérateur historique est le plus intégré. Le modèle français est constitué d'un pôle réseau et d'un pôle transporteur dont les deux dirigeants forment un directoire. J'affirme que l'organisation française n'est en rien un obstacle à l'introduction de la concurrence.
Il existe deux modèles de concurrence pour les TGV en Europe : le modèle de la franchise dans lequel le réseau TGV est séparé en plusieurs segments qui font, chacun, l'objet d'un appel d'offres et le modèle « open access » qui permet à des acteurs d'opérer librement en France sous réserve qu'ils remplissent diverses conditions, notamment en termes de sécurité. Ce dernier modèle permettrait sans doute un fonctionnement plus efficace.
La SNCF dispose d'un réseau de 30 000 kilomètres à deux vitesses : le réseau TGV développé depuis trente ans et le réseau classique qui a fait l'objet de maintenance, mais a été oublié en matière de renouvellement. Il y a dix ans, la SNCF n'investissait que 500 millions d'euros par an pour le renouvellement du réseau contre trois à quatre milliards par an pour la Deutsche Bahn. Il y a un retard considérable à rattraper. Je salue la décision du Gouvernement de concentrer ses actions sur ce réseau classique sur lequel s'effectue la très grande majorité des transports quotidiens.
La SNCF a signé avec l'État trois contrats de performance : un contrat opérationnel avec SNCF Mobilité, un contrat opérationnel avec SNCF Réseau et un contrat de cadre stratégique de l'ensemble. Le contrat conclu avec SNCF Réseau est important car il donne une visibilité à dix ans des travaux de rénovation à réaliser sur les 15 000 kilomètres du réseau le plus structurant. Cette visibilité est nécessaire car, en matière d'infrastructures, il est impossible d'établir une gestion calée sur des annuités budgétaires. Une stratégie d'asset management doit se concrétiser par une visibilité sur les montants nécessaires aux investissements. Le réseau étant partagé, il faut prévoir les chantiers trois ou quatre ans à l'avance, ce qui est impossible à faire avec des annuités budgétaires qui souvent obligent à déprogrammer des chantiers vers la fin de l'année. Ces contrats de performance ne règlent pas l'équilibre financier du système ferroviaire sur le long terme. C'est l'objet de la mission confiée à M. Jean-Cyril Spinetta. Le Gouvernement a annoncé que plusieurs points qui nous semblent très importants seraient traités, notamment la dette et l'avenir des gares, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence.
Il y a deux sujets liés à l'Europe très importants. Le premier sujet est technique et concerne essentiellement l'ERTMS. Les systèmes de signalisation actuels ont été inventés dans la première moitié du vingtième siècle. Ils ont fait leurs preuves, mais ils sont très rigides et ne maximisent pas l'utilisation des infrastructures. Avec l'ERTMS niveau 2, il sera possible de changer radicalement l'organisation et la commande contrôle des trains. La prise en compte des accélérations et des freinages réels des trains permettra une remise en situation nominale plus rapide après chaque incident. Le nombre de minutes perdues sera divisé par deux. La qualité de service s'en trouvera grandement améliorée. De plus, il sera possible de réduire l'espacement entre les trains et donc de faire circuler davantage de trains sur le réseau. La transition entre les systèmes existants et ce nouveau système est un enjeu essentiel. Le système ERTMS 2 représente l'avenir du réseau ferré classique existant, qui représente 30 000 kilomètres de voies, à un double titre.
D'abord, ce système garantira une utilisation bien meilleure des parties du réseau les plus fréquentées et les plus saturées, tant du point de vue de la qualité de services que de celui de sa capacité. Il est donc essentiel de le développer. Mais la transition entre les systèmes nationaux existants et ce système européen implique d'investir dans ERTMS 2 tout en poursuivant la maintenance et l'entretien du système de signalisation existant. Or, d'une part, le nouveau système est onéreux, ainsi que le relève le rapport de la Cour des comptes européenne ; et d'autre part, le système de signalisation existant, vieillissant, tombe souvent en panne – les deux tiers des incidents survenant sur le réseau trouvant en effet leurs origines dans un problème de signalisation. Il est donc extrêmement important que l'Union européenne soutienne financièrement l'installation d'ERTMS niveau 2 pour pouvoir le déployer relativement rapidement sachant que le transport ferroviaire s'inscrit dans un temps lent.
Ensuite, ce système fixera un standard européen non seulement en matière d'interopérabilité entre les systèmes nationaux, mais encore en matière de standards industriels de ces systèmes. Aujourd'hui, nous disposons en effet de systèmes de signalisation propres à chaque pays qui constituent autant de marchés nationaux de dimension limitée. La standardisation au niveau européen des systèmes industriels permet de développer un marché à cette échelle, et donc à terme de baisser le coût du ferroviaire et de le rendre plus compétitif.
S'agissant de l'ouverture à la concurrence, le groupe SNCF l'expérimente depuis longtemps, qu'il s'agisse de la concurrence intermodale avec la voiture, avec l'avion ou bien de la concurrence intramodale concernant le fret, même si cela n'a pas constitué une grande réussite. Aujourd'hui, ainsi qu'en atteste notre double présence ce matin devant votre commission, l'autonomie et l'indépendance en matière d'attribution de sillons et de gestion des facilités essentielles sont un fait, même si nous nous trouvons dans un groupe unifié. L'autonomie et l'indépendance des équipes dans la gestion du réseau sont primordiales : elles permettent de tenir compte de chaque entreprise ferroviaire sans en privilégier l'une au détriment de l'autre.
Le quatrième paquet va ouvrir le transport de voyageurs à la concurrence. Pour SNCF Réseau, cette ouverture à la concurrence constitue une occasion de changer d'état d'esprit en faveur d'une culture client plus prononcée, alors qu'historiquement – il faut bien admettre – nous avons davantage privilégié l'attribution, l'administration et la gestion des sillons. Un tel basculement de culture est extrêmement important pour aider à rendre le système plus vertueux. Notre objectif est de disposer de davantage de trains sur le réseau et de trains de meilleure qualité.
J'en terminerai avec la question de la gouvernance organisée en trois EPIC. Tout d'abord, il faut bien avoir à l'esprit le caractère de « système » du transport ferroviaire, et ERTMS 2 en est un bon exemple. Le système de signalisation existant – fait de courants de voies, de signalisation latérale avec des feux, etc. – repose principalement sur des éléments au sol, c'est-à-dire qu'il incombe à SNCF Réseau. Le système ERTMS 2 constituera un changement radical puisqu'il comportera nombre de composants embarqués à bord, avec des ordinateurs de bord, des calculateurs sophistiqués et des télécommunications entre le bord et le sol. Ce nouveau système regroupera donc des installations au sol et des installations de bord, dont le coût n'est pas négligeable. Du point de vue technique, cela rend indispensable une bonne articulation entre les entreprises ferroviaires et le gestionnaire des infrastructures. Aussi le rôle de l'EPIC, dit de tête, est-il très important pour s'assurer que l'on ne va pas développer des systèmes incompatibles. La gouvernance mise en place revêt donc tout son sens dans cette perspective. Certes, elle peut présenter l'inconvénient d'ajouter une superstructure et donc des coûts non négligeables. Mais, avec Guillaume Pepy, nous avons lancé un grand programme de productivité, qui vise à baisser, à l'horizon de quatre ans, de 20 % les coûts sur l'ensemble des chaînes de services support. Concernant SNCF Réseau, je me suis engagé dans le contrat de performance avec l'État à réaliser un gain de productivité d'1,2 milliard d'euros d'ici dix ans et de 500 millions d'euros dans les cinq premières années.
