Intervention de élisabeth Borne

Séance en hémicycle du mardi 15 septembre 2020 à 15h00
Inclusion dans l'emploi par l'activité économique — Présentation

élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

… et particulièrement celui de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui en est la rapporteure. Dès la discussion en commission, vous avez su enrichir le texte et faire évoluer le dispositif initial, tout en gardant comme boussole l'insertion de nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi.

Ce n'est pas un hasard si la première proposition de loi examinée pendant cette session extraordinaire porte sur le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés. En effet, le texte découle directement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté annoncée en septembre 2018 par le Président de la République. C'est aussi la transcription législative du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique signé en 2019, dont il reprend certaines propositions.

La proposition de loi s'inscrit dans la philosophie du plan « France relance » : tous les leviers doivent être utilisés pour donner un emploi à chacun – aux jeunes, aux seniors, aux moins qualifiés. Elle fait suite à l'annonce d'un dispositif de soutien exceptionnel de 300 millions d'euros en faveur des structures d'insertion par l'activité économique et des entreprises adaptées. Ces orientations budgétaires sans précédent traduisent l'ambition du Président de la République de parvenir à intégrer 100 000 salariés supplémentaires dans les parcours d'insertion, et 40 000 salariés supplémentaires dans les entreprises adaptées.

Le titre Ier de la proposition de loi est consacré au renforcement du secteur de l'insertion par l'activité économique. Cette solution d'accès à l'emploi permet d'insérer les personnes dans l'emploi à partir d'une activité salariée au sein d'une structure d'insertion, complétée d'une formation. Les structures d'insertion par l'activité économique assurent ainsi un véritable tremplin vers l'emploi.

Le titre II est consacré à la prolongation et à l'extension de l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », qui vise à insérer les personnes dans l'emploi à partir de leurs compétences et des besoins des territoires. Elle repose sur le CDI à temps choisi.

Quant au titre III, il comporte des mesures de coordination et de mise à jour.

L'insertion par l'activité économique est un outil puissant de retour à l'emploi, et cette proposition de loi vise d'abord, à travers son titre Ier, à la renforcer. Pour accompagner et encourager le développement de ce secteur, qui compte 4 000 structures bénéficiant à 140 000 personnes engagées dans un parcours d'insertion, la proposition de loi apporte à la fois une simplification pour les structures d'insertion et de la sécurité pour les personnes en parcours d'insertion.

Le texte apporte d'abord un changement fondamental : la suppression de l'agrément préalable délivré par Pôle emploi et son remplacement par le Pass IAE – insertion par l'activité économique. Au travers de la nouvelle plateforme de l'inclusion, les structures d'insertion par l'activité économique pourront recruter sans avis préalable en partageant l'information relative aux personnes qu'elles recrutent directement, sans passer obligatoirement par un tiers prescripteur. La plateforme permet aussi à une liste étendue de prescripteurs d'orienter des personnes vers des structures d'insertion par l'activité économique. Cette proposition de loi entraînera donc une simplification des règles de recrutement, au bénéfice de l'ensemble des structures d'insertion par l'activité économique, leur permettant de se développer et d'être plus visibles.

Je suis consciente de l'effort d'adaptation qu'auront à faire les associations intermédiaires qui n'étaient pas soumises à un agrément préalable et qui proposent des parcours d'insertion importants pour les territoires. Pour elles, des mesures dérogatoires seront proposées lors de la discussion des amendements, afin de reporter leur entrée dans le Pass IAE et de maintenir leur faculté de réaliser des parcours de plus de vingt-quatre mois.

Cette proposition de loi créée ensuite un CDI d'inclusion pour les seniors, qui contribue à leur sécurisation jusqu'à la retraite. C'est une innovation majeure pour le secteur de l'insertion par l'activité économique, qui ne proposait jusqu'alors que des contrats courts, renouvelables jusqu'à concurrence de vingt-quatre mois au maximum. Tout salarié d'une structure d'insertion par l'activité économique de plus de 57 ans pourra se voir proposer un CDI si sa situation ne lui permet pas de retrouver un emploi dans le secteur de droit commun. Dans le même temps, ce dispositif remplacera, pour les plus de 57 ans, les contrats d'inclusion à durée déterminée, qui pouvaient être prolongés par dérogation. Notre objectif est de lutter contre la précarité des seniors éloignés de l'emploi en leur permettant d'accéder à un CDI.

Cette proposition de loi vise également à prolonger et à étendre l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », qui est une solution d'insertion sur mesure. Cette expérimentation née de la loi du 29 février 2016, adoptée alors à l'unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat, soutenue par le mouvement associatif, a rencontré un intérêt certain dans les territoires. Treize entreprises à but d'emploi existent aujourd'hui dans les dix départements ; elles emploient 820 personnes, dont 770 privées durablement d'emploi, dans le cadre d'un projet collectif utile et complémentaire à l'offre d'emploi préexistante. Ces entreprises à but d'emploi sont pilotées par des comités locaux pour l'emploi, réunissant l'ensemble des acteurs du territoire, les élus, le service public de l'emploi, les associations, mais aussi les entreprises du secteur de droit commun. Le dispositif consiste à recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d'emploi volontaires du territoire se trouvant au chômage depuis plus d'un an, pour leur confier des activités nouvelles, utiles aux territoires et correspondant à leurs souhaits et capacités.

