Intervention de Gilles Carrez

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez :

… et j'espère que la rapidité avec laquelle nous l'examinons ne va pas trop altérer la qualité de notre travail. Je tiens à évoquer rapidement les quelques problèmes posés par l'application de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés et, surtout, à tirer de cette malheureuse affaire quelques enseignements pour l'avenir.

Le premier problème, évoqué tout à l'heure par le président de la commission des finances, est celui de l'instabilité et de l'imprévisibilité fiscale. Il y a trois semaines, une trajectoire ramenant le taux de l'IS à 25 % était revendiquée, et aujourd'hui, on adopte un texte qui prévoit de porter ce taux à 45 % pour l'exercice 2017. Nous adressons ainsi un très mauvais signal à l'extérieur. En outre, nous modifions les dispositions concernant l'exercice 2017, le 13 novembre, alors que l'exercice s'achève. Je sais bien que la « petite rétroactivité » de la loi fiscale est admise, mais tout de même !

Deuxièmement, la liste des 320 entreprises concernées par la nouvelle taxe ne correspond pas, à l'évidence, à celle des entreprises qui bénéficient du remboursement de la taxe sur les dividendes qui a été annulée. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie d'avoir accepté l'amendement prévoyant la remise d'un rapport, le 1er décembre, sur ceux qu'on appelle les gagnants et les perdants. Je pense notamment à de très grands perdants – nous en parlerons dans un instant – , comme les trois réseaux de banques mutualistes, ou toutes les entreprises qui n'ont pas, ou que peu, distribué de dividendes ces dernières années, et qui réalisent un très bon résultat en 2017. Au passage, monsieur le ministre, je répète ma proposition de travailler sur deux exercices : celui de 2017 et celui de 2018 – nous y reviendrons.

J'ai une question à vous poser, qui rejoint celle du président de la commission des finances. Vous évaluez les remboursements à engager comptablement ou à payer effectivement en 2017 à environ 5 milliards d'euros, et le rendement de la contribution exceptionnelle cette même année à un peu plus de 5 milliards d'euros. Mais, puisque cette contribution exceptionnelle est calculée en majorant – de 15 % ou de deux fois 15 % pour les plus grandes entreprises – l'impôt sur les sociétés normalement dû au titre de l'exercice 2017, et qu'il est possible que les résultats de 2017 soient meilleurs que prévus, compte tenu du retour de la croissance – nous le verrons notamment lors du versement du cinquième acompte, vers la mi-décembre – , je voulais savoir si vous pouviez vous engager à nous donner aussitôt l'information, car nous examinerons alors le dernier collectif de la fin d'année.

En outre, que ferez-vous de l'excédent ? Éric Woerth a posé, à juste titre, la question des conséquences sur l'exercice 2018 : y aura-t-il un transfert sur l'année 2018 ? Comme le disait M. Jean-Paul Mattei, l'instauration du PFU en 2018 risque de se traduire par de moindres recettes. Nous souhaiterions obtenir une réponse sur le sujet, car votre vision, qui se limite au seul exercice 2017, est trop étroite. Entre les « plus » et les « moins », nous n'y voyons pas très clair.

J'en viens aux enseignements pour l'avenir. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, je souhaiterais que l'on crée rapidement une mission d'information sur ces problèmes de contentieux. Il y a d'abord les contentieux déjà jugés : je pense à celui relatif aux OPCVM, ou aux contentieux Steria et de Ruyter. Ensuite, il y a les contentieux qui sont actuellement pendants devant la Cour de justice de l'Union européenne. Surtout, et c'est un élément nouveau, il y a les risques que ces contentieux font peser en droit interne, en particulier par le biais des questions prioritaires de constitutionnalité, avec le motif invoqué par le Conseil constitutionnel, dans une décision récente, de « discrimination à rebours ».

Monsieur le ministre, cela me conduit à une réflexion d'ordre plus général : je me demande vraiment si notre souveraineté budgétaire n'est pas remise en question. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : [… ] ». Or, lorsque le précédent gouvernement a eu, en 2012, à remplacer la retenue à la source sur les OPCVM – qui devait rapporter près de 2 milliards par an – , après son invalidation par la Cour de justice de l'Union européenne, il a affiché deux objectifs : d'abord, celui, parfaitement légitime, de rendement, puisqu'il fallait remplacer une taxe invalidée ; ensuite, un objectif plus politique, dans la logique du discours du Bourget, qui était de pénaliser la distribution de dividendes.

À l'époque, j'étais intervenu uniquement sur un plan technique, car je pensais que la généralisation de la retenue à la source était une meilleure solution. Cette proposition figurait d'ailleurs dans l'étude d'impact. Je n'avais pas évoqué du tout le risque d'incompatibilité avec la directive mère-fille qui, au demeurant, venait tout juste d'être publiée. Mais on m'avait déjà objecté, à l'époque, que la solution que je proposais risquait de contrevenir au principe de libre circulation des capitaux, non seulement en Europe, mais à l'international, ce que j'avais alors, d'ailleurs, du mal à comprendre. Le gouvernement précédent a estimé, jusqu'au bout de la procédure, jusqu'au début de l'année 2017, qu'il pouvait gagner le contentieux et qu'à ces yeux, il n'y avait pas de violation de l'article 4 de la directive mère-fille.

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