La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par décret du Président de la République du 24 août 2020.
Il me revient, en ce début de séance, de vous faire part des modifications de la composition de l'Assemblée nationale intervenues tout au long du mois d'août.
Tout d'abord, plusieurs députés m'ayant adressé leur démission, le ministre de l'intérieur m'a informé de leur remplacement par leur suppléant. M. Gilles Lurton est remplacé par M. Jean-Luc Bourgeaux,
Applaudissements sur tous les bancs
Mêmes mouvements
Au risque de refroidir vos ardeurs, cette dernière m'a aussitôt informé qu'elle se démettait de son mandat de députée.
Rires sur tous les bancs.
Applaudissements sur divers bancs
Applaudissements sur tous les bancs
Mêmes mouvements
Mêmes mouvements
Mêmes mouvements.
Le ministre de l'intérieur m'a également informé du remplacement par leur suppléant de sept députés nommés membres du Gouvernement : Mme Barbara Pompili par Mme Cécile Delpirou,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, EDS, Agir ens, ainsi que sur quelques autres bancs
Mêmes mouvements
Mêmes mouvements
Mêmes mouvements
Mêmes mouvements
Mêmes mouvements
Mêmes mouvements.
Par ailleurs, j'ai pris acte de la cessation, le 3 août à minuit, du mandat de député de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, de M. Pascal Lavergne et de M. Adrien Morenas, ainsi que de la reprise de l'exercice du mandat de M. Christophe Castaner, de Mme Christelle Dubos et de Mme Brune Poirson.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, Agir ens, ainsi que sur quelques autres bancs.
Enfin, le Premier ministre m'ayant informé qu'il avait décidé de prolonger la mission temporaire confiée à M. Jacques Savatier, il a été pris acte, le 24 août à minuit, du remplacement de notre collègue par Mme Françoise Ballet-Blu.
Mêmes mouvements.
En votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à nos quatorze nouveaux collègues, ainsi qu'aux trois anciens membres du Gouvernement qui siègent à nouveau parmi nous.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes face à un véritable scandale d'État !
Les travaux exemplaires et courageux, dévoilés ce matin, par la commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, présidée par mon collègue Patrick Hetzel, révèlent une réalité intolérable.
Oui, monsieur le Premier ministre, la fraude aux aides sociales atteint des montants qui donnent le vertige…
… et qui exigent une réponse extrêmement ferme du Gouvernement. Pourtant, vous continuez d'être dans le déni. 1,8 million, 1,8 million, c'est le nombre des cartes vitales illicites qui ouvrent frauduleusement des droits ! Pourtant, le ministère des solidarités et de la santé assurait il y a quelques jours qu'il n'en restait qu'un peu plus de 150 000. Le nombre de personnes pouvant bénéficier de prestations sociales est supérieur à celui de la population française !
Le total de numéros de sécurité sociale en trop serait compris entre 2,4 millions et 6,7 millions, et vous faites perdurer un flou artistique sur la question.
Plusieurs milliards, voire plusieurs dizaines de milliards d'euros seraient volés chaque année au contribuable par la fraude aux prestations sociales.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous sommes en présence d'un pillage systématique et massif de notre système de santé et de solidarité. Cette gabegie ne peut plus être un sujet tabou. Il faut sanctionner les fraudeurs ! Votre Gouvernement doit cesser de nier la réalité. Or, vous faites tout le contraire, puisque nous apprenons que M. Olivier Véran a envoyé, au directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie, une lettre de mission de quatre pages qui ne contient pas une seule fois le mot « fraude » !
Alors, monsieur le Premier ministre, au-delà des mots, la lutte contre la fraude sociale est-elle réellement une priorité de votre Gouvernement ? Allez-vous agir, oui ou non ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez évoqué les travaux de la commission d'enquête présidée par le député Patrick Hetzel, mais vous auriez également pu citer ceux de la Cour des comptes, menés à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a rendu son rapport le 8 septembre dernier. Ces travaux dressent des constats instructifs et avancent quelques propositions utiles, mais, en la matière, que l'on parle de la fraude aux prestations sociales comme de celle aux cotisations, il faut veiller en permanence aux mots que l'on emploie, à ne pas nourrir de polémiques, à ne pas tenir de discours caricatural et, surtout, à ne pas jeter l'opprobre sur ceux qui perçoivent légitimement des prestations sociales.
Les rapports présentent un autre mérite, celui de constater que les cas de fraude détectés ont été multipliés par trois depuis dix ans et ont augmenté de 10 % depuis un an, et que les caisses de sécurité sociale consacrent plus de 4 000 équivalents temps plein à la lutte contre la fraude.
Nous déployons des outils de lutte contre la fraude, en nous appuyant, par exemple, sur les recommandations de Carole Grandjean pour la lutte contre les cartes Vitale surnuméraires, dont le nombre baisse d'ailleurs fortement. Nous coordonnons les services de renseignement et les services d'enquête, …
… et avons créé une mission interministérielle à dessein le 15 juillet dernier.
Nous engageons tous les moyens pour améliorer le recouvrement, car la notification de sanctions et le recouvrement de sommes perçues frauduleusement sont deux choses distinctes, et nous ouvrons de nouveaux champs de bataille contre la fraude, comme, cette année, celui de l'activité partielle ; pas plus tard qu'hier, nous avons, avec Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, mis en place de nouveaux dispositifs dans ce domaine.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé, …
… bien au-delà de la dureté du ton que vous avez employé, qui, je le répète, ne semble pas opportun.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Mmes et MM. les députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent – Plusieurs députés du groupe FI se masquent un oeil.
Ils sont inquiets à cause de la crise du covid-19. Ils sont inquiets, parce que personne, ici, ne doit oublier que le virus de septembre n'est pas moins puissant ni dangereux que celui du mois de mars, contre lequel nous avons été totalement mobilisés.
Le combat renvoie à la responsabilité individuelle : nous devons veiller, dans nos gestes et nos comportements, à lutter contre le covid-19.
Je sais combien les services de l'État, notamment ceux de la santé, et le Gouvernement, monsieur le Premier ministre, sont totalement mobilisés dans ce combat.
Mais les Français sont inquiets. Les Français sont inquiets pour l'avenir de l'économie.
Les Français sont inquiets pour leur souveraineté économique et pour la reconquête nationale que nous devons construire. Je sais qu'ils attendent beaucoup du plan de relance dans la stratégie de reconquête nationale.
Le plan de relance s'inscrit dans l'effort engagé, depuis le début de la crise, pour la solidarité envers les Français.
Le plan de relance est un impératif pour construire une France plus forte, plus respectueuse du climat, plus efficace dans l'accompagnement de la transition énergétique. Le plan de relance est également un moyen de rendre notre pays plus compétitif et plus attractif.
Le plan de relance doit se construire au plus près des habitants.
Monsieur le Premier ministre, comment allons-nous accompagner, au quotidien, chaque territoire et chaque habitant pour faire en sorte que le dernier kilomètre opérationnel de la reconquête nationale, que nous construisons depuis 2017, serve tous les Français ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le président Christophe Castaner, permettez-moi de vous féliciter de votre élection à la tête du groupe majoritaire, …
… au terme d'un débat riche et fructueux, à l'honneur de ce groupe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous m'interrogez, mesdames et messieurs les députés, …
… à un moment très particulier de notre histoire, où la crise sanitaire n'est pas terminée et où la crise économique et sociale s'installe. Ce simple constat, dont vous savez qu'il n'est pas propre à la France et qu'il s'applique à l'Europe et au monde, devrait nous inciter collectivement à la sérénité, à l'humilité et à la recherche de solutions constructives.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Telle est la voie que poursuit le Gouvernement ! Tel est le principal objectif du plan de relance que nous avons récemment présenté.
