Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 15h00
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Alors que le confinement a augmenté de façon importante le nombre de cas de violences conjugales, cette proposition de loi permet d'apporter quelques corrections au droit pénal, encore largement inadapté à ces situations. Les faits se situent souvent dans des interstices que le droit pénal ne semble pas pressé de prendre en considération – dans l'intimité du foyer, dans les replis de l'emprise, dans les difficultés à parler, dans les difficultés à partir. Mais ne nous y trompons pas : les situations de violence sont encouragées et multipliées par l'absence d'écoute des femmes qui parlent, par le tabou qui existe encore sur ce sujet, par le mépris que les institutions montrent parfois à l'encontre des droits des femmes et des violences qu'elles subissent.

Si cette proposition de loi comporte des avancées, notamment la possibilité de saisir les armes des auteurs ou d'attribuer des logements aux personnes victimes de violences, elle ne s'attaque pas aux racines du problème. Nous avions pourtant défendu des amendements qui nous auraient donné les moyens de lutter contre le fléau des violences conjugales, qui coûte la vie à plus de 120 femmes par an.

« Ne pleure pas ! Fais pas la fille ! Tu cours vraiment comme une femmelette ! Tu jacasses comme une fille ! T'es trop charmante, viens là ! Tu vas où ? Retourne-toi, regarde-moi ! On fait connaissance ? Mais comment, tu oses partir ? » Depuis des siècles, on apprend aux petits garçons à détester les femmes, à détester ce que l'on identifie au féminin. C'est là, l'origine de la violence. D'un point de vue préventif, afin d'endiguer les violences systémiques contre les femmes, il est essentiel de casser tous les processus qui mènent à ces violences. Cela doit passer par une profonde rénovation des relations garçons-filles, et donc par une éducation des enfants relative aux mécanismes de domination et favorisant l'égalité.

Cela doit aussi passer par une formation des personnes en lien avec les victimes – policiers, gendarmes, magistrats – , par l'embauche de médecins légistes, qui ne sont pas présents dans tous les départements, ainsi que par le renforcement des associations, qui ont été minées par la suppression des contrats aidés et dont les subventions n'augmentent pas. Toutes ces mesures permettraient de modifier en profondeur les ressorts des violences. Mais elles nécessitent toutes la mise en place d'un budget dédié ambitieux. Or, contrairement à ce que le Gouvernement prétendait en faisant de la lutte contre les violences faites aux femmes « la grande cause du quinquennat », le budget alloué à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et au recul des violences n'a pas augmenté.

Contrairement à ce que déclarait le Président Macron, nous assistons à l'effondrement de l'attention que les pouvoirs publics pouvaient, un tant soit peu, porter au sort des femmes. Une enquête ouverte pour complicité de détournement de fonds publics a valu à M. Bayrou, avant toute mise en examen, d'être écarté du Gouvernement au nom de l'exemplarité, alors qu'une procédure pour viol ouverte contre M. Darmanin, certes sans mise en examen, ne l'empêche pas d'être promu ministre de l'intérieur. Ce symbole de ce que les violences faites aux femmes sont moins importantes que des détournements dans des affaires de collaborateurs parlementaires nous renseigne sur la place que le Gouvernement donne à la parole des femmes et à la lutte contre les violences qu'elles subissent.

Ces dernières années, et plus encore ces dernières semaines, nous avons vu fleurir dans les rues des messages qui doivent nous faire prendre conscience de l'urgence de la situation, madame la ministre déléguée : « Elle le quitte, il la tue » ; « Victimes, on vous croit » ; « Culture du viol, État coupable, justice complice » ; « L'immonde d'après » ; « Ne protégez pas vos filles, éduquez vos fils ». Nous avons tout à gagner à prendre le temps d'éduquer les garçons afin que cesse le dénigrement des femmes qui, à l'âge adulte, peut se transformer en violence.

Il est nécessaire de dégager massivement de l'argent public pour prévenir les violences, pour former les professionnels et pour lutter contre les représentations qui déprécient l'image des femmes. Nous l'avions proposé mais le Gouvernement l'a balayé. Il est impératif de s'assurer que la parole des femmes est entendue, sachant qu'un long cheminement est souvent suivi avant la plainte, avant le procès, avant la condamnation. Rappelons qu'en matière de viols, seuls 1 % des auteurs sont condamnés. Les violences conjugales, quelles qu'elles soient, sont largement sous-estimées. Le droit doit changer mais, avant cela, c'est la société tout entière qui doit être consciente que nous avons toutes et tous à gagner d'un monde dans lequel les hommes et les femmes vivent en harmonie.

Dans ce texte, vous faites un pas. Bien qu'il le trouve très lent, très petit, et que la déception des femmes soit perceptible, le groupe de La France insoumise votera en faveur de cette proposition de loi.

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