Je salue le travail de Laurent Grandguillaume, président de l'association Territoires zéro chômeur de longue durée, ainsi que celui de Michel de Virville, Patrick Valentin et Louis Gallois, respectivement vice-présidents et président du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Le Gouvernement soutient cette expérimentation prometteuse ; il est prêt à augmenter la taille du laboratoire pour lui permettre de faire ses preuves, y compris en outre-mer.

Dans la version initiale du texte, trente nouveaux territoires devaient être ajoutés aux dix premiers, pour lesquels l'expérimentation est reconduite pour une durée de cinq ans. Après des échanges continus, tant avec les parlementaires qu'avec les porteurs de projets, le Gouvernement vous propose d'aller au-delà : cinquante nouveaux territoires supplémentaires sont proposés, ce qui porte à soixante le nombre de territoires pilotes pour cette deuxième étape de l'expérimentation. Il s'agit d'un nombre et d'une durée adaptés car le temps est aujourd'hui à l'évaluation et à l'optimisation.

Il est temps effectivement, mesdames et messieurs les députés, de passer à une nouvelle étape dans l'expérimentation ; cela implique de tirer les conséquences des évaluations d'hier et d'améliorer les évaluations à venir pour mieux mesurer les impacts socio-économiques du dispositif. Le principe même d'une expérimentation réside dans l'amélioration continue du dispositif. C'est pourquoi nous voulons construire un dispositif responsable, y compris vis-à-vis des finances publiques. Nous tenons compte des études de la mission d'inspection menée par l'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – et l'Inspection générale des finances – IGF – ainsi que du comité scientifique de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques – DARES – , qui ont mis en évidence la nécessité d'assurer la viabilité du dispositif sur les plans économique, organisationnel et managérial. Ces améliorations sont bien sûr dans l'intérêt même de l'expérimentation.

Cette proposition de loi vise à renforcer la viabilité économique des entreprises à but d'emploi au travers d'outils plus fins de pilotage, de suivi et d'évaluation des expérimentations ainsi que de remontées d'informations plus régulières. Elle prévoit aussi l'obligation d'un cofinancement de la contribution au développement de l'emploi par les départements quand ils sont bénéficiaires d'une expérimentation – cette disposition a fait l'objet d'une concertation avec l'Assemblée des départements de France – , la signature obligatoire d'un plan d'affaires par les entreprises, sous la forme d'une convention signée avec le fonds d'expérimentation, ainsi que le principe d'une habilitation des territoires au fil de l'eau. Pour être habilités, les territoires devront au préalable respecter un cahier des charges dont les modalités seront définies par arrêté. Ne seront ainsi retenus que les territoires porteurs d'un projet suffisamment mature et s'étant donné les moyens de réussir et d'assurer la mobilisation de l'ensemble des acteurs territoriaux.

Je salue de nouveau le travail de la commission, qui a enrichi le texte en prévoyant la possibilité d'une modulation des financements en fonction de la trajectoire de l'entreprise et la possibilité, pour les entreprises à but d'emploi, de s'adosser aux structures de l'insertion par l'activité économique afin de se renforcer, particulièrement en phase d'amorçage.

Ces expérimentations sont proches, dans l'esprit, de ce que pourrait être le nouveau service public de l'insertion et de l'emploi : elles s'inscrivent dans un projet de territoire, incarné par les comités locaux pour l'emploi. Dans les semaines qui viennent, Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion, sera à mes côtés pour défendre l'idée d'une coordination entre tous les acteurs.

Sur le terrain, les deux leviers, renforcés par les deux titres de cette proposition de loi, démontrent déjà au quotidien leur complémentarité en s'adressant à des publics différents : d'un côté, l'insertion dans l'activité économique propose un parcours temporaire de retour vers l'emploi et des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement afin de reprendre pied ; de l'autre, les expérimentations « territoire zéro chômeur » proposent un recrutement en CDI visant à redynamiser les personnes concernées en les faisant participer à un projet de territoire, à l'égard duquel elles développent un sentiment d'appartenance. Dans les deux cas, ces dispositifs traduisent une même conviction : le fait d'occuper un emploi et de travailler est un facteur essentiel pour trouver pleinement sa place au sein de notre société et contribue ainsi à la cohésion de notre pays.

Mesdames et messieurs les députés, c'est un beau texte, un texte utile, un texte qui a du sens, a fortiori dans le contexte que nous connaissons. Il sera soumis au Sénat en octobre. Je souhaite que nous puissions trouver ensemble le meilleur équilibre et qu'il soit adopté le plus largement possible.

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