En Moselle, nous rencontrons actuellement de réels problèmes avec la ligne Metz-Luxembourg, tandis que la région Grand Est et la SNCF se renvoient mutuellement la responsabilité de ces difficultés. L'ouverture à la concurrence des TER et des trains d'équilibre du territoire (TET) en décembre 2019 offre l'espoir de trouver, avec le Luxembourg ou avec l'Allemagne, une solution que l'on ne parvient pas à obtenir aujourd'hui avec la SNCF. Quel sera l'impact réel, pour la SNCF comme pour le client, de l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs.
Monsieur Pepy, pourriez-vous revenir sur l'échec de la mise en concurrence du fret ? Vous avez signalé, de manière à la fois suggestive et elliptique, un problème de défaillance du modèle économique. Cet échec est suffisamment grave, notamment sur le plan écologique, pour que l'on s'y attarde. Pourriez-vous nous expliquer comment le modèle économique pourrait être amélioré en vue, précisément, d'y remédier ? Monsieur Jeantet, s'agissant du système ERTMS 2, vous avez indiqué qu'il y avait une recherche d'harmonisation à deux niveaux, celui de l'interopérabilité et celui des standards industriels en permettant à des acteurs industriels d'avoir accès à un marché unifié dans l'ensemble des pays européens. Je souhaiterais savoir quels sont vos interlocuteurs et vos fournisseurs actuels et potentiels en la matière. Sont-ils français, européens, canadiens, etc. ?
Les territoires ruraux sont inquiets, ils redoutent les conclusions du futur rapport de Monsieur Spinetta et en particulier la remise en cause de certaines dessertes. Je pense, en l'occurrence, dans ma circonscription des Vosges, à Remiremont ou à des gares telles que Saint-Dié et Épinal. Il est important que tous les Français aient les mêmes chances de pouvoir voyager, que toutes les entreprises puissent se montrer attractives pour intéresser des investisseurs, que tous les territoires puissent s'ouvrir et proposer un accès rapide, outre Paris, à toutes les capitales européennes. Quelle est la position de la SNCF sur le maintien des dessertes TGV, notamment dans les territoires ruraux, et donc le maintien de sa contribution au maillage du territoire français ?
Dans un rapport d'information de 2016, notre collègue sous la précédente législature, Gilles Savary, spécialiste des sujets ferroviaires, soulignait qu'il convenait : « de ne pas laisser croire que les règles européennes empêchent l'exercice des missions de service public. Dans le cadre de la mise en oeuvre du 4ème paquet, les autorités publiques continueront de conclure des contrats incluant toutes les obligations de service public qu'elles souhaitent y inclure, avec une compensation à due concurrence par des subventions, c'est-à-dire par des aides d'État. » Ma première question est donc simple : jusqu'où peut-on aller en matière de droit à la concurrence dans la mise en oeuvre de ce 4ème paquet ferroviaire ? Deuxièmement, n'y a-t-il pas un risque que les nouveaux entrants sélectionnent les lignes ou les tranches horaires les plus rentables au détriment d'une offre complète en termes de destination et d'horaire, avec des répercussions négatives sur nos territoires ? Cela soulève également la question des critères d'attribution des appels d'offres et de l'attribution des contrats au moins-disant sans nécessairement tenir compte de la qualité du service rendu, en particulier en l'absence d'harmonisation des normes sociales et des règles de sécurité au niveau européen. Enfin, quelles seront les conséquences de la mise en concurrence sur la gestion de la dette et sur l'organisation en trois EPIC de la SNCF ? Ces trois EPIC sont-ils suffisants ? L'exemple allemand ne présente-t-il pas de l'intérêt par rapport à la structure française ?
Vous avez indiqué que l'on doit s'engager vers la concurrence, vous comprendrez cependant que les élus des territoires puissent s'en inquiéter. La concurrence sera–t-elle en effet mise en oeuvre au bénéfice des territoires et des usagers ? D'ores et déjà, l'on constate d'énormes différences tarifaires en fonction des heures et des trajets. Concernant les trains Intercités, auparavant gérés par la SNCF, ils vont, pour certains d'entre eux, être repris par les régions. Qu'en est-il des relations interrégions, afin que la circulation de ces trains puisse être pérennisée ? Je voudrais à cet égard exprimer mon inquiétude en qualité d'élu de l'Orne, de représentant d'un territoire entre Caen et Tours, car j'ai le sentiment que cette ligne ne sera plus desservie. Je souhaite également vous interroger sur le futur statut des personnels gérés par la SNCF. Ce statut sera-t-il préservé lors du transfert de ces personnels ? Enfin, concernant les investissements, seront-ils toujours maintenus ? Il pourrait en effet être aisé de tuer une ligne par défaut d'investissement suffisant.
Je souhaite vous interroger sur l'évaluation des effets concrets de l'ouverture à la concurrence prévue par le 4ème paquet ferroviaire, notamment en ce qui concerne l'égalité des territoires du point de vue de la desserte, de la fréquence, du confort, de la maintenance et du renouvellement du matériel. Quel serait le coût éventuel pour les finances publiques d'une telle ouverture à la concurrence ? Ainsi que vous l'avez évoqué, l'ouverture à la concurrence du fret, mal préparée, s'est traduite par une chute de l'activité. Cette expérience représente à certains égards un contre-modèle. Par ailleurs, le 4ème paquet emporte la privatisation des services en gare puisqu'il ne permet plus de maintenir « Gares & connexions » à l'intérieur de l'EPIC SNCF Mobilités. Une partie des inquiétudes se porte en outre sur des éléments que vous avez évoqués, à propos de l'harmonisation des règles sociales au moyen d'une convention collective. Les syndicats ont d'ores et déjà pu constater que l'ouverture à la concurrence, qui s'est accompagnée de la multiplication de filiales, s'est traduite par une réduction de salaires et par davantage de flexibilité au sein de l'organisation. Dès lors, on ne peut que redouter que s'accroissent les menaces de changement de statut pour les cheminots. Je voudrais donc avoir des précisions sur ce que vous entendez en termes de concurrence équitable s'agissant du statut et des conditions de travail des salariés de la SNCF.
Monsieur Mendes, la qualité de la ligne Metz-Luxembourg, saturée, n'est pas satisfaisante, avec des problèmes d'exploitations qui relèvent de notre responsabilité, c'est vrai. Sur l'impact de la concurrence pour la SNCF et ses clients, il ne faut pas avoir une approche idéologique. Cette concurrence va advenir, il faut donc se poser une seule question : comment en faire rapidement un succès, c'est-à-dire, à mes yeux, plus de voyageurs dans les trains, plus satisfaits de la qualité des services, avec des trains qui coûtent moins cher aux usagers et aux régions. Ce ne sera pas simple, c'est vrai.
Monsieur Bourlanges, trois raisons principales expliquent l'échec de la libéralisation du fret ferroviaire : la France est restée un pays du tout camion ; au plan social le secteur ferroviaire est hyperrégulé alors que le secteur routier est lui sous-régulé et cet état des choses ne changera pas avec la simple ouverture à la concurrence ; enfin, le choix de privilégier la grande vitesse a rendu le réseau français difficile à exploiter pour les opérateurs de fret.
Monsieur Pueyo et Monsieur Naegelen, la ministre des transports, Mme Élisabeth Borne, a été très claire sur la question des dessertes : elle assume une remise à plat du modèle du TGV, tant en ce qui concerne les dépenses que les recettes, après la phase de concertation en cours. Laissons le temps à la réflexion, jusqu'à fin janvier 2018 selon les indications de Mme Borne, et gardons-nous de tirer dès aujourd'hui des conclusions hâtives ! Notre réseau TGV dessert près de 200 villes, une desserte aussi fine est unique au monde ! Or je souligne que les coûts d'exploitation d'un TGV – 500 sièges – sont supérieurs de 30 % à ceux d'un TER.