Je voudrais remercier tous les groupes ici réunis pour les contributions qu'ils ont bien voulu apporter, dans le cadre de la concertation que nous avons conduite avant sa divulgation. Sachez que certaines ont été particulièrement utiles à ce travail, accompli sous la responsabilité de Bruno Le Maire, ministre chargé de la relance, que je remercie publiquement.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Vous avez souligné que ce plan s'inscrit dans la continuité de l'action gouvernementale, menée pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Sur tous les bancs, vous devriez reconnaître que les mesures prises par mon prédécesseur, puis par moi-même, débattues et votées dans cet hémicycle, ont été parmi les plus ambitieuses d'Europe,
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
qu'elles ont sauvé notre économie, que le pouvoir d'achat de nos concitoyens a été le mieux préservé – c'est la vérité ! Le plan de relance de 100 milliards dont il est maintenant question s'inscrit dans le droit fil des actions que nous avons déjà entreprises, représentant 470 milliards. C'est à notre honneur collectif, c'est à l'honneur de la France, je le répète.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Certaines des dispositions de ce plan, que vous avez votées, sont d'ores et déjà entrées en vigueur. Il s'agit en particulier des mesures, ô combien urgentes, en faveur de l'emploi et de la formation des jeunes. Comme je l'ai déjà évoqué ici, ils se présentent nombreux, en cette rentrée scolaire, sur un marché du travail singulièrement déprimé : …
… nous avons mis le paquet !
Les mesures en faveur de l'industrie sont également entrées en vigueur, depuis quelques semaines.
Comme l'auteur de la question l'a souligné, la logique du plan est très claire : le premier objectif est de parer aux conséquences immédiates de la crise, en relançant le carnet de commande des entreprises, …
… par l'investissement et la consommation. Il s'agit d'éviter la déprime de l'activité, conséquence de la crise sanitaire, d'éviter par tout moyen les licenciements, de préférer l'activité partielle au renvoi des salariés. Les moyens déployés à cette fin sont inédits dans l'histoire des luttes contre les crises.
Le plan incite certes à l'embauche les entreprises qui n'auraient pas naturellement tendance à recruter, en raison de la conjoncture, mais – c'est sa force et son originalité – il contribue aussi à préparer la France au monde de demain. Ce plan n'est pas seulement conjoncturel : il est structurel. Conformément à ce que beaucoup d'entre vous ont suggéré dans leur contribution, il favorise d'abord la transition écologique de notre pays, en investissant dans le fret, l'hydrogène, la filière bois et l'isolation thermique, à hauteur de 35 milliards d'euros.
La souveraineté économique, l'industrie – je l'ai évoquée – l'aéronautique, l'industrie automobile – les efforts que nous avons déployés en leur faveur ont déjà été couronnés de succès – ,…
… l'agriculture et les filières connexes, la recherche – notamment avec la loi de programmation que vous allez examiner – : c'est un plan pour tous les Français, mesdames et messieurs les députés, tous les Français, …
… notamment les jeunes et les plus démunis. Nous prolongerons l'effort dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.
La santé de nos concitoyens sera également concernée, avec les réorganisations et la modernisation de notre système de soins prévues par le Ségur. Les transports du quotidien seront financés par le plan de relance. Celui-ci concerne tous les territoires : vous avez à plusieurs reprises appelé notre attention en ce sens. Nous achèverons le déploiement du très haut débit. Les petites villes de demain, les coeurs de ville situés partout dans le monde rural, bénéficieront de crédits du plan de relance, comme les quartiers, via la politique de la ville. Nous allons régénérer des petites voies de chemin de fer laissées à l'abandon depuis des années. Pardonnez-moi de ne pas être exhaustif – …
… vous en débattrez.
Pour finir, j'insisterai sur la méthode retenue par le Gouvernement, …
… à savoir la concertation, qui a dépassé largement le champ de cet hémicycle. J'ai convoqué en juillet une conférence du dialogue social, qui s'est fixé un programme ambitieux de suivi du plan de relance.
Un des axes majeurs en sera la territorialisation ; la démultiplication en sera un autre : nous allons en effet signer un accord avec les régions pour qu'elles unissent leurs efforts à ceux de l'État, comme les autres collectivités locales.
Le plan de relance est ambitieux et efficace ; nous ne doutons pas que vous l'améliorerez dans le cadre des débats parlementaires. Il est d'autant plus important qu'il se déploie rapidement que la crise sanitaire n'est pas terminée ; nous sommes pleinement mobilisés pour l'affronter. Tous les efforts, toute la stratégie du Gouvernement visent à protéger les Français du virus et à empêcher autant que possible ce dernier d'entraver la vie économique et sociale de la nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je serai beaucoup moins long…
Pour la troisième année consécutive, de nombreux départements sont durement frappés par un épisode de sécheresse. Mon département de l'Allier est gravement touché par ce fléau.
Le déficit hydrique est très important, les petits ruisseaux sont à sec, les retenues d'eau aussi, et la nature est éprouvée. Plusieurs organisations professionnelles ont saisi la préfète pour faire appliquer la procédure de reconnaissance de l'état de calamité agricole. Je soutiens leurs démarches, notamment celle consistant à identifier les zones les plus touchées.
La récolte de fourrage au printemps a été normale, sans plus : elle n'a pas permis pas de reconstituer des stocks de précaution. Dans de nombreux secteurs, l'affouragement au pré des animaux a commencé en juillet ; cette consommation prématurée de fourrages destinés à l'hivernage oblige les agriculteurs à des acquisitions supplémentaires. Dans un contexte commercial dégradé, je suis très inquiet de cette situation, en particulier pour les trésoreries des exploitations et la survie même de certaines d'entre elles. Que dire des jeunes agriculteurs nouvellement installés ? Vous sachant attaché à la pérennité des élevages bovins allaitants extensifs et de l'élevage en général – ceux de bovins-lait et d'ovins sont souvent situés dans des zones défavorisées – , je ne doute pas que vous comprendrez la gravité d'une situation qui appelle des réponses adaptées et rapides. Pouvez-vous nous dire quelles sont vos intentions, à court terme pour aider les agriculteurs à passer ce cap difficile, et à moyen terme pour accompagner l'évolution vers des systèmes plus résistants et pérennes, dans un contexte où les éleveurs sont trop souvent, et injustement, mis en cause ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LR.
Vous avez raison, la situation est extrêmement préoccupante.
On disait jusqu'à présent la sécheresse épisodique – elle vient, elle est conjoncturelle. La réalité aujourd'hui est que la sécheresse est habituelle : on constate sa venue année après année ; elle était là en 2018 et en 2019, elle est à nouveau là en 2020.
Je partage avec vous un seul objectif : la souveraineté de notre agriculture, …
… l'indépendance de notre modèle agro-alimentaire. Or la sécheresse vient percuter cette ambition. Vous l'avez dit à très juste titre : pour les éleveurs, c'est souvent la double peine, non seulement le fourrage n'est pas là, mais en plus il faut en acheter à des prix extrêmement élevés sur les marchés.
Pour regagner notre souveraineté, nous devons premièrement prendre des mesures à court terme. Vous êtes un spécialiste de la comptabilité agricole ; vous l'avez dit, la trésorerie est la mère des batailles. Nous la soutiendrons avec des mesures techniques. Nous déclarerons l'état de calamité agricole, là où c'est possible ; avec le ministre délégué chargé des comptes publics, nous procéderons au dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties – TFNB – ; nous maximiserons les avances sur les versements dus au titre de la PAC. Nous ferons tout cela – je m'y engage.
Deuxièmement, le plan de relance constitue un formidable levier pour s'inscrire dans le temps long. Nous devons d'abord être moins dépendant des intrants. Comment optimiser les systèmes d'eau ? Le plan de relance prévoit le financement d'agro-équipements, à hauteur de 135 millions d'euros. Ensuite, il faut favoriser les fourrages contenant davantage de protéines, pour nourrir plus efficacement les bêtes dans les élevages ; le plan de relance y pourvoira également. Enfin il existe dans notre pays des solutions techniques de prévention, comme les filets anti-grêle : nous allons les financer. Le Premier ministre vient de le souligner, l'objectif du plan de relance est de créer demain une France plus forte qu'aujourd'hui. Or, la France ne peut être forte que si nous avons une agriculture forte, c'est-à-dire une agriculture souveraine. Nous partageons le même combat ; je le mènerai à vos côtés et à ceux des agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur plusieurs bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LT.
