Intervention de Raphaël Gauvain

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gauvain :

Dans les trois années à venir, 150 à 200 personnes condamnées pour des faits de terrorisme – essentiellement des tentatives avortées de départ ou de retour des théâtres d'opérations d'Irak et de Syrie – sortiront des prisons françaises. Ces personnes, suivies en prison par les services de renseignement, présentent encore des profils très préoccupants. Le paradoxe est que, depuis 2016, ces personnes condamnées pour terrorisme sont exclues de la totalité des mécanismes d'accompagnement de sortie de prison. Elles seront ce que l'on appelle dans le jargon judiciaire, vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, des « sorties sèches » : du jour au lendemain, elles se retrouveront dehors sans accompagnement et sans obligation, alors même qu'elles doivent en priorité faire l'objet de mesures d'accompagnement et de surveillance spécifiques.

L'objet de notre proposition de loi est de mettre fin à ce paradoxe en comblant ce qu'on appelle un « trou dans la raquette » du droit, grâce à la mise en place de mesures d'accompagnement et de surveillance des personnes condamnées pour terrorisme après leur sortie de prison. Actuellement, vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, les seules mesures qui peuvent être prises le sont par le ministre de l'intérieur au titre de la loi SILT – ce sont les MICAS. Le dispositif est limité, d'abord parce qu'il prévoit non pas de dispositif d'accompagnement, mais uniquement de surveillance, ensuite et surtout parce qu'il est limité dans le temps – un an en principe, six mois en réalité.

Grâce à notre texte, il appartiendra désormais aux magistrats de prendre une batterie de mesures, de la simple déclaration d'adresse jusqu'au pointage dans un commissariat et au port du bracelet électronique, tout cela de manière collégiale – vous l'avez également rappelé – , après un débat judiciaire, et dans le respect du contradictoire.

L'enjeu est connu, vous l'avez d'ailleurs rappelé, madame la rapporteure, monsieur le garde des sceaux : au regard des libertés publiques, nous sommes sur une ligne de crête, car on rajoute des mesures restrictives de liberté à une personne déjà condamnées et qui a déjà purgé sa peine, déjà « payé sa dette à la société », comme on dit dans le jargon judiciaire.

Si la jurisprudence constitutionnelle reconnaît la possibilité de prendre des mesures de sûreté à l'encontre d'une personne qui présente un certain degré de gravité, le Conseil constitutionnel en vérifie la nécessité, voire l'opportunité dans certains cas. Si ces mesures de sûreté sont trop sévères, trop restrictives, assimilées par le Conseil constitutionnel non pas à des mesures de sûreté mais à une véritable nouvelle peine pénale, alors notre dispositif encourra le risque d'être déclaré inconstitutionnel. Ce risque, vous le savez, mes chers collègues, fut le fil rouge de nos travaux et de nos débats, devant le Conseil d'État, en commission, en séance en première lecture puis en commission mixte paritaire, mercredi dernier. La recherche de l'équilibre fut notre préoccupation constante, en vue d'assurer la constitutionnalité du dispositif, tout en garantissant son efficacité, car nous ne voulons pas fabriquer une loi qui sera censurée.

Il ne s'agit pas non plus de fabriquer une loi qui ne serve à rien, qui ne serait pas appliquée. Ainsi, en commission mixte paritaire, sur la suggestion du Sénat, nous avons introduit une nouvelle garantie, limitant le dispositif aux condamnés pour faits de terrorisme à des peines égales ou supérieures à cinq ans, sachant que les 150 détenus condamnés pour ces faits qui doivent sortir dans les trois années à venir et dont le comportement est le plus préoccupant ne seront pas concernés par cette limitation, nous en avons reçu la garantie.

Ne nous leurrons pas : pour certains, nous n'en ferons jamais assez et cela ne sert à rien ; pour d'autres, nous en faisons trop et cela ne sert à rien non plus. Notre proposition de loi constitue néanmoins une véritable avancée, en ce qu'elle apporte une réponse opérationnelle et équilibrée à la menace. Nous entendons bien la soutenir avec force, collectivement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.