Commission élargie : finances

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 9h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

Mercredi 8 novembre 2017

Présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq.

projet de loi de finances pour 2018

Engagements financiers de l'État Remboursements et dégrèvements

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Chers collègues, j'ai le plaisir d'accueillir à cette commission élargie – élargie à nous-mêmes, en vérité (Sourires) – M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Nous examinons ce matin les missions « Engagements financiers de l'État » et « Remboursements et dégrèvements », ainsi que les comptes spéciaux « Participation de la France au désendettement de la Grèce », « Participations financières de l'État » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Le Gouvernement dispose de dix minutes pour son exposé liminaire, les rapporteurs disposent chacun de cinq minutes, les autres orateurs disposent de deux minutes chacun.

Sont rapporteures spéciales Mmes Bénédicte Peyrol, qui a travaillé en binôme avec Dominique David, pour la mission « Engagements financiers de l'État », Christine Pires Beaune, pour la mission « Remboursements et dégrèvements », et Valérie Rabault, pour les comptes d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l'État » et le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la mission « Engagements financiers de l'État » recouvre les crédits nécessaires à l'État pour assurer son financement en toutes circonstances, garantir les positions liées au développement à l'international de l'économie française, favoriser les politiques de l'épargne et accompagner les collectivités territoriales dans la recherche d'une solution pérenne au problème des emprunts à risque.

Les crédits de la mission diminuent globalement de 321 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2017. Ils s'élèvent à 41,8 milliards d'euros en crédits de paiement et à 41,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement.

L'essentiel des crédits de la mission concerne le programme 117 « Charge de la dette et de la trésorerie de l'État », d'un montant de 41,2 milliards d'euros, soit 98,6 % des crédits. Leur évolution dépend du stock de dette et de l'orientation des taux d'intérêt. Comme vous le savez, le Gouvernement s'est engagé dans une trajectoire de réduction progressive du montant de la dette publique par rapport à la richesse nationale. La dette publique serait finalement ramenée à 91,4 % du produit intérieur brut en 2022, alors qu'elle représentera 96,8 % à la fin de l'exercice 2017, soit une baisse d'un peu plus de cinq points. L'exercice 2018 marquerait une stabilisation au niveau de 2017.

La dotation inscrite sur ce programme permet de couvrir le besoin de financement de l'État, essentiellement au titre du déficit – 82,9 milliards d'euros en projet de loi de finances initiale (PLF) pour l'année 2018 –, et de l'amortissement de titres à moyen et long terme. Ce besoin est principalement couvert par un volume d'émissions d'obligations à moyen et long terme estimé à 195 milliards d'euros en 2018. Parallèlement, la gestion de la trésorerie a pour objectif de permettre à l'État d'honorer ses engagements financiers, autrement dit de s'assurer que la situation de trésorerie rend toujours possible l'exécution des dépenses qui viennent s'imputer sur son compte unique à la Banque de France. Dans ces différentes missions, l'efficience et la sécurité constituent évidemment un impératif. Afin de minimiser le coût pour le contribuable, l'Agence France Trésor s'attache constamment à calibrer au plus juste les émissions de dette et place les excédents ponctuels de trésorerie.

Outre le programme 117, sont rattachés à la mission quatre programmes dotés de crédits dont la stratégie diffère sensiblement.

D'un montant de 104,1 millions d'euros, les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » sont destinés à couvrir un ensemble de dispositifs pour lesquels l'État accorde sa garantie. Ils concernent des domaines variés d'intervention, principalement le développement international de l'économie française mais aussi les interventions en faveur du social, du logement et de la santé, à travers différents mécanismes. La progression des crédits résulte de la budgétisation en 2018 de dispositifs de soutien à l'export, qui reposaient en 2017 sur des ressources extrabudgétaires. Il s'agit d'un programme évaluatif qui peut être ajusté en cours d'année.

Le programme 145 « Épargne » recouvre les instruments de financement du logement destinés à soutenir l'effort d'épargne des ménages souhaitant réaliser un investissement immobilier. Il retrace principalement les primes d'épargne logement versées par l'État lors de la mobilisation de comptes d'épargne-logement (CEL) ou de la clôture de plans d'épargne-logement (PEL). Les crédits budgétaires de ce programme s'élèvent à 150 millions d'euros pour 2018, s'appuyant d'une part sur une hausse prévisible des taux d'intérêt, et donc une plus grande attractivité de ces produits, et d'autre part sur la suppression de la prime versée par l'État à la fermeture des PEL, jugée peu incitative, pour les nouveaux PEL ouverts à compter du 1er janvier prochain.

Le programme 168 « Majoration de rentes » retrace les crédits destinés au remboursement partiel des majorations légales de rentes viagères à hauteur de 141,8 millions d'euros, qui correspondent aux remboursements aux compagnies d'assurance et aux mutuelles pour les rentes versées en 2017. Après soixante-cinq ans de remboursement des majorations de rentes par l'État aux débirentiers, les objectifs de politique publique ayant justifié initialement cette dépense sont considérés comme atteints.

Enfin, le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » est destiné au financement du fonds de soutien en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant souscrit des emprunts structurés et instruments financiers pudiquement qualifiés de « sensibles » – les ayant pratiqués dans ma vie antérieure d'élu local, je pourrais vous en parler des heures. Il ne comporte plus d'autorisations d'engagement, et les crédits de paiement permettant de couvrir celles déjà ouvertes s'élèvent à 183,9 millions d'euros.

Cette mission comporte par ailleurs deux programmes non dotés de crédits pour l'année 2018 : le programme 336 « Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité » et le programme 338 « Augmentation de capital de la banque européenne d'investissement ».

Quant aux comptes spéciaux, le compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce » retrace la restitution à la Grèce des revenus perçus par la Banque de France sur la détention de titres grecs. L'achat d'obligations souveraines grecques, avait permis de contenir les pressions à la hausse sur le taux d'intérêt payé par la Grèce sur ses titres souverains. En 2012, pour renforcer la soutenabilité de la dette grecque, l'Eurogroupe a décidé de restituer à la Grèce les revenus que l'Eurosystème tire de la détention des titres grecs. Cet accord fut suspendu en 2015 en raison de l'interruption du deuxième programme d'assistance financière, mais, en vertu de l'accord de l'Eurogroupe de mai 2016, confirmé par celui du 15 juin 2017, ce dispositif pourrait être réactivé d'ici à la fin du troisième programme d'assistance financière à la Grèce – à partir de l'été prochain, dès lors que la Grèce respectera les conditions du programme et qu'une analyse de soutenabilité de la dette grecque confirmera la nécessité de ces mesures.

Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » constitue le « support budgétaire » de l'action de l'État actionnaire, dont la doctrine d'emploi a été précisée à l'article 48 de la loi de finances pour 2006.

Le portefeuille de l'État actionnaire est constitué de 81 entreprises, représentant un montant de capitaux propres de près de 100 milliards d'euros et plus de 400 milliards d'euros de chiffre d'affaires cumulé, qui emploient environ 1,8 million de personnes.

Depuis 2015, l'État actionnaire a fortement fait respirer son portefeuille, en menant une politique particulièrement dynamique de cessions – pour 10,4 milliards d'euros – et d'investissements – pour 10 milliards d'euros –, retracés sur ce compte d'affectation spéciale : privatisation des aéroports de Nice et Lyon ; cession d'une partie du capital de celui de Toulouse ; cession de PSA à Bpifrance ; cessions de blocs d'actions Safran et Engie ; acquisition de titres Renault, revendus la semaine dernière, et Air France-KLM ; rachat de la participation de Bpifrance au capital d'Eramet en 2016 ; rachat de 51 % de Technicatome ; recapitalisations d'EDF, pour 3 milliards d'euros, et d'Areva, pour 4,8 milliards d'euros.

L'État est actionnaire d'entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays – en particulier en matière de défense et de nucléaire –, de grands services publics nationaux ou locaux et des entreprises qui peuvent contribuer de façon spécifique à la politique industrielle du pays. Il participe également au capital d'entreprises lorsqu'existe un risque systémique. La respiration du portefeuille se poursuivra dans cette perspective, comme le ministre de l'économie et des finances l'a annoncé. Les recettes de cessions de participations serviront en particulier à abonder le fonds pour l'innovation de rupture que nous souhaitons voir doté, à terme, d'un montant de 10 milliards d'euros. Ces interventions continueront de se faire dans le respect des intérêts patrimoniaux et financiers de l'État.

L'État a également perçu, en 2016, 3,5 milliards d'euros de dividendes. De ce point de vue, le rendement du portefeuille a été supérieur en 2016 à la moyenne du CAC40 : il s'est élevé à 4,1 %, ou 6,2 % hors entreprises du domaine de l'énergie, alors que le rendement du CAC40 n'a été que de 3,5 %.

Les dépenses se décomposent quant à elle en deux programmes : le programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État » et le programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».

De manière constante, sauf en 2017 en raison des opérations de refondation de la filière nucléaire, tous les gouvernements ont fait le choix de retenir un montant « notionnel » de prévisions de recettes et de dépenses, notamment pour éviter de donner un signal aux marchés. Ce choix a vocation à s'appliquer indépendamment de la situation économique et des opérations envisagées. Ce sont ainsi des recettes notionnelles qui sont présentées dans le PLF pour l'année 2018, d'un montant – comme toujours depuis la création du compte d'affectation spéciale – de 5 milliards d'euros. En 2018, le CAS « Participations financières de l'État » est présenté en équilibre, avec 5 milliards d'euros de recettes et 5 milliards d'euros de dépenses, répartis comme suit : 1 milliard d'euros consacré au désendettement de l'État au travers de la contribution du CAS à la Caisse de la dette publique (CDP) à partir du programme 732 ; 4 milliards d'euros consacrés aux opérations d'investissements à partir du programme 731.

Un mot, enfin, sur le Fonds pour l'innovation de rupture (FIR) dont la création a été annoncée. Des cessions ont été réalisées, dont les produits seront perçus sur le CAS géré par l'Agence des participations de l'État (APE). Cela signifie que ces fonds ne sont pas affectés au budget général et ne peuvent être utilisés que pour financer de l'investissement ou du désendettement.

Enfin, le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant les services publics » enregistre ce qu'il est convenu d'appeler des avances du trésor. Leur montant prévisionnel s'élève à 16,6 milliards d'euros, en très légère augmentation par rapport à l'année 2017.

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Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma collègue Dominique David et moi-même sommes rapporteures des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ». Je ferai un bref rappel de l'analyse des crédits budgétaires avant de poser quelques questions à M. le secrétaire d'État.

La mission « Engagements financiers de l'État » constitue la troisième mission budgétaire de l'État par le volume des crédits de paiement – des crédits évaluatifs, rappelons-le. Elle représente en effet 41,8 milliards d'euros en 2018, dont 98,6 % relèvent de la charge de la dette et de la trésorerie de l'État. Cela illustre bien le poids de la charge de la dette de l'État.

Pourtant, cette charge de la dette de l'État est maintenue à un niveau exceptionnellement faible, du fait d'une inflation réduite et de taux d'intérêt toujours très bas. Il faudra bien sûr rester vigilant face à la remontée programmée des taux d'intérêt. Selon une simulation de l'Agence France Trésor (AFT), un choc de taux de 1 % accroîtrait la charge maastrichtienne de la dette négociable de l'État de 2,1 milliards d'euros la première année et de 19,1 milliards d'euros la dixième année. Toutefois, si les taux d'intérêt remontent dans un contexte d'amélioration de la conjoncture, ce devrait être quasiment indolore pour l'État du fait d'une dynamique des recettes. Par ailleurs, le 26 novembre dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé qu'elle allait réduire le volume de son programme d'achat d'actifs, normalisant ainsi progressivement sa politique monétaire ; selon nous, cette sortie d'un environnement exceptionnel et inédit est de nature à stabiliser le contexte économique et financier.

