Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

L'équilibre du texte sort renforcé du travail des deux chambres et de la CMP, je le dis à mon tour. Le texte procède d'un double constat : le temps de l'incarcération ne permet pas assez de lutter contre la récidive ou la réitération ; les multiples dispositifs législatifs que nous n'avons cessé d'adopter ne permettent pas de répondre à la préoccupation qui est la nôtre de s'assurer que le condamné, à sa sortie de prison, est en mesure de se réinsérer dans la société.

La lutte contre la récidive doit demeurer l'orientation prioritaire donnée à la peine ; le texte, qui vise à donner des armes à l'issue de celle-ci, ne doit pas signifier l'abandon de cette ambition. La mesure de sûreté ne doit intervenir qu'à l'issue d'un cheminement long et puissant de réinsertion qui a échoué. Mais encore faut-il, pour cela, disposer des moyens humains et budgétaires, et assurer une régulation carcérale – vous y travaillez, monsieur le garde des sceaux.

Quant au vide juridique que justifierait ce texte, la loi de 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, prévoit le suivi socio-judiciaire lors de la condamnation. C'est la voie qu'il faut privilégier. La mesure est prononcée au moment des faits, à raison des faits et elle a pour but de parfaire la peine. Elle répond au souci d'un nécessaire accompagnement à la sortie de prison, pouvant aller jusqu'à une restriction de liberté. Mais elle ne saurait s'appliquer aux quelque 150 détenus que nous avons évoqués, qui ont été condamnés avant la promulgation de cette loi.

L'article 2 correspond à l'amendement, que nous avions déposé en première lecture en séance publique, qui renforce la place du suivi socio-judiciaire. Le juge aura obligation de motiver son refus de prononcer le complément de peine de suivi socio-judiciaire. Désormais, les auteurs de délits et de crimes terroristes dont la gravité est avérée feront donc l'objet de mesures de suivi socio-judiciaire dont le contenu pourra être adapté en fin de peine.

Depuis 2016, cela a été dit, les personnes condamnées pour acte de terrorisme autre que les délits en lien avec la provocation au terrorisme ou son apologie ne bénéficient d'aucun crédit de réduction de peine. Il s'agit là d'une erreur que nous avons commise, sous la pression. Priver les personnes condamnées pour acte de terrorisme de réduction de peine ne permet pas, à mon sens, d'organiser au mieux la fin de peine et d'éviter la sortie sèche. Nous devons revenir sur ce point et ainsi parfaire l'équilibre du dispositif au regard des exigences constitutionnelles.

La loi SILT de 2017 comporte des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, dont le caractère provisoire avait été spécifié, en raison précisément de leur caractère possiblement attentatoire aux libertés individuelles. Il s'agit là de mesures administratives, dépourvues d'aide à la réinsertion, sur lesquelles nous nous interrogeons tous parce qu'elles ne sont pas prononcées par le juge judiciaire.

Ce texte tente donc de répondre à la situation anxiogène de la remise en liberté d'un individu, qui, en fin de peine, présenterait un comportement inquiétant laissant penser à un risque sérieux de récidive de commission d'actes de terrorisme. Cela a été dit et redit, des mesures de surveillance fortement restrictives de liberté pourront donc être décidées, mais, cette fois, prononcées par un juge, après débat contradictoire et en présence de l'avocat.

Je ferai trois observations pour conclure.

D'abord, une particulière dangerosité peut justifier une surveillance, vous l'avez dit, monsieur le garde des sceaux. C'est d'ailleurs le cas dans notre droit. En l'occurrence, il s'agit d'une surveillance transparente, décidée en présence de l'avocat et susceptible d'appel. Elle ne peut donc être assimilée à une mesure de rétention de sûreté, qui remplace comme le disait si bien Robert Badinter et comme l'a rappelé mon collègue Peu, « l'homme coupable » par « l'homme dangereux » devant notre justice. Sans dogmatisme, et au regard du travail que nous avions mené à ce sujet dans le cadre de la loi de 2016, ces mesures de sûreté nous apparaissent comme d'autres solutions possibles, mais contraintes par la temporalité de la loi, au suivi socio-judiciaire.

Ensuite, le présent texte est un aveu de la faiblesse de notre travail législatif, de son imprévoyance et, hélas, de notre penchant à répondre dans l'urgence à une situation donnée, mais qui, prévisible, aurait pu être discutée dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice de 2019.

Au surplus, disons et sans démagogie et clairement qu'aucun texte ne pourra nous prémunir totalement du risque que la proposition de loi tente de réduire, même si nous devons évidemment travailler à le limiter.

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