Attentif à tous les territoires, le groupe Libertés et territoires vous interroge quant au groupe Brittany Ferries. Créée à Roscoff il y a quarante-huit ans par des agriculteurs bretons soucieux d'exporter leur production dans les îles britanniques, elle a développé le transport maritime à partir de la Bretagne et de la Normandie. L'entreprise, sous pavillon français – c'est assez rare – est détenue encore aujourd'hui en majorité par des agriculteurs bretons. Elle est le premier pourvoyeur d'emploi en matière de transport maritime, et constitue un fleuron de l'économie.
Néanmoins, la Brittany Ferries doit, selon son président, affronter la pire crise de son histoire. Dans un premier temps, le confinement a cloué à quai la flotte de la compagnie. Ensuite, depuis le 15 août et la décision unilatérale du Royaume-Uni d'imposer une quatorzaine à l'ensemble des personnes arrivant de notre pays, la reprise du trafic a été stoppée nette. Sept bateaux sur douze ne circulent pas ; les embarcadères de Saint-Malo, Cherbourg et Le Havre sont à l'arrêt, et des milliers de collaborateurs sont au chômage partiel. Enfin, l'entrée en vigueur du Brexit au 1er janvier, avec ou sans accord, laisse planer de nombreuses incertitudes sur l'avenir.
Il est de notre responsabilité d'éviter à tout prix un gâchis économique. Le carnet de commandes pour 2021 se remplit ; un bateau neuf sera livré en fin d'année. Brittany Ferries jouit d'un personnel compétent et d'une flotte en très bon état de fonctionnement, renouvelée selon les meilleurs standards écologiques. Personne ne comprendrait sa disparition.
Vendredi dernier, à l'invitation des maires de Haut-Léon Communauté, une réunion de crise s'est tenue, en présence de nombreux élus, dont certains siègent dans cet hémicycle, et du président de la région Bretagne, Loïg Chesnais Girard. La volonté des élus bretons et de la société civile est de sauver ce fleuron. Cependant, leurs compétences et leurs moyens financiers ne permettent pas aux collectivités bretonnes d'agir avec l'autonomie d'action qu'elles réclament. Dès lors, comment entendez-vous intervenir afin de sauver la Brittany Ferries, comme vous le faites pour d'autres fleurons ?
Vous avez parfaitement raison, la compagnie Brittany Ferries, et plus généralement l'ensemble des compagnies de ferries subissent fortement les conséquences de la crise sanitaire et du Brexit – double peine.
Elles font partie des secteurs d'activités sur lesquels l'attention du Gouvernement est régulièrement appelée : ceux-ci constituent encore des domaines où les outils généraux auxquels nous avons eu recours paraissent – vous n'avez pas tort – manifestement insuffisants. Je dois dire que comme vous, les députés du Finistère, à commencer par monsieur le président de l'Assemblée nationale, Mme Sandrine Le Feur et tous les autres, …
… ont appelé l'attention du Gouvernement de manière continue sur ce sujet.
Cette compagnie, comme les autres, mais c'est sur elle que vous m'interrogez, a bénéficié des dispositifs de droit commun : des mesures d'activité partielle, et un prêt garanti par l'État, à hauteur de 117 millions. Néanmoins, vous venez de l'indiquer, cette compagnie et d'autres demeurent en grave danger. C'est pourquoi j'ai l'honneur de vous annoncer que le Gouvernement a décidé de faire un effort exceptionnel…
Concernant le long terme, Bruno Le Maire et moi avons saisi le Comité interministériel de restructuration industrielle – CIRI – pour prendre des mesures structurelles. Nous en discutons encore, mais d'ores et déjà, pour passer ce cap extrêmement difficile, nous avons décidé de rembourser l'intégralité des cotisations salariales, comme le demandent les professionnels de Brittany Ferries, pour l'exercice 2021. Cela représente un engagement de l'ordre de 15 millions pour cette seule compagnie, et un montant équivalent, nous sommes en train de l'affiner, pour les autres.
Parallèlement, je le disais, le travail structurel continuera avec l'ensemble des acteurs, à commencer par les dirigeants de ce groupe. Nous aurons ainsi contribué à dégager l'horizon.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Permettez-moi tout d'abord de saluer la mémoire de Bernard Debré, grand chirurgien et député libre. Une voix s'est éteinte.
Mmes et MM. les députés de tous les groupes, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.
Madame la ministre déléguée chargée du logement, je me bats depuis cinq ans au sujet des squats. Cela a débuté en 2015 avec l'affaire Maryvonne, cette octogénaire de Rennes qui avait été privée de sa maison pendant deux ans. Cela continue aujourd'hui avec l'affaire de Théoule-sur-Mer. On ne protège pas le droit de propriété, pourtant inscrit en lettres d'or dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
J'avais déposé une proposition de loi – débattue ici même et rejetée par la majorité actuelle – …
… visant à créer un délit pénal d'occupation sans droit ni titre et à punir le squat de la même manière qu'on punit aujourd'hui un vol de scooter.
Vous prétendez que vous voulez agir. Il ne faut pas créer de faux espoirs. Ma question est simple : en quoi le dispositif que vous soutenez permettra-t-il de régler définitivement le problème des squats ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UDI-I et Agir ens.
Nous avons tous été émus par la situation de ce retraité de Théoule-sur-Mer et de sa femme, qui n'ont pas pu avoir accès à leur résidence secondaire. Face à cette situation, nous avons d'abord voulu agir avec les services de l'État. Ces retraités ont finalement pu rentrer dans les lieux.
Nous avons aussi regardé, avec Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, l'application du droit actuel sur les procédures qui permettent de faire respecter le droit de propriété. Il apparaît que la procédure administrative qui s'applique normalement en cas de violation de domicile est d'application délicate quand il s'agit d'une résidence secondaire.
Y remédier était l'objet de la PPL de Julien Aubert ! Il fallait la voter !
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité agir, avec le député Guillaume Kasbarian,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – M. Thierry Benoit applaudit aussi
pour soutenir, dans le projet de loi ASAP – accélération et simplification de l'action publique – un amendement visant à améliorer la procédure et à permettre au préfet d'agir. Celui-ci sera saisi en quarante-huit heures et il pourra laisser vingt-quatre heures au locataire… pardon, au squatteur
Rire et exclamations sur les bancs du groupe LR
pour quitter les lieux.
À défaut, la force publique pourra intervenir. Je souhaite que les procédures soient rapides et que le droit de propriété soit respecté. Ce qui est en cause est moins la codification des délits que la capacité d'agir rapidement. Voilà ce que les Français nous demandent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'ai bien entendu vos propositions. Sur certains points, nous pouvons converger, notamment sur la réduction du délai de réponse du préfet, même si vous me paraissez un peu optimiste, car celui-ci n'est pas obligé de faire droit à la demande des propriétaires légitimes. Ensuite, n'oubliez pas qu'il faudra le temps d'appliquer la décision. Les squatteurs ne sortiront donc pas des lieux en soixante-douze heures.
Pour le reste, nous conservons des divergences. Vous restez dans l'optique du droit actuel, qui tend à protéger non la propriété mais le domicile. Or, en l'espèce, la question qui se pose est celle non du logement mais de l'impunité pénale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Philippe Vigier applaudit.
Vous devez donc changer de philosophie. Toutes les atteintes à la propriété doivent être punies. Il faut régler la situation de la dame qui a acheté son appartement et qui n'a pas encore emménagé. C'est un problème réel, même s'il ne concerne ni une résidence principale ni une résidence secondaire. Il faut aussi régler celui des propriétaires qui ont acheté un appartement en vue de leur retraite ou de ceux qui ont des locataires indélicats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-I.
Le chronomètre était déréglé. C'est pourquoi il a pu sembler que M. Aubert bénéficiait d'un passe-droit, ce qui n'est pas le cas.
Madame la ministre déléguée, il vous reste quelques secondes…
Je dirai donc un mot pour répondre à M. le député : ce qui m'importe est la rapidité, ainsi que l'effectivité du droit. Nous travaillons sur la procédure afin que chacun puisse rentrer dans son domicile ou sa résidence secondaire.
