Je reviendrai tout d'abord, Madame Grégoire, sur les effets attendus de la réforme de la fiscalité du capital. L'instauration du PFU et la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) auront des effets sur l'activité. Des évaluations préliminaires ont été conduites à l'aide du modèle Mésange – Modèle économétrique de simulation et d'analyse générale de l'économie – que nous comptons faire évoluer à mesure que les divers dispositifs prendront leurs effets. À titre personnel, je suis assez sceptique quant à notre capacité à dissocier les effets d'un dispositif de ceux des autres. Nous menons deux réformes, sur deux moteurs de croissance, le capital et le travail, et je suis persuadé que si nous contentions d'une réforme de la fiscalité du capital, les effets seraient moins bons. Les externalités positives sont difficiles à identifier. Nous essayons de rationaliser au mieux parce que cela facilite le contrôle de l'action publique. Toutefois, ce travail d'évaluation se complique car il est difficile de prendre en compte l'élément de nature psychologique lié au fait que nous déverrouillons, que nous abattons des obstacles, que nous ménageons un environnement business friendly – pardonnez-moi cet anglicisme mais c'est l'expression qu'emploient les investisseurs et les représentants de groupes étrangers que je rencontre, avec Bruno Le Maire.
Selon les premières évaluations menées à partir du modèle Mésange, les réformes de la fiscalité du capital aboutiraient à une augmentation du PIB de 0,5 point et à la création de 50 000 emplois. La baisse de l'IS, via la baisse du coût d'usage du capital et son effet sur l'investissement, induirait, quant à elle, une augmentation de l'activité d'1,5 point de PIB et la création de 160 000 emplois
Toutefois, je le répète, il est difficile de déconnecter la réforme de la fiscalité du capital de la réforme du code du travail et de la réforme de l'apprentissage, qui agit sur le troisième facteur de croissance, le capital humain.
Vous m'interrogez sur les dispositifs destinés à accompagner les entreprises en difficulté. Nous déployons plusieurs actions, à commencer par la négociation de la directive sur l'insolvabilité dans laquelle la France joue un rôle moteur.
La deuxième action concerne la transmission, sujette qui vous est cher, Madame Grégoire, puisque vous faites partie des six parlementaires à avoir constitué un binôme avec un entrepreneur dans le cadre du plan Entreprises et que la thématique que nous vous avons confiée, avec Bruno Le Maire, est « création, croissance et transmission ». La transmission est une question centrale : compte tenu de la pyramide des âges des chefs d'entreprise, beaucoup d'entreprises devront passer dans d'autres mains. Par exemple, le département dont je suis élu, rural et industriel, compte de nombreux artisans et commerçants qui devront faire face à cette échéance dans les cinq années à venir. Toutes les propositions seront les bienvenues et je vous invite, monsieur Roland, à vous faire auditionner par ce binôme.
Les services de Bercy seront aussi mobilisés. Certains d'entre vous les connaissez car ils vous avertissent des difficultés que rencontrent les entreprises de vos circonscriptions. Pour les entreprises de plus de 400 salariés, le Gouvernement a décidé de renforcer les moyens du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI). Nous allons également consolider le dispositif des commissaires au redressement productif avec la création, auprès du ministre de l'économie et des finances et de la ministre du travail, d'une délégation interministérielle aux restructurations d'entreprise. Ne faire relever que de Bercy ces restructurations est une erreur car le ministère du travail est également concerné du fait des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), de la reconversion des salariés et de leur formation. Quand je reçois les responsables de Nokia ou de GE Hydro, le cabinet de la ministre du travail est présent car cela n'aurait pas de sens de dissocier nos deux actions.
Citons encore le Fonds ETI lancé par BPIfrance en 2014 avec une dotation de 3 milliards et l'objectif d'investir 300 millions à 400 millions par an. Les sommes déjà investies – 273 millions en 2014, 132 millions en 2015, 182 millions en 2016 – ont été inférieures aux montants prévus mais elles représentent tout de même près de 600 millions et montrent que BPIfrance a su faire preuve d'exigence dans ses choix.
Monsieur Holroyd, vous vous êtes préoccupé du réseau international du Trésor. Lors de mon récent voyage à Londres, j'ai pu bénéficier d'excellents dossiers préparés par les agents du Trésor, notamment des agents recrutés localement, dont je salue le professionnalisme. Seulement 5 % des personnels en poste à l'étranger sont issus de cette administration mais c'est le réseau qui embauche le plus d'agents localement. Dans un cadre budgétaire très contraint, la direction du Trésor a été exemplaire et a su rationaliser le coût de ses réseaux à l'étranger. De fin 2008 à fin 2017, elle a supprimé 251 équivalents temps plein, soit 26 % de ses effectifs à l'étranger, par révision de la cartographie. Et ces suppressions s'entendent hors évolution de Business France, qui a donné lieu à un transfert de 831 ETP entre 2009 et 2012. Chaque recrutement s'accompagne d'une réflexion sur le statut de l'agent, en fonction des compétences recherchées, du coût et de la durée de la mission.
