Intervention de Benjamin Griveaux

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 16h20
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères

Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Je commencerai par répondre à Damien Adam. On peut convenir que la fiscalité de la production est un « maquis ». Aucun chef d'entreprise ne vous dira le contraire, aucun législateur soucieux de la simplicité, de la lisibilité et de la clarté de la règle non plus. Il est vrai que cette fiscalité est pesante. Je ne vous imposerai pas la litanie des taxes qui se sont sédimentées. Parfois, mes propres services ont oublié pourquoi on avait créé tel ou tel dispositif… Il faut cependant se méfier des comparaisons européennes car nous n'avons pas les mêmes types de contributions ni la même organisation territoriale : certains États sont plus jacobins que d'autres. Surtout, les collectivités territoriales bénéficient d'une partie des recettes de cette fiscalité et nous sommes en train de transformer la fiscalité locale. La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % de nos concitoyens change la donne. La question de la fiscalité de la production doit aussi s'apprécier dans le cadre de la Conférence nationale des territoires et dans celui d'une réflexion plus large sur la fiscalité locale.

Je mesure très bien, madame Deprez-Audebert, monsieur Dive, les interrogations que suscite l'avenir du FISAC. Une première réforme du fonds a été menée il y a trois ans, pour le faire passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets. Je vous accorde que l'État est là pour atténuer les fragilités territoriales : c'est notamment le rôle du ministère de la cohésion des territoires. C'est aussi celui de l'État quand il intervient dans des entreprises comme GMS ou dans des territoires comme La Souterraine car si le premier donneur d'ordres privé de la Creuse met la clef sous la porte, cela posera une difficulté qui dépassera le seul périmètre de l'entreprise. Cela étant, je ne crois pas qu'il faille saupoudrer des crédits, comme c'est le cas dans certaines opérations menées avec le soutien du FISAC.

Soutenir le commerce de centre-ville est pour nous une manière de reconquérir les territoires périphériques de notre République où l'on enregistre les plus forts taux d'abstention et où les décrochages – sociaux, personnels et familiaux – se multiplient. L'enjeu fondamental, pour reconquérir les centres-villes, n'est pas de maintenir le FISAC mais de mener une action plus structurelle. Le commerce n'a pas comme unique vocation de permettre aux commerçants de faire du chiffre : il joue un rôle de socialisation très important, notamment dans les petites communes. Je compte donc, avec Jacques Mézard et Julien Denormandie, élaborer pour les commerces de centre-ville une stratégie qui sera fondée sur la mobilité, les transports et l'accès au numérique et au très haut débit. Cela me semble plus efficace que de distribuer des fonds qui ne sont pas toujours utilisés à bon escient – même si je ne veux pas jeter l'opprobre sur la totalité des opérations qui ont été conduites sous l'égide du FISAC. Je ne suis pas certain que les élus locaux soient les meilleurs spécialistes du commerce. On pourrait peut-être faire appel à l'ingénierie et à l'expertise du monde des commerçants. Certaines associations font un travail remarquable : j'ai en tête quelques petites villes et quelques villes moyennes où les commerçants se sont mobilisés pour sauvegarder l'activité en centre-ville. L'argent sera plus utilement dépensé s'il finance de l'ingénierie que des opérations de préemption, par exemple. En tout cas, soyez certains que la reconquête des centres-villes est un sujet de préoccupation majeur de Bercy et d'autres ministères.

Deux textes relatifs à la simplification seront soumis au Parlement, Monsieur Naegelen. Le premier est le projet de loi sur le « droit à l'erreur », qui sera soutenu par Gérald Darmanin. La simplification n'est pas un sujet nouveau : lors du quinquennat précédent, un conseil de la simplification a été institué dont les premiers présidents ont été Guillaume Poitrinal et Thierry Mandon puis Françoise Holder et Laurent Grandguillaume. Il a permis de simplifier de nombreuses dispositions réglementaires, notamment au profit des entreprises. C'est dans cet esprit que travaille Gérald Darmanin. L'objectif du projet de loi relatif au droit à l'erreur est de passer d'une administration qui sanctionne au premier écart à une administration qui conseille, même si elle doit évidemment continuer à sanctionner les entreprises qui enfreignent sciemment la règle.

L'un des six chantiers du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises que nous lançons avec Bruno Le Maire porte sur la simplification des relations entre les entreprises, TPE et PME en particulier, et les administrations. Vous pouvez compter sur Sylvain Orébi, sémillant patron d'une grande marque ayant su aller à l'international pour faire de la simplification, et sur votre collègue Sophie Errante, qui animeront ce chantier.