Monsieur Chassaigne, les missions de service public sont, en France, remplies tant par des entreprises publiques que par des entreprises privées, et les unes ne sont pas moins efficaces que les autres. Le point essentiel, c'est le contenu des missions de service public, et leur financement. Je fais confiance aux régions pour fonder leurs choix sur un rapport qualité-prix. Enfin, la concurrence peut être mise en place sans que soit porté atteinte au statut ; cela passe par un transfert des personnels avec un « sac à dos social », selon l'expression des experts du droit du travail : les personnels transférés à un nouvel opérateur conserveraient un certain nombre de leurs garanties sociales au moment du transfert, comme cela se passe aujourd'hui dans le transport urbain. Des précédents existent qui montrent que la concurrence n'est pas contradictoire avec l'avenir d'un statut des personnels, cela dépendra de négociations avec les partenaires sociaux qui n'ont pas encore débuté.
Monsieur Bourlanges, l'Europe compte aujourd'hui quatre industriels majeurs en matière de signalisation ferroviaire, Ansaldo STS – société italienne à filiale du groupe japonais Hitachi –, Siemens, Thales et Alstom. Elle n'en aura donc plus que trois l'année prochaine. Leur production doit répondre aujourd'hui aux spécificités de chaque système national. L'ERTMS niveau 2 permettra une convergence vers un système européen unique, même s'il permet encore une « personnalisation nationale » ; une standardisation au niveau européen est à mon avis dans l'intérêt de tous les acteurs, compte tenu des économies d'échelle que peut générer le marché européen. Une précision enfin sur la conception même du réseau français, peu maillé et partagé entre le trafic fret et le trafic voyageurs. La conséquence, c'est une relative absence d'itinéraires alternatifs pour les trains de fret en heure de pointe, contrairement par exemple à l'Allemagne, dont la géographie explique le maillage plus dense du réseau. La conséquence c'est que les trains de marchandises s'arrêtent en France, et pas en Allemagne, d'où l'importance de réaliser les contournements des noeuds ferroviaires importants, notamment celui de Lyon, pour scinder les flux de fret et ceux de voyageurs. C'est d'autant plus nécessaire que le trafic TER sur ces grands noeuds ferroviaires a augmenté, réduisant par ricochet les sillons disponibles pour le fret.
La dette est un élément majeur pour l'ensemble de notre système ferroviaire. Aujourd'hui dans un contexte de taux bas et compte tenu de notre statut d'EPIC qui fait que les prêteurs considèrent avoir une garantie implicite – j'insiste sur ce mot, il n'y a pas de garantie réelle – de l'État, ce qui nous permet d'emprunter dans d'excellentes conditions, nos frais financiers s'élèvent pourtant à 1,3 milliard d'euros chaque année. Le test de valeur annuel conduit à poser également chaque année la question d'une éventuelle consolidation d'une partie de cette dette dans la dette de l'État. Cette situation est à mes yeux fragile, et la mission confiée à M. Spinetta doit permettre de trouver les moyens de remédier à cette fragilité. Stabiliser l'ensemble de la situation financière du système ferroviaire français est indispensable. Je suis favorable à une reprise partielle ou totale de cette dette, mais je rappelle aussi l'engagement de SNCF Réseau à faire des efforts notables de productivité : 1,2 milliard à horizon de 10 ans et 500 millions d'euros à horizon de 5 ans.
La révision en cours de la directive Eurovignette, peut nous permettre d'apporter des financements additionnels pour des infrastructures de transports et favoriser le report modal de la route vers d'autres moyens de transport, au bénéfice donc potentiellement du fret ferroviaire, insuffisamment développé en France Quelle est votre position sur ce sujet ?
Le Président de la République a maintes fois rappelé l'importance qu'il attache à l'accélération de la transition écologique et énergétique. La question des transports en est un élément crucial. Quelles sont les perspectives de la SNCF en la matière ? Quels projets innovants développez-vous dans ce cadre ? Je suis très attentif au maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg, or l'accessibilité est un aspect souvent mis en avant par les partisans d'un transfert. Quelles actions la SNCF peut-elle entreprendre, seule ou avec ses partenaires, pour améliorer les liaisons de Strasbourg avec Bruxelles, Luxembourg, mais aussi le hub aéroportuaire de Francfort ?
Vous nous avez demandé, Madame la Présidente, de nous en tenir au cadre européen, je vais vous obéir, en dépit des nombreuses questions qui se posent dans le Pas-de-Calais, et notamment dans le Béthunois ! L'ouverture des liaisons à grande vitesse à la concurrence est en fait possible depuis 2010 et nos grands voisins immédiats ont utilisé cette possibilité. En France, de nombreuses barrières à l'entrée demeurent pour accéder au réseau, par exemple l'agrément de circulation ou les équipements de sécurité obligatoires, mais aussi la situation de saturation des gares de Paris ou des métropoles. Comment lever ces obstacles ?
Vous l'avez souligné, une large concertation est en cours dans différentes instances, Assises de la Mobilité, mission de Monsieur Spinetta… Quel est à votre connaissance l'état d'avancement de cette concertation ? Comment le groupe SNCF est-il impliqué dans ces différentes instances ? Quelles mesures préconisez-vous en vue de la finalisation de l'ouverture à la concurrence portée par le quatrième paquet ferroviaire ?
Élu de la circonscription qui couvre le Benelux, je partage les propos de mon collègue Ludovic Mendes sur les difficultés quotidiennes que rencontrent nos compatriotes entre la Lorraine et le Luxembourg, mais, je le souligne, aussi entre la Belgique et la France. La Commission européenne a proposé le 20 septembre dernier la mise en place d'un point de contact frontalier. Est-ce de nature à améliorer une mobilité transfrontalière qui est un symbole de la construction européenne ? Vous avez souligné en préambule la nécessité de conditions de concurrence équitables entre tous les acteurs, or la SNCF part avec deux handicaps, la dette et des dessertes TGV pas toutes rentables. De quelles armes disposez-vous ? Enfin, qui dit nouveaux entrants, dit nouvelles infrastructures pour les gares. La modernisation en cours, notamment des gares parisiennes, prend-elle en compte cette perspective ?
Monsieur Pichereau, la révision de la directive Eurovignette est une excellente chose, et peut en effet permettre de rééquilibrer progressivement les conditions de concurrence entre la route et le rail. Les propositions de la Commission dans le Paquet Mobilité vont dans la bonne direction ; il faudra veiller au maintien de ce cap dans la phase des discussions !
Monsieur Michels, à la place d'un projet de train classique Bruxelles-Luxembourg-Strasbourg avec un temps de trajet de 4 ou 5 heures, nous avons fait le choix de la solution de la grande vitesse entre Bruxelles et Strasbourg en contournant Paris, au bénéfice je pense des clients, même si on peut toujours s'améliorer. S'agissant de la desserte de l'aéroport de Francfort, je ne pense pas, en toute franchise, que le rôle de la SNCF soit de favoriser le hub de Francfort au détriment des aéroports français.
Madame Tanguy, alors que l'avenir du ferroviaire fait l'objet de débats, de rapports – y compris parlementaires – depuis 25 ans, l'élément nouveau dans la démarche actuelle, c'est la volonté affirmée de décider. À l'issue de cette phase de concertation, tous les acteurs politiques ont indiqué que des propositions seraient faites début 2018 pour une stratégie ferroviaire. Nous participons en toute transparence à cette concertation en fournissant toutes les données nécessaires dans cet objectif.
