Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du vendredi 31 juillet 2020 à 21h30
Bioéthique — Article 19 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta :

Je ne suis pas mécontent d'avoir ouvert ce débat, de façon indirecte, mais je voudrais apporter des précisions car, depuis bien des semaines, j'entends dire beaucoup de choses.

Dans les années 1980, le professeur René Frydman et le docteur Jacques Testart ont permis la naissance d'Amandine, deuxième bébé né par fécondation in vitro après une première naissance en Angleterre.

Depuis lors, tous les pays qui ont adopté la technique de FIV affichent des taux de succès de 40 % à 50 %, voire supérieurs. En France, mauvaise élève de la classe, les taux de succès varient entre 15 % et 20 % selon les centres. Il y a donc des questions à se poser. On peut notamment s'étonner du fait que, là où les taux de succès sont meilleurs, c'est-à-dire dans la quasi-totalité des pays européens, on s'intéresse à l'aneuploïdie, alors qu'en France, on feint de ne pas vouloir s'y intéresser.

Au départ, on s'est intéressé à 200 couples par an, dont le mari et la femme étaient porteurs d'une pathologie génétique lourde. Depuis 1999, ces couples font appel à un diagnostic préimplantatoire dans cinq CHU français – de mémoire, ceux de Strasbourg, Paris, Grenoble, Nantes et Montpellier. Ces centres testent un grand nombre de pathologies, suffisamment lourdes pour qu'il soit nécessaire de le faire. La FIV permet d'obtenir plusieurs embryons, soumis à un DPI conduisant à un tri embryonnaire : effectivement, on choisit un embryon dépourvu de la pathologie génétique recherchée.

Il faut savoir que la majorité des fécondations, qu'elles aient lieu dans le ventre de la mère ou dans une boîte de Petri, se soldent par un échec. Quand cela se passe dans le ventre de la mère, excusez ma rudesse, mais c'est finalement assez indifférent : l'échec se traduit par un retard de règles et la fausse couche n'est même pas enregistrée comme telle. Dans la boîte de Petri, c'est la même chose.

Ce constat a conduit à l'idée suivante : puisque pour les 200 couples concernés, on regarde s'il y a présence ou absence d'une mutation pour effectuer un tri d'embryons, ne pourrait-on pas, en même temps, fixer un deuxième critère de sélection : la viabilité – j'insiste sur ce mot – de l'embryon ? Quel intérêt y a-t-il, en effet, à transplanter un embryon non viable ? Rappelons que tout cela s'effectue à la demande des parents et avec leur total consentement – nous parlons de bioéthique.

Qu'entendons-nous par viabilité ? Aucune trisomie n'est viable, sauf une seule, vous le savez bien. Dans les cas de trisomies 13 et 18, dont on m'a rebattu les oreilles, l'espérance de vie est en moyenne d'un à deux ans, et je vous souhaite de ne jamais croiser les embryons ou les nouveau-nés… Les holoprosencéphalies, les enfants cyclopes et les malformations de ce type sont horribles.

Ces couples sont vraiment dans une situation très compliquée ; ils ont une vraie volonté d'enfant et savent qu'ils n'ont droit qu'à quatre essais. Combien de couples m'ont écrit, disant qu'ils avaient fait les quatre essais et qu'ils étaient désespérés ? Moi aussi, je pourrais témoigner. Les plus riches vont, comme d'habitude, aller en Espagne, en Italie, en Hollande ou en Belgique pour faire une nouvelle tentative et bénéficier d'un DPI-A.

Le but n'est donc pas de sélectionner, puisque le tri est fait en fonction de la pathologie : il s'agit de choisir un embryon viable. Imaginons que nous n'ayons que les embryons porteurs d'une trisomie 21 – ce qui est peu probable. On demandera au couple s'il veut garder l'embryon. Si c'est le cas, on implantera l'embryon porteur de la trisomie 21.

Comme il semble que beaucoup l'ignorent, je rappelle que le choix d'avoir un enfant atteint de trisomie 21 existe – et je sais de quoi je parle. Ce choix existe.

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