L'encours de la dette de l'État, toujours en progression, devrait s'élever à 1 775 milliards d'euros à la fin de l'année 2018. Nous serons attentives à l'évolution de la dette de l'État, qui devrait refluer au cours du quinquennat. Cela ne sera permis qu'en vertu d'une maîtrise raisonnée des dépenses publiques, à laquelle le Gouvernement s'est engagé dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques. Le respect de la règle européenne de déficit public tout au long du quinquennat est également de nature à rassurer les investisseurs et ainsi faciliter le financement de la dette.

Les dépenses de l'État ont progressé de 20 % entre 2007 et 2016, tandis que ses recettes de l'État n'augmentaient que de 13 %. Selon les données de comptabilité nationale, les prestations sociales et les transferts sociaux ou les subventions de l'État ont été les postes de dépenses les plus dynamiques. Dans le même temps, les taxes et impôts sur la production et les revenus de la propriété de l'État ont été peu dynamiques. Pourriez-vous nous préciser quelle sera la stratégie de l'État en matière de maîtrise des dépenses de l'État, afin de ralentir la progression de l'encours de la dette ?

La politique d'émission menée par l'Agence France Trésor apparaît comme un facteur de sécurisation, minimisant le coût de financement de l'État et garantissant la liquidité des titres de la dette. Nous souhaitons souligner ici l'innovation que représente la première émission d'une obligation souveraine verte française en janvier 2017. C'est une véritable réussite. À ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, quels sont vos retours d'expérience ? Envisagez-vous de mener de nouvelles émissions d'obligations « vertes » à moyen terme, c'est-à-dire pendant le quinquennat ?

Les engagements financiers de l'État recouvrent également les garanties accordées par l'État, qui constituent des engagements hors bilan. Nous avons remarqué que les engagements hors bilan constituaient en quelque sorte un trou noir de l'analyse budgétaire. Référencés dans le compte général de l'État, ils s'élèvent à 4 096 milliards d'euros à la fin de l'année 2016, soit 184 % du produit intérieur brut (PIB). Monsieur le secrétaire d'État, comment ferez-vous en sorte que le sujet des engagements hors bilan de l'État soit mieux appréhendé par nos concitoyens ?

Enfin, quels progrès espérer en matière de prise en compte des dommages environnementaux ? Et où en sont les réflexions de votre ministère à propos la dette dite « écologique » ? Il est indispensable de parvenir à une meilleure appréhension économique, budgétaire et comptable de l'environnement et de la nature.

La mission « Engagements financiers de l'État », et à travers elle la charge de la dette de l'État, profite d'un environnement économique favorable, qui doit nous inciter à la fois à rester vigilants et à promouvoir de nouveaux axes de réflexion propices à une véritable transformation de l'action publique.

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La mission « Remboursements et dégrèvements » ne peut être appréhendée de la même manière que les autres, puisque les crédits inscrits sont uniquement évaluatifs. Leur montant n'en est pas moins de 115 milliards d'euros pour 2018, soit 28,5 % des dépenses brutes. La mission regroupe les dépenses liées à des situations dans lesquelles l'État est amené à restituer des impôts, des taxes ou des contributions aux contribuables, ou dans lesquelles l'État ne recouvre pas certaines créances sur les contribuables. Elle comporte deux programmes : le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) » et le programme 201 « Remboursement et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) ». En 2018, les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmenteront sensiblement. D'un montant de 100 milliards d'euros, ils progressent de 4,2 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2017, principalement en raison de la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Quant aux remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, ils devraient s'élever à 15,05 milliards d'euros en 2018, soit une hausse de 2,86 milliards d'euros, et même plus si l'on neutralise les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), désormais enregistrés dans le compte d'avances.

Monsieur le secrétaire d'État, mes remarques porteront sur deux sujets qui me paraissent particulièrement importants.

Ma première inquiétude porte sur le risque financier associé aux contentieux fiscaux, qui a fortement augmenté au cours des dernières années.

Le 31 décembre 2012, la provision pour litiges fiscaux enregistrée dans le compte général de l'État était de 12 milliards d'euros. Le 31 décembre 2016, elle s'élevait à près de 24 milliards d'euros, soit un doublement en quatre ans. Eux aussi suivis au sein du programme 200, les intérêts moratoires étaient, selon les informations transmises par l'administration, provisionnés à hauteur de 4,2 milliards d'euros à la fin du mois de décembre 2016. Les documents transmis par l'administration font état d'un coût attendu de 1 milliard d'euros sur les années 2007 à 2018 pour les quatre contentieux présentés dans le cadre du rapport, et d'un milliard d'euros sur 2017 et 2018 pour le contentieux « 3 % dividendes » récemment évoqué à l'occasion du dépôt du projet de loi de finances rectificative (PLFR). Le taux des intérêts moratoires, de 4,8 %, a été défini alors que les taux d'intérêt et l'inflation étaient bien plus élevés. Un tel niveau n'a aujourd'hui plus de justification économique. C'est pourquoi je propose l'adoption d'un amendement qui reprend la proposition faite par ma collègue Valérie Rabault dans le cadre de l'examen du PLFR. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous préciser le montant des intérêts moratoires ainsi que des intérêts de retard payés et perçus au cours des cinq dernières années, car les informations dont nous disposons sont partielles ?

Il me paraît également nécessaire que le Parlement soit mieux informé du coût potentiel de ces contentieux. Je souhaite que soit simplement appliqué l'article 104 de la loi de finances pour 2014, qui prévoyait un mécanisme d'information automatique du Parlement, tous les six mois, sur les lettres de mise en recouvrement et les avis motivés de la Commission européenne dans le cadre de la procédure de recours en manquement. Il ne l'a jusqu'à présent jamais été.

Enfin, quelles mesures pourraient être prises pour éviter de nouveaux contentieux ?

Ma deuxième remarque porte sur le nouveau dégrèvement relatif à la taxe d'habitation. Ma position est claire : si l'intention de rendre du pouvoir d'achat aux contribuables est louable, le faire en supprimant la taxe d'habitation est une erreur. Cette réforme affaiblit considérablement le lien entre le citoyen et l'impôt ; c'est à mon avis regrettable. Si la taxe d'habitation est un impôt injuste, c'est notamment en raison de fortes différences dans la détermination des valeurs locatives cadastrales. Il aurait été plus pertinent, à mon sens, d'examiner la question jusqu'au bout avant de remettre en cause une taxe qui permet de lever des ressources importantes. Je ne vous ferai pas le reproche de tenir un engagement de campagne – les Français en ont assez des promesses non tenues. Je me dois toutefois d'appeler l'attention sur les travers de cette réforme.

Les gains seront très inégaux selon les communes. D'après l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le gain moyen par redevable nouvellement exonéré, par département, ira de 387 à 814 euros, un écart très important. Rapporté au décile de niveau de vie, cet écart variera même du simple au décuple selon les départements.

De plus, cette réforme fragilise l'autonomie financière de nombre de collectivités. Dans certains départements, la part des foyers qui continueront à acquitter la taxe d'habitation sera extrêmement faible, de l'ordre de 11 % dans la Creuse ou 12 % dans l'Orne, soit quatre fois moins qu'à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.

Par ailleurs, en fait de suppression de la taxe d'habitation, il s'agit plutôt d'une suppression en trompe-l'oeil, les collectivités gardant leur pouvoir de taux peuvent recourir à une augmentation du taux dès 2018. Il s'agit donc d'un allégement, certes très substantiel, mais non d'une suppression ! D'ailleurs, l'avant-dernière phrase de l'exposé des motifs, qui ne trouve pas sa traduction dans le dispositif du PLF, annonce une discussion dans le cadre de la conférence nationale des territoires, avec la volonté de trouver un dispositif pour que les contribuables n'aient effectivement plus à payer de taxe d'habitation. Et s'il s'agissait de supprimer purement et simplement cet impôt pour tout le monde en 2020 ? Je pense que c'est l'objectif inavoué du Gouvernement mais l'avenir nous le dira. La dernière phrase de l'exposé des motifs peut aussi le laisser penser puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que de réfléchir à une transformation de la taxe d'habitation en un nouvel impôt.

Tout cela va à l'encontre d'une visibilité pourtant réclamée par tous les élus. Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : quelles pistes sont à l'étude pour l'après-2018 ?

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Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour votre exposé, mais vous faites exactement comme vos prédécesseurs : vous nous demandez de voter un compte « Participations financières de l'État » dont le montant ne varie jamais. C'est dire si l'objectif que vous nous proposez en demandant de l'approuver est sans doute très irréalisable. Nous avons refait l'historique, que vous trouverez, chers collègues, à la page 19 du rapport spécial : chaque année, à deux exceptions près, c'est, quoiqu'il arrive, un montant de 5 milliards d'euros que le Parlement a dû voter, même s'il y avait beaucoup plus de cessions ou de recapitalisations.

Vous souhaitez que ce budget soit sincère, monsieur le secrétaire d'État. Las, je crains qu'il ne le soit pas. Le reproche ne vous est pas particulièrement adressé : l'an dernier, nonobstant la recapitalisation d'Areva, c'était aussi un montant de 5 milliards d'euros qui était inscrit, dont chacun savait qu'il n'était pas exact. Cette année, vous envisagez de créer un fonds d'investissement. Pour l'instant, nous n'avons aucune idée de ce à quoi il ressemblera, mais nous avons compris qu'il vous fallait vendre 10 milliards d'euros de titres pour le créer, ce qui est supérieur à 5 milliards d'euros. Il eût donc au moins fallu que vous indiquiez un montant de 10 milliards d'euros en recettes et de 10 milliards d'euros en dépenses. Vous n'en avez rien fait, et vous nous proposez donc ce montant de 5 milliards d'euros, comme vos prédécesseurs. C'est, en quelque sorte, demander au Parlement de voter n'importe quoi… Certes, vous avez raison de ne vouloir donner aucune information aux marchés, mais, ce faisant, vous n'en donnez aucune non plus au Parlement, ce qui est plus gênant : vous lui demandez de voter sans qu'il dispose d'aucune information !

Quant à la création de ce Fonds pour l'innovation de rupture, le projet de loi de finances soumis à notre examen ne comporte aucun détail. Ce que nous avons lu dans la presse ou entendu lors d'auditions de M. Le Maire nous évoque une sorte d'usine à gaz. Vous nous proposez de vendre 10 milliards d'euros de titres du portefeuille de l'État, avec lesquels vous créerez un fonds, investi en on ne sait quels autres titres. Et c'est le rendement de ce nouveau fonds qui sera investi chaque année dans l'innovation, soit un rendement théorique fixé par le Gouvernement, comme pour les programmes d'investissements d'avenir – un taux de 2 % est retenu –, soit les dividendes perçus. Nous aimerions évidemment savoir comment cela fonctionnera.

En tant que rapporteure spéciale, je souhaite vous faire une autre proposition. Actuellement, les dividendes des titres détenus sont versés non au compte d'affectation spéciale (CAS) mais au budget général de l'État. C'est une absurdité. Ne serait-il pas plus simple de modifier la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) afin de décider qu'ils seront versés au CAS « Participations financières de l'État » et de faire en sorte qu'à la fin de l'année un certain montant soit restitué au budget général, tout en permettant une vraie gestion patrimoniale, avec la possibilité de réinvestir les dividendes pour soutenir l'innovation ? La création d'une usine à gaz serait évitée.