Sur le transport international et transfrontalier, je voudrais citer trois projets de nature à améliorer sensiblement le transport transfrontalier. Tout d'abord, le projet CEVA entre Genève et Annemasse : nous sommes en train avec nos homologues suisses de construire un RER entre Genève et toute la région d'Annemasse. C'est un projet très important de notre côté comme du côté suisse, qui changera radicalement les transports ferrés et les transports, de manière générale, dans cette région. Le deuxième projet en cours est la ligne Belfort-Delle, également entre la Suisse et la France et qui devrait être mise en service dans un an ou deux. Le dernier projet est l'amélioration de la desserte sur Saint-Sébastien. Vous savez que l'écartement des voies en Espagne n'est pas le même qu'en France et nous avons un projet en cours pour mettre au même écartement les voies sur le pays basque espagnol, de manière à améliorer les relations ferrées entre la région de Saint-Sébastien et le pays basque français.
Aujourd'hui, on garde les deux écartements et on peut passer de l'un à l'autre, c'est-à-dire qu'il peut y avoir des trains avec les anciens écartements sur ces mêmes voies.
Sur la transition énergétique, le transport par train est le transport mécanisé le plus vertueux en matière écologique puisque, si l'on compare, les émissions des gaz à effet de serre des trains sont 25 fois inférieures à celles des voitures. Le grand projet qu'il faut poursuivre dans le ferroviaire est finalement assez simple : il s'agit de maximiser l'usage ferroviaire à moindre coût. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'accélérer la transition des systèmes de signalisation avec l'ERTMS 2, car cela permettra de faire circuler plus de trains dans les parties du réseau où cela est pertinent. Tout cela permettra donc d'augmenter le transport ferré et de participer à la transition énergétique.
J'aimerais également citer un élément important : nous avons lancé l'année dernière un programme de green bonds, c'est-à-dire d'obligations vertes qui sont réservées au financement de projets à faible empreinte carbone ou qui favorisent par exemple la biodiversité, en d'autres termes, des projets écologiques au sens large. Dans ce cadre, nous avons affecté ces financements à deux types de projets : d'une part, des projets de développement comme celui de lignes à grande vitesse - ce sont des obligations vertes qui ont cofinancé la fin de la ligne Sud Europe Atlantique, par exemple - et, d'autre part, des projets de renouvellement de nos infrastructures. Nous avons mis au point, avec Carbone 4, une méthode très détaillée de calcul de l'empreinte carbone, incluant à la fois l'impact carbone des chantiers et la prise en compte des émissions qui ont été évitées du fait du report modal qui serait survenu en l'absence de travaux (si on ne rénove pas nos voies, des limitations de vitesse doivent être mises en place, peu à peu le ferroviaire devient moins attractif, et s'opère alors un transfert modal vers un mix avion, voiture et autocar). Ce qui est très intéressant dans cette étude, c'est que le renouvellement des voies existantes est plus vertueux en matière écologique que la construction de nouvelles voies. La neutralité carbone, c'est-à-dire le nombre d'années au terme duquel les émissions carbone du chantier ont été compensées par des évitements de carbone, est de 3,3 ans quand on fait de la rénovation de lignes et de 7,5 ans quand on crée une nouvelle ligne. La rénovation des lignes existantes et les nouveaux systèmes de signalisation sont, de mon point de vue, le meilleur projet écologique que l'on puisse mettre en place aujourd'hui dans le ferroviaire, étant précisé que l'on parle des zones qui ont un potentiel : si les trains sont vides, il est évident que le transport n'est pas écologique. Donc ce n'est pas le cas partout, mais ça l'est incontestablement sur les 15 000 km de lignes qui sont aujourd'hui très saturés.
Pour l'accès au réseau et le sujet de Gares & Connexions, il est clair qu'avec l'ouverture à la concurrence, Gares & Connexions ne pourra pas rester dans Mobilité car il y aurait un potentiel conflit d'intérêts. Il appartient donc au Gouvernement et au Parlement de décider où ira Gares & Connexions lorsqu'il sortira de Mobilité. Il pourrait aller soit vers une troisième entité opérationnelle (EPIC, société, organisation), soit être mis dans Réseau. Ces deux options présentent des avantages et des inconvénients. La position que j'ai déjà exprimée sur ce sujet est que la stratégie de Réseau est extrêmement claire aujourd'hui : il s'agit de rénover le réseau existant et de moderniser ce réseau à travers de nouveaux systèmes beaucoup plus efficaces, notamment s'agissant de la maintenance prédictive où le big data et la numérisation du réseau contribuent à faire baisser les coûts de maintenance. Le métier de Gares & Connexions est, quant à lui, différent dans la mesure où il traite d'abord des flux de passagers importants, des services et où il est aussi une entité très importante dans la dynamisation des villes. Nous avons en effet aujourd'hui un nombre important de projets avec les municipalités autour des gares. Tous ces éléments illustrent donc une autre stratégie. Regrouper Gares & Connexions et Réseau présente l'inconvénient de développer, pour les équipes, deux stratégies différentes en parallèle et je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment pour opérer ce type de regroupement.
Non, parce qu'il y a une coordination, il y a une interface entre Gares & Connexions, le gestionnaire des quais transversaux et des bâtiments de gare, et le propriétaire des voies, SNCF Réseau. Il y a des interfaces importantes entre les entités et cela fonctionnerait plus facilement si elles étaient réunies. Mais les interfaces peuvent être gérées efficacement, notamment grâce à des systèmes de management.
Ce que nous pensons, Patrick et moi, en raison de notre expérience, c'est que les gares sont à la fois du béton et des clients. Aujourd'hui les gares sont complètement orientées du côté des clients et cela n'est pas possible avec l'ouverture de la concurrence. Mettre les gares du côté de l'infrastructure risque de passer quelque peu sous silence la dimension clients et notamment les métiers parce qu'il y a beaucoup de personnel d'accueil et commercial dans les gares. Comme vient de le dire Patrick, si vous mettez ces personnels dans Réseau, c'est-à-dire dans des métiers de travaux et de maintenance de l'infrastructure, ils seront un peu isolés. Au total, c'est de toute façon le Parlement qui décidera quelle solution privilégier. Notre sentiment est que la solution la plus raisonnable est celle qui existe dans de nombreux pays et qui consiste à créer une société publique des gares. L'avantage d'une structure publique est qu'elle peut conclure des partenariats avec les régions et avec les investisseurs. Aujourd'hui on investit dans les gares environ 250 millions d'euros par an alors qu'il faudrait mettre 100 à 150 millions d'euros supplémentaires pour être capable de moderniser suffisamment rapidement la totalité des gares.
Sur les agréments de circulation et sur la difficulté de les obtenir, je rappelle que cela est inhérent à tout système ferroviaire. Il y a exactement la même chose en Italie ou en Allemagne, par exemple : quand un train français veut aller en Italie, il faut qu'il s'équipe et qu'il soit agréé par les autorités italiennes. L'agrément de circulation est donné, pour le matériel roulant, par l'établissement public de sécurité ferroviaire et non par la SNCF. Après l'agrément, il y a aussi une autorisation de circulation ligne par ligne car le système et la technique ferroviaires français datent de 1850 environ et il existe des spécificités sur chaque ligne. La SNCF date de 1937, ce qui signifie que l'on a des systèmes technologiques différents qui coexistent en France et en Europe. Les gabarits sont également différents, c'est notamment le cas des tunnels entre la France et l'Italie. Par conséquent, avant qu'un train et une locomotive étrangers puissent circuler sur le réseau français, il faut vérifier au préalable qu'ils peuvent passer partout en toute sécurité. Il faut donc mener des études ponctuelles, assez longues, sur chacun des itinéraires. Il s'agit de sujets assez compliqués mais qui se posent de la même manière pour tous les États et cela est inévitable étant donné que nous avons des systèmes nationaux, voire régionaux, qui sont différents. Peu à peu, tout cela devrait converger mais cela prendra du temps. L'Union européenne a un rôle moteur à jouer pour faire converger, en temps voulu, tous nos systèmes. Il n'y a pas de volonté de ne pas faire, mais il y a la réalité physique et technique du terrain qu'il faut prendre en compte.
