Monsieur le président, madame la ministre déléguée, que je suis heureux de saluer pour la première fois, mes chers collègues, nous voici enfin parvenus au terme du processus législatif suivi par ce texte important pour notre pays, visant à faire en sorte que nos concitoyennes et nos concitoyens se sentent davantage en sécurité au sein de leur foyer.
Les violences conjugales ravagent la vie de milliers de femmes et d'hommes. En 2019, 116 femmes ont été tuées par leur conjoint – 116 femmes de trop, 116 constats de l'impuissance de notre justice et de notre République face à ce fléau. Ces chiffres sont consternants et les lacunes de la justice bien présentes. Les mains courantes et les procès-verbaux de renseignement judiciaire ne débouchent sur des investigations que dans 18 % des cas. Dans 41 % des cas d'homicides et de tentatives d'homicide commis dans le cadre conjugal, la victime s'était manifestée auparavant.
Je n'ai évoqué ici que les actes de violence qui ont connu une issue fatale. Il ne faut pas oublier les victimes qui survivent à ces violences, des femmes et des hommes bien souvent anéantis pour une vie entière. Je n'ai pas de mots pour décrire les conséquences irréversibles des violences conjugales sur la vie de ces victimes.
Face à ce constat inique, notre société est trop souvent restée sourde aux signaux faibles ou aux actions de libération de la parole ; ce faisant, elle a contribué à banaliser l'inacceptable.
Le groupe MODEM et apparentés se réjouit des travaux menés sur la proposition de loi de nos collègues Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha. Nous nous félicitons qu'un accord soit survenu en commission mixte paritaire. Je remercie aussi la sénatrice Marie Mercier qui, avec ses collègues, a rendu possible ce consensus.
Nos débats ont permis de belles avancées, notamment la possibilité de lever le secret médical en cas de violences conjugales et d'emprise afin de procéder au signalement nécessaire, ce que nous avions proposé dès l'examen de la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié. Cette disposition aboutit ici : c'est l'essentiel.
Nous nous félicitons également de l'adoption consensuelle de l'article 9, qui permettra de faciliter la saisie des armes des conjoints violents. Ce point nous semble fondamental, compte tenu de l'omniprésence des armes dans les violences au sein du couple. Rappelons qu'en 2018, pour l'ensemble des décès consécutifs à ces violences, une arme a été utilisée dans 66 % des cas lorsque les auteurs sont des hommes et dans 80 % des cas lorsque les coupables sont des femmes – c'est beaucoup plus rare, mais cela arrive aussi.
Nous souhaiterions toutefois formuler une réserve sur l'article 11 bis A, qui introduit une nouvelle procédure destinée à obliger les éditeurs de sites pornographiques à contrôler l'âge de leurs clients. Si nous sommes tous ici convaincus de l'importance d'empêcher l'accès des mineurs aux contenus pornographiques, et si le groupe MODEM est évidemment parfaitement déterminé sur ce point, l'article ne nous semble guère énoncer davantage qu'une déclaration d'intention. Au-delà du fait que cette disposition ne nous semble pas avoir sa place dans ce texte, nous craignons que son application ne soulève de sérieuses questions en termes de respect de la vie privée. À notre sens, l'application de cet article pourrait entrer en contradiction avec le droit européen. Sur ce sujet majeur, car l'accès à la pornographie est bien trop facile pour les mineurs, nous devons encore travailler : je ne suis pas sûr que nous tenions ici une réponse définitive.
Ce texte nous fera avancer. Mais nous devons garder un point important à l'esprit : les lois ne font pas tout, elles ne feront jamais tout. Tous les acteurs, associatifs et institutionnels, ainsi que la représentation nationale doivent continuer à travailler ensemble et poursuivre le dialogue engagé dans le cadre du Grenelle.