C'est – je crois – ce qui nous a été demandé et c'est à cette demande que nous répondons.
Mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, je voudrais d'abord dire tout le plaisir et la fierté que j'ai à siéger aujourd'hui pour la première fois dans cette Assemblée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je mesure parfaitement ma responsabilité, ayant accompagné Joël Giraud, mon prédécesseur, pendant près de vingt ans. Je tiens d'ailleurs à lui rendre hommage pour son engagement de tous les instants au service de nos territoires ruraux, notamment montagnards –
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM
C'est sur un sujet d'actualité internationale que je souhaite interroger le Gouvernement. Monsieur le Secrétaire d'État chargé des affaires européennes, plus d'un mois après la réélection contestée d'Alexandre Loukachenko, la mobilisation ne faiblit pas en Biélorussie. Cette mobilisation massive est sans précédent depuis des décennies. D'impressionnants cortèges battent le pavé dans toutes les grandes villes. Le peuple clame qu'il s'est fait voler son élection présidentielle.
Depuis le début du mouvement, des milliers de personnes ont été arrêtées. Les témoignages et accusations de torture de prisonniers se multiplient. Les figures de l'opposition biélorusse, souvent des femmes, sont soit en exil soit en prison. Le Président Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, continue de refuser toute concession, exclut tout dialogue avec l'opposition et se tourne vers la Russie pour maintenir son régime.
Quelles actions la France et ses partenaires européens comme ceux de l'OSCE – Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – ont-ils engagées pour être mobilisés aux côtés des centaines de milliers de Biélorusses qui manifestent pacifiquement pour le respect de leurs droits, de leur liberté et de leur souveraineté ? La France ne peut pas rester indifférente à cette terrible situation, qui se produit à seulement 1 500 kilomètres de chez nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Je suis très heureux de répondre à votre première question au Gouvernement. J'en profite pour saluer celles et ceux qui rejoignent aujourd'hui cet hémicycle ou y reviennent.
La réponse de la France portée par le Président de la République et par Jean-Yves Le Drian est une réponse européenne coordonnée qui tient en trois types d'actions : soutien sans faille dès le premier jour et sans aucune ambiguïté au peuple biélorusse qui se mobilise depuis plus d'un mois, sanction très claire et rapide contre la répression, appui à un dialogue politique national.
Pour revenir rapidement sur ces éléments, je souligne d'abord que nous soutenons la mobilisation politique et populaire qui se manifeste en Biélorussie depuis le mois d'août : chaque week-end, désormais, des milliers de personnes risquent leur vie dans les rues de Minsk pour défendre leur liberté. Leur mouvement est conforme à nos valeurs et nous nous devons d'être à leurs côtés.
C'est vrai que vous êtes experts en soulèvements populaires… Ce sont les gilets jaunes de la Biélorussie !
Mais il ne s'agit pas seulement de mots. L'Union européenne a décidé collectivement de soutenir de manière financière les associations de la société civile et l'opposition biélorusse. Je rappelle que plusieurs pays de l'Union européenne accueillent des opposants biélorusses. J'ai moi-même eu l'occasion de m'entretenir au nom du Gouvernement avec Svetlana Tikhanovskaïa, qui mène l'opposition, pour lui marquer explicitement notre soutien.
Plus important, nous menons une politique de sanctions coordonnée au niveau européen, que la France défend depuis le premier jour. Ces sanctions sont décidées. Elles sont désignées, comme l'on dit, et elles seront appliquées dans les tout prochains jours pour cibler les responsables de cette répression et de cette oppression.
Je parlerais plutôt de valeurs européennes ! Enfin, la pression organisée par les Européens doit déboucher sur un dialogue politique national. C'est pour cela que nous soutenons, vous l'avez indiqué, une médiation de l'OSCE. C'est autour de ces trois actions que l'Europe unie se mobilise pour soutenir la démocratie en Biélorussie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Un grand ami des Amish, adepte bien connu du retour à la lampe à huile, je veux parler du président de Bouygues Telecom Olivier Roussat, a déclaré devant le Sénat : « Il est erroné d'affirmer que la 5G permettra des efforts en matière d'énergie. Après la première année de déploiement, la consommation énergétique de tous les opérateurs affichera une augmentation importante. »
Et pourtant, loin de toute argumentation, Emmanuel Macron a fermé le débat avec arrogance et mépris, comme si le point de vue de la convention citoyenne, qui a demandé un moratoire sur la 5G, n'avait aucune importance,
Applaudissements sur les bancs du groupe FI
comme si la notion de progrès était une fois pour toutes arrimée au consumérisme et à la sacro-sainte compétitivité.
Même mouvement.
Mes chers collègues, la 5G pose des questions sérieuses et nombreuses. Les premières sont environnementales, puisque cette nouvelle technologie est énergivore : toute nouvelle voie crée de nouveaux flux et toute nouvelle offre crée de nouveaux besoins. Si l'on prend au sérieux la crise climatique, on ne balaie pas cet argument d'un revers de main.
Même mouvement.
D'autres questions sont géostratégiques : face à l'impossibilité de se doter d'un réseau autonome, français ou européen, la France ne peut choisir qu'entre une offre étasunienne ou une offre chinoise.
Reste aussi un choix d'opportunité : alors que tant de Français n'ont accès ni à la fibre ni à la 4G ni même à la 3G, l'effort doit-il se porter sur l'accès à un nouveau réseau ?
Même mouvement.
La haute technologie pour quelques-uns pendant que d'autres n'ont accès à rien, « toujours plus » plutôt que « toujours mieux », c'est peut-être un progrès en start-up nation, certainement pas en République.
Il faut éclairer la décision et échanger les arguments. Mais en niant le débat et en refusant de nourrir la décision publique de données scientifiques, vous choisissez la voie autoritaire et vous plongez dans l'obscurantisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Jérôme Lambert applaudit.
Monsieur le secrétaire d'État, dans les pas d'Emmanuel Macron, allez-vous vous entêter à imposer la 5G ? Allez-vous nous obliger…
Le micro de l'oratrice est coupé – Protestations sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Heureusement qu'on l'a, celui-là ! C'est l'auteur de la grande application StopCovid !
Madame la députée, j'avoue que j'ai suivi votre argumentation jusqu'à la question scientifique. Je pense en effet qu'en matière de technologie et de progrès, nous aurions tout à gagner à revenir aux faits, à une discussion rationnelle et scientifique.
Sur le plan scientifique, justement, que dit chaque année depuis 2003 l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – dans un rapport rendu public ? Que disent les rapports internationaux – au nombre de 28 000 depuis 1950 ? Qu'il n'a jamais été prouvé que les ondes de radiofréquence aient un quelconque effet sanitaire tant qu'on reste au-dessous des seuils limites d'exposition.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
Puisque nous sommes dans le débat scientifique, parlons de ces seuils limites d'exposition qui font l'objet d'un consensus international entre les experts. Les Français sont exposés en moyenne à des valeurs cent fois inférieures
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI
et la France possède en la matière l'un des cadres de protection les plus exigeants.
Madame la députée, je suis à votre entière disposition pour mener un débat sur des bases scientifiques et échanger des arguments scientifiques. Mais quand on agite des peurs, …
… qu'on essaie de construire sur des présupposés et qu'on se refuse in fine à avoir un débat rationnel sur une technologie, je ne sais pas faire.
Je l'assume pleinement : le sujet sanitaire et le sujet environnemental, sur lesquels nous reviendrons si vous le voulez, sont bordés. Oui, la France et le Gouvernement assument de se préoccuper de la question économique.
Il est absurde de répéter, comme vous le faites, qu'on veut réindustrialiser la France mais de prétendre qu'on peut se passer de la 5G, dont disposent 100 millions de Chinois et que douze pays européens ont déjà commercialisée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la justice.
Il y a urgence à aider, voire à réformer la justice commerciale. En cas de difficulté, les entreprises – par « entreprises », j'inclus à la fois les entrepreneurs et les salariés – arrivent souvent trop tard et trop lentement devant les tribunaux. Il faut les identifier plus tôt afin d'augmenter leurs chances de redressement ; il est également nécessaire que cette période, si particulière dans la vie de l'entreprise, soit accompagnée humainement et psychologiquement.
