La loi SILT a permis à ces services de continuer à disposer, après la sortie de l'état d'urgence en 2017, d'un cadre législatif efficace et adapté à leur action. L'autorité administrative, c'est-à-dire, selon les cas, le préfet ou le ministre de l'intérieur, s'est vu reconnaître de nouvelles compétences, strictement proportionnées à l'état de la menace et toujours exercées sous le contrôle du juge, dans le seul but de prévenir les actes de terrorisme. Elle peut notamment instaurer des périmètres de protection afin d'assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement, mesure qui s'est révélée particulièrement utile ces derniers temps ; procéder à la fermeture des lieux de culte dans lesquels on fait l'apologie du terrorisme ou incite à la commission d'actes terroristes ; édicter, à l'encontre d'individus constituant une menace caractérisée pour la sécurité et l'ordre publics, des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les MICAS ; enfin, solliciter du juge l'autorisation de procéder à la visite d'un lieu fréquenté par de tels individus.
Ces dispositifs ont montré toute leur efficacité en matière de prévention de la menace terroriste. Récemment, lors de leur audition par la mission d'information de l'Assemblée nationale, les principaux acteurs de la lutte antiterroriste en ont confirmé la grande utilité opérationnelle et la pertinence pour leurs services.
Vous avez souhaité limiter leur application dans le temps : les mesures de police administrative et la technique de renseignement dite « de l'algorithme » ne peuvent être utilisées que jusqu'au 31 décembre 2020. Votre objectif était de garantir un équilibre entre la lutte contre la menace terroriste, but assigné à la loi, et la préservation des libertés fondamentales. Il s'agit là, bien sûr, d'une préoccupation que le Gouvernement partage pleinement.
Vous avez également estimé que la mise en oeuvre de ces dispositions devait faire l'objet d'une évaluation précise et exhaustive avant que ne soit décidée leur prorogation, leur pérennisation ou leur adaptation. Ce contrôle parlementaire a été, il me semble, pleinement exercé ; je souhaite vivement qu'il se poursuive, en lien étroit avec les services de mon ministère – que je remercie. Le Gouvernement a rendu compte au Parlement, dans deux rapports annuels, de l'application des mesures de police administrative. Il lui a également adressé, le 30 juin dernier, un rapport relatif au recours à la technique de l'algorithme.
Le Gouvernement envisageait de soumettre au Parlement, avant l'été, un projet de loi permettant d'engager avec vous une discussion approfondie au sujet de chacune des mesures évoquées. Au-delà du bilan de leur application, nous aurions ainsi pu débattre des éventuelles adaptations de notre cadre juridique à l'évolution de la menace. Les services de renseignement y étaient prêts, ainsi que le ministère de l'intérieur, le ministère des armées et l'ensemble du Gouvernement. Mais la mobilisation nationale que nécessitait la gestion de la crise sanitaire, tant par le Gouvernement que par le Parlement, y a légitimement fait obstacle. Le contexte n'était pas favorable à un débat parlementaire approfondi et serein sur ce texte ; nous en prenons acte.
En effet, il s'agit là de sujets majeurs, touchant à la sécurité des Français et à celle du pays, ainsi qu'aux libertés fondamentales. Ils méritent d'être examinés avec l'attention requise par la chambre qui a vocation à préserver ces libertés et qui autorise le Gouvernement à agir. Compte tenu de la sensibilité et de la complexité des dispositions en cause, il m'a paru opportun de nous donner plus de temps et de reporter d'un an le débat de fond que nous aurions dû avoir cette année. Aussi, avant que le Parlement ne soit amené à se prononcer sur ces dispositions, je propose que les préfets, les forces de sécurité intérieure, les services de renseignement puissent continuer à utiliser les outils qu'ils considèrent unanimement comme nécessaires à leur action, et que les dispositions qui les ont créées soient donc prorogées d'autant. Tel est le sens du projet de loi qui vous est soumis ; sa teneur en explique d'ailleurs la brièveté.
Votre assemblée a adopté en commission un amendement réduisant à six mois, au lieu d'un an, la prorogation des dispositions de la loi SILT et de celles relatives à la technique de l'algorithme. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement ne s'opposera pas à ce calendrier resserré, qui le conduira à déposer un nouveau projet de loi à l'automne.
L'étude d'impact du texte qui vous est soumis aujourd'hui présente un premier bilan détaillé de l'application des mesures en question. Je ne m'attarderai donc pas sur ce point lors de l'examen de la quarantaine d'amendements. Je souhaite cependant insister sur l'usage raisonné et ciblé qui a été fait des nouveaux outils que vous avez bien voulu accorder au Gouvernement.
Au 17 juillet 2020, quelque 531 périmètres de protection ont été instaurés ; sept lieux de culte ont été fermés au titre de la loi SILT ; 302 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ont été notifiées, dont 59 sont encore actives à ce jour ; 169 visites domiciliaires ont été réalisées. Ces mesures ont été utilisées de manière ciblée et toujours sous le contrôle du juge. Conformément à l'article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure, introduit par l'article 5 de la loi SILT, le Parlement a été informé sans délai de la mise en oeuvre de chacune d'entre elles. Comme je l'ai déjà évoqué, il a également été destinataire, chaque année, d'un rapport relatif à l'application de la loi.
Le Gouvernement a également fait un usage raisonné de la technique de l'algorithme. Ainsi, depuis 2015, trois traitements automatisés ont été autorisés par le Premier ministre, après avis favorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR. Un rapport classé « confidentiel défense » détaillant leur nature et leur apport opérationnel a été remis à la délégation parlementaire au renseignement. À chaque fois, ils ont permis de détecter des contacts entre individus porteurs d'une menace terroriste, d'obtenir des informations sur leur localisation, de mettre à jour ce que nous savions du comportement d'individus connus des services de renseignement et nécessitant des investigations plus approfondies, d'améliorer la connaissance des services concernant la manière de procéder des membres de la mouvance terroriste.