Par ailleurs, certains risques ne sont pas portés à la connaissance du Parlement, qui tiennent à l'évaluation, à des options de vente et d'achat en portefeuille et aux pactes d'actionnaires, dans le cas où l'État n'est pas majoritaire. Tous ces sujets sont passés sous silence dans ce projet de loi de finances. Je souhaiterais pour ma part une véritable analyse – mais nous la ferons dans le cadre de la loi de règlement. J'entends bien votre souci de respecter la confidentialité et le secret des affaires, mais le Parlement mérite d'être éclairé.

Le deuxième point porte sur le compte sur la Grèce. Sont inscrits 148 millions d'euros en autorisations d'engagement et 167 millions d'euros en crédits de paiement, mais, depuis 2015, nous ne rendons plus cet argent à la Grèce. Autrement dit, la Banque de France encaisse les intérêts, en reverse une partie à l'État et nous ne les restituons pas à la Grèce, puisque le plan a été interrompu. Depuis l'interruption du plan d'aide, la France a donc encaissé 1,164 milliard d'euros, et amélioré son solde budgétaire sur le dos de la Grèce.

Dernier point, le montant inscrit dans le compte de concours financiers est de 16 milliards d'euros, soit 60 % de plus que les 10 milliards d'euros de la politique agricole commune (PAC) pour 2018 – nous finançons les avances de la PAC en faveur des agriculteurs en lieu et place de l'Union européenne. Cela signifie qu'il y a des retards extrêmement importants. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont ils seront soldés ?

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

Mme Peyrol m'a interrogé sur l'encours de la dette. La maîtrise des dépenses de l'État est assurée conjointement par une gestion annuelle plus prudente et plus transparente des crédits budgétaires, notamment grâce à l'adoption de nouvelles normes de dépenses, et par la mise en oeuvre de réformes structurelles de l'action publique dans le cadre du processus « Action publique 2022 ». Un comité Action publique 2022, composé de personnalités qualifiées françaises ou étrangères, issues de la société civile et de la haute fonction publique, mais aussi d'élus locaux, sera chargé d'identifier des réformes structurelles significatives et durables dans l'ensemble du champ des administrations publiques pour faire émerger des idées et des méthodes nouvelles. Plusieurs chantiers alimenteront les travaux du comité et les propositions du ministère seront examinées dans le cadre de travaux qui se feront de manière itérative. Cinq chantiers transversaux seront conduits en parallèle avec les thématiques suivantes : la simplification administrative, à l'évidence propice aux gains en coût et à l'amélioration de la gestion de l'État ; la transformation numérique ; la rénovation du cadre des ressources humaines ; l'organisation territoriale des services publics ; la modernisation de la gestion budgétaire et comptable. En parallèle, un forum de l'action publique permettra d'associer à la fois usagers et agents à la rénovation de nos modes d'intervention publique. Dévoilées au premier trimestre de l'année 2018, les conclusions du comité feront l'objet d'arbitrage sur le fondement desquels les plans de transformation ministériels seront élaborés et mis en place. Par ailleurs, le budget pluriannuel présenté dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 présente un système de norme de dépenses renouvelé avec une norme centrée sur les dépenses pilotables de l'État et un objectif de dépenses totales de l'État, tels que définis à l'article 8 dudit projet de loi. Il réaffirme dans le même temps l'importance du principe de sincérité de la budgétisation initiale. Le corollaire en est qu'en cours de gestion les aléas ou les priorités nouvelles doivent être gérés dans la limite du plafond des crédits concernés. Ces nouvelles normes et ce renouvellement des pratiques devraient mieux limiter les dérapages, notamment au moment de l'exécution.

Vous m'avez interrogé sur notre stratégie en matière d'obligations vertes. Je profite de cette commission élargie pour vous inviter toutes et tous au Climate Finance Day organisé à Bercy le 11 décembre prochain, à la veille du sommet sur le climat. Il sera en partie dédié à la finance verte et aux obligations vertes. Des experts venus d'un peu partout et des personnalités qualifiées viendront nous faire profiter de leur expérience. La première obligation assimilable du trésor (OAT) verte a été largement sursouscrite lors de son émission inaugurale en janvier, la demande étant de 23,5 milliards d'euros pour une émission de 7 milliards d'euros ; elle a donc été sur-souscrite trois fois et demie. Elle a ensuite été abondée au mois de juin pour un montant de 1,6 milliard d'euros dans le cadre traditionnel des adjudications de l'Agence France Trésor, qui visent à répondre à la demande exprimée par les investisseurs. Conformément aux engagements pris, cette OAT continuera d'être abondée en fonction de la demande et dans la limite de l'enveloppe de dépenses éligibles qui a été identifiée. L'encours de cette obligation verte est aujourd'hui de 8,6 milliards d'euros, il est important que cette souche puisse continuer à être abondée de manière régulière pour que sa liquidité soit assurée, comme c'est le cas pour les autres obligations. Cette liquidité est une qualité très prisée des investisseurs. Par conséquent, elle permet, autre vertu, d'en limiter le coût pour le contribuable.

Vous m'avez également interrogé sur les engagements hors bilan de l'État. Comment faire pour qu'ils soient mieux appréhendés par nos concitoyens ? Je ne vais pas vous les retracer, vous les connaissez, et l'examen du projet de loi de règlement est le vecteur des discussions sur les engagements hors bilan de l'État. C'est à l'appui de ce projet qu'est communiqué le compte général de l'État, certifié par la Cour des comptes, qui présente l'ensemble des engagements hors bilan de manière actualisée. Le Parlement dispose donc d'une information chiffrée précise et certifiée, d'ailleurs également accessible en ligne sur le site https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/ de Bercy. Le travail mené en matière de recensement des engagements hors bilan a contribué à améliorer la sincérité dans la présentation des comptes de l'État. Aujourd'hui, la France dispose en matière d'engagements hors bilan d'une information fiable et plus riche qu'auparavant, d'une qualité d'ailleurs supérieure à l'information disponible chez nos voisins et dans la plupart des États européens, comparable à celle publiée par les États du monde à la pointe de la transparence comptable et financière. Par ailleurs, la hausse de l'encours des engagements hors bilan n'a pas entraîné mécaniquement une multiplication des appels au budget de l'État.

Dernière observation, les enjeux, les montants mis en valeur par la comptabilité générale incitent à s'appuyer sur les données comptables pour adopter une logique de surveillance que nous pouvons qualifier d'active et étendre le champ de l'actualisation de la valeur selon les règles de l'actuariat aux administrations publiques, notamment aux collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale. Et je souhaite que les comptes de l'État soient accessibles de la manière la plus libre en open data afin que chacun, que ce soit les observateurs, les citoyens, les médias, les universitaires, les économistes, bref, ceux qui souhaitent s'emparer de cette matière, puisse le faire et rapprocher des données comptables et les données financières. C'est aussi cela la transparence de l'action publique, et je crois que tous, ici, par-delà nos sensibilités respectives, nous y aspirons.

Le sujet de la dette dite « écologique » excède à mon avis le champ de notre discussion de ce matin. À l'évidence, il faut prendre en compte l'impact des comportements passés et présents sur notre environnement – ce qu'on appelait en cours d'économie, lorsque j'étais étudiant, les externalités négatives –, qui viennent alimenter cette dette environnementale, cette dette dite « écologique ». Le gouvernement s'est donc donné une feuille de route ambitieuse, détaillée dans le plan climat adopté cet été. Ce sera rappelé dans le cadre du sommet sur le climat qui se tiendra le 12 décembre prochain à Paris ; plus d'une centaine de pays ont déjà annoncé leur participation. Hélas, les États-Unis font exception.

La part du budget consacrée aux questions environnementales a été revue à la hausse pour 2018. Et, sur les 57 milliards d'euros du grand plan d'investissement, 20 sont consacrés à cette transition écologique afin de financer les dépenses d'avenir. Le meilleur moyen de ne pas devoir gérer demain de la dette écologique, c'est de ne pas y contribuer aujourd'hui. Le meilleur moyen d'éviter les traitements curatifs a posteriori, c'est l'action préventive.

Mme Pires Beaune m'interroge sur les intérêts moratoires à propos de la contribution additionnelle. Vous en avez débattu avec Bruno Le Maire il y a deux jours, mesdames et messieurs les députés. J'ai pour ma part eu l'occasion de le faire hier au Sénat, devant sa commission des finances. Il a été convenu que la question de la révision à la baisse des intérêts moratoires ne serait pas réglée dans le cadre de la première loi de finances rectificative, mais on peut effectivement trouver particulièrement enviable un taux de 4,8 %. La révision à la baisse peut être engagée, mais ne le sera que dans le cadre d'une deuxième loi de finances rectificative, après un nécessaire avis du Conseil d'État.

Comment se prémunir du risque de nouveaux contentieux fiscaux ? Il n'est pas agréable à ce gouvernement de présenter cette taxe additionnelle – ce ne le serait d'ailleurs à aucun gouvernement d'aucune sensibilité. Constituer ce type de provision est toujours désagréable, et, en l'occurrence, la lisibilité de la politique menée s'en trouve également troublée. Nous annonçons une baisse de l'impôt sur les sociétés, tout en portant à 38,33 % et 43,33 % les taux respectivement applicables aux groupes réalisant plus de 1 milliard et de plus de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires ! Personne ne peut s'en réjouir, et cette majorité sera heureuse si elle ne laisse pas de telles mauvaises surprises à la suivante.

Le meilleur moyen de prévenir et de limiter le risque que notre droit fiscal soit contraire aux règles européennes serait peut-être de consulter plus fréquemment la Commission européenne, sur le modèle du régime de la notification préalable en matière d'aides d'État. Sans doute une faute a-t-elle là été commise – du moins une négligence sérieuse. Il s'agirait d'obtenir qu'elle prenne position sur la conformité au droit de l'Union européenne des dispositifs impliquant une différence de traitement entre les situations purement internes et les autres – la question de la directive dite « mère-fille » se posait en l'espèce. De même, une réflexion pourrait aussi être engagée sur la possibilité d'obtenir un avis de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette procédure n'a pas d'équivalent dans notre droit national en dehors des procédures juridictionnelles, mais elle pourrait être utile à nos administrations, au Parlement et au Gouvernement, et nous aider à prévenir les risques de contentieux. Il est également souhaitable de réfléchir à la mise en place d'un code de bonne conduite entre le Gouvernement et les commissions des finances respectives des assemblées afin de concentrer la phase de dépôt des amendements fiscaux durant les travaux des commissions des finances et de permettre une consultation du Conseil d'État sur les amendements les plus importants, les plus sensibles, ceux dont on sent que leur éventuelle impropriété juridique pourrait avoir des répercussions financières importantes et qu'ils mériteraient donc un examen plus long.

On peut également souhaiter une utilisation plus active du contrôle de constitutionnalité a priori. Il s'agirait de permettre d'appeler l'attention du juge constitutionnel, voire d'obtenir une prise de position de ce dernier, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution.

Le Gouvernement et l'administration doivent aussi travailler mieux, en évitant de le faire sous la contrainte ou dans l'urgence – il n'est jamais bon de prendre des dispositions dans l'urgence. Un travail plus en amont est souhaitable pour prévenir d'éventuels contentieux.

Quant au montant des intérêts moratoires, les systèmes d'information de Bercy ne permettent pas de l'identifier. Ces charges sont envisagées dans leur totalité, et nous ne pouvons vous en donner le décompte par année.

