L'examen du budget de l'industrie s'inscrit, cette année, dans un contexte économique particulier ; je pense notamment au renoncement productif que représentent des ventes de nos fleurons industriels à des groupes étrangers. Il est donc, plus que jamais, nécessaire de s'interroger sur les leviers que possède l'État pour préserver notre patrimoine industriel.
Force est toutefois de constater et de regretter la baisse, d'un budget à l'autre, des crédits consacrés à l'industrie au sein de la mission « Économie », et plus spécifiquement au sein de l'action numéro 3 du programme 134 qui regroupe les financements de la politique industrielle. Cette action est dotée de 146,5 millions en CP, soit une baisse de près de 12 %.
Je souhaite appeler votre attention sur trois points.
D'abord, les crédits consacrés aux actions de politique industrielle, d'un montant de 19,4 millions, outre qu'ils sont en légère baisse, mériteraient d'être davantage ciblés sur le soutien au « fabriqué en France » et à la structuration des filières.
Ensuite, près de 100 millions sont inscrits au titre du dispositif de « compensation carbone », qui bénéficie aux entreprises électro-intensives exposées à la concurrence internationale. Si la pérennité de ce dispositif est indispensable pour les industriels concernés, il ne doit pas nous affranchir d'une réflexion globale sur la politique énergétique à mener, et sur ses conséquences, en termes de coût notamment, sur la compétitivité de nos industries.
Je défendrai un amendement pour rétablir les crédits du Centre technique du papier, qui sont rabotés dans ce budget.
La partie thématique du rapport se concentre sur les raisons pour lesquelles les filières françaises sont fragilisées et sur les moyens dont dispose l'État pour favoriser le maintien en France de notre patrimoine industriel. D'après l'Insee, le poids de l'industrie dans l'ensemble de l'économie a été divisé par deux depuis 1970. L'emploi industriel a reculé de près de 25 % en quinze ans pour se situer aujourd'hui autour de trois millions de salariés. Toutes les régions sont touchées, toutes les filières aussi.
Les causes de ce déclin industriel sont nombreuses : la primauté donnée à la financiarisation de la gestion des entreprises industrielles, les politiques d'austérité menées dernièrement ou la prégnance du dumping social, fiscal et environnemental. Ce sont les principales causes.
J'ai choisi de centrer mon analyse sur deux filières représentatives des difficultés que connaît l'industrie en France : la filière verrière et la filière automobile. Une grande partie de leurs difficultés s'explique par le manque de solidarité entre les différents acteurs. Les dispositifs publics visant à améliorer les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants dans l'industrie française sont insuffisants ; ils privilégient le recours au droit souple, mais n'ont pas toujours les effets attendus.
Les outils de politique industrielle ne sont pas à la hauteur de ces enjeux. En dépit du recours à des outils de structuration des filières comme le Conseil national de l'industrie, force est de constater que l'essentiel des moyens, notamment financiers, sert avant tout une politique industrielle de niches et de projets. Au-delà de la pertinence des outils de politique industrielle mis en place, leur manque d'évaluation et de lisibilité les fragilisent et les empêchent de lutter efficacement contre le déclin industriel de notre pays.
Je pense notamment à l'absence d'évaluation du CICE, que le Gouvernement a pourtant choisi de pérenniser en le transformant, et du crédit d'impôt recherche (CIR), qu'il déplafonne.
Pour autant, la désindustrialisation n'est pas inéluctable ; ce rapport, rédigé après des auditions d'organisations syndicales et des auditions communes avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dresse quelques pistes de réflexion pour structurer durablement les filières industrielles.
Cela implique de combattre la désertification des territoires, de mener une politique de formation ambitieuse pour répondre aux enjeux de transformation de l'appareil productif et pour sécuriser les parcours professionnels des salariés, mais cela suppose aussi d'impulser une nouvelle gouvernance des entreprises industrielles. À l'heure où l'État prévoit un plan de cessions d'actifs de dix milliards, il est urgent de trouver des moyens pour assurer la stabilité capitalistique de nos industries. Cela passe notamment par une réforme des mécanismes de financement des entreprises et par un accroissement du pouvoir décisionnaire des salariés.
J'aurais, pour finir, deux questions. Le 13 septembre, dans son discours annuel sur l'état de l'Union, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a proposé un cadre européen pour contrôler les investissements directs étrangers (IDE) dans les industries stratégiques. Quelle sera la position défendue par la France dans ce cadre ?
De quels outils l'État peut-il se doter pour favoriser la stabilité capitalistique des entreprises industrielles, qui seule permet de mettre en place des stratégies ambitieuses de long terme ? Comment le Gouvernement compte-t-il, notamment dans le cadre du plan de cessions d'actifs, s'assurer que la vente des titres d'une entreprise se fait au service d'un projet industriel cohérent ?
Enfin, j'espère que l'absence du ministre, M. Bruno Le Maire, n'est pas la marque d'un désintérêt pour notre politique industrielle.