S'agissant de l'Insee, il faut préciser que les processus de production de statistiques requièrent un certain délai, de la conception des études – programmes pluriannuels d'enquêtes, exploitation des sources administratives – à l'exploitation des résultats et à leur diffusion auprès des publics concernés. Ils s'inscrivent dans de larges dispositifs de concertation au sein du Conseil national de l'information statistique et doivent prendre en compte, pour la plupart d'entre eux, les directives statistiques européennes. En outre, ils nécessitent une adaptation permanente de nos systèmes d'information statistique, en termes à la fois de volumes des données traitées et de sécurisation. Ils supposent en outre le développement de capacités d'innovation, notamment en matière de big data dans le cadre du plan d'orientation stratégique Insee Horizon 2025. La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 intègre un niveau d'autorisations d'engagement qui devrait permettre à l'Institut de faire face à ces enjeux et à ces défis dans de bonnes conditions. Nous réfléchissons de notre côté à la possibilité de conclure des conventions pluriannuelles avec des organismes comme l'Insee.
Mme Hennion s'est intéressée à la fiscalité des opérateurs de télécommunications. Ceux-ci sont soumis à des taxes spécifiques, comme l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), la taxe sur le chiffre d'affaires des opérateurs de communications électroniques, et à des redevances pour utilisation de fréquences dont il sera beaucoup question, à n'en pas douter, dans les mois qui viennent. Le produit total de cette fiscalité représente 1,3 milliard chaque année, montant important en valeur absolue mais qu'il faut relativiser en le rapportant au chiffre d'affaires total du secteur qui doit avoisiner les 40 milliards et aux importants bénéfices réalisés par les opérateurs. Le Président de la République a fixé pour ambition une forte accélération de la couverture en très haut débit pour le fixe et le mobile avec des étapes en 2020, 2022 pour atteindre peut-être le mégadébit en 2025, horizon évoqué par Julien Denormandie et Jacques Mézard. Nous avons entamé cet été des discussions avec les opérateurs privés et publics afin d'atteindre cet objectif dans un cadre optimisé. Nous pourrons, bien évidemment, développer ensemble une réflexion plus prospective sur l'adaptation des mécanismes de la fiscalité des opérateurs aux évolutions à long terme du secteur.
Le cadre juridique de l'open data est plutôt du ressort du secrétaire d'État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi. Nous rejoignons votre constat sur l'ouverture des données publiques : il s'agit d'un atout et nous voulons continuer à promouvoir son extension. Cela passera par des projets de loi mais aussi par la modernisation de l'action publique.
Monsieur Roland, vous m'avez interrogé sur le FISAC. Il a fondu comme neige au soleil depuis de nombreuses années. Il a peut-être souffert d'être avant tout traité en silo. En tant qu'élu local en Bourgogne, j'ai eu à actionner ses mécanismes, notamment pour de petites communes. Certains aboutissent à des résultats, d'autres ont une utilité marginale, pour ne pas dire autre chose. Bref, son utilisation n'a pas été optimale. Pour traiter des difficultés des commerces en centre-ville, on a en effet eu tendance à isoler la question de la commercialité au lieu de la traiter globalement en la reliant à des enjeux importants comme le numérique, la mobilité ou l'accessibilité. Quand le Président de la République déclare qu'il faut revitaliser ce fonds, c'est à condition de réfléchir à ses usages : au lieu de continuer à distribuer de manière éparpillée des subventions mal orientées, ne pourrait-on concentrer nos efforts, par exemple, autour de quelques villes chaque année, avec des plans stratégiques structurels et structurants ? C'est une mission que nous allons conduire conjointement avec Julien Denormandie car elle relève autant du ministère des finances que de celui de la cohésion des territoires. Nous aurons l'occasion de nous exprimer à brève échéance à ce sujet et nous serons heureux d'avoir votre point de vue sur ce fonds, qui a eu son utilité mais qui rencontre aujourd'hui des limites.
Les crédits destinés aux centres techniques industriels sont intégralement préservés en 2018. Il y a simplement une bascule entre les dotations budgétaires, qui passent de 14 à 10 millions, et les taxes affectées, qui sont portées de 145 millions à 149 millions.
Les crédits du Centre technique du papier ne sont pas réduits, monsieur Jumel. Son financement passera désormais intégralement par des nouvelles taxes affectées pour un montant de 3,1 millions.