La suppression de la taxe d'habitation fut maintes fois abordée dans l'hémicycle. Comme vous, je considère que c'est un impôt injuste : pour la même surface, vous payez trois fois plus de taxe d'habitation quand vous habitez Argenteuil que quand vous habitez le centre de Paris, et j'ai la faiblesse de penser que votre capacité contributive est sans doute un peu plus importante si vous habitez dans le centre de Paris. Et la révision des valeurs locatives établies en 1970, engagée à maintes reprises, n'a jamais abouti.

La suppression de la taxe d'habitation ne fragilise pas financièrement l'autonomie des collectivités locales. Ce qui la fragiliserait bien plus certainement, ce serait une baisse unilatérale de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, pour la première fois, le montant de la DGF ne baissera pas. Et quand vous prétendez que cette suppression n'en est pas une, c'en est bien une pour 80 % de nos concitoyens, qui paieront plus de taxe d'habitation d'ici à trois ans et verront les premiers effets de cette réforme dès l'année prochaine. C'est important pour leur pouvoir d'achat et, comme vous l'avez rappelé, c'est un engagement pris par le Président de la République pendant la campagne. Nous avons l'intention d'appliquer à la lettre le programme sur lequel nous avons été élus.

Madame Rabault, vous qualifiez d'usine à gaz le fonds d'investissement pour l'innovation de rupture. Nous espérons en faire une usine qui produise tout sauf du gaz, nous travaillons aux mécanismes et aux dispositifs qui permettront, d'un point de vue technique et juridique, d'en faire un objet utile à des entreprises parfois elles aussi soumises à la dictature de l'urgence. Il nous faut, notamment pour des innovations dites « de rupture », retrouver le temps long. Je ne suis pas sûr que la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) soit comparable avec ce que nous mettons en place, mais chacun comprend bien que le temps long est nécessaire aux ruptures technologiques et aux grappes d'innovation qui entraînent croissance et emploi.

Le Gouvernement a annoncé que ce fonds serait alimenté par 10 milliards d'euros issus de cessions d'actifs que nous avons commencées. Vous évoquez un montant d'environ 200 millions d'euros de rendement. Nous prévoyons plutôt, pour notre part, 250 ou 300 millions d'euros par an, une fois le fonds doté de ces 10 milliards d'euros, mais les modalités techniques et juridiques sont en encore à l'étude. Une fois sur la table, nous verrons s'il s'agit d'une usine à gaz.

Nous n'avons en tout cas pas retenu l'option d'une modification de la LOLF. Quelle est notre philosophie ? On peut s'interroger sur la conservation de participations dans certaines entreprises, certains groupes. C'était peut-être légitime il y a quelques dizaines d'années, conforme à ce qu'était le rôle de l'État, mais un État actionnaire efficace, c'est aussi un État qui modifie la structure de son portefeuille, présent dans des secteurs qui ne sont pas les mêmes au fil du temps. L'économie est un monde mouvant, une matière vivante. Les choix faits il y a quelques décennies ne sont pas aujourd'hui les plus optimaux pour la gestion de l'argent public.

Nous n'inscrivons effectivement que 5 milliards d'euros en dépenses, dont 4 milliards pour l'investissement. Le montant des prévisions de recettes et dépenses du compte d'affectations spéciales « Participations financières de l'État » est délibérément notionnel afin de ne pas donner de signaux aux marchés. Nous sommes écartelés entre une obligation d'information et de transparence à l'égard du Parlement et l'obligation de gérer au mieux les deniers publics et donc de défendre les intérêts du contribuable, ce qui suppose de ne pas révéler nos intentions aux marchés. C'est cette tension entre deux impératifs catégoriques qui justifie cette inscription de 5 milliards d'euros. Les crédits ouverts pour l'investissement étaient traditionnellement compris entre 1 et 3 milliards d'euros. Le PLF indique cette fois un montant de 4 milliards d'euros, qui traduit notamment les abondements prévus pour le fonds pour l'innovation. Et si les recettes réalisées en 2018 sont supérieures aux 5 milliards prévus en loi de finances initiale, il sera possible d'ouvrir des crédits supplémentaires à parité de majoration de recettes pour abonder le fonds pour l'innovation au gré de la réalisation des cessions.

L'accord avec la Grèce a été suspendu en 2015, en raison de l'interruption du deuxième programme d'assistance financière. Ce dispositif pourrait être réactivé d'ici à la fin du troisième programme à l'été 2018, dès lors que la Grèce respectera les conditions et qu'une analyse de la dette grecque confirmera la nécessité des mesures. Cela concerne non pas seulement la France mais en fait l'ensemble des partenaires européens de la Grèce. Les intérêts perçus par les banques centrales à partir de 2017 seront reversés à la Grèce si elle respecte ses engagements – c'est provisionné dans le projet de loi de finances.

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En ce qui concerne les participations de l'État, nous pourrions imaginer, comme pour le renseignement, une petite cellule de la commission des finances ou une petite délégation du Parlement soumise au secret fiscal ou professionnel. Cela permettrait de concilier les deux intérêts.

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

Nous respecterions ainsi nos deux impératifs catégoriques kantiens. Nous avons d'ailleurs, à Bercy, un bunker, que je n'ai pas encore visité ; les téléphones portables sont laissés à l'extérieur, nous pourrions y organiser nos réunions – cela aurait un côté très task force secrète.

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En tant que président, monsieur le président, vous disposez déjà d'un pouvoir d'investigation en vertu de l'article 57 de la LOLF – comme j'en disposais également en tant que rapporteure spéciale. Bien entendu, nous allons exercer notre droit, dans le respect total du secret fiscal et du secret des affaires. Voter chaque année un compte d'affectation spéciale faux n'en relève pas moins d'une certaine hypocrisie.

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Au moins, on sait qu'il est faux… (Sourires.)

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Discuter des participations de l'État, c'est effectivement discuter d'un ensemble complexe et protéiforme de plus de 1 800 entreprises détenues majoritairement ou minoritairement, soit par l'Agence des participations de l'état (APE), soit par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), soit encore par Bpifrance. Faire le portrait de l'État actionnaire est toujours un exercice compliqué : l'État, nous le comprenons bien, ne se conduit pas de la même manière selon le secteur, selon le type et la taille de l'entreprise au capital de laquelle il détient une participation, ni selon la part qu'il détient.

Dans un intéressant rapport publié au mois de janvier dernier, le Premier Président de la Cour des comptes n'en a pas moins cette formule : « L'État n'a pas toujours démontré qu'il est un bon actionnaire. » La Cour de comptes critique avant tout l'encombrante présence de l'État dans certains conseils d'administration et donc dans les processus de décision stratégique – vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez parlé à l'instant de modification de la gouvernance ou d'autres actions que peut entreprendre l'État actionnaire. La Cour des comptes invite également à ne pas confondre tutelle et actionnariat. Or il n'est pas rare que l'État sacrifie l'autonomie de gestion de ces entreprises.

Aujourd'hui, l'État actionnaire est confronté au défi de la gestion d'un très vaste héritage, hétérogène, aux enjeux stratégiques, dans un contexte financier dégradé. La valeur nette comptable des participations de l'État est de près de 100 milliards d'euros, les effectifs des entreprises détenues majoritairement par l'État atteignaient près de 800 000 personnes en 2012, soit un peu plus de 3 % de l'emploi salarié en France. Dans un contexte de redéfinition par l'État de sa politique en matière de participations de l'État, alors qu'il vient de céder 4,7 % du capital de Renault avec un profit de 55 millions d'euros et qu'il conserve 23 % de celui d'Orange, je me rappelle un discours de la campagne présidentielle : « Plus d'État là où il y en a besoin, moins d'État là où il y en a moins besoin. » Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie du Gouvernement en la matière ?

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Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé de l'impact du dégrèvement lié à la baisse de la taxe d'habitation. Effectivement, le budget de la mission « Remboursements et dégrèvements » augmentera sensiblement en raison du dégrèvement voté, qui représentera 10 milliards d'euros en année pleine, lorsque la taxe d'habitation sera supprimée, mais, pour ma part, je ne parlerai pas de suppression. En fait, la charge fiscale n'est que déplacée : c'est le contribuable national qui paiera en lieu et place du contribuable local.

Quant à la préoccupante dette française, c'est une bombe à retardement : 2 231 milliards d'euros ! Elle représentera 96,8 % PIB à la fin de l'année et nous atteindrons en 2019 un pic, à 97,1 % du PIB. En fait, vous laissez filer la dette. Contrairement à ce que j'ai entendu, les dépenses de l'État ne baissent pas, elles continuent à augmenter. Je suis très inquiète. Voyez les annonces de la garde des sceaux, il y a quelques jours, avec un programme de 15 000 places de prison, un budget non financé de 1,4 milliard d'euros pour les prochaines années, alors que nous venons de voter la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. D'ailleurs, la Commission européenne, dans une lettre signée, entre autres, par Pierre Moscovici, a souligné que la France ne respectait pas le rythme de référence de la réduction de la dette.

Entre croissance, très faibles taux d'intérêt et bas prix du baril, le contexte est favorable, et vous n'en profitez pas. Avez-vous prévu une éventuelle remontée des taux ? Comment vous préparez-vous à une hausse mécanique et très inquiétante de la charge de la dette ?

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À l'unisson avec Véronique Louwagie, je rappelle simplement que la charge de la dette, c'est six fois le budget de la justice, c'est 10 milliards d'euros de plus que le budget de la défense – et l'on sait à quel point il a fallu racler les fonds de tiroirs pour récupérer quelques centaines de millions d'euros ! Ayons toujours ceci à l'esprit : 30 000 euros de dette par habitant !

Et l'encours de la dette augmentera en 2018, puisque le déficit se creusera de 78 milliards d'euros. Certes, le poids de la dette est passé de 920 milliards d'euros en 2007 à 2 800 milliards d'euros aujourd'hui et vous n'êtes pas responsable de la situation qui est la nôtre depuis trente ans, mais, monsieur le secrétaire d'État, alors que nous bénéficiions, sur le plan macroéconomique, de cet alignement des planètes auquel faisait référence Mme Louwagie, le ciel s'assombrit, avec la remontée des taux d'intérêt et la réduction annoncée – de moitié ! – du programme d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne. Et nous avons appris de la bouche de votre collègue Bruno Le Maire, à cause de l'annulation de cette fameuse taxe sur les dividendes, qu'il faudrait naturellement trouver 5 milliards d'euros dans le budget 2018 tout en respectant l'obligation de contenir nos déficits publics sous le seuil des 3 % du PIB. Nous le verrons, nous allons tutoyer cette ligne jaune !

Sans réforme en profondeur, les dépenses publiques continueront d'augmenter. Elles augmentent beaucoup plus que vous ne le prévoyiez, et vos économies ne sont pas à la hauteur.

Comment donc allez-vous à la fois transformer l'État, diminuer la dépense publique et réduire la dette ? Et qu'en est-il des appels en garantie de l'État ? Cela représente plus de 4 000 milliards d'euros. Comment diminuer cette dette-là sans réforme en profondeur ? Enfin, puisque les dépenses publiques augmentent en en 2018, quelle diminution des dépenses publiques le Gouvernement espère-t-il d'ici à 2022 ?

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Merci, monsieur le président, de m'accueillir dans votre commission.

Je voudrais quelques précisions sur les dégrèvements et la taxe d'habitation. C'est un sujet important : les dégrèvements représentent 14 % des flux financiers entre l'État et les collectivités. Avec l'augmentation de 26 % liée à la première partie de la réforme de la taxe d'habitation, cette part va encore augmenter.

