Plusieurs arguments peuvent être mis en avant pour rejeter ces amendements. J'en reprendrai quatre, que le Conseil d'État a développés dans son avis de 2018 sur un projet de loi relatif à la bioéthique. Tout d'abord, l'autorisation d'une AMP post mortem pourrait entraîner la naissance d'un enfant dont le père est décédé avant même sa conception dans le cas de l'utilisation des gamètes, ou avant le début de sa gestation pour les embryons. L'enfant ne sera élevé que par un seul parent, ce qui est une source de vulnérabilité que l'on créerait ipso facto.
Ensuite, le Conseil d'État affirme que naître dans un contexte de deuil est une situation qui pourrait marquer le récit identitaire de l'enfant, subissant nécessairement l'impact du deuil de son père. Symboliquement, cette PMA revient à faire engendrer un mort, cette charge psychologique pesant sur l'enfant. Or, comme l'a excellemment indiqué Annie Genevard à l'instant, c'est l'intérêt de l'enfant qu'il faut prendre en considération.
Dans un tel contexte, il est difficile de créer les conditions d'une décision apaisée de la mère, d'autant, comme l'a dit Mme la ministre avec laquelle nous sommes en plein accord sur le sujet, que des pressions familiales pourraient s'exercer sur la mère en deuil.
Le dernier argument, que vous avez également avancé, madame la ministre, est juridique : si cette technique était autorisée, il faudrait profondément modifier le droit de la filiation et celui des successions, afin d'intégrer l'enfant à la lignée du défunt. Cela n'aurait ni pour objet ni pour effet de faire de l'embryon ou des gamètes conservés des sujets de droit : nous avons été très choqués par l'idée d'élaborer un contrat, qui mène à une marchandisation du corps. Nous n'imaginons pas la signature d'un contrat chez le notaire portant sur un embryon.