La commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales s'est réunie au Sénat jeudi dernier. Nous sommes très rapidement parvenus à un accord général. Les rédactions de l'Assemblée nationale et du Sénat étaient très proches, et chacun était de bonne volonté devant un objectif qui nous réunit tous. Alors, mes chers collègues, je dois vous dire mon émotion. Au-delà de l'accord de la commission mixte paritaire, le texte que je vous présente aujourd'hui est l'aboutissement d'un long chemin.
Chaque année dans notre pays, des femmes meurent, tuées par arme à feu, poignardées, étranglées, défenestrées, brûlées vives ou encore rouées de coups. Depuis des siècles, des femmes meurent sous les violences de leur conjoint, tous les deux ou trois jours, dans l'indifférence de notre société.
Face à la persistance des féminicides, en hausse en 2019, le Gouvernement, sous l'impulsion de Marlène Schiappa, s'est fortement mobilisé en lançant un Grenelle des violences conjugales. Les députés de la majorité se sont aussi engagés. J'ai copiloté avec Guillaume Gouffier-Cha un groupe de travail d'une trentaine de députés. Nous avons réalisé un tour de France. Nous sommes allés dans chacune des régions pour rencontrer les acteurs concernés et construire avec eux des propositions que nous avons ensuite traduites en une proposition de loi. Celle-ci est construite autour de trois grandes priorités : la protection des victimes, celle de leurs enfants et la prévention de ces violences.
Nous y avons inscrit la suspension du droit de visite et d'hébergement en cas de violences conjugales, mais aussi la déchéance de l'obligation alimentaire qui pèse sur les enfants envers le parent condamné pour homicide conjugal. Comment imaginer qu'on oblige un enfant à régler les factures de l'EHPAD du parent vieillissant qui a gâché sa vie en tuant sa mère ?
Il n'y a pas que les violences physiques qui tuent ; les violences psychologiques peuvent être tout aussi fortes. Nous renforçons donc les peines en cas de harcèlement moral au sein du couple et nous reconnaissons l'emprise. Lorsqu'une victime harcelée met fin à ses jours ou simplement tente de le faire, il faut pouvoir juger sévèrement le bourreau.
Les médecins pourront également signifier au procureur de la République des faits de violences conjugales. Un médecin doit pouvoir signaler une femme qui pourrait ne jamais revenir vivante.
Protéger, c'est aussi faciliter la saisie des armes, interdire des médiations pénales et familiales, permettre aux victimes d'être prises en charge dès le dépôt de plainte grâce à une aide juridictionnelle provisoire, ou encore interdire des logiciels espions utilisés par le conjoint violent pour surveiller, contrôler et humilier sa conjointe ou ex-conjointe. Ces logiciels disponibles pour quelques dizaines d'euros constituent un véritable fléau : neuf femmes sur dix victimes de violences déclarent avoir fait l'objet de cyberviolences et une femme sur trois déclare avoir été surveillée à son insu ou à distance via des logiciels espions.
Lors de nos déplacements, les acteurs nous ont aussi indiqué que les violences conjugales apparaissent de plus en plus tôt. Cela serait lié à l'accès trop facile aux contenus pornographiques sur internet et à l'image dégradée des relations intimes, plus particulièrement des femmes, dans ces contenus. Nous imposons donc un contrôle accru de l'âge de consultation de sites pornographiques. Concrètement, il ne suffira plus de cocher une case « J'ai plus de 18 ans ». Toutes ces mesures sont très attendues par les victimes et les acteurs de terrain comme les associations, la justice, les forces de l'ordre, les médecins ou encore les travailleurs sociaux.
Il en est résulté cette proposition de loi, que j'ai rapportée devant vous au mois de janvier, avec le soutien de la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, Yaël Braun-Pivet, et l'appui de la garde des sceaux d'alors, Nicole Belloubet. Nous avons enrichi le texte et nous l'avons adopté à l'unanimité. Au printemps, sur le rapport de Marie Mercier, le Sénat a fait de même. Et maintenant, au début de l'été, nous allons conclure la procédure législative après une adoption unanime en CMP.
C'est une belle loi, qui devrait améliorer significativement la vie des victimes et faciliter le quotidien des acteurs de terrain. Bien sûr, ce n'est ni un commencement ni un parachèvement, mais aujourd'hui, nous faisons sans conteste un pas dans la bonne direction.
Je ne vous cacherai pas, mes chers collègues, mon immense satisfaction d'avoir, à vos côtés et avec votre aide, contribué à cette avancée. J'aurai un dernier mot pour remercier tous ceux qui ont pris part à l'élaboration de ce texte et qui lui permettent d'être un succès : les députés de la majorité qui en ont eu l'initiative, les oppositions qui l'ont enrichi, les sénateurs qui l'ont précisé, le Gouvernement qui l'a soutenu. Il apporte des avancées concrètes, attendues par les acteurs de terrain, pour mieux protéger les victimes de violences conjugales, leurs enfants, et pour mieux condamner les auteurs de ces violences.