Comment articulez-vous le maintien, auquel vous vous êtes engagé, d'un pouvoir de taux avec le mécanisme de limitation et de gel des taux dans les trois prochaines années que vous annoncez ? Et comment garantir aux élus locaux que cette exonération de taxe d'habitation sera bien compensée aux collectivités par la voie du dégrèvement, puisque d'une année sur l'autre, les modes de compensation peuvent être modifiés, passer du dégrèvement à l'allocation de compensation ?

Comment, d'autre part, envisagez-vous de gérer la complexité des bases de référence, entre les dégrèvements sur les bases des années 2000 et celui sur les bases de l'année 2017 ? Je suis convaincu que sans révision des valeurs locatives c'est un nouveau modèle fiscal qu'il faudra mettre en place au-delà de ces trois ans. Sinon, avec la réforme que vous nous proposez, cela ne tiendra pas.

En première partie, nous avons voté un amendement portant article additionnel pour que ne soient pas assujetties les personnes veuves qui, du fait de la réforme des demi-parts, deviendraient éligibles à la taxe d'habitation. Cet amendement permet de maintenir l'exonération de la taxe d'habitation pour 2017, avec un coût de 60 millions d'euros à gager. Et il est précisé que ces contribuables bénéficieront de nouveau du dégrèvement en 2018 et 2019, mais directement, à hauteur de 100 %. Dans le rapport du rapporteur général, le problème semblait réglé, puisque, dans les mesures à gager, il y avait 35 millions d'euros pour couvrir l'exonération en 2017 de ces mêmes foyers. À quoi correspondent donc ces 60 millions d'euros ? A l'exonération de taxe d'habitation de ces personnes pour 2017 ou au dégrèvement à 100 % dont bénéficieront ces mêmes personnes en 2018 et en 2019 ? Et comment vos services font-ils actuellement dans les départements pour notifier aux collectivités leur base de taxe d'habitation 2017 en tenant compte du maintien de cette exonération pour 2017 – sans base légale, puisqu'ils nous disent parfois appliquer par anticipation une mesure qui n'a été adoptée que provisoirement par l'Assemblée, et dont l'entrée en vigueur devra attendre la promulgation de la loi de finances pour 2018 ? Est-ce parce qu'il est impossible de trouver un gage pour cette mesure dans la loi de finances rectificative pour 2017 ? Ou y a-t-il une autre raison ?

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Au nom du groupe La France insoumise, je voudrais vous interroger également sur la dette. Laissons de côté la confusion fréquente entre le flux et le stock : en moyenne, la dette se rembourse en un peu plus de sept ans. Il y a un aspect que je ne comprends pas : les recettes de l'État par rapport au PIB ont diminué de 5 points en trente ans : en fait, c'est surtout de ressources que l'on se prive.

Comment peut-on estimer nécessaire d'augmenter la dette en remboursant 5 milliards d'euros aux grandes entreprises qui ont fait une réclamation contre la France, au lieu de faire peser sur elles le poids du projet de loi de finances rectificative ? Par ailleurs, pourquoi se prive-t-on cette année de plus de neuf milliards d'euros de recettes, principalement sur les plus riches, avec la suppression de l'ISF, la flat tax et d'autres mesures favorisant ceux qui ont le plus de capital, alors qu'il est question de réduire la dette ?

Grâce aux Paradise Papers, on sait qu'à peu près 20 milliards d'euros s'évaporent en « optimisation fiscale », euphémisme pour désigner ce qui est de la triche, à quoi il faut rajouter 80 milliards d'euros d'évasion fiscale. Nous avons entendu des mots très forts dans la bouche de M. Macron et dans celle de M. Le Maire, mais quand en viendra-t-on à des mesures consistant à faire sauter le « verrou » de Bercy, à imposer l'impôt universel pour que nos concitoyens résidant à l'étranger paient le différentiel avec ce qu'ils acquitteraient en France, à pourchasser véritablement les banques qui continuent à travailler avec les paradis fiscaux, enfin à instaurer une incrimination délictuelle pour tous ceux qui incitent à l'optimisation fiscale en fin d'année, ce qui va contre nos intérêts ?

Je félicite les rapporteurs spéciaux, particulièrement sur la question de la « dette verte » – la seule, à mon avis, qui compte pour l'avenir. Vous avez parlé de 20 milliards d'euros d'investissements, monsieur le ministre, mais où les trouvez-vous ? Sur les 57 milliards d'euros que vous annoncez, seuls 24 milliards représentent de l'argent frais : je serais donc étonné qu'il y ait 20 milliards pour l'investissement en matière écologique.

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Au nom de la dette et des intérêts acquittés à ce titre, que de sacrifices il nous faudrait encore accepter ! En tant que député du Nord, département où l'on connaît les sacrifices, je trouve que cette situation n'est plus acceptable. Entre 2008 et 2011, les États membres de l'Union européenne ont versé plus de 1 600 milliards d'euros aux banques pour les sortir de la crise des subprimes. Sur la même période, l'endettement de la France est passé de 70 % à 100 % du PIB, en seulement trois ans donc. Aujourd'hui, loin de contribuer à l'effort de redressement des comptes de la nation, les banques nous étranglent en réclamant des intérêts scandaleux sur notre dette : 41,2 milliards d'euros pour 2018 ! Et 1 % de hausse de ces taux nous coûterait 2 milliards d'euros l'année prochaine. C'est absolument insupportable.

En Grèce, la dette reste le premier problème. La cure d'austérité qui a été imposée à ce pays est loin d'avoir diminué cette dette : elle l'a au contraire augmentée, puisqu'elle est passée de 150 % à 185 % du PIB. Comme toujours avec la dette, les banques centrales se sont enrichies. Mario Draghi a dû admettre que la Grèce a ainsi versé 7,8 milliards d'euros d'intérêts entre 2012 et 2016. Nous ne les avons pas rendus. La France, qui a perçu plus d'un milliard d'euros d'intérêts sur la dette grecque, va-t-elle montrer l'exemple en rendant cette somme ?

Quelles initiatives la France peut-elle prendre pour se financer à taux zéro, comme elle le faisait autrefois ? Compte tenu des taux d'intérêt que les collectivités territoriales doivent verser pour investir, il me paraît indispensable qu'elles puissent se financer à taux zéro. Quand va-t-on se libérer de ces taux d'intérêt qui nous plongent dans un état de surendettement permanent ?

Comme Eric Coquerel, je crois qu'il faut mettre en regard notre déficit, soit 76,5 milliards d'euros, avec les 80 milliards d'euros d'évasion fiscale. Si on les récupérait, ce n'est plus de déficit que l'on parlerait, mais d'investissement.

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Sans revenir sur la question de la dette, je commencerai par quelques observations au nom du groupe Mouvement démocrate et apparentés : l'État emprunte pour financer les intérêts de la dette, nos prélèvements obligatoires restent les plus élevés d'Europe et le déficit continue à se creuser. Nous payons les erreurs du passé.

A-t-on fait l'inventaire de ce que possède l'État ? N'y a-t-il pas des actifs à céder ? L'État a-t-il vocation à être actionnaire dans tous les secteurs, au lieu de se concentrer sur ceux qui sont régaliens ? Etant donné les problèmes rencontrés par Areva, est-il vraiment le meilleur gestionnaire qui soit ? Pourquoi ne s'imposerait-il pas la règle d'or ? Depuis 1974, nous n'avons jamais atteint l'équilibre budgétaire. Quelle est la stratégie à court et moyen termes pour sortir de ce déficit structurel ? Selon certaines études, on pourrait économiser entre 20 et 25 milliards d'euros en supprimant le millefeuille territorial, comme on l'envisage depuis des années.

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

L'État détient des participations nombreuses dans des entreprises très variées, qui sont parfois le fruit de l'histoire plutôt que de choix réellement stratégiques et où pèse la sédimentation des décisions prises : je ne suis pas certain, monsieur Saint-Martin, de pouvoir faire une chronologie argumentée de la totalité des participations que vous évoquez et des raisons pour lesquelles nous détenons des participations dans certaines entreprises.

La modernisation de l'État actionnaire a néanmoins connu une étape importante en 2014, avec l'élaboration d'une doctrine d'investissement et la publication de l'ordonnance relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. L'État s'est ainsi doté d'une doctrine de gestion active de ses participations, avec quatre objectifs principaux identifiés à ce stade et formalisés dans les lignes stratégiques de l'État actionnaire au début de l'année 2014 : garantir un niveau de contrôle suffisant dans des entreprises à capitaux publics stratégiques, intervenant dans des secteurs particulièrement sensibles en matière de souveraineté ; s'assurer de l'existence d'opérateurs résilients afin de pourvoir aux besoins fondamentaux du pays – la notion de besoin fondamental pouvant évoluer au cours du temps ; accompagner le développement et la consolidation d'entreprises, en particulier dans des filières et des secteurs déterminants pour la croissance économique en France mais aussi en Europe, dans la perspective de constituer des groupes à dimension européenne ; intervenir ponctuellement, dans le respect des règles européennes, dans des opérations de sauvetage d'entreprises dont la défaillance entraînerait des conséquences systémiques – ce fut le cas encore récemment et des choix d'investissements ont été faits.

Dans une période qui est plutôt d'attrition budgétaire, où il faut gérer avec parcimonie les deniers publics et faire face aux défis des transitions économiques, industrielles, technologiques et écologiques, il est sans doute nécessaire d'être plus sélectif en matière d'actionnariat public et de se concentrer sur les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de l'État, sur les questions relatives à la défense, au nucléaire ou à l'énergie, et participant à des missions de service public ou d'intérêt national. Une respiration du portefeuille de l'Agence des participations de l'État (APE) est envisagée afin de répondre aux mutations qui viennent bousculer le monde économique et notre tissu industriel. Nous aurons l'occasion de préciser ces grandes orientations en temps utile, mais le travail que nous sommes en train de réaliser sur le Fonds pour l'innovation de rupture (FIR) viendra déjà alimenter les choix que nous pourrions faire en matière de prises de participation. J'attends beaucoup du rapport que produira Cédric Villani sur les enjeux de l'intelligence artificielle, notamment pour la constitution de la fameuse « industrie 4.0 ». Il y aura, une fois de plus, matière à débattre ensemble. Les recettes des cessions de participations serviront à alimenter ce fonds pour l'innovation de rupture : il n'est pas inutile d'utiliser les participations d'hier pour construire l'industrie et l'économie de demain. L'État jouera son rôle, à la place qui est la sienne. Elle n'est pas nécessairement prédominante, à l'exception des secteurs stratégiques que j'ai évoqués.

Pour répondre aux inquiétudes de Mme Louwagie sur le pic d'endettement que nous atteindrons en 2019, je rappelle qu'il est essentiellement dû au basculement du CICE en allégements de charges et au cumul, sur cet exercice, avec les crédits d'impôt dus au titre de 2018. Il en résulte un surcoût de 20 milliards d'euros, mais qui ne se répétera pas – c'est un one-shot, comme on dit en bon français. (Sourires.)

La trajectoire a été très clairement explicitée. Le dernier budget en équilibre a été celui de 1974, alors que je n'étais pas né. Nous sommes quelques-uns autour de cette table à ne pas avoir connu de budgets en équilibre. Alors que, depuis quarante-trois ans, nous avons accumulé la dette, nous avons prévu 5 points de PIB de baisse à l'issue de ce quinquennat. Alors que nous étions à un niveau de dette équivalent à celui de nos partenaires allemands il y a dix ou douze ans, l'écart dépasse aujourd'hui trente points. Il ne peut s'expliquer que par l'absence de choix stratégiques, structurels et structurants pour la réduction des dépenses publiques. C'est un élément sur lequel le Gouvernement s'est fortement engagé.

