Intervention de Nicolas Meizonnet

Séance en hémicycle du mardi 21 juillet 2020 à 15h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Meizonnet :

Le risque terroriste est toujours là ; le danger islamiste est toujours là. De 2013 à février 2020, soixante-et-un attentats ont été déjoués en France : c'est presque un par mois. Oui, le terrorisme islamiste est susceptible de frapper n'importe quand et n'importe où sur notre sol. La menace est élevée et la plus grande vigilance reste de mise.

Je profite d'ailleurs de cette tribune pour saluer tous ceux qui oeuvrent dans l'ombre pour garantir notre sécurité et les remercier de leur engagement au service de la France.

Le monde du renseignement doit désormais faire face à de nouveaux enjeux technologiques. Le traitement du big data et les évolutions des télécommunications sont des enjeux majeurs, qui imposent de repenser les moyens mis en oeuvre et d'avoir recours à l'intelligence artificielle. Ces changements sont incontournables.

Cependant, nos outils de lutte contre le terrorisme restent, pour certains, expérimentaux – ce texte en témoigne. Leur pérennité et les capacités techniques que nous sommes capables de mettre en oeuvre suscitent de nombreux doutes. D'ailleurs, les algorithmes ont-ils déjà produit de réels résultats dans la lutte contre le terrorisme ? Le débat qui s'ouvrira bientôt permettra, je l'espère, de répondre à toutes les questions qui se posent et de nous assurer que non seulement nous disposons d'armes efficaces, mais que nous en avons la pleine maîtrise.

À l'occasion de la crise sanitaire liée au covid-19, le Président de la République a souligné le déficit d'autonomie de notre pays dans certains secteurs économiques et stratégiques. La question se pose aussi dans le cas présent : les outils de collecte, de stockage et de traitement des données reposent-ils uniquement entre des mains françaises ? Sommes-nous absolument souverains et indépendants en matière de renseignement ? Ces questions sont essentielles.

Notre arsenal législatif pour lutter contre le terrorisme a ses qualités et ses défauts, mais je m'inquiète surtout de l'esprit dans lequel il est appliqué. Les derniers gardes des sceaux ont défendu des convictions que je juge alarmantes, voire dangereuses pour notre sécurité : ils se sont davantage préoccupés du sort des djihadistes et de leurs enfants détenus au Moyen-Orient que de la sécurité des Français ; chacun d'eux a souhaité leur rapatriement afin de leur éviter les peines sévères qu'ils encourent dans les pays où ils sont détenus.

Après Christiane Taubira et Nicole Belloubet, c'est aujourd'hui Éric Dupond-Moretti qui proclame sa volonté de rapatrier les 150 terroristes de Syrie et d'Irak et leurs quelque 300 enfants – ce même Éric Dupond-Moretti si fier et honoré d'être « aux côtés d'Abdelkader Merah » en tant qu'avocat.

Ces individus qui ont brûlé leur passeport français et déclaré la guerre à l'Occident doivent aujourd'hui assumer leur sort. Absoudre automatiquement leurs enfants au motif de leur jeunesse est un non-sens quand on sait qu'ils ont grandi une kalachnikov entre les mains.

Reconnaissez donc qu'il y a une contradiction entre votre volonté affichée de mener une lutte sans merci contre le terrorisme, notamment en développant et expérimentant de nouveaux outils, et, en même temps, votre désir de ramener les djihadistes chez nous, faisant ainsi courir un risque majeur à nos compatriotes. En effet – vous avez vu comme moi l'étude du centre d'analyse du terrorisme – , le risque de récidive dans ce cas est énorme, de l'ordre de 60 %. Je vous le dis, chers collègues, les faire revenir est une véritable folie !

Notre arsenal juridique doit d'abord être guidé par une ferme volonté politique qui, manifestement, fait aujourd'hui défaut. En janvier dernier, un document classé secret défense qui a fait l'objet d'une fuite estimait que 150 quartiers sont tenus par les islamistes. Pourtant, depuis l'entrée en vigueur de la loi SILT, il y a environ deux ans et demi, seuls sept lieux de culte ont fait l'objet d'une fermeture administrative : cela paraît bien peu au regard de cette emprise sur 150 quartiers.

Le dispositif est peut-être mal adapté, mais peut-être aussi est-il empêché par des procédures trop contraignantes, trop lourdes, de celles dont la France a le secret, et qui ne permettent pas aux forces de l'ordre de faire efficacement leur travail.

Enfin, pour agir de manière décisive sur le terrorisme, il faut accompagner nos dispositifs d'une réponse pénale adéquate. Hélas – nos policiers et gendarmes le savent bien – , outre que les procédures en la matière sont très lourdes, les dernières réformes pénales ont amoindri la force de la loi. Quelle que soit la gravité de l'infraction, on le voit tous les jours dans la presse, les récidivistes sont légion. Comment cela est-il possible dans un État de droit ?

Notre droit antiterroriste doit donc être revu pour permettre à la fois une action plus efficace en amont et une réponse pénale digne de ce nom.

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