Nous devons davantage rémunérer les mandataires judiciaires sur le redressement d'une entreprise, plutôt que sur sa liquidation.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Trop souvent, les chefs d'entreprise sont considérés par avance comme des coupables ou des incapables ; par conséquent, ils n'osent pas venir devant les magistrats qui ont, eux aussi, la tâche de les accompagner.
Au-delà de la question de la prévention, il faut modifier les textes réglementant la procédure de sauvegarde. Celle-ci n'est pas à l'initiative des créanciers, mais résulte de la volonté des entrepreneurs ; ces derniers doivent donc, légitimement, être écoutés. Trop souvent, la procédure est vécue de façon violente et injuste alors qu'elle devrait, au contraire, ouvrir la voie d'un redressement doux et non violent.
Monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer les mesures que vous comptez prendre afin de répondre aux préoccupations des salariés et des entrepreneurs ? Comment comptez-vous y associer les parlementaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Comme vient de le rappeler le président Castaner et, à sa suite, M. le Premier ministre, le Gouvernement a fait un effort considérable en direction des entreprises.
Pour autant, la crise est là, et de petits entrepreneurs, de petits commerçants, des agriculteurs, vont connaître des difficultés. Souvent, assaillis par la honte et la culpabilité, ils n'osent pas franchir le seuil du tribunal, car ils ont peur de signer ainsi leur liquidation.
La semaine dernière, je me suis rendu au tribunal judiciaire et au tribunal de commerce d'Orléans, où nous nous sommes rencontrés.
Nous y avons vu que certains petits entrepreneurs étaient accueillis avec beaucoup d'humanité et qu'ils y étaient orientés. Nous avons vu, également, qu'il existe des procédures en amont, lesquelles ne sont ni connues, ni utilisées, alors qu'elles permettraient très souvent aux agriculteurs, aux entrepreneurs et aux commerçants – ainsi qu'à leurs salariés, naturellement – de sortir d'une situation économique difficile.
Je veux faire connaître ces mécanismes qui permettent de pousser en amont la porte du tribunal de commerce – ou du tribunal judiciaire, s'agissant des agriculteurs – pour être guidé par le mandataire ad hoc ou par le conciliateur. J'ai ordonné la réalisation d'une mission flash réunissant tous les professionnels du secteur et je vais rencontrer les ministres concernés afin d'améliorer la prévention et de sauver ainsi des entreprises.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je vous invite à y associer la représentation parlementaire. Nous lancerons une action visant à surveiller les mandataires, lesquels ne sont parfois pas à la hauteur de leur mission.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Depuis plusieurs mois, et avec une recrudescence dans les dernières semaines, nous assistons à la multiplication de faits de barbarie à l'encontre d'équidés : oreilles ou queues coupées, entailles au cutter ou au couteau… Chevaux et poneys ne sont malheureusement pas épargnés. C'est ignoble : plus de 150 actes sont à dénoncer dans vingt départements, provoquant l'émotion légitime et l'écoeurement de nos concitoyens. Pourquoi ? Dans quel but ? Comment peut-on faire cela à des animaux ?
Outre que ces actes nous inspirent l'effroi et le dégoût, les propriétaires d'équidés, qu'il s'agisse des éleveurs ou des centres équestres, en passant par les haras, mais aussi beaucoup de particuliers, sont très inquiets pour leurs animaux ainsi que pour leur famille ou leurs salariés : confronté à des agresseurs, un propriétaire de l'Yonne a en effet été blessé à l'arme blanche.
En réaction à cette psychose, les écuries sont « bunkerisées », et des rondes sont établies pour surveiller les animaux quand il n'est pas possible de les rentrer la nuit. C'est le cas dans mon département, la Manche, et dans la région Normandie ; partout en France, les éleveurs vivent dans un stress permanent. Tout est possible : à la fin du mois d'août, deux femmes rentraient en voiture de leur lieu de travail, à Quimper, quand deux éleveurs armés les ont interceptées, car ils les soupçonnaient de faire du repérage.
Cette situation ne peut pas perdurer. Non seulement il s'agit d'une cruauté inqualifiable envers les animaux, mais d'autres drames pourraient survenir.
Par ailleurs, les peines encourues doivent être à la hauteur de l'atrocité de ces agissements. Le message doit être clair et vaut, du reste, dans toutes les circonstances : toute atteinte à des animaux est répréhensible et doit être sévèrement punie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Thierry Benoit et Sébastien Jumel applaudissent également.
C'est d'ailleurs l'objet de la proposition de loi que le groupe Les Républicains vient de déposer, et dans laquelle nous demandons le durcissement des sanctions pénales réprimant les actes de cruauté envers les animaux.
M. Hubert Wulfranc applaudit.
Ma question est double : comptez-vous nous rejoindre pour voter cette proposition de loi ? Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour défendre les équidés et les autres animaux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Thierry Benoit et Hubert Wulfranc applaudissent également.
La situation est inacceptable. Nous sommes confrontés à des actes d'une barbarie et d'une cruauté inqualifiables, d'autant plus que nous ignorons les motifs de leurs auteurs. J'ai rencontré beaucoup d'éleveurs, parmi lesquels certains ont été confrontés à ces sévices ; il y a peu, j'ai rencontré, avec le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, et le président Woerth, des propriétaires de chevaux dont plusieurs animaux avaient été victimes de tels crimes.
Que faire devant cette situation inacceptable ? D'abord, consacrer tous les moyens nécessaires à l'arrestation de celles et ceux qui commettent ces actes, pour que justice soit rendue. Le président Woerth pourra en témoigner, puisque lui et moi, avec le ministre de l'intérieur, avons fait le tour des services enquêteurs : la gendarmerie et la police sont pleinement mobilisées. À l'instant où je vous parle, plus de 150 enquêtes ont été ouvertes, et je tiens à saluer l'action et la détermination de l'ensemble du personnel.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. MM. Philippe Vigier et Thierry Benoit applaudissent également.
Deuxièmement, il faut accompagner les propriétaires de chevaux. Vous l'avez souligné, à très juste titre : une crainte, une angoisse, parfois une peur, s'est installée. La grande famille du cheval accompagnera toutes celles et ceux qui possèdent des chevaux ; toutes les institutions, dont l'Institut français du cheval et de l'équitation, sont mobilisées, et des équipes dédiées ont été constituées. Je tiens à dire aux propriétaires de chevaux que nous sommes à leurs côtés.
Le troisième élément à notre disposition, ce sont les sanctions, qu'il convient de rappeler, non seulement parce qu'il est essentiel que les coupables sachent à quoi ils s'exposent, mais aussi afin d'éviter tout mimétisme : ainsi, quiconque commet de tels actes encourt deux ans de prison et 300 000 euros d'amende.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'insertion.
L'épidémie de covid-19 et les mesures sanitaires adoptées pour y faire face ont provoqué une récession très sévère en France et dans le monde. Si, comme nous l'avons appris hier, les prévisions de croissance pour notre pays sont moins sombres que prévu, les économistes anticipent toutefois une très forte récession cette année, et des répercussions néfastes sur le front social et sur l'emploi.
Face à cette crise, la mobilisation du Gouvernement et de la majorité est totale pour protéger de façon durable l'économie et l'emploi, et accompagner les familles les plus fragiles. Sur les 100 milliards d'euros prévus dans le plan de relance présenté par le Premier ministre, 15 milliards sont destinés à financer des mesures permettant d'éviter les licenciements et à soutenir la formation des salariés.
Nous le savons, la crise de l'emploi touchera davantage les jeunes et les personnes les plus éloignées de l'emploi. Or, si le plan de relance devrait permettre la création de 160 000 emplois, il est probable que les emplois créés bénéficieront principalement aux personnes sorties depuis peu du marché du travail.