Plusieurs facteurs sont susceptibles d'entraîner une remontée des taux d'intérêt français : la reprise de la croissance et de l'inflation, ainsi que le resserrement des conditions monétaires, aujourd'hui accommodantes, qui sont accordées par les principales banques centrales. Ces deux facteurs sont déjà intégrés dans les hypothèses de taux pour les prévisions de charge de la dette. Le taux à dix ans attendu fin 2017 s'élève à 1,1 % et à 1,85 % fin 2018, contre 0,76 % en 2017. Nous sommes totalement conscients du risque, important, qui pèse sur nos finances publiques. D'où l'impérieuse nécessité de réduire la voilure : on ne peut pas rester dépendant de facteurs exogènes, tels que le niveau des taux d'intérêt, sur un budget qui représente six fois celui de la justice et constitue le deuxième poste de dépenses de l'État.

Nous avons fait l'hypothèse que la politique monétaire accommodante de la BCE s'infléchirait à partir de 2018 et que les taux courts commenceraient donc à remonter progressivement. L'impact serait un choc de taux : dans le cas d'une augmentation de 100 points de base, il y aurait une augmentation de la charge de 2,1 milliards d'euros en 2018, de 4,8 milliards en 2019 et de 7,2 milliards en 2020. Cette évaluation est faite en comptabilité maastrichtienne. Nous sommes très vigilants car c'est un élément absolument essentiel dans la construction qui est la nôtre.

En ce qui concerne les dépenses publiques, nous nous sommes engagés sur une baisse de plus de 3 points de PIB sur le quinquennat, ce qui nous conduira autour de 50,9 %. Voilà notre trajectoire et j'espère que nous pourrons la respecter.

Je ne fais pas partie de ceux pour qui le ciel s'assombrit, monsieur Vigier. Les déclinistes n'aident pas à faire en sorte qu'il s'éclaircisse un jour, et si nous entretenons nous-mêmes nos névroses, je crains que nous ne finissions tous par en être atteints. Le message n'est pas qu'il faudrait être des optimistes béats ou des imbéciles heureux, mais j'aspire plutôt à être heureux et à donner de la confiance à nos entreprises, à ceux qui souhaitent investir et à nos partenaires étrangers.

S'agissant de l'attractivité financière de la place de Paris, par exemple, j'observe que de très grandes banques étrangères et des fonds ont annoncé la relocalisation de leurs activités chez nous plutôt que chez certains de nos voisins européens avec lesquels nous entretenons une concurrence saine, mais virile. Ce ne sont pas des signaux d'assombrissement du ciel.

Nous nous serions volontiers passés, naturellement, de la contribution additionnelle qui fait suite au rejet par la Cour de justice de l'Union européenne puis par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les dividendes : c'est un signal qui vient brouiller le message. Je rappelle néanmoins que cela concerne seulement les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard d'euros, avec une tranche supérieure au-delà de 3 milliards, ainsi qu'un mécanisme de lissage que votre Assemblée a eu la sagesse d'adopter. De très nombreuses entreprises, en particulier les PME, ne sont pas du tout affectées par ce mécanisme. On parle beaucoup des 319 ou 321 entreprises concernées – il faudrait vérifier le chiffre –, mais j'aimerais que l'on évoque aussi toutes celles qui ne le sont pas. Ce sont elles qui créent des emplois – des PME à 95 % – et qui constituent la cible du futur projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi qui aura pour coeur la question du financement.

En ce qui concerne le prélèvement forfaitaire unique (PFU), l'un des sujets qui pourrissent la croissance de nos PME depuis près de vingt ans, et qui conduit à ce que la France ait trois fois moins d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) que l'Allemagne et deux fois moins que l'Italie ou la Grande-Bretagne, c'est qu'il n'y a pas de mécanisme de financement pour ces entreprises. Quand on a besoin de très peu d'argent, on en trouve, et quand il en faut beaucoup, on va sur les marchés. Entre les deux, en revanche, il y a un angle mort de notre modèle économique. Quelques fonds existent, dont un est alimenté par la Banque européenne d'investissement (BEI » : il dispense des « tickets » de 3 à 5 millions d'euros pour permettre à des PME de grandir. Il y a donc des outils, mais ils sont encore peu nombreux.

Comment allons-nous réduire la dette ? Par la diminution des dépenses et du train de vie de l'État – j'évoquais tout à l'heure le comité Action publique 2022. Il revient d'abord à l'État de montrer l'exemple dans son mode de fonctionnement, dans la manière dont on construit, on exerce et on imagine l'action publique. Le numérique est une source d'économies importantes. Des réformes structurelles sont engagées en matière d'apprentissage et sur les retraites – je rappelle que Jean-Paul Delevoye a été nommé haut-commissaire sur ce dernier sujet. Une transformation a été engagée sur les principaux postes de dépenses, même si certains éléments sont encore en discussion. Notre obsession est la baisse des dépenses publiques et de la pression fiscale, pour les ménages comme pour les entreprises. Nous devons mettre un terme à une maladie bien française. Cela prendra du temps, mais je suis certain que nous aurons du soutien.

Le bénéfice du dégrèvement de la taxe d'habitation est fondé sur un critère de revenu qui apparaît objectif et rationnel, monsieur Dussopt. Afin de préserver l'autonomie financière des collectivités locales, l'État prendra en charge les dégrèvements dans la limite des taux et des abattements en vigueur pour les impositions de l'année 2017, les éventuelles évolutions de taux ou d'abattements étant supportées par les contribuables. Les collectivités locales bénéficieront pleinement du dynamisme des bases, et un mécanisme de limitation des hausses de taux ultérieurement décidées par les collectivités et de prise en charge des conséquences sera instauré. Nous garantirons ainsi un dégrèvement complet en 2020 pour les foyers concernés. Nous en discuterons lors de la Conférence nationale des territoires qui se tiendra prochainement, et une refonte plus globale de la fiscalité locale sera également mise à l'étude dans ce cadre. Cela fait de très nombreuses années que l'on en débat. Nous reviendrons vers vous pour des explications plus techniques sur la mise en oeuvre : mes services se tiennent à votre disposition pour des réponses très précises.

Monsieur Coquerel, nous avons des philosophies très différentes, dont nous pourrions débattre si nous en avions le temps ce matin. Si nous versons cinq milliards d'euros aux entreprises, c'est que le droit n'a pas été respecté.

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Ma question portait sur le choix d'accroître le déficit du pays.

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

Vous m'avez demandé pourquoi ne pas utiliser les recettes du PFU et de l'ISF pour compenser : c'est que nous avons fait le choix de l'investissement, des entreprises qui créent des emplois, pérennisent de l'activité dans nos territoires et prennent des risques. Nous n'avons pas fait le choix de taxer le capital de manière éhontée comme c'est arrivé précédemment : si cela fonctionnait, on le saurait, et il n'y aurait pas 3,5 millions de personnes au chômage, une industrie où des centaines de milliers d'emplois ont été détruits au cours des dix dernières années et un modèle économique dont on peut objectivement penser qu'il ne permet pas d'atteindre le niveau de croissance potentielle qui est celui de notre pays. Notre conviction est qu'il faut réinjecter de l'investissement, permettre au capital de circuler et d'être investi non pas de manière purement spéculative, mais dans l'outil de production, pour transformer notre industrie et à faire en sorte qu'elle ne manque pas le virage de la numérisation, comme elle l'a fait pour celui de la robotisation – de très nombreux chefs d'entreprise nous le disent.

L'optimisation n'est pas de la « triche », c'est du droit. Est-elle contestable d'un point de vue moral ? À l'évidence, oui, mais il faut faire attention aux termes que l'on emploie : ce n'est pas la même chose que la fraude, contre laquelle un combat est à mener. L'optimisation relève du législateur, notamment communautaire – on peut créer tous les mécanismes que l'on veut à l'intérieur des frontières nationales, dont je sais qu'elles vous sont chères, monsieur Coquerel, mais il y aura alors des stratégies d'évitement. C'est un combat qu'il faut mener à l'échelle européenne. Bruno Le Maire était hier et avant-hier en Allemagne et à Bruxelles pour ouvrir ce débat. L'optimisation fiscale est une question difficile, dont certains pays européens se font en quelque sorte les experts. C'est un sujet sur lequel la France doit s'engager, dans un cadre collectif : si nous le faisions seuls dans notre coin, j'aurais peur que nous ne soyons certes heureux dans nos frontières mais malheureux à l'extérieur.

Vous savez que nous sommes depuis de nombreuses années à la pointe du combat. Les fraudeurs savent qu'ils sont dans le viseur des États, mais aussi des journalistes et des lanceurs d'alerte. Je me réjouis de cet exercice d'open data, qui permet de mettre en lumière des pratiques et conduira à un contrôle encore plus efficace. Nous utilisons à plein les mécanismes de coopération et d'accès à l'information qui se sont multipliés en quelques années grâce aux travaux efficaces du G20 et de l'OCDE.

J'ai répondu à votre interrogation, monsieur Roussel. Je respecte pleinement les convictions et la démarche qui sont les vôtres sur la gestion de la dette, mais ce n'est pas notre approche. Nous considérons que la dette, au fond, est l'ennemi de l'État. Plus ce dernier est endetté, moins il a de marges de manoeuvre et moins il peut se comporter comme un stratège. Les vrais ultralibéraux ne sont pas ceux qui combattent la dette de l'État mais ceux qui l'encouragent, car un État endetté n'a pas de marges de manoeuvre. Je crois profondément à sa capacité à organiser, à réguler, à prendre ses responsabilités, à mettre en place des politiques publiques et à corriger. Pour qu'il puisse le faire, nous devons en finir avec la spirale infernale de la dette. Plus l'État est endetté, plus nous faisons le bonheur des ultralibéraux et ma conception de l'État ne consiste pas à leur faire plaisir. La réduction de la dette est pour nous un moyen d'améliorer son action.

Les questions évoquées par M. Laqhila sont très larges et j'ai peur que le temps ne soit compté… J'ai déjà répondu sur la quasi-totalité des points, mais je serais heureux de continuer à en débattre dans un autre cercle.

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En tant que co-rapporteure de la mission « Engagements financiers de l'État », avec Bénédicte Peyrol, je souhaite vous interroger sur le transfert des activités de garanties publiques à l'exportation de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) à Bpifrance Assurance Export au 31 décembre 2016. Ce transfert, qui était inscrit dans la loi de finances rectificative pour 2015, a conduit l'État à apporter une garantie directe, alors qu'elle était jusque-là indirecte. Bpifrance Assurance Export gère désormais les garanties publiques des exportateurs au nom de l'État et pour son compte. La création, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017 du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur » permet de retracer ces opérations de garantie.

Pourriez-vous nous indiquer de quelle façon ces transferts d'activité se sont déroulés entre la COFACE et Bpifrance Assurance Export ? Disposez-vous déjà de premiers retours d'expérience su cette mutation du schéma de garantie publique à l'exportation ? Quels sont les bénéfices du passage d'une garantie dite oblique de l'État à une garantie directe ? Enfin, quels sont les bénéfices d'une gestion par Bpifrance Assurance Export plutôt que par la COFACE ? Cela permet-il des économies de gestion ?

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Ma première question porte sur la mission « Remboursements et dégrèvements de l'État ». Je ne reviendrai pas sur la difficulté que le Gouvernement a rencontrée avec la taxe sur les dividendes, mais plutôt sur votre annonce d'une division par deux du taux des intérêts moratoires. Lors du débat de lundi soir dans l'hémicycle sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017, il a été question d'une recherche de solution, mais aucun amendement n'a été adopté dans ce sens. Nous en avions pourtant déposé un, avec Gilles Carrez, pour réduire de moitié le taux. J'aimerais donc avoir quelques précisions.

