Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 15h00
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Depuis quelques années, on assiste peu à peu à une libération de la parole, tant chez les victimes de violences conjugales que dans l'entourage familial, amical ou chez les voisins. Nous avons enfin l'espoir que la conscience du fléau que représentent ces violences pénètre l'ensemble de notre société. Il est essentiel de briser la chaîne du silence. Ces violences inacceptables détruisent des vies, des personnalités, et sont bien souvent pour les enfants qui les subissent, directement ou non, la source de troubles du comportement qui peuvent resurgir à l'âge adulte. Il reste encore de nombreux défis à relever à travers une politique qui se doit d'être transversale, car tous les acteurs concernés doivent être associés à cette lutte – je pense aux acteurs de la justice, de la santé, aux acteurs sociaux et associatifs. C'est tous ensemble que nous parviendrons à mieux protéger et à mieux accompagner les victimes pendant la procédure judiciaire à l'encontre des auteurs de violences, mais aussi après, pour leur permettre de se reconstruire.

Pour répondre à cette situation intolérable, une première étape a été franchie lors de l'adoption de la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié, que nous avons soutenue. Le Grenelle des violences conjugales, qui s'est déroulé à l'automne dernier, a marqué une étape supplémentaire dans la lutte contre ces violences, mais le confinement a fait apparaître de nouveaux enjeux, auxquels il nous faudra répondre.

Si nous nous réjouissons de l'examen de la présente proposition de loi, nous regrettons cependant que toutes les mesures qu'elle contient aujourd'hui n'y aient pas été intégrées dès le mois de décembre, alors que nous savons tous que le temps est un ennemi dans ce difficile combat et que nos atermoiements et nos hésitations nuisent à la protection des victimes, à leur reconstruction et à la sanction des auteurs.

Parmi les améliorations apportées au texte, nous notons que le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourra désormais réguler l'accès des mineurs aux sites pornographiques. Il était en effet nécessaire de refermer ces portes ouvertes, sans aucun contrôle, sur des images ou des films qui peuvent avoir un impact particulièrement lourd sur le comportement de ces futurs adultes. La violence se développant à travers certains modes de socialisation, l'accès facilité de très jeunes individus, qui ont en moyenne 13 ans, à des contenus pornographiques diffusant une vision brutale de la sexualité constituait certainement l'un des vecteurs des violences conjugales.

Notre groupe salue également les apports du Sénat en ce qui concerne la protection renforcée des victimes de nationalité étrangère, ainsi que l'exemption de l'obligation alimentaire envers les auteurs de violences. En effet, sur ce dernier point, nous avions fait part de notre inquiétude quant à l'absence de juge dans la rédaction de l'article 6 adoptée par la commission en première lecture, et nous avions d'ailleurs déposé un amendement précisant que le juge devait se prononcer sur cette décharge. La rédaction de cet article dans sa version issue du Sénat nous satisfait.

Nous avions également souligné combien le harcèlement moral au sein d'un couple, même après sa séparation, pouvait être destructeur et même conduire la victime au suicide. C'est pourquoi nous accueillons favorablement l'aggravation de la peine encourue par le conjoint en cas d'envoi de messages malveillants.

En outre, nous avions exprimé notre crainte que l'article 8 soit considéré comme une atteinte à un droit fondamental pour les patients, à savoir le secret médical. Nous nous demandons toujours si l'absence d'accord donné par la victime au signalement n'entraîne pas un risque réel de perte de confiance entre cette dernière et son médecin, qui sert souvent de refuge en ces circonstances. Il faudrait donner au médecin les moyens de convaincre la victime de dénoncer son bourreau avant d'envisager de fissurer le secret médical.

Enfin, je souhaite revenir sur un point que nous avions déjà mis en exergue : l'attribution à titre provisoire de l'aide juridictionnelle. L'objectif est louable, mais une telle attribution étant susceptible de ne pas être validée par la suite, ce qui entraînerait l'obligation de rembourser les honoraires versés, cette disposition créera inévitablement de l'insécurité pour la personne victime de violences. Pour résoudre ce problème, nous avions proposé en vain que les bureaux d'aide juridictionnelle se prononcent dans les quarante-huit heures sur l'octroi de l'aide, mais à titre définitif.

Nous construisons à petits pas et de manière pas toujours cohérente une politique de lutte contre les violences conjugales. Le groupe Libertés et territoires souhaite que le Gouvernement et le Parlement travaillent davantage de concert pour affronter les nouveaux défis qui s'annoncent en la matière, notamment ceux issus de la crise sanitaire. Dans cette perspective, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

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