La mobilisation de l'insertion par l'activité économique – IAE – peut apporter une réponse spécifique à ceux qui rencontrent le plus de difficultés sociales et professionnelles, qu'ils soient chômeurs de longue durée, bénéficiaires des minimas sociaux, handicapés ou encore parents isolés. Aujourd'hui, près de 4 000 structures d'insertion par l'activité économique sont volontaires pour accompagner un nombre croissant de salariés éloignés de l'emploi ; le département de la Haute-Marne, dont je suis élu, en compte plusieurs, qui obtiennent des résultats spectaculaires.
Le Président de la République a fixé l'objectif de 100 000 salariés supplémentaires dans les structures d'IAE d'ici à 2022. Pour atteindre ce résultat, les structures d'IAE ont besoin de la mise en oeuvre rapide des mesures du pacte d'ambition présenté il y a un an. Madame la ministre déléguée, nous saluons le plan de soutien sans précédent de 300 millions d'euros que vous avez mobilisé en faveur des acteurs de l'insertion.
Notre groupe présentera cet après-midi une proposition de loi contenant des mesures très attendues permettant le renforcement de l'IAE. Dans ce texte, nous montrons notre soutien aux personnes les plus vulnérables, afin que l'accès à l'emploi soit pour elles une réalité.
Nous avons plus que jamais besoin des entreprises intervenant dans le domaine de l'insertion. En complément du texte législatif débattu cet après-midi et demain, quels autres moyens prévoyez-vous d'allouer afin de permettre aux structures d'IAE de prendre toute leur part à l'amortissement de la crise et à la reprise économique ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Je suis désolé, le compteur ne fonctionne pas comme il le devrait. Vous avez été un peu long, cher collègue, mais c'était la première fois ; vous en aviez le droit.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion.
Monsieur le député, permettez-moi de vous féliciter pour votre arrivée sur les bancs de l'Assemblée nationale.
M. Sylvain Maillard applaudit.
Je ne doute pas que nous travaillerons ensemble à l'avenir, comme le laisse envisager votre question ; j'envisage d'ailleurs de me rendre la semaine prochaine dans votre département.
Vous avez évoqué la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » que nous allons examiner cet après-midi.
Le texte repose sur deux piliers essentiels, deux solutions d'accès à l'emploi qui sont aussi deux méthodes différentes. Le premier pilier consiste à simplifier le secteur de l'insertion pour accélérer le recrutement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Le deuxième pilier vise à prolonger et à étendre l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », coconstruite avec la majorité. Je n'en dis pas plus ; nous en reparlerons tout à l'heure.
Je suis totalement d'accord avec vous concernant le rôle central des structures d'insertion, car la relance de l'économie passe par l'insertion de tous. Le Gouvernement a consenti un effort sans précédent : 120 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à l'insertion par l'activité économique. Mais, derrière ces sommes, ce sont avant tout de personnes dont nous parlons : les 120 millions représentent ainsi 15 000 personnes supplémentaires en insertion par rapport à l'an dernier ; cela va changer leur vie et celle de leur famille.
Au-delà de la question des moyens, la formation est aussi un outil-clé pour ceux qui sont déjà engagés dans un parcours d'insertion. Enfin, je voudrais évoquer en quelques secondes le dispositif exceptionnel de soutien de 300 millions créé par le Gouvernement pour les entreprises sociales inclusives…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, nous avons dépassé ce week-end la barre des 10 000 nouveaux cas par jour, lesquels vont malheureusement induire de nouvelles hospitalisations. Dans de nombreux départements, la situation sanitaire se dégrade rapidement.
En Gironde, les hospitalisations ont doublé au CHU de Bordeaux en une semaine ; quatre-vingt classes ont dû fermer dans l'agglomération bordelaise, tandis que cinquante-sept foyers épidémiques ont été identifiés, dont quinze en EHPAD. En conséquence, la préfète a annoncé de nouvelles mesures dans le but annoncé de freiner la propagation du virus.
Entre l'abaissement de la jauge maximale pour les événements – notamment sportifs – de 5 000 à 1 000 personnes, l'interdiction des fêtes et brocantes, l'interdiction des soirées dansantes, la fermeture des vestiaires des équipements sportifs et la limitation des visites aux pensionnaires des EHPAD, les limitations des libertés individuelles deviennent de plus en plus drastiques, sans que l'on comprenne si ces mesures sont les plus nécessaires et les plus efficaces.
Il y a plus gênant encore : nos concitoyens ne comprennent plus la cohérence entre les annonces gouvernementales et les mesures décidées localement. Entre vos déclarations rassurantes, monsieur le Premier ministre – « il ne faut pas s'affoler », le 26 août sur France Inter – et la réalité, il y a plus qu'un grand écart ; il y a un manque manifeste de coordination. On pourrait même penser que le Gouvernement se défausse de ses responsabilités sur les acteurs locaux.
Face à l'absence d'anticipation de cette rentrée, qui est malheureusement dans la droite ligne des atermoiements et des fautes gouvernementales au moment de la première vague, Valérie Rabault, présidente du groupe Socialistes et apparentés, et son homologue au Sénat, Patrick Kanner, vous ont demandé de réunir les responsables de partis et présidents de groupes parlementaires pour leur apporter des réponses précises sur les intentions du Gouvernement en vue de juguler cette crise sanitaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
… merci de cette question, qui me donne l'occasion d'évoquer ce sujet d'actualité extrêmement sensible. Vous avez bien voulu rappeler mes propos radiophoniques…
Bien sûr qu'il ne faut pas s'affoler ! Vous semblez vous étonner que j'ai pu prononcer une telle phrase. L'affolement ne saurait être de mise quand on est à la manoeuvre, à la tête du Gouvernement ; il ne doit pas non plus gagner nos concitoyens.
Mme Danielle Brulebois applaudit.
La vigilance, la mobilisation et la responsabilisation sont, elles, indispensables.
Je voudrais rappeler la cohérence de la politique du Gouvernement.
Elle est simple et elle peut se résumer ainsi : vivre avec le virus.
Sourires.
En France comme ailleurs, ce virus est là et il n'est pas complètement maîtrisé ; en France comme ailleurs, il y a sinon une nouvelle vague, à tout le moins une recrudescence de l'épidémie. Nous devons y faire face avec les moyens adaptés. C'est ce que nous n'avons cessé de faire, d'abord en généralisant le port du masque le plus possible –
Protestations sur les bancs du groupe FI
et je salue l'esprit de responsabilité de nos concitoyens. Bien sûr, il y a des anti-masques comme il y a des anti-vaccins : covid ou pas covid, la France reste la France ! Mais la politique du Gouvernement ne varie pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je suis très surpris que vous reprochiez au Gouvernement de laisser aux acteurs locaux le soin d'adopter des mesures adaptées aux circonstances locales.
L'État, voyez-vous, a un représentant dans les départements : le préfet. C'est lui qui est à la manoeuvre ; c'est lui qui, en concertation avec les élus locaux et les professionnels, prend des mesures. L'acceptabilité de celles-ci est en effet essentielle à leur effectivité. Nous revendiquons cette méthode d'adaptation. Est-ce moi qui, depuis Paris, vais décider de la fermeture d'une classe dans le Calvados ou en Eure-et-Loir ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC et FI.
Nous fixons les critères nationaux. Il y a des protocoles. Leur application est locale.
Les indicateurs sanitaires, notamment ceux qui concernent les admissions en service de réanimation et les personnes âgées – c'est le point le plus sensible – , se dégradent à Marseille et à Bordeaux : c'est pourquoi nous y adoptons des mesures plus sévères, et nous avons raison de le faire.
L'État d'aujourd'hui ne décide pas forcément tout depuis Paris !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
L'État efficace, c'est un État qui prend des mesures adaptées aux circonstances, et qui essaye de concilier la vie économie et sociale, d'une part, et la lutte indispensable contre la pandémie, d'autre part.
J'ai bien reçu le courrier de Mme Valérie Rabault. J'avais d'ores et déjà l'intention de rencontrer l'ensemble des groupes et des partis. Les vacances parlementaires sont terminées : nous allons reprendre ce travail d'explication, que nous menons devant toutes les Françaises et les Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
Monsieur le président, admettez que ce Premier ministre est catastrophique !
Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au mois de juillet, lors d'un entretien avec la presse régionale, le Président de la République a rappelé notre volonté d'engager une nouvelle phase de la décentralisation. La crise sanitaire a montré qu'une action publique efficace vient avant tout des territoires, des élus de terrain. Le moment qui s'ouvre doit donc nous permettre d'aller vers une République plus intelligemment décentralisée.
Dans nos territoires, ce nouvel acte de la décentralisation est souhaité et attendu. Les maires et les élus locaux attendent qu'il s'attache à corriger les malfaçons de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – la loi NOTRe – , à faire revenir de la simplicité et de la proximité dans notre édifice administratif, à offrir de réelles capacités d'initiative aux élus pour répondre aux préoccupations quotidiennes de leurs concitoyens, notamment en matière de service public, de numérique ou de mobilité.
Notre pays vient d'engager un important effort – 100 milliards d'euros – pour relancer notre économie et répondre aux enjeux de demain. Ce volet économique et financier doit maintenant s'accompagner d'un volet territorial et administratif qui doit être l'occasion d'une véritable relance territoriale s'appuyant sur les nombreuses concertations réalisées durant ces derniers mois.
Je pense bien évidemment au futur projet de loi « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration – et aux travaux du Ségur de la santé, qui ont rappelé la nécessité de « mettre les territoires aux commandes » pour répondre aux enjeux de la désertification médicale, pour renforcer le lien entre la médecine de ville et l'hôpital, pour soutenir les EHPAD.
Nous ne devons pas nous contenter d'un simple jeu de chaises musicales entre les compétences dévolues aux collectivités, mais plutôt mener une réflexion large sur le fonctionnement de notre pays, à partir des territoires, pour faire du cousu main.
Pouvez-vous nous présenter les ambitions de cette nouvelle phase de la décentralisation, ainsi que le calendrier de cette réforme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Les territoires sont au coeur de l'action du Gouvernement. J'ai le plaisir de vous annoncer que cette nouvelle étape de la décentralisation se concrétisera très bientôt dans des textes soumis au Parlement.
Dès le 2 novembre, je présenterai au Sénat, pour des raisons constitutionnelles que vous connaissez, un projet de loi organique consacré aux expérimentations territoriales. Il s'agira de simplifier la procédure d'entrée des collectivités dans l'expérimentation, et surtout de sortir de l'alternative radicale entre la généralisation et l'abandon d'une mesure expérimentée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ensuite, nous examinerons au premier semestre de l'année 2021 un projet de loi ordinaire, dit « 3D », que vous connaissez. Il comportera quatre axes : les outils de la différenciation territoriale, des mesures de décentralisation, des mesures renforçant l'accompagnement de l'État déconcentré, et enfin des mesures de renforcement de la démocratie locale et de simplification.
Depuis des mois, les élus de terrain, quel que soit le niveau de leur collectivité territoriale, mais aussi les associations nationales d'élus, ont été associés à cette réflexion. Le Premier ministre réunira à nouveau ces dernières à la fin du mois de septembre, et je retournerai moi-même sur le terrain pour de nouvelles concertations, afin d'enrichir encore le projet de loi « 3D », qui sera présenté en début d'année prochaine.
Quant à la territorialisation du plan de relance que vous appelez de vos voeux, le Premier ministre annoncera, dans quelques jours ou semaines, …
… des mesures concrètes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
L'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – montre que la France plonge deux fois plus fort que l'Allemagne au premier semestre. Nous décrochons la palme de la récession la plus sévère des pays du G7. Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins et il faudrait éviter que le reste de cette législature ne devienne pour les Français un chemin de croix, pavé de nouvelles destructions d'emplois massives.
Jusqu'à présent, la majorité est restée au milieu du gué sur un grand nombre de réformes ou d'intentions de réforme. Nous sommes sans nouvelles de la réforme des retraites. La suppression de la taxe d'habitation ne s'est pas accompagnée d'une véritable réforme du financement des collectivités locales et de la décentralisation. Alors que la crise des gilets jaunes appelait à plus de décentralisation, c'est le chemin inverse qui est suivi, avec un plan de relance ultra-centralisé. Enfin et surtout, aucune réflexion sérieuse n'a été entamée sur l'avenir de notre modèle social, qui doit devenir plus juste et plus durable sans augmentation des impôts.
On ne peut pas sans arrêt parler de réformes et à chaque fois éviter de les faire. Le plan d'urgence, c'est bien ; l'urgence de la réforme, c'est mieux.
Le plan de relance doit nous permettre de remonter la pente. Mais à ce rythme-là, nous n'obtiendrons jamais le maillot à pois ! Pour devenir meilleur grimpeur, il nous faut augmenter notre potentiel de croissance. La relance, c'est le rattrapage de la croissance ; la réforme, c'est le dépassement. Dans un monde idéal, on aurait la quadrature du carré, c'est-à-dire quatre plans. Il ne devrait pas y avoir de plan d'urgence et de relance sans un plan de financement ni un programme de réformes. Et pourtant, ce n'est pas le cas.
Vous devez éclaircir le financement du plan de relance et des mesures d'urgence pour les années qui viennent. On ne peut pas s'abriter éternellement derrière les taux d'intérêt bas ou le soutien hypothétique de l'Union européenne, tout en accumulant les dépenses et la dette.
J'ai conscience qu'il est difficile d'agir face à l'opinion publique.
Il reste dix-huit mois avant la présidentielle. Vous ne pouvez pas vous contenter d'un plan de relance. Vous qui planifiez tout, dites-nous quel est le calendrier des principales réformes économiques et sociales que vous envisagez. Sans cela, ce plan ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Monsieur le président de la commission des finances, je voudrais d'abord vous remercier.
Vous avez voté tous les projets de loi de finances rectificative qu'a proposés la majorité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
Vous nous avez aussi aidés à trouver un accord avec le Sénat sur le troisième projet de loi de finances rectificative, à la fin du mois de juillet.
Mêmes mouvements.
Vous avez enfin annoncé en commission des finances, il y a quelques jours, que vous voteriez le projet de relance présenté par la majorité, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre.
Mêmes mouvements.
Je veux donc saluer votre sens des responsabilités et vous inviter à regarder ce qu'il y a de positif dans ce que vous avez voté. Nous venons de recevoir les derniers chiffres de la Banque de France : ils montrent que, grâce aux mesures prises par le Gouvernement et que vous avez approuvées, la récession sera en 2020 moins forte que prévu ; ils montrent aussi qu'en 2021, notre croissance devrait atteindre 8 %.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
La France est sur la bonne voie. Je nous incite tous, ici, à regarder ce qui se redresse dans notre pays plutôt que de toujours nous concentrer sur ce qui s'effondre. Il y a des motifs d'espoir. Nous dégageons 100 milliards d'euros en faveur de l'investissement, des technologies nouvelles comme l'hydrogène, de la rénovation énergétique des bâtiments, de la modernisation de notre économie, du financement de la 5G, de la solidarité envers les plus faibles et du chômage partiel, afin d'éviter des dizaines de milliers de destructions d'emplois supplémentaires. Ce plan devrait recueillir l'assentiment le plus général des représentants du peuple français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
Merci, monsieur Woerth, du soutien que vous nous avez apporté. J'espère que vous ferez école dans votre groupe.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe Écologie démocratie solidarité, je souhaite vous alerter sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique – le bien nommé projet de loi « ASAP ». S'il était voté en l'état, celui-ci constituerait une grave régression s'agissant du droit et de la démocratie environnementaux. Quand il ne présente pas un risque direct pour l'environnement, ce texte réduit en effet considérablement la place laissée à l'information du public et au dialogue avec les citoyens.
Nous ne pouvons admettre, au nom d'une perpétuelle quête de simplification, qu'un texte ne vise exclusivement l'accélération des procédures administratives relatives à des projets dont l'impact négatif potentiel sur la santé, la sécurité ou l'environnement est avéré. Nous ne parlons pas ici de simples lotissements, mais bien d'installations classées pour la protection de l'environnement telles que les carrières, les raffineries ou les stations-service.