S'agissant du programme 117, j'aimerais vous entendre dire – même si je crois que vous l'avez déjà en partie annoncé – qu'il y a un réel danger de progression de la dette. En 2018, ce Gouvernement va emprunter 195 milliards d'euros : c'est inédit et colossal. En cas d'augmentation d'un point des taux d'intérêt, la rapporteure spéciale a évalué l'impact à un milliard d'euros la première année et à 19 milliards la cinquième. Cette évaluation est-elle raisonnable : ne risque-t-on pas d'aller au-delà d'1 % ?

Vous avez annoncé que des réformes structurelles seraient mises en oeuvre dans le cadre de l'après-RGPP et de l'après-MAP, mais nous constatons que votre budget prévoit seulement 1 600 fonctionnaires en moins. Compte tenu de l'endettement de la France, ce n'est pas ce que l'on peut appeler une réforme structurelle.

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Je voudrais aborder un point qui n'a pas encore été évoqué ce matin : la fin du prêt à taux zéro (PTZ) pour un certain nombre de nos concitoyens. Ce sujet mérite davantage d'attention de la part du Gouvernement. Avec ce que vous avez proposé, les zones rurales et les petites villes ne seront plus concernées, en l'occurrence les zones B2 et C. Une telle réforme va très clairement anéantir les espoirs des familles les plus modestes de pouvoir accéder à la propriété par ce dispositif. C'est de toute évidence une injustice : malgré la communication de votre Gouvernement, les injustices sont en train de s'accumuler.

Le PTZ va disparaître sur 95 % du territoire national. Il sera réservé aux résidents des grandes villes, alors que la majorité des ouvriers et des employés habitent dans leurs périphéries. Toute une partie de la population française va donc se trouver exclue de ce dispositif qui leur permet d'accéder à la propriété et constitue un élément extrêmement important de justice sociale. Une fois encore, il y a un écart entre le discours du Gouvernement et ce qu'il fait. Comment justifiez-vous la suppression de ce dispositif ? Il a été dit qu'il faut le concentrer sur les zones sous tension, mais vous voyez bien que les effets collatéraux sont majeurs. C'est une attaque contre la ruralité et contre 95 % du territoire national.

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J'ai une petite question sur la garantie de l'État. Dans le document de notre rapporteure spéciale, il est indiqué que les engagements de retraite et assimilées de l'État sont passés de 2 036 milliards d'euros fin 2015 à 2 352 milliards fin 2016, soit une augmentation de 316 milliards. Pourriez-vous nous expliquer les raisons de cette hausse ? Avez-vous les chiffres prévisionnels pour 2017 ?

Ma deuxième question porte sur les primes et décotes à l'émission – vous savez que c'est un de mes dadas. Le 20 septembre dernier, nous avons auditionné M. Requin, directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), et j'ai été extrêmement surpris par sa réponse à la question de savoir si les ministres successifs lui ont donné des instructions, un cadrage, sur le recours à tel ou tel type d'émissions. Il nous a dit ceci : « Je n'ai jamais reçu la moindre instruction d'un ministre, d'un directeur de cabinet ou d'un directeur général d'administration centrale pour demander d'émettre des titres, assortis d'une prime d'émission. » Cette autonomie totale d'un haut fonctionnaire est étrange. Trouvez-vous cette situation normale ? Le mécanisme des primes d'émission a commencé en 2008, alors que l'Allemagne a toujours refusé d'y avoir recours.

Selon le rapport spécial de notre collègue, le chiffre prévisionnel était de 6 milliards d'euros en France à la fin du mois d'août, et les documents budgétaires font état de 5 milliards pour l'année. Pourriez-vous nous dire quel est le montant cumulé des primes d'émission nettes ? M. Requin a évoqué un chiffre provisoire compris entre 56 et 60 milliards d'euros en stock, soit près de 3 points de PIB. Trouvez-vous ce système normal ? Le montant se trouve en trésorerie, c'est-à-dire comme une ressource de financement, alors qu'il s'agit en fait de « planter » les charges financières de l'État pour les années suivantes, le taux étant plus élevé budgétairement – mais pas économiquement.

En ce qui concerne les remboursements et les dégrèvements, notre rapporteure spéciale écrit à propos de l'annulation de la taxe de 3 % que le montant des réclamations identifiées à la fin d'août 2017 s'élevait à 6,8 milliards d'euros. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il prévu que 5,7 milliards dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, dont 300 millions en 2018 ? Je vois que l'on passe subitement à un montant de 9,7 milliards d'euros et qu'il faudra payer 5 milliards en décembre prochain. Pouvez-vous nous expliquer ce changement complet d'analyse ?

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Comme l'a souligné notre rapporteure Christine Pires Beaune, ce budget respecte vos engagements de campagne, en tout cas s'agissant de l'allégement de la taxe d'habitation pour une partie de nos concitoyens. Je partage tout à fait la nécessité de redonner du pouvoir d'achat et de redistribuer aux Français qui attendent beaucoup, mais pas nécessairement de la sorte. Le caractère injuste de la taxe d'habitation a été souligné : ses bases mériteraient d'être profondément révisées. On déplace l'injustice d'un impôt local vers une contribution nationale, mais cela reste injuste pour ceux qui continuent de payer, comme le demeurent aussi les bases, qui servent par ailleurs pour le calcul de la taxe foncière.

À cela s'ajoute une injustice territoriale qui touche, une fois de plus, la ruralité et les petits bourgs-centres en difficulté. Ces territoires ruraux, où les taux sont très bas, et ces petites villes en difficulté, où une bonne partie des habitants est déjà exonérée, seront les plus faibles bénéficiaires si l'on raisonne en volume de pouvoir d'achat redistribué, alors que ce sont ces territoires en décrochage qui attendent le plus. La parole électorale est respectée, mais elle est injuste. À quand, monsieur le ministre, une vraie réforme de la fiscalité locale ou, en attendant, un peu plus de péréquation et d'attention pour la ruralité ?

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J'ai deux questions : une à laquelle vous n'avez pas répondu jusque-là, et une autre pour laquelle je n'ai pas vraiment compris la réponse.

Depuis 2012, la BCE a perçu environ 8 milliards d'euros en spéculant sur la dette grecque, et la France a bénéficié de 1,164 milliard depuis 2015. J'ai entendu tout à l'heure qu'il est bon d'avoir une concurrence « saine mais virile » avec les autres places européennes ; en l'occurrence, il s'agit plutôt de l'exploitation d'un pays totalement en ruines. J'aimerais connaître la position de la France.

En ce qui concerne les participations financières, vous avez déclaré que les dividendes hors secteur énergétique rapportent 3,5 milliards d'euros à l'État, soit une rentabilité de 6,2 %, la moyenne du CAC 40 étant de 3,5 %. Je continue à avoir du mal à comprendre pourquoi vous allez faire une si mauvaise affaire en vendant ces participations et en plaçant le produit dans un fonds d'investissement qui rapportera au maximum entre 200 et 300 millions d'euros par an à l'État si le montant total s'élève à 10 milliards, compte tenu des taux d'intérêt, qui sont moins élevés que les dividendes. Si on laisse de côté la question stratégique qui concerne la raison de l'investissement de l'État dans ces entreprises, je ne comprends pas que l'on s'apprête à faire une aussi mauvaise affaire. Vous évoquez la nécessité de modifier le portefeuille – pourquoi pas, car on peut imaginer de vendre pour acheter des participations dans d'autres entreprises – mais ce n'est pas la question : vous allez vendre des participations pour faire un placement dans des fonds qui rapportent moins. Comment peut-on y voir une bonne gestion des intérêts de l'État ?

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Je voudrais revenir très rapidement sur la question de la dette et de son évolution. Vous l'avez très bien dit : la situation est préoccupante. Comme vous l'avez également souligné, un État est faible quand il a une dette importante. Tout le monde connaît les chiffres, mais je voudrais en rappeler un : notre dette augmente de 2 665 euros chaque seconde. Il n'y a pas de secret : pour stopper l'évolution de la dette, puis à terme la réduire, il faut voter un budget en équilibre. On ne peut pas avoir un budget en déficit de 80 milliards d'euros chaque année et réduire la dette. À quand un budget voté en équilibre ? À quand la règle d'or dans la Constitution ?

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La dette est en partie liée aux nombreux investissements réalisés de tout temps. Selon une idée qui court, plus on investit et moins on dépense en fonctionnement. Or, si l'investissement est toujours calculé dans le secteur privé en fonction des économies potentielles et qu'il trouve sa rentabilité propre – le chef d'entreprise n'investit que si le coût est compensé par des économies diverses, par exemple en personnel –, c'est assez différent dans le secteur public. Quand on investit, on ne réalise pas nécessairement des économies : on génère même souvent de la dépense. Pour un bâtiment public, qu'il soit destiné à la culture, à un usage sportif ou à d'autres fonctions, l'investissement ne représente en réalité que 20 % du coût total : il faut faire fonctionner le bâtiment avec du personnel, apporter des fluides et assurer l'entretien « du berceau à la tombe », comme on dit.

Ne serait-il pas temps d'avoir un référentiel pour nos investissements, afin de calculer a priori si cela implique des dépenses supplémentaires ou des économies – on s'aperçoit parfois qu'au lieu de réduire les dépenses énergétiques, on en crée – et quels sont les coûts globaux, indirects – ils peuvent être sociaux, environnementaux, avec la fameuse dette écologique, ou en matière de santé. Je sais que le calcul du coût global est très compliqué, mais il me semble que c'est une nécessité si l'on veut être moderne et évaluer les politiques publiques.

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Les informations révélées il y a quelques jours sur les procédés d'optimisation fiscale dans les Paradise Papers concernent de grandes entreprises que vous connaissez sans doute ; des noms circulent. Allez-vous rembourser à ces entreprises, comme si rien ne s'était passé, la contribution de 3 % dont elles se sont acquittées sur les dividendes, ou bien envisagez-vous d'autres solutions ?

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Je ne reviens pas sur le fait que la trajectoire actuelle est insoutenable, ni sur les autres difficultés de la situation. Ma question est très simple : est-il envisagé d'essayer de réorienter l'émission des futurs emprunts de l'État vers le marché intérieur ? Environ deux tiers de la dette publique sont aujourd'hui détenus par des non-résidents. Une telle solution permettrait de maintenir dans le circuit intérieur les montants financiers liés à la dette. Je n'ignore pas la difficulté : il existe un marché mondial et vous êtes soumis à des règles, mais on peut quand même essayer de réorienter les émissions d'État vers le marché intérieur.

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Un sujet qui nous préoccupe depuis longtemps, et que Christine Pires Beaune a évoqué, est la non-compensation par l'État d'un certain nombre d'abattements et d'exonérations. Depuis le début, ce gouvernement qualifie son budget de « sincère », mais la sincérité consisterait peut-être à donner publiquement les chiffres. Cela commence à être fait, dans nos rapports : il faut savoir comment ça va se passer budgétairement. Nous en reparlerons à propos de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », mais qu'est-ce qui sera compensé ou non ? Nous aimerions un peu plus de clarté et de précisions.

