Après la décision de la Cour de justice de l'Union européenne de mai 2017, on a assisté à un enchaînement d'événements qui nous obligent à réfléchir : transmission par le Conseil d'État d'une QPC au Conseil constitutionnel ; constat d'une rupture d'égalité, d'une « discrimination à rebours » ; enfin, le juge constitutionnel, en application de sa jurisprudence récente « Metro Holding France SA », invalide tout simplement une recette, pour un coût budgétaire de la bagatelle de 10 milliards d'euros.
Dans ce contexte, je me demande si la souveraineté budgétaire, partie intégrante de la souveraineté politique, n'est pas remise en cause. Il ne faut pas oublier que, conformément à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'objectif premier, l'objectif naturel de l'impôt est de financer les dépenses publiques, les dépenses nécessaires à la vie de la nation. Or, cet objectif n'est plus considéré comme prioritaire, et sont mis en avant des risques de rupture d'égalité et de discriminations « à l'endroit » ou « à rebours ». Cela est d'autant plus choquant, au regard de la réglementation européenne, qu'il n'y a paradoxalement pas d'harmonisation fiscale au sein de l'Union européenne, comme le montre l'exemple des comportements d'optimisation des GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon –, qui jouent sur la disparité des taux, voire des assiettes, ce qui rend de plus en plus difficile pour un État, en particulier le nôtre, de lever correctement et avec toute garantie juridique l'impôt, en particulier celui sur les sociétés. Il y a là un vrai problème de souveraineté fiscale.
Monsieur le ministre, vous qui suivez très attentivement les débats européens, vous devez poser également la question en ces termes. Si nous parvenions à une véritable harmonisation fiscale, nous pourrions accepter l'ensemble de ces contraintes et les évolutions de jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, que nous avons beaucoup de mal à prévoir. Mais une telle harmonisation n'existe pas. Nous sommes donc confrontés à une situation d'instabilité, qui nuit profondément à nos finances publiques.
À ce propos, je tiens à rebondir sur les propos tenus à l'instant par notre collègue Amélie de Montchalin, qui a évoqué le juge constitutionnel. Nous, membres de l'opposition, allons peut-être vous rendre un grand service en saisissant le Conseil constitutionnel de ce collectif – si Charles de Courson en a le courage, il y reviendra dans un instant. Ainsi pourrons-nous peut-être vous éviter bien des déboires, car si le Conseil constitutionnel valide le quasi article unique de ce collectif, il lui sera difficile ultérieurement, à l'occasion d'une QPC ou d'une décision européenne, d'invalider la taxe ainsi instaurée.
Mes chers collègues, je souhaite que la mission d'information que j'appelle de mes voeux porte sur les contentieux, mais que la réflexion soit aussi étendue à la philosophie de l'impôt et à la souveraineté budgétaire, qui fait partie de la souveraineté du pays.