Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 15h00
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Madame la ministre déléguée, bienvenue dans cette enceinte et sur le banc du Gouvernement !

Cinquante femmes sont déjà décédées cette année sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Il est essentiel de mener toujours un combat intransigeant contre les violences faites aux femmes. Le présent texte s'inscrit dans ce combat. Nous en remercions la rapporteure. Nous saluons également les militantes féministes, nombreuses et engagées, qui jamais ne cèdent un pouce de terrain face à l'inadmissible, et sans qui l'on ne parlerait sans doute pas des violences conjugales – peut-être continuerions-nous de considérer qu'il s'agit là d'une affaire privée, quand il s'agit bien évidemment d'une affaire publique et d'un sujet politique.

Le texte vient mieux définir ce que recouvre le terme de « violences » en limitant, par exemple, la procédure de médiation en cas de violences familiales. Il facilite l'aide juridictionnelle, dont on sait combien elle est essentielle pour permettre aux femmes de se défendre. Il protège le respect de la vie privée face au cybercontrôle et encadre l'autorité parentale pour protéger les enfants d'un parent violent. Il a été enrichi au cours du débat parlementaire, en particulier par nos collègues socialistes au Sénat, qui ont notamment souhaité permettre aux locataires victimes de violences conjugales de bénéficier d'un délai de préavis réduit à un mois pour quitter leur logement, comme d'autres personnes en situation de vulnérabilité.

Toutefois, parce que le sujet a été déclaré « grande cause du quinquennat » et que la société s'est mobilisée comme jamais, grâce au mouvement #MeToo et aux médias qui ont porté la question sur la scène publique, nous aurions aimé une grande loi contre les violences faites aux femmes, qui aurait par exemple englobé la question des violences économiques ou inclus les thèmes de l'antisexisme, des violences sexuelles et des droits sexuels et reproductifs. Nous regrettons de ne discuter que d'un texte qui, en dépit d'avancées réelles – que nous saluons – , continue de segmenter les différentes dimensions des droits des femmes.

Par ailleurs, vous le savez, nous regrettons particulièrement que les avancées obtenues par nos collègues sénateurs et sénatrices socialistes n'aient pas été retenues en commission mixte paritaire, alors qu'elles amélioraient considérablement l'ordonnance de protection des victimes et mettaient hors d'état de nuire le décret pris par le ministère de la justice le 27 mai 2020, que nous avons été nombreux à dénoncer. Nous déplorons ce recul.

Surtout, une disposition nous pose problème : c'est la levée du secret médical. Les spécialistes des mécanismes de violences conjugales y sont farouchement opposés, car si signaler, c'est bien, que se passe-t-il ensuite ? Que se passera-t-il si une femme concernée refuse de témoigner ? Que se passera-t-il si elle est menacée ? Que se passera-t-il si la plainte est classée ? Le problème n'est pas tant le signalement que ce que l'on en fait, et que notre capacité à garantir, autant que faire se peut, la protection d'une femme signalant ce qu'elle a subi.

Vous l'aurez compris, nous aurions voulu voter ce soir une vraie loi permettant de transformer la condition des femmes, qui ne se repose pas uniquement sur la société et sa mobilisation mais apporte aussi le soutien des politiques et des pouvoirs publics. Nous voterons néanmoins en faveur de ce texte, naturellement, tant la cause relève, pour nous comme pour vous, d'un combat historique et malheureusement jamais achevé.

Toutefois, notre exigence morale nous conduit à exhorter le Gouvernement et la nouvelle ministre déléguée chargée de ce dossier à ne pas se contenter d'un texte de plus. Nous n'en avons pas fini avec la compréhension collective du phénomène et avec l'action publique contre les violences intrafamiliales – contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Si le Président de la République a évoqué un « fil rouge » dans sa déclaration du 14 juillet, le nombre de féminicides figure surtout comme une tache rouge indélébile dans le bilan de nos politiques publiques.

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