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

Le transfert de l'activité à une filiale du groupe Bpifrance permet de faire émerger ce dernier comme un point d'entrée unique pour les entreprises, ce qui rationalise des dispositifs parfois un peu complexes jusque-là, notamment pour les PME, que leurs besoins concernent le financement de l'innovation ou encore les aides à l'export. Une meilleure diffusion des garanties publiques à l'export a lieu sur le territoire grâce au réseau très déconcentré de Bpifrance, qui est apprécié des entreprises. Il compte environ cinquante antennes régionales, alors que le réseau de la COFACE n'était constitué que d'une quinzaine de correspondants. Il en résulte une meilleure présence sur le territoire, et probablement une plus grande proximité avec les entreprises. Par ailleurs, la garantie directe de l'État assure une meilleure lisibilité pour nos partenaires étrangers, ce qui améliore les conditions de financement. Sous l'angle budgétaire, le transfert a été bénéfique à deux égards : d'abord, par une réduction des coûts de gestion des garanties publiques à l'export, de l'ordre de 20 % par an, soit la modique somme de 10 millions d'euros d'économies ; ensuite, par une amélioration de la qualité de l'information budgétaire, les frais de gestion étant désormais retracés dans un programme distinct des garanties, tandis qu'un compte de commerce retrace les flux budgétaires. Tels sont les éléments positifs du transfert d'activité de la COFACE à Bpifrance Assurance Export.

En réponse à Mme Dalloz, qui m'a interrogé sur l'emprunt, le désendettement, l'ampleur des économies et la réduction structurelle de la dépense publique en soulignant qu'il n'y aurait que 1 600 fonctionnaires en moins dans ce budget, je voudrais dire que supprimer des fonctionnaires n'est pas le seul moyen de réaliser des économies. Néanmoins, comme le Président de la République s'y est engagé pendant la campagne électorale, il y aura bien des réductions d'effectifs dans certains endroits, puisque les missions changent de nature, de périmètre ou d'envergure. Ce point a été parfaitement assumé dans le débat public, même si je sais que vous souteniez un candidat allant plus loin dans ce domaine. Je le répète : il n'y a pas que la réduction du nombre de fonctionnaires qui permet de faire des économies. Nous conduisons aussi des changements de politiques de nature structurelle, par exemple en ce qui concerne les aides personnalisées au logement, les collectivités locales ou d'autres éléments débattus à l'occasion de ce projet de loi de finances.

Vous avez évoqué ce que nous ferons de 2018 à 2022 dans le cadre du Comité de modernisation de l'action publique : je considère pour ma part qu'il est difficile de proposer un remède avant d'avoir un diagnostic. Il sera établi et débattu de manière contradictoire dès le premier trimestre de l'année 2018 et je suis certain que vous y participerez en proposant des baisses de dépenses structurelles autres que la seule réduction du nombre de fonctionnaires. C'est un élément mais pas le seul, loin de là.

S'agissant des primes à l'émission, j'avais été prévenu de votre marotte, monsieur de Courson – manifestement, mes services vous connaissent bien… (Sourires.) Sachez que la stratégie de l'Agence France Trésor (AFT) consiste à émettre les obligations les plus demandées par les investisseurs, ce qui paraît de bon aloi, car c'est la meilleure solution pour obtenir le meilleur prix. Par ailleurs, il serait contraire à l'intérêt du contribuable français de viser un niveau de prime d'émission et de donner, à ce titre, des instructions de nature politique à l'AFT, qui assure une gestion très efficace. Ces primes existent aussi chez certains de nos partenaires, y compris l'Allemagne. En 2016, le montant des primes à l'émission s'élevait à 6 milliards d'euros dans ce pays. Il n'y a donc pas d'inquiétude particulière à avoir sur ce sujet.

J'en viens aux engagements hors bilan, en particulier les retraites et leur taux d'actualisation.

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Ma question était de savoir pourquoi ça explose.

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

À taux d'actualisation constant par rapport à 2015, l'engagement pour les retraites de l'État était en 2016 de 1 827 milliards d'euros et non de 2 139 milliards. Ces chiffres doivent être manipulés avec précaution, étant donné que le taux d'actualisation s'est réduit en raison de la baisse des taux.

S'agissant de la taxe de 3 %, nous n'avions pas anticipé une censure dans de telles proportions par le Conseil constitutionnel, après la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Celle-ci avait appelé une mise au budget d'un montant d'environ 5,7 milliards d'euros. Nous sommes aujourd'hui bien au-delà : je crois que le Conseil constitutionnel est allé très loin dans son interprétation du texte, ce qui explique le décalage. Afin d'éviter ce type de contentieux et de désagréments à l'avenir, il faudra une meilleure coordination avec les services de l'Union européenne, avec la CJUE et, en interne, entre nos propres services.

M. Bricout a évoqué une injustice pour ceux qui continueront à payer la taxe d'habitation. Nous aurions aimé pouvoir réparer à 100 % l'injustice qui est là depuis de très nombreuses années et à qui personne ne s'était attaqué avant nous. Nous le faisons pour 80 % des Français, qui ne s'acquitteront plus de cette taxe dans les trois prochaines années, ce qui constitue déjà un bon début. Est-ce mauvais pour la ruralité ? Je suis originaire d'un département qui connaît bien les situations que vous avez décrites. Quant à la réforme plus globale de la fiscalité à laquelle vous avez appelé, la Conférence nationale des territoires pourra être l'occasion d'aborder cette question certes urgente, mais dont on discute depuis trente ans. En tout cas, vous aurez compris que cette majorité n'a pas peur de s'attaquer aux serpents de mer. Le sujet est d'importance en matière d'équité et de péréquation entre les territoires.

Nous ne volons pas la Grèce, monsieur Coquerel, et je rappelle aussi que la France n'est pas la seule concernée – tous les créanciers européens de ce pays le sont. Les intérêts perçus par les banques centrales à partir de 2017 seront reversés à l'État grec s'il respecte ses engagements, et ce reversement est provisionné en 2018.

Vous vous inquiétez du taux de retour sur investissement du Fonds pour l'innovation de rupture (FIR) – et j'en suis heureux, car ce n'est donc pas un gros mot pour vous. Vous vous félicitez que les participations rapportent des bénéfices, mais le FIR n'a pas la même vocation : la sienne est de permettre à des entreprises d'échapper à des cycles de marché courts, qui ne permettent pas de financer des programmes d'innovation ambitieux, non pas simplement « incrémentaux » mais réellement de rupture. Cela devrait vous satisfaire sur le plan de la philosophie, sinon sur celui de la méthode – car je suis certain que vous trouverez à redire. L'État prend ses responsabilités sur des investissements s'inscrivant dans le temps long, afin que les entreprises puissent échapper au caractère court-termiste des marchés.

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Excusez-moi, monsieur le ministre, mais ce n'était pas la question. Pourquoi abandonner des dividendes rapportant plus que le placement auquel vous vous apprêtez ?

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Ce n'est pas nécessairement un dialogue, le ministre répond comme il l'entend.

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Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances

C'est exactement le débat que nous avons eu avec Mme Rabault et j'ai déjà donné la réponse tout à l'heure – il faudrait peut-être faire davantage attention afin d'éviter les répétitions.

Monsieur Hetzel, le Président de la République a annoncé lors des « 24 heures du bâtiment » que le PTZ serait maintenu dans les zones B2 et C pour le neuf. J'entends bien l'intérêt de votre formule, mais il ne s'agit nullement de s'attaquer à 95 % du territoire national. Par ailleurs, il était déjà prévu que le PTZ serait maintenu dans l'ancien pour favoriser la rénovation des centres des villes moyennes et la densification urbaine, qui est importante pour des raisons d'organisation du territoire – je viens ainsi d'un territoire où l'étalement urbain est important. Cela permet de maintenir dans les centres-villes des personnes dont les revenus sont des plus modestes, ce qui leur offre un meilleur accès aux services publics et à d'autres commodités.

M. Alauzet a ouvert un débat quasiment philosophique sur les externalités positives ou négatives et sur la manière de les comptabiliser dans un référentiel commun. Nous avons déjà abordé, tout à l'heure, cette question à propos de la dette environnementale, mais on pourrait aller au-delà, sur d'autres sujets. Je crois que la Cour des comptes européenne réalise ce travail sur ce qu'elle appelle les « effets économiques indirects » dans le cadre de l'éternel débat sur les contributions nettes des États membres. Il y a en effet, d'une part, le montant versé chaque année au budget de l'Union et, d'autre part, les effets économiques indirects de ce que reverse l'Union, au-delà de la monnaie sonnante et trébuchante. Nous pourrons en débattre, mais je ne suis pas certain que l'exercice auquel nous nous livrons ce matin nous en donne vraiment le loisir.

M. Dufrègne, qui m'a interrogé sur les Paradise Papers, veut savoir si nous allons rembourser les entreprises concernées à la fois par ce sujet et par la taxe sur les dividendes. Je l'invite à dissocier strictement ces deux affaires, qui sont parfaitement déconnectées dans un État de droit. D'un côté, il y a la question de l'optimisation fiscale, qui est légale même si l'on peut en désapprouver le principe, et dont le législateur peut parfaitement se saisir, ainsi qu'un problème de fraude, qui fait l'objet d'un combat dans lequel la France est en pointe, notamment dans le cadre de l'Union européenne ; de l'autre côté, nous avons une décision de justice, certes défavorable aux intérêts de l'État, mais qui s'impose. Il serait peu souhaitable de procéder à une forme de deal entre ces deux sujets. Nous sommes tous attachés, et vous l'êtes particulièrement en tant que membres du Parlement, à la stabilité et à la lisibilité de la règle de droit. Celle-ci a été contestée et une décision de justice a été rendue. Il faut la respecter, en dissociant les deux sujets que vous avez évoqués, ce qui ne signifie aucunement que nous mollirions sur la fraude ou sur l'optimisation fiscale, dont certains mécanismes peuvent être contestés au moins moralement.

M. Castellani m'a demandé si l'on peut recentrer les émissions de dette sur le marché intérieur. Dans un pays où tout, selon certains, irait très mal, on peut se réjouir que des investisseurs étrangers croient en l'avenir et investissent, signe que la signature financière de l'État est de bonne qualité et qu'ils sont confiants dans les réformes engagées. Par ailleurs, plus on s'adresse à un nombre élevé d'investisseurs, différents sur le plan géographique ou par leur typologie, mieux c'est. Cela revient moins cher au contribuable, et l'État, de son côté, ne dépend, pour son financement, ni d'un certain type d'investisseurs ni d'une seule origine géographique.

La question de M. Pupponi, pour conclure, portait sur les compensations. Pour ma part, je n'ai pas le détail à ce stade, mais je peux revenir plus tard vers vous.

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Un mot sur l'affaire des Paradise Papers, qui a été évoquée à plusieurs reprises. C'est une enquête de journalistes. Quelle que soit leur qualité, il y a aussi une administration fiscale et une autorité judiciaire. L'administration fiscale n'est pas totalement aveugle : elle connaît la situation des grands groupes français. Quand tout concerne l'étranger, la question est différente, mais j'imagine qu'il n'y a pas de révélation fondamentalement nouvelle sur la situation d'entreprises françaises qui réalisent des profits hors des frontières et paient peu d'impôts chez nous. Ces sujets avaient déjà été évoqués, même s'il y a probablement des informations dont l'administration ne disposait pas. Il faut remettre l'affaire dans ce contexte : l'administration a ses propres informations et elle vérifiera celles qui viennent de l'extérieur.

Enfin, la baisse du nombre de fonctionnaires constitue en soi une réforme structurelle. Il est très difficile de réduire les effectifs – c'est même probablement le plus difficile à réaliser – mais cette réduction a un impact sur l'organisation des institutions et des administrations. Il s'agit donc bien d'une réforme structurante et structurelle. L'opposition a fait beaucoup de propositions de réformes structurelles et elle est prête à vous les communiquer de nouveau, monsieur le ministre, si vous le souhaitez.

L'audition s'achève à onze heures dix. © Assemblée nationale