Sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, j'essaie de porter un avis qui corresponde tout à la fois à ce que je pensais il y a quelques mois et ce que je pense aujourd'hui, et j'essaie de faire en sorte qu'ils ne soient pas contradictoires… J'ai toujours pensé que la dette massive de la France risquait de nous emmener dans des difficultés profondes, notamment en cas de hausse des taux d'intérêt, et qu'il fallait donc diminuer les dépenses publiques, celles de l'État et celles des collectivités locales.
Comme Mme la présidente Braun-Pivet l'a indiqué, pour réduire les dépenses des collectivités locales, deux méthodes sont possibles. La première, radicale, est la diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). C'est ce que nous avons connu jusqu'à présent, et c'est, il suffit de regarder les chiffres, assez efficace : les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, à plus 3 % jusqu'en 2013, étaient l'an dernier à moins 0,2 %. Malheureusement, les investissements ont eux aussi chuté drastiquement : moins 8 % sur 2014-2015, avec peut-être un petit rebond en 2016.
Je maintiens qu'il faut diminuer la dépense publique : 41 milliards de charges de dette chaque année équivalent aux budgets cumulés de l'enseignement supérieur, de la culture, du sport, etc. C'est parce que nous n'avons pas réduit la dépense publique que nous avons connu des difficultés de productivité : quand l'économie rebondit, cela se traduit par une augmentation de notre déficit commercial. Il faut donc redonner un souffle à notre économie.
Le Gouvernement a choisi une autre méthode, qui consiste à conclure un pacte de confiance avec les collectivités locales à hauteur de 13 milliards d'euros, à charge pour elles, et pour les plus grandes en particulier, d'ajuster leurs dépenses. Cela devrait les conduire à réaliser des efforts de mutualisation de manière que la dépense baisse tout en maintenant un service public efficace.
Les concours financiers de l'État aux collectivités locales représentent 48 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2018, 3,8 milliards de crédits budgétaires et plus de 44 milliards de prélèvements sur recettes. Ces concours financiers traduisent des priorités politiques claires.
La première est le soutien à l'investissement local : le niveau exceptionnel atteint en 2017 par les subventions d'investissement aux collectivités locales est consolidé. Ces crédits, qui correspondent aux différentes dotations, dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL), dotation politique de la ville (DPV), atteindront 1,8 milliard d'euros en 2018, soit, par rapport à 2015, une augmentation de 77 %. Je compare à 2015 parce que, comme vous le savez, sur les années 2016 et 2017 il y a eu un rebond, mais temporaire, et nous essayons de la consolider.
Le Gouvernement a choisi de pérenniser par là un dispositif qui a été construit pour ne s'appliquer que pendant deux années. Pour concrétiser ce choix, le PLF prévoit de codifier dans le code général des collectivités territoriales l'existence de la DSIL. Ces crédits pourront être mobilisés en faveur de toutes les collectivités, à la fois dans le cadre du grand plan d'investissement en faveur de la transition écologique et numérique, pour la poursuite de la politique en faveur de la ruralité, pilotée par les préfets – mais je vous ai dit dans une séance précédente que nous comptions beaucoup déconcentrer –, enfin, en appui à la dynamique métropolitaine, dans le cadre des pactes État-métropole.
Pour les plus petites collectivités, aucun seuil minimal d'éligibilité des projets ne sera instauré, ce qui était un de vos soucis. En outre, pour répondre à leurs besoins d'accompagnement parfois renforcés, des dépenses de fonctionnement pourront désormais être éligibles à la DSIL.
Deuxième priorité : le choix fait de renforcer les mécanismes de solidarité au sein des concours financiers de l'État. Le Gouvernement a souhaité continuer à faire progresser la péréquation en faveur les collectivités les plus fragiles au regard de critères de ressources et de charges. Il ne s'agit pas là d'accompagner une baisse de la DGF pour la rendre moins difficile à supporter pour ces collectivités plus fragiles, mais il s'agit en revanche d'un choix clair en faveur de la solidarité pour réduire les fractures territoriales. La répartition de cette augmentation de la péréquation se fera au travers de la dotation de solidarité urbaine (DSU) des communes – plus 90 millions d'euros – et de la DSR des communes – plus 90 millions d'euros –, enfin dans les dotations de péréquation des départements, dotation de péréquation urbaine (DPU) et dotation de fonctionnement minimale (DFM) – plus 10 millions d'euros. Le maintien du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) à 1 milliard est par ailleurs inscrit dans le PLF afin de garantir à la fois la prévisibilité des ressources et des charges et l'ambition de péréquation horizontale au sein du bloc communal.
Troisième priorité : accompagner la modernisation des collectivités au travers des concours financiers versés par l'État pour accompagner leurs prises de compétences dans le domaine du développement économique. Le PLF 2018 transforme la DGF des régions en une ressource dynamique : une quote-part des recettes de TVA. Je rappelle, puisque c'est un sujet discuté, que cette ressource nouvelle, dont la croissance est estimée à environ 100 millions d'euros en 2018, sera garantie aux régions d'ici à 2022. La croissance de cette ressource devrait être de 700 millions d'euros car il s'agit d'une recette extrêmement dynamique.
Pour accompagner les mairies dans la réforme de la délivrance des cartes nationales d'identité, la dotation pour titre sécurisé sera doublée et portée à 40 millions d'euros, accompagnant ainsi les restructurations et réorganisations des mairies qui participent à la modernisation de la délivrance des titres.
Le régime d'incitations financières aux fusions de communes est par ailleurs reconduit jusqu'en 2019. Les communes de moins de 10 000 habitants qui fusionnent bénéficieront d'un bonus de DGF de 5 % et d'une garantie de stabilité de leurs dotations de fonctionnement, tant forfaitaire que de péréquation, pendant trois ans.
Enfin, après plusieurs mois de concertation avec les associations représentatives des collectivités territoriales, le PLF 2018 introduit une réforme structurelle du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Au lieu d'examiner l'éligibilité au FCTVA de chaque dépense une par une, le processus est automatisé. Il en résultera des gains d'efficience très importants et un allégement substantiel des charges administratives pour les collectivités et leurs agents.
Voilà les grandes orientations du projet de loi de finances en ce qui concerne les concours financiers de l'État aux collectivités. En tant que ministre de l'intérieur, je suis, au sein du Gouvernement, chargé de la décentralisation et par conséquent aussi responsable des respects des grands équilibres financiers de la République décentralisée. J'espère avoir pu montrer dans cette présentation la volonté de l'État de consolider les dépenses des collectivités locales et de leur permettre à nouveau et d'investir dans les prochaines années.