Cet amendement du Gouvernement vise à ne pas autoriser la méthode de la ROPA, introduite par la commission spéciale de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, au motif de l'infertilité de l'un des deux membres du couple. Cette introduction remet en cause un principe fondamental de la médecine, celui de ne pas pratiquer d'acte médical non nécessaire et non justifié médicalement. Dans la grande majorité des cas, il suffit, pour aboutir à une grossesse au sein d'un couple de femmes, de procéder à une insémination artificielle. La femme qui porte l'enfant ne subit donc pas de stimulation ovarienne ou hormonale, ni de ponction ovocytaire. On lui insémine directement les spermatozoïdes du donneur dans l'utérus. Il s'agit donc bien d'une méthode clairement moins invasive que la ROPA, comme vient de l'évoquer M. Chiche par anticipation. L'autorisation de la ROPA contreviendrait au principe selon lequel on ne pratique pas d'acte médical qui ne soit justifié par l'état de santé.
Le principe de la ROPA conduit à imposer plusieurs stimulations ovariennes à l'autre membre du couple donneur d'ovocytes, qui viendraient s'ajouter à la fécondation in vitro et au transfert ainsi qu'à la congélation d'embryons. Ces mesures sont excessives, considérant les objectifs sous-tendus par l'amendement adopté par la commission spéciale. Comme je l'ai indiqué, le rapport bénéfices-risques est injustifié sur le plan médical.
Par ailleurs, cette méthode constitue un don dirigé, qui s'oppose à un principe essentiel de la santé en France : l'anonymat du don, qu'il s'agisse de sang ou de gamètes. La ROPA permettrait au contraire de cibler la bénéficiaire de ses propres ovocytes.
En outre, le projet de loi repose sur la philosophie selon laquelle c'est le projet parental qui fonde le recours à l'AMP, bien davantage que la filiation biologique. Or c'est ce dernier concept qui sous-tend la pratique de la ROPA. Le projet de loi est l'aboutissement d'un important travail législatif défendant l'idée que l'amour parental, le projet parental et l'éducation sociale ont une valeur extrêmement forte. Or l'amendement introduisant la ROPA contrevient à ce principe, en reconnaissant qu'une femme peut, pour se sentir pleinement mère, préférer que ses propres ovocytes soient, après stimulation ovarienne, implantés dans l'utérus de l'autre mère. Tout le projet de loi repose sur le principe selon lequel un donneur de gamètes n'est pas forcément un père ou une mère, les parents étant ceux qui élèvent l'enfant et lui apportent amour et sécurité.
Enfin, la disposition réintroduit paradoxalement la vérification de l'origine pathologique de l'infertilité qui, dans ce texte, ne conditionne plus l'accès à l'AMP compte tenu de son ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules. Une telle méthode apporterait donc des nuances importantes à la philosophie du texte, pour suivre un objectif dont on peut comprendre le principe – offrir à l'une des deux mères la possibilité d'apporter son ovocyte tandis que l'autre porte l'enfant – mais qui contrevient à l'esprit et à la lettre du texte, ainsi qu'à un principe général de la médecine.