Le projet de LGV entre Paris et Hendaye comportait un double intérêt : un intérêt pour notre territoire qui est en pleine expansion démographique et économique et un intérêt pour relier la France et l'Europe à deux États européens, l'Espagne et le Portugal. C'est d'ailleurs, je crois, la raison pour laquelle l'Union européenne a accepté de financer la tranche entre Dax et Hendaye. L'abandon du projet de LGV entre Bordeaux et Hendaye remet en cause la qualité des liaisons entre la France et ces deux États du sud de l'Europe. Pour les actifs du pays basque en particulier, et même du Béarn, le train n'est malheureusement pas une alternative sérieuse par rapport aux transports aériens. Par ailleurs, le transport de marchandises est multiplié par deux tous les sept ans sur l'autoroute entre Bayonne et Bordeaux, ce qui pose des problèmes de trafic et également des questions environnementales. Ma question est donc simple : comptez-vous améliorer et, si oui, dans quels délais, la desserte ferroviaire entre Bordeaux et Hendaye pour améliorer le trafic voyageur et fret, d'une part, et pour permettre une liaison plus aisée avec l'Espagne et le Portugal, d'autre part ?
Nous avons beaucoup entendu qu'il fallait se préparer à l'ouverture à la concurrence et notamment être prêts pour faire face à toutes les compagnies qui pourraient venir sur le territoire français. Aujourd'hui nous sommes dans un contexte où la balance du commerce extérieur est très dégradée et ce, depuis un petit moment. Je suis donc intéressée par les points forts et les points faibles de vos entreprises pour vendre vos compétences sur les autres marchés européens et contribuer ainsi à l'amélioration de cette balance extérieure. Par ailleurs, où en est votre programme d'open data. Cela permet à des entreprises de créer de nouveaux services par rapport à ce que vous proposez déjà, mais comment vous positionnez-vous par rapport à cette offre renouvelée de services ?
À l'occasion du sommet franco-italien de septembre dernier, les deux pays ont réaffirmé l'enjeu économique et stratégique que représente la section transfrontalière de la ligne ferroviaire Lyon-Turin pour les deux pays, mais aussi pour l'Europe. Cette réalisation fait partie des réseaux transeuropéens de transports dont la réalisation repose sur des accords internationaux. Quelles relations la SNCF et SNCF Réseau entretiennent-elles avec la société qui gère aujourd'hui le projet, tant au niveau de la réalisation, qu'ensuite au niveau de la gestion de la future ligne Lyon-Turin. Par ailleurs, vous avez annoncé votre intention d'internationaliser l'activité de la SNCF d'ici à 2025, notamment en réalisant la moitié de votre chiffre d'affaires à l'étranger. Quelles seront, selon vous, les conséquences économiques de cette liaison Lyon-Turin pour la SNCF et notamment sur le fret ?
À propos du Lyon-Turin, j'ai souvenir d'un rapport d'inspecteurs généraux et d'ingénieurs qui était assez défavorable au projet compte tenu de son coût très considérable et de l'absence, selon le rapport, de perspectives de réelle augmentation du trafic voyageurs entre ces deux villes. Ma question est très simple : était-il absolument indispensable de percer les Alpes et était-il totalement impossible d'améliorer la ligne traditionnelle par Vintimille et par la Ligurie ? Ma seconde question rejoint les préoccupations de M. Michel et de Mme Obono. En ce qui concerne la liaison avec Strasbourg, il semble qu'au départ de la gare de l'Est, on ait le choix très souvent entre un TGV et un ICE allemand. Est-ce cela l'ouverture à la concurrence ? Sinon, qu'est-ce que l'ouverture à la concurrence va changer concrètement dans l'offre, par exemple, sur cette ligne ?
J'ai oublié, tout à l'heure, de répondre à la question de M. Pueyo sur la liaison Caen-Tours. Les décisions qui ont été prises, c'est le transfert de cette ligne, qui était une ligne d'État, au Conseil régional de Normandie qui deviendra l'autorité organisatrice à partir du 1er janvier 2020. C'est donc le Président Morin et son équipe exécutive qui prendront les décisions pour ce qui concerne les dessertes entre Caen et Tours.
Je remercie Madame Hennion d'avoir parlé de l'international, car cela représente un tiers de l'activité de la SNCF. C'est un élément complètement méconnu par 99 % de nos interlocuteurs, cela représente 10 milliards d'euros et nous sommes, à notre petite échelle, un champion industriel, comme peuvent l'être EDF et d'autres grandes entreprises. De ce point de vue-là, autant en France, nous avons des problèmes de service, de réputation, d'image, autant dès que nous franchissons nos frontières, la SNCF fait partie du tout petit club des deux ou trois entreprises ferroviaires qui ont une réputation internationale extrêmement forte.
En réponse à la question qui est posée de la balance des échanges, je voudrais insister sur le fait que l'international rapporte en France des emplois et de la croissance : près de 5 000 personnes de la SNCF travaillent pour l'export et la croissance à l'international est de l'ordre de 10 % environ, ce qui veut donc dire que l'international est une locomotive – sans mauvais jeu de mots – pour le développement et l'attractivité de la SNCF. Enfin, nous apprenons énormément en faisant du chemin de fer, du tramway ou du métro automatique, par exemple, à l'étranger et nous en tirons des leçons pour nos activités en France. C'est peu connu mais nous sommes le numéro un mondial du métro automatique et du tramway et lorsque l'on en fait en France, on apprend de ce qu'on a fait à Melbourne, à Bergen ou à Manchester. Nous pouvons ensuite offrir les solutions techniques nouvelles, les organisations du travail, les services numériques à Tours, à Lille ou à Lyon, parce que nous les avons expérimentés ailleurs.
Nous avons la fierté d'être, d'après tous les classements, la première entreprise de France en termes d'open data. L'ensemble de nos API, c'est-à-dire de nos prises avec l'écosystème digital, fait que nous avons 4 000 start-up qui travaillent avec nous sur les données de la SNCF, qu'il s'agisse des données du trafic en temps réel, sur les incidents, sur la clientèle, les trafics. Enfin, nous avons un modèle freemium qui est un horrible néologisme entre free et premium, c'est-à-dire free, gratuit pour ce qui est des start-up, qui accèdent gratuitement à nos données, et premium, lorsqu'il s'agit d'une très grosse entreprise type GAFA auxquelles nous vendons nos données, puisque ce sont des acteurs qui ont des modèles commerciaux extrêmement profitables. Suivant la nature de notre interlocuteur, l'accès à nos données est différent.
Un dernier mot pour répondre à la question de M. Gollnisch sur la desserte de Strasbourg. Nous avons choisi avec Deutsche Bahn un modèle de coopération plutôt que de concurrence, tout simplement parce que l'essentiel du trafic entre nos deux pays se fait par avion. Le chemin de fer ne représente que 20 % du trafic et nous avons donc pensé avec nos collègues allemands qu'il valait mieux que l'on soit ensemble face à l'avion plutôt qu'en concurrence. Nous avons une quinzaine de trains et un voyageur peut acheter son billet en Allemagne et voyager dans un TGV ou acheter son billet en France et voyager dans un ICE, bref prendre indifféremment n'importe quel train. Si nous étions en concurrence, cela ne serait pas possible. Le modèle de coopération que nous avons choisi fonctionne plutôt bien et j'espère que cela nous permettra de faire un meilleur service transfrontalier.
