Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 9h05
Commission élargie : finances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour les remboursements et dégrèvements :

La mission « Remboursements et dégrèvements » ne peut être appréhendée de la même manière que les autres, puisque les crédits inscrits sont uniquement évaluatifs. Leur montant n'en est pas moins de 115 milliards d'euros pour 2018, soit 28,5 % des dépenses brutes. La mission regroupe les dépenses liées à des situations dans lesquelles l'État est amené à restituer des impôts, des taxes ou des contributions aux contribuables, ou dans lesquelles l'État ne recouvre pas certaines créances sur les contribuables. Elle comporte deux programmes : le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) » et le programme 201 « Remboursement et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) ». En 2018, les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmenteront sensiblement. D'un montant de 100 milliards d'euros, ils progressent de 4,2 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2017, principalement en raison de la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Quant aux remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, ils devraient s'élever à 15,05 milliards d'euros en 2018, soit une hausse de 2,86 milliards d'euros, et même plus si l'on neutralise les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), désormais enregistrés dans le compte d'avances.

Monsieur le secrétaire d'État, mes remarques porteront sur deux sujets qui me paraissent particulièrement importants.

Ma première inquiétude porte sur le risque financier associé aux contentieux fiscaux, qui a fortement augmenté au cours des dernières années.

Le 31 décembre 2012, la provision pour litiges fiscaux enregistrée dans le compte général de l'État était de 12 milliards d'euros. Le 31 décembre 2016, elle s'élevait à près de 24 milliards d'euros, soit un doublement en quatre ans. Eux aussi suivis au sein du programme 200, les intérêts moratoires étaient, selon les informations transmises par l'administration, provisionnés à hauteur de 4,2 milliards d'euros à la fin du mois de décembre 2016. Les documents transmis par l'administration font état d'un coût attendu de 1 milliard d'euros sur les années 2007 à 2018 pour les quatre contentieux présentés dans le cadre du rapport, et d'un milliard d'euros sur 2017 et 2018 pour le contentieux « 3 % dividendes » récemment évoqué à l'occasion du dépôt du projet de loi de finances rectificative (PLFR). Le taux des intérêts moratoires, de 4,8 %, a été défini alors que les taux d'intérêt et l'inflation étaient bien plus élevés. Un tel niveau n'a aujourd'hui plus de justification économique. C'est pourquoi je propose l'adoption d'un amendement qui reprend la proposition faite par ma collègue Valérie Rabault dans le cadre de l'examen du PLFR. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous préciser le montant des intérêts moratoires ainsi que des intérêts de retard payés et perçus au cours des cinq dernières années, car les informations dont nous disposons sont partielles ?

Il me paraît également nécessaire que le Parlement soit mieux informé du coût potentiel de ces contentieux. Je souhaite que soit simplement appliqué l'article 104 de la loi de finances pour 2014, qui prévoyait un mécanisme d'information automatique du Parlement, tous les six mois, sur les lettres de mise en recouvrement et les avis motivés de la Commission européenne dans le cadre de la procédure de recours en manquement. Il ne l'a jusqu'à présent jamais été.

Enfin, quelles mesures pourraient être prises pour éviter de nouveaux contentieux ?

Ma deuxième remarque porte sur le nouveau dégrèvement relatif à la taxe d'habitation. Ma position est claire : si l'intention de rendre du pouvoir d'achat aux contribuables est louable, le faire en supprimant la taxe d'habitation est une erreur. Cette réforme affaiblit considérablement le lien entre le citoyen et l'impôt ; c'est à mon avis regrettable. Si la taxe d'habitation est un impôt injuste, c'est notamment en raison de fortes différences dans la détermination des valeurs locatives cadastrales. Il aurait été plus pertinent, à mon sens, d'examiner la question jusqu'au bout avant de remettre en cause une taxe qui permet de lever des ressources importantes. Je ne vous ferai pas le reproche de tenir un engagement de campagne – les Français en ont assez des promesses non tenues. Je me dois toutefois d'appeler l'attention sur les travers de cette réforme.

Les gains seront très inégaux selon les communes. D'après l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le gain moyen par redevable nouvellement exonéré, par département, ira de 387 à 814 euros, un écart très important. Rapporté au décile de niveau de vie, cet écart variera même du simple au décuple selon les départements.

De plus, cette réforme fragilise l'autonomie financière de nombre de collectivités. Dans certains départements, la part des foyers qui continueront à acquitter la taxe d'habitation sera extrêmement faible, de l'ordre de 11 % dans la Creuse ou 12 % dans l'Orne, soit quatre fois moins qu'à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.

Par ailleurs, en fait de suppression de la taxe d'habitation, il s'agit plutôt d'une suppression en trompe-l'oeil, les collectivités gardant leur pouvoir de taux peuvent recourir à une augmentation du taux dès 2018. Il s'agit donc d'un allégement, certes très substantiel, mais non d'une suppression ! D'ailleurs, l'avant-dernière phrase de l'exposé des motifs, qui ne trouve pas sa traduction dans le dispositif du PLF, annonce une discussion dans le cadre de la conférence nationale des territoires, avec la volonté de trouver un dispositif pour que les contribuables n'aient effectivement plus à payer de taxe d'habitation. Et s'il s'agissait de supprimer purement et simplement cet impôt pour tout le monde en 2020 ? Je pense que c'est l'objectif inavoué du Gouvernement mais l'avenir nous le dira. La dernière phrase de l'exposé des motifs peut aussi le laisser penser puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que de réfléchir à une transformation de la taxe d'habitation en un nouvel impôt.

Tout cela va à l'encontre d'une visibilité pourtant réclamée par tous les élus. Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : quelles pistes sont à l'étude pour l'après-2018 ?

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