Vous comptez sans doute sur la croissance, qui tombe si bien. Nous savons tous qu'il est plus facile de réformer avec 1,8 de croissance qu'avec zéro, voire en période de récession. Mais quels revenus supplémentaires attendez-vous en 2018, et comment seront-ils utilisés ? On a vraiment le sentiment que vous en appelez au contribuable parce que vous ne voulez pas gâcher vos marges de manoeuvre issues de la croissance pour régler des problèmes de cette nature – certes, c'est désagréable, mais ils existent ! Vous refusez d'admettre que ce n'est pas au contribuable de payer et que la croissance permet de faire face en partie à ces problèmes, même si cela vous contraint à en faire moins sur d'autres sujets. Mais rien n'est sûr parce que ces deux sujets sont déliés, un peu comme le sont parfois le PLFSS et le PLF : il faut les voir dans la globalité. Bref, vous ne dites rien sur les 5 milliards, rien sur ce que vous souhaitez réellement faire en 2018.
Deuxième point faible : le coup porté à l'attractivité de notre pays. Vous voulez mener, comme tous les gouvernements qui vous ont précédés, une politique nous rendant attractifs sur le plan économique. Or l'attractivité déteste l'instabilité et l'incertitude, et vous créez de l'instabilité et de l'incertitude. Vous voulez supprimer une part de l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – pour ramener les contribuables qui sont partis de France. Tant mieux : c'est un bon objectif, que nous partageons. Mais le message que vous envoyez par une augmentation tout à fait considérable et brutale de l'impôt sur les sociétés est inverse : le contribuable parti de France en raison de l'ISF peut craindre qu'à la prochaine crise, on risque, sait-on jamais, de créer un nouvel impôt sur le patrimoine ou d'augmenter de manière considérable l'impôt sur le revenu de certains contribuables… L'instabilité est l'ennemi de l'attractivité !
Troisième point faible : il y a des perdants et des gagnants. Vous avez accepté la demande extrêmement importante de Gilles Carrez sur la remise d'un rapport sur ce sujet. Il est quand même assez incongru que des entreprises soient un peu remboursées tout en payant beaucoup plus d'impôts : cela a un côté assez surréaliste. Certes, je sais bien que c'est compliqué, surtout du point de vue du droit, et il est probablement extrêmement difficile de trouver une solution juste pour tout le monde. Mais pour rembourser un contribuable ayant indûment payé un impôt, on crée un autre impôt, bien plus important ! Juste pour lui rappeler, en somme, qu'il n'est là que pour payer… Tout cela donne un sentiment d'injustice considérable. C'est regrettable du début jusqu'à la fin, du problème jusqu'à la solution. Nous ne pouvons que le déplorer.
Enfin, et j'imagine que vous y serez sensible puisque vous souhaitez simplifier et lutter contre les abus et les excès – je le comprends et je suis d'accord – je vous ferai remarquer que l'État a toujours le droit à l'erreur, en se rattrapant sur des contribuables qui n'y sont pour rien, mais que le contribuable, les entreprises n'ont droit à aucune erreur vis-à-vis des services fiscaux. Il faut d'une manière générale essayer de déterminer des règles plus honnêtes vis-à-vis des contribuables et des entreprises lorsque l'État se trompe. Voilà ce que je souhaitais dire à l'orée de cette nouvelle lecture.