Contrairement à la ligne Paris-Strasbourg où existe une coopération entre la SNCF et la Deutsche Bahn, il existe plusieurs opérateurs concurrents pour la ligne Bruxelles-Cologne, exploitée par la compagnie Thalys, franco-belge, et par des trains ICE de la Deutsche Bahn. Pour les clients, la principale différence c'est que les billets ne sont pas échangeables, donc le choix d'une compagnie vous oblige à voyager dans un train de cette compagnie.
M. Vincent Bru, concernant la liaison ferroviaire avec le Pays Basque, depuis le 2 juillet dernier, la desserte offerte par la ligne Sud Europe Atlantique s'est nettement améliorée, avec un gain d'une heure sur la durée du parcours pour un trajet Paris-Pau. Quant au Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest, c'est-à-dire le projet d'une ligne à grande vitesse jusqu'à Dax puis vers l'Espagne, il relève de la décision politique de l'État. La SNCF a pour rôle d'éclairer la décision politique en fournissant des études socio-économiques sur la pertinence de cette nouvelle liaison à grande vitesse, mais c'est au final l'État qui doit trancher. La priorité donnée aux lignes à grande vitesse depuis trente ans s'est traduite par une détérioration des conditions de voyage sur le réseau classique ou pour les liaisons périurbaines. Nous avons aussi trop longtemps négligé la question des noeuds ferroviaires, c'est-à-dire l'accès aux grandes gares. Les réseaux d'approche de ces gares sont aujourd'hui totalement saturés, ce qui crée des goulets d'étranglement, notamment en cas de panne, car il est alors impossible de trouver un itinéraire de contournement pour assurer la fluidité du reste du trafic. Certaines gares sont clairement aujourd'hui sous-dimensionnées, comme celle de Marseille par exemple. La mission confiée à M. Jean-Cyril Spinetta sur la refonte du modèle ferroviaire permettra de présenter un certain nombre de priorités d'investissement pour parvenir à une meilleure utilisation du réseau. Cela ne veut pas dire qu'aucune nouvelle ligne à grande vitesse ne sera décidée, mais avec une enveloppe financière contrainte, il faudra faire des choix.
Sur le fret, sujet très sensible pour le Grand Ouest compte tenu de l'importance du trafic routier de marchandises vers et depuis l'Espagne, je me félicite de la décision prise par l'État d'accorder à la SNCF des crédits pour des études sur l'adaptation du gabarit des tunnels ferroviaires, en vue de permettre à des trains de transporter des camions ou des conteneurs. L'idée est de créer une autoroute ferroviaire dédiée au fret, sur le Grand Ouest jusqu'en Espagne. De son côté, l'État a aussi lancé un appel à projet pour que des opérateurs de fret étudient les possibilités du fret ferroviaire sur cet axe.
Concernant l'open data, la branche SNCF Réseau a diffusé une centaine de jeux de données concernant les caractéristiques techniques de notre réseau. Certaines « start-up » sont très intéressées par ces données, notamment pour proposer des services liés à la « maintenance prédictive », par exemple en cas de risque de surchauffe des rails lors de fortes chaleurs : la vitesse des trains doit être limitée pour des raisons de sécurité et des personnels doivent se déplacer le long des voies pour réaliser des mesures de température ; grâce à une innovation mise au point par une start-up, nous sommes en train d'automatiser ces relevés de température en installant des capteurs thermiques sur les voies. Cet exemple est emblématique d'une bonne coopération entre les start-up et notre groupe. Pour cette innovation déployée dans la région toulousaine, il a fallu seulement un an et demi entre la phase des essais et la phase opérationnelle, alors qu'il faut habituellement trois années, car les procédures d'homologation de sécurité prennent toujours du temps.
Concernant la liaison Lyon-Turin, notre groupe n'est pas le gestionnaire d'infrastructure, c'est le consortium international qui est chargé de la construction du tunnel qui sera ultérieurement en première ligne. Néanmoins ce grand projet nous concerne au premier chef, car ce tunnel devra être relié au réseau ferroviaire français, suisse et italien. Pour que cette infrastructure soit utilisée de manière optimale, il faut définir une nouvelle stratégie pour le fret ferroviaire, en forte baisse ces dernières années du fait de la crise économique et des problèmes de qualité de service.
L'accident survenu dans le corridor ferroviaire de la Vallée du Rhin, en raison d'un affaissement d'un tunnel à Rastatt a mis en lumière l'interconnexion des réseaux européens. C'est le principal axe de trafic intermodal en Europe, puisqu'il permet aux marchandises arrivées dans les ports de Rotterdam ou d'Anvers d'être ensuite acheminées par voie ferroviaire. Environ 50 % des volumes de marchandises entre le nord de l'Europe et l'Italie via la Suisse passent par cet itinéraire. Cette interruption du trafic nous a obligés à trouver des solutions via le réseau français. Nous avons réussi à dégager soixante sillons par jour pour permettre à ce fret d'être acheminé vers l'Italie, via la Suisse, mais l'expérience a montré combien le fret ferroviaire était fragilisé du fait de ne pas disposer d'une voie dédiée au fret. C'est tout l'enjeu de la construction du tunnel Lyon-Turin. Cet incident a été fort instructif pour révéler les faiblesses actuelles du modèle économique du fret ferroviaire européen : ce n'est pas qu'une question d'infrastructure, c'est aussi un problème d'exploitation. Comment par exemple faire en sorte que des conducteurs de locomotives allemands puissent être en mesure de passer sur des matériels ferroviaires français, alors qu'ils ne parlent pas notre langue ? Aurait-il été préférable de moderniser le réseau existant et d'utiliser l'axe ferroviaire qui passe par Vintimille plutôt que de construire cette infrastructure dans l'axe alpin ? La réponse est claire, le réseau qui passe par la vallée du Rhône et la Côte d'Azur est déjà saturée par le transport voyageur. Pour développer le fret ferroviaire à destination de l'Italie en passant par la Provence, il faudrait créer une deuxième ligne ferroviaire, ce qui est impossible du fait de la densité de l'habitat et des caractéristiques du relief. Développer l'axe Lyon-Turin était donc nécessaire, même si le tunnel paraît surdimensionné au regard du trafic fret actuel. Le véritable enjeu est donc de parvenir à refaire gagner des parts de marché au fret ferroviaire par rapport au fret routier.
Je vous remercie pour ces interventions fortes intéressantes qui nous inciteront à suivre l'actualité ferroviaire européenne.
II. Communication des référents de la commission des affaires économiques sur l'ouverture des négociations des accords de libre-échange avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande
Notre commission examine aujourd'hui deux propositions de décision du Conseil autorisant la Commission européenne à ouvrir des négociations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange qui nous ont été transmises au titre de l'article 88-4 de la Constitution. À ces deux propositions de décision sont joints deux projets de mandat fixant les objectifs de ces négociations. Il ne faut pas s'étonner de telles propositions de décision, car la Commission européenne fait preuve d'un véritable activisme en matière de négociations commerciales. Profitant à l'évidence du retrait américain consécutif à l'élection de Donald Trump, elle négocie aujourd'hui neuf nouveaux accords de libre-échange, notamment avec le Mercosur et le Japon ainsi que l'actualisation des 4 accords de libre-échange en vigueur avec le Mexique, l'Azerbaïdjan, la Tunisie et le Maroc. Au total, ce sont 13 négociations commerciales qui sont menées en parallèle, auxquelles la Commission veut donc ajouter deux nouvelles.