La simplification sera l'un des objectifs de ces deux textes ; c'est aussi un fil conducteur de l'ensemble des politiques du Gouvernement.

Il est vrai, monsieur Potier, que le vent est favorable mais c'est parce que nous tenons nos engagements européens et que, pour la première fois depuis onze ans, la France s'apprête à passer en dessous de la barre des 3 % de déficit. Si deux banques d'affaires viennent d'annoncer la relocalisation de leurs activités à Paris et non pas à Francfort ou à Luxembourg, c'est aussi parce que la France est de retour sur la scène européenne. La première chose à faire quand on est engagé dans un partenariat est de respecter les accords qu'on a conclus, sans quoi sa parole ne vaut rien. Si le vent est favorable, nous sommes conscients que la situation reste instable. C'est pourquoi nous entretenons la flamme, grâce à la réforme de la fiscalité du capital et à celle du marché du travail, mais aussi en faisant baisser la dépense publique et la pression fiscale, et en menant des réformes structurelles.

Je souscris à ce que vous avez dit à propos du très haut débit. Il y a certes de grandes majors mais nous avons eu l'occasion, avec Julien Denormandie et Mounir Mahjoubi, de rencontrer des entreprises de taille intermédiaire qui ont trouvé des solutions innovantes, notamment dans le cadre des réseaux d'initiative publique. Des collectivités ont innové intelligemment avec des opérateurs locaux. Nous vous remercions d'avoir partagé avec nous l'expérience menée dans la région Grand Est. Nous serons très attentifs aux autres expériences réussies dont vous souhaiterez nous faire part.

Les questions d'optimisation, d'évasion et de fraude fiscales méritent qu'on s'y arrête avant de se demander s'il faut réformer la Constitution. Peut-être le CESE serait-il l'endroit approprié pour le faire, plus calmement que sur les bancs de votre assemblée. Il faut que les parlementaires se saisissent de ces sujets. Si je salue le rôle joué par les lanceurs d'alerte qui nous permettent d'identifier les pratiques problématiques de certaines entreprises ou de certains particuliers, la France reste malgré tout à la pointe : nous sommes de loin la première nation à avoir agi et concentrons à nous seuls 15 à 20 % des actions engagées à la suite des révélations issues des Panama papers.

Madame Taurine, je crains qu'il y ait entre nous une divergence philosophique. Vous dites que nous faisons des cadeaux aux grands groupes. Pourtant, à la suite de l'invalidation par le Conseil constitutionnel de la fameuse taxe sur les dividendes, nous demandons aux grands groupes qui font entre un et trois milliards d'euros de chiffre d'affaires de régler la moitié de la note. Nous aurions préféré ne pas devoir réparer cette lourde faute de gestion mais vous pouvez difficilement contester que chacun soit mis à contribution dans l'effort de redressement que nous avons engagé.

Vous nous avez dit qu'on ne pouvait pas faire mieux avec moins. Pourtant, le candidat que vous avez soutenu à l'élection présidentielle nous a expliqué que nous étions dans un monde aux ressources naturelles finies et qu'il faudrait donc apprendre à faire mieux avec moins…

Enfin, Monsieur Bruneel, la politique industrielle ne se résume pas aux missions et aux programmes que nous examinons aujourd'hui en commission élargie. Elle consiste aussi dans ces actions que mène l'État pour favoriser la constitution de grands groupes européens. C'est le cas des chantiers navals de Saint-Nazaire, pour lesquels un accord a été conclu avec l'industriel Ficantieri, comme du rapprochement entre Alstom et Siemens. Je rappelle qu'Alstom et Siemens étaient menacés par un concurrent chinois réalisant trois à quatre fois le chiffre d'affaires du groupe nouvellement constitué et qu'Alstom risquait de se retrouver seul dans l'hypothèse d'un rapprochement entre Siemens et Bombardier. La politique industrielle, c'est aussi le Fonds pour l'innovation de rupture, doté de 10 milliards d'euros pour permettre à nos industries de franchir ce cap technologique et créer ce que d'aucuns appellent les « grappes technologiques ». Nous n'avons pour l'instant que de petits bouts de raisins, mais j'aimerais qu'on plante la vigne de cette rupture technologique pour notre industrie. Il faut aussi aller vers un décloisonnement entre industrie et services, donc numériser notre outil industriel.

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