Or, cette accumulation de négociations commerciales peut poser des problèmes en raison des concessions qu'implique tout accord de libre-échange. En effet, comme les pays du Mercosur, l'Australie et la Nouvelle-Zélande figurent parmi les principaux pays exportateurs de produits agricoles, notamment pour la viande ovine et le lait. On peut donc craindre que l'Union européenne, comme elle l'a fait pour le porc et le boeuf dans le CETA, n'accorde à ces deux pays des quotas d'exportations libres de droits pour ces deux produits qui viendront déstabiliser les filières de production européennes et en particulier françaises. Ce risque est évident et notre commission comme l'ensemble des Parlements nationaux, doit le garder à l'esprit. Au-delà de ce risque particulier, ces deux propositions de décision posent également des questions s'agissant du contrôle démocratique qui doit être fait des négociations commerciales.
Les négociations commerciales menées par la Commission européenne au nom des Etats-membres ont pendant longtemps été secrètes. Les peuples européens en étaient tenus à l'écart, comme les Parlements nationaux dont le seul pouvoir était de se prononcer par oui ou non sur l'accord de libre-échange, une fois les négociations achevées. Cette situation n'était pas satisfaisante et il faut se réjouir qu'elle ait changé depuis quelques années, en raison notamment de la mobilisation de la société civile et des Parlements nationaux, en particulier en France. Les mandats de négociations sont désormais rendus publics et la Commission européenne publie également ses positions de négociations et des comptes rendus détaillés des sessions de négociations. Le ministre chargé du commerce extérieur était également régulièrement auditionné par notre Commission sous l'ancienne législature. Il faudra veiller, Madame la présidente, à ce que ces auditions se poursuivent à l'avenir.
Toutefois, si la transparence des négociations commerciales s'est améliorée, de nombreux progrès restent encore à faire, afin que le contrôle démocratique de celles-ci soit pleinement assuré. En effet, être informé de ce qui se passe lors de ces négociations est une bonne chose, mais être associé aux négociations serait meilleur. C'est le sens de ce que propose le Gouvernement qui a notamment repris les recommandations du groupe de travail de la majorité sur le CETA. Plus généralement, dans le cadre des négociations en cours et des mandats à négocier, le Gouvernement français s'engage au plus haut niveau de transparence et d'association de la Représentation nationale dans la définition de ses positions de négociation, dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs établi par la Constitution. Le Parlement français sera associé en amont des négociations, au moment de la discussion des mandats ; les membres du Gouvernement informeront et échangeront avec les commissions compétentes tout au long de la conduite des négociations commerciales ; le diagnostic du gouvernement sur les études d'impact sera partagé avec le Parlement.
C'est la raison pour laquelle, avec ma collègue, je recommande à notre commission d'acter ces textes. J'insiste fortement sur la nécessité, pour la Représentation nationale, de suivre très attentivement le déroulement de ces négociations et de garder à l'esprit nos points de vigilance.
La Commission européenne a une compétence exclusive en matière de négociation commerciale depuis le Traité de Rome et l'Union européenne a signé de très nombreux accords de libre-échange. Toutefois, force est de reconnaître que la transparence n'est toujours pas au rendez-vous. D'ailleurs, il ne peut en être autrement, car les négociations doivent rester secrètes, dans l'intérêt même de l'Union européenne qui ne peut révéler sa stratégie à son partenaire, qui est aussi souvent un concurrent. Sur le fond, ma position n'a pas changé : je suis hostile à la notion même de libre-échange. Certes, il est normal d'avoir des échanges commerciaux, qui peuvent d'ailleurs être bénéfiques pour les deux partenaires. Cependant, ce qui importe en matière commerciale, c'est d'avoir des échanges équilibrés et, d'une manière générale, favorables aux intérêts de l'Union européenne. Il n'est pas toujours possible de faire valoir ses intérêts, comme l'ont dit les référents en citant les concessions probables que l'Union devra faire en matière agricole vis-à-vis de ces concurrents redoutables que sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Malgré nos divergences politiques, j'approuve totalement ce qu'a dit Jérôme Lambert. Je pense pour ma part que le libre-échange est légitime à l'intérieur de l'Union européenne. C'est d'ailleurs sa raison d'être puisque le marché commun repose sur la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges et sur la liberté de circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Je rappelle que ce marché commun réunit des pays dont les niveaux de vie et de protection sociale sont comparables et qui partagent les mêmes valeurs. De plus, pendant longtemps, les agriculteurs européens ont bénéficié de la garantie de prix supérieurs aux prix mondiaux pour leurs produits. Si l'Union s'ouvre au libre-échange à l'échelle du monde, comme le veut la Commission européenne, quel est alors l'intérêt de l'Europe ? Autant se contenter de l'OMC.
Je suis convaincu de l'intérêt pour l'Union européenne de continuer à signer des accords de libre-échange, comme de l'intérêt pour notre pays qu'elle le fasse puisque notre balance commerciale, faut-il le rappeler, est fortement déficitaire. Or, pour ne prendre qu'un seul exemple, l'accord avec la Corée du sud a permis à l'Union européenne de passer d'un important déficit commercial avec ce pays, à une balance commerciale excédentaire à hauteur de 7 milliards d'euros. Par ailleurs, il est évident désormais que les accords de libre-échange ne peuvent se limiter aux seules questions commerciales. Ils doivent comporter des dispositions relatives à l'environnement, aux normes sociales, voire à d'autres sujets comme le bien-être animal.
Les mandats de négociations annexés aux propositions de décision prévoient bien la prise en compte des aspects environnementaux, sociaux et sanitaires dans les négociations.
Je souligne pour ma part le changement de mentalité des institutions européennes, qui font désormais de la prise en compte de ces aspects une priorité de l'Union dans la mise en oeuvre de sa politique commerciale.
III. Nomination d'un référent
Suite à la démission de Mme Laetitia Avia, les membres de la Commission sont informés que Mme Coralie Dubost a été désignée par le groupe La République En Marche comme référente pour la commission des Lois.
IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 et de l'article 88-6 de la Constitution
l Communication
Sur le rapport de M. Patrice Anato et de Mme Marguerite Deprez-Audebert, référents de la commission des Affaires économiques, la Commission a pris acte des textes suivants :
Ø COMMERCE EXTÉRIEUR
- Recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue d'un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande (COM(2017) 469 final - E 12362).
- Recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue d'un accord de libre-échange avec l'Australie (COM(2017) 472 final - E 12407).
Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné d'autres textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Textes « actés »
La Commission a pris acte des textes suivants :
Ø BUDGET COMMUNAUTAIRE
- Projet de budget rectificatif nº 6 au budget général 2017 : Réduction des crédits de paiement et d'engagement en fonction des prévisions actualisées en matière de dépenses et de l'actualisation des recettes (ressources propres et amendes) (COM(2017) 597 final - E 11335-6).
- Projet de budget général de l'Union européenne pour l'exercice 2018 (COM(2017) 400 final - E 12298).
Ø ENVIRONNEMENT - SANTÉ ENVIRONNEMENTALE
- Règlement de la Commission modifiant les appendices de l'annexe XVII du règlement (CE) n° 19072006 du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) en ce qui concerne les substances CMR (D05284301 - E 12442).
- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l'Union européenne, lors de la vingtième réunion ordinaire des parties contractantes à la convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, à l'égard d'une proposition d'amendement de l'annexe II du protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (COM(2017) 603 final - E 12451).
Ø ESPACE LIBERTÉ SÉCURITÉ JUSTICE
- Décision de la Commission relative à la signature des instructions permanentes UE-Bangladesh pour l'identification et le retour des personnes sans autorisation de séjour (C(2017) 6137 final - E 12432).
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016399 en ce qui concerne les règles applicables à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures (COM(2017) 571 final - E 12449).
- Recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue d'un accord entre l'Union européenne et le Canada aux fins du transfert et de l'utilisation de données des dossiers passagers (PNR) afin de prévenir et de combattre le terrorisme et d'autres formes graves de criminalité transnationale (COM(2017) 605 final - E 12452).
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196) (COM(2017) 606 final - E 12453).
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, du protocole additionnel à la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 217) (COM(2017) 607 final - E 12454).
Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES
- Règlement (UE) de la Commission mettant en oeuvre le règlement (CE) n° 11772003 du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques communautaires sur le revenu et les conditions de vie (EU-SILC) en ce qui concerne la liste des variables cibles secondaires sur la transmission intergénérationnelle des désavantages sociaux, la composition des ménages et l'évolution des revenus pour 2019 (D05268202 - E 12410).
Ø MARCHÉ INTÉRIEUR - LA POSTE
- Proposition de décision du Conseil établissant la position à adopter au nom de l'Union européenne, au sein des comités compétents de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, sur les propositions d'amendements aux règlements nos 12, 14, 16, 17, 43, 44, 46, 48, 49, 110, 121, 129 et 134 de l'ONU, aux règlements techniques mondiaux nos 6 et 15 de l'ONU, au règlement intérieur du WP.29 et aux directives générales concernant l'élaboration des règlements de l'ONU et les dispositions transitoires qu'ils contiennent, ainsi que sur les propositions de trois nouveaux règlements de l'ONU, d'un nouveau règlement technique mondial de l'ONU et de nouvelle résolution mutuelle (COM(2017) 602 final - E 12441).
Ø POLITIQUE ÉCONOMIQUE, BUDGÉTAIRE ET MONÉTAIRE
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 13032013 en ce qui concerne les changements apportés aux ressources affectées à la cohésion économique, sociale et territoriale et aux ressources affectées aux objectifs "Investissement pour la croissance et l'emploi" et "Coopération territoriale européenne" (COM(2017) 565 final - E 12414).
Ø TÉLÉCOMMUNICATIONS - NUMÉRIQUE
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un cadre applicable à la libre circulation des données à caractère non personnel dans l'Union européenne (COM(2017) 495 final - E 12426).
l Textes « actés » de manière tacite
Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte
En application de la procédure d'approbation tacite, dite procédure 72 heures, adoptée par la Commission, celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
Ø BUDGET COMMUNAUTAIRE
- Proposition de virement de crédits n° DEC 222017 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 222017 - E 12476).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 272017 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 272017 - E 12477).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 282017 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 282017 - E 12478).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 292017 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 292017 - E 12479).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 12017 à l'intérieur de la section VII - Comité des régions - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 12017 - E 12493).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 302017 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 302017 - E 12494).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 312017 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 312017 - E 12512).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 322017 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2017 (DEC 322017 - E 12513).
Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES
- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de M. Javier MAESTRO ACOSTA, membre titulaire pour l'Espagne, en remplacement de Mme Dolores LIMÓN TAMÉS, démissionnaire (1347617 - E 12461).
- Conseil de direction de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail. Nomination de M. Javier MAESTRO ACOSTA, membre titulaire pour l'Espagne, en remplacement de Mme Dolores LIMÓN TAMÉS, démissionnaire (1347717 - E 12462).
- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de Mme Ulrika HAGSTRÖM, membre suppléant pour la Suède, en remplacement de Mme Elise-Marie DONOVAN, démissionnaire (1349317 - E 12463).
- Conseil de direction de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail. Nomination de Mme Maija LYLY-YRJÄNÄINEN, membre titulaire pour la Finlande, en remplacement de M. Antti NÄRHINEN, démissionnaire (1349517 - E 12464).
- Conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Nomination de Mme María VÁZQUEZ SELLÁN, membre suppléant pour l'Espagne, en remplacement de Mme Paloma LÓPEZ-IZQUIERDO BOTÍN, démissionnaire (1350417 - E 12465).
- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de M. Hefin DAVIES, membre titulaire pour le Royaume-Uni, en remplacement de M. Stuart BRISTOW, membre démissionnaire (1351117 - E 12466).
- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de M. Matthew PERCIVAL, membre titulaire pour le Royaume-Uni, en remplacement de Mme Rachel SMITH, membre démissionnaire (1351317 - E 12467).
- Conseil de direction de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail. Nomination de M. Thierry DURNERIN, membre titulaire français, en remplacement de M. Emmanuel JAHAN, démissionnaire (1364117 - E 12468).
- Conseil de direction de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail Nomination de M. Matthew PERCIVAL, membre titulaire pour le Royaume-Uni, en remplacement de Mme Rachel SMITH, démissionnaire (1353017 - E 12483).
- Comité consultatif pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. Nomination de Mme Elena CRASTA, membre suppléant pour le Royaume-Uni, en remplacement de Mme Rosa CRAWFORD, démissionnaire (1383017 - E 12500).
- Comité consultatif pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. Nomination de Mme Rosa CRAWFORD, membre titulaire pour le Royaume-Uni, en remplacement de M. Richard EXELL, démissionnaire (1383217 - E 12501).
- Conseil de direction du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP). Nomination de Mme Katrien ALLAERT (BE), membre dans la catégorie des représentants des travailleurs (1385117 - E 12502).
Ø POLITIQUE SOCIALE - TRAVAIL
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation à la suite d'une demande de la Grèce – EGF2017003 GRAttica retail (COM(2017) 613 final - E 12469).
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation à la suite d'une demande de la Finlande – EGF2017005 FIRetail (COM(2017) 618 final - E 12471).
Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil
La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Ø POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE (PESC)
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision (PESC) 20151333 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (1363017 LIMITE - E 12480).
- Décision du Conseil portant nomination du représentant spécial de l'Union européenne pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie (1138717 LIMITE - E 12481).
- Décision d'exécution (PESC) 2017 du Conseil mettant en oeuvre la décision (PESC) 20151333 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (1393017 LIMITE - E 12515).
Ø SANTÉ - SÉCURITÉ SANITAIRE
- Règlement de la Commission portant application du règlement (CE) nº 13382008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les statistiques fondées sur l'enquête européenne par interview sur la santé (EHIS) (D05267902 - E 12401).
Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a déclaré conformes au principe de subsidiarité les textes suivants transmis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution :
Ø ESPACE LIBERTÉ SÉCURITÉ JUSTICE
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016399 en ce qui concerne les règles applicables à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures (COM(2017) 571 final - E 12449).
Ø CONSOMMATION ET PROTECTION DES CONSOMMATEURS
- Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects des contrats de vente de biens, modifiant le règlement (CE) no 20062004 du Parlement européen et du Conseil et la directive 200922CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 199944CE du Parlement européen et du Conseil (COM(2017) 637 final - E 12508).
La séance est levée à 11 h 30.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Patrice Anato, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sophie Auconie, M. Éric Bothorel, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, M. André Chassaigne, Mme Typhanie Degois, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Benjamin Dirx, Mme Christine Hennion, M. Jérôme Lambert, M. Ludovic Mendes, M. Thierry Michels, M. Christophe Naegelen, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Petit, M. Damien Pichereau, M. Joaquim Pueyo, M. Benoit Simian, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye
Excusées. - Mme Françoise Dumas, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih
Assistaient également à la réunion : - Mme Nadine Morano, M. Bruno Gollnisch, parlementaires européens.