Alors que vient à peine d'être présenté un plan de relance pour lequel vous nourrissiez une très légitime ambition environnementale, les Français ne peuvent se satisfaire d'un mode d'emploi qui n'apportera ni simplicité, ni sécurité, ni confiance, et qui, au contraire, favorisera l'augmentation des contentieux.
Un an après l'incendie de Lubrizol, nous déplorons que ce texte ne tire pas les conclusions de la catastrophe. Plutôt que de faire le pari de l'abolition des règles, pourquoi ne pas faire le choix d'en fluidifier l'exécution, par exemple en renforçant les moyens humains et financiers des services instructeurs ?
Nous ne sommes défavorables ni à l'industrie ni aux relocalisations – bien au contraire. En revanche, nous pensons que l'activité industrielle ne doit pas s'opérer au mépris du climat, de la biodiversité et de la santé environnementale.
Comment faire, d'une part, l'apologie du « zéro artificialisation nette », en condamnant, d'autre part, nos milieux humides, pourtant essentiels à la préservation de la ressource en eau ? Comment est-il possible de prôner la simplification du droit au mépris de son intelligibilité ?
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, préserver et reconquérir la biodiversité, c'est construire la résilience de notre société et de son économie. Alors que ce texte tend à prendre un chemin diamétralement opposé, nous ne comprendrions pas que quelqu'un d'autre que Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, …
… représente le Gouvernement lors de son examen parlementaire pour tenter de le défendre.
En tant que députée, j'avais, comme vous, des inquiétudes sur le projet de loi ASAP, parce que je suis également très attachée à ce que notre droit demeure très protecteur de notre environnement, surtout dans une période où les préoccupations environnementales commencent enfin à se diffuser dans l'ensemble de la société.
Mon ministère a donc été extrêmement vigilant, depuis les premières versions du projet de loi jusqu'à son dépôt sur le bureau de votre assemblée, à ce qu'il préserve les fondements de notre droit environnemental. J'estime ainsi qu'il est tout à fait possible de procéder à des simplifications sans avoir à rogner sur l'essentiel.
Pourquoi ? Parce que j'ai constaté que notre droit environnemental souffre de lacunes. France Nature Environnement s'inquiète par exemple que ce projet de loi, s'il devait être voté, ne vienne autoriser des fermes de mille vaches.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Or, malheureusement, celles-ci peuvent déjà être autorisées ; cela signifie donc qu'il existe des trous dans la raquette, qui doivent être comblés.
S'agissant des ICPE – installations classées pour la protection de l'environnement – , certaines procédures administratives seront simplifiées, mais aucune n'empêchera que des inspections soient menées à leur terme.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Une mesure figurant à l'article 26, que vous avez certainement repérée, prévoit la possibilité, pour le préfet, après la consultation du public, d'autoriser le démarrage de tout ou partie des travaux en exécution d'un permis de construire sans attendre la délivrance de l'autorisation environnementale.
Mêmes mouvements.
J'ai étudié de près cette mesure. Elle ne pourra être appliquée que si le permis de construire a été déposé, que si le public a été informé, et que si une autorisation spécifique relative aux espèces en danger, au défrichement, ou au titre de la loi sur l'eau n'est pas nécessaire.
Vous voyez donc qu'un certain nombre de précautions ont été prises.
J'appelle votre attention sur le fait qu'elles pourraient être remises en question par des amendements, mais je suis sûre que vous y serez vigilants.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, Agir ens et EDS.
Monsieur le Premier ministre, l'épidémie de covid-19 s'intensifie, tant sur le territoire hexagonal qu'en outre-mer. C'est le cas à La Réunion, où nous observons une accélération très importante de la circulation du virus depuis le 12 août, ce qui a entraîné notre placement en zone rouge le 5 septembre dernier. Le taux d'incidence s'élève aujourd'hui à 75 pour 100 000 habitants, alors qu'il n'était que de 5 pour 100 000 habitants au début du mois d'août.
À l'issue de l'état d'urgence sanitaire, avec la reprise du trafic aérien et la suppression de la quatorzaine stricte en un lieu dédié, votre décret du 10 juillet a instauré un nouveau corridor sanitaire entre l'hexagone et les outre-mer. Parmi les dispositions qu'il contient, lesquelles sont toujours en vigueur, figure l'obligation pour les voyageurs de présenter le résultat négatif d'un test PCR réalisé dans les soixante-douze heures précédant le vol vers les territoires ultramarins, un nouveau test étant optionnel sept jours après l'arrivée.
Nous saluons la montée en puissance de la capacité de test, mais il convient également de reconnaître un manque criant d'anticipation sur l'ensemble de la chaîne. Ces dernières semaines, les délais d'obtention d'un rendez-vous puis des résultats se sont grandement allongés. En région parisienne, certains laboratoires ne garantissent plus la réception des résultats du test avant sept jours. Par ailleurs, des cas de fraude au récépissé ont déjà été constatés. Il s'agit d'un véritable parcours du combattant car, sans résultat, l'accès au vol est interdit, et commence alors le début de la galère.
Cette situation, vécue par des centaines d'ultramarins ces derniers jours, entraîne des frais supplémentaires non prévus en hébergement et pour l'achat ou la modification de billets. Des familles doivent parfois aller jusqu'à s'endetter. Certaines d'entre elles, comprenant des enfants, subissent parfois une attente de plusieurs jours dans un hall d'aéroport. Cette difficulté majeure, qui n'est pas acceptable, remet bien sûr en cause l'application pratique de votre décret, pourtant nécessaire à la maîtrise de l'épidémie dans nos territoires.
Monsieur le Premier ministre, est-il envisageable que les voyageurs à destination des outre-mer puissent bénéficier de délais d'analyse prioritaires au regard de la règle des soixante-douze heures ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je ferai d'abord le point sur la situation sanitaire dans l'île de La Réunion, où l'on assiste depuis quelques semaines, comme dans d'autres endroits de France, à une accélération de l'épidémie. Cette situation a d'ailleurs donné lieu, le 11 septembre, à une réunion d'urgence des acteurs locaux. Il a été constaté que le taux d'incidence a atteint le chiffre de 75 pour 100 000 habitants et a donc dépassé le seuil d'alerte ; le taux était même supérieur à 100 pour 100 000 habitants chez les 15-45 ans. Pour l'heure, il n'y a pas d'impact sanitaire mesurable ni de pression notable à très court terme sur les établissements hospitaliers. Sachez toutefois que tous les services sanitaires territoriaux et nationaux sont en alerte s'agissant de la situation à La Réunion, comme cela avait été le cas lors de la première vague épidémique.
Vous m'interrogez sur la réalisation de tests dans les soixante-douze heures précédant un départ pour les outre-mer. Vous connaissez la liste des personnes aujourd'hui prioritaires pour accéder aux tests. Il s'agit des personnes présentant des symptômes du covid-19, des cas contacts de malades avérés, des personnels soignants et des aides à domicile qui peuvent être en contact direct avec des personnes vulnérables.
Nous ne pouvons pas élargir cette liste aux personnes amenées à voyager. Cela ne vous a pas échappé, il existe des endroits de notre territoire où les délais d'accès aux tests, même lorsqu'on est prioritaire, sont allongés en raison de la forte augmentation des demandes due à la progression de l'épidémie, et ce malgré les moyens inédits déployés sur l'ensemble du territoire pour effectuer plus de 1,1 million de tests par semaine.
Aussi, à part inviter les personnes devant voyager à anticiper la réalisation de leur prélèvement, de l'ordre d'une semaine, il n'existe pas de solution les concernant, leur priorisation étant impossible. Sachez néanmoins que nous développons et continuerons à développer des plateformes mobiles destinées à des personnes qui doivent se faire dépister dans des délais extrêmement courts et que nous mettons tout en oeuvre, avec l'ensemble de la filière de biologie du pays, pour résoudre ce problème de l'accessibilité aux tests.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Dépistage du covid-19 pour les voyageurs à destination des collectivités d'outre-mer
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ma question porte sur le même sujet. J'ai bien entendu la réponse que vous venez de formuler, mais j'estime qu'elle ne correspond pas à la réalité.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Vous dites qu'il convient d'anticiper les tests, mais c'est impossible car il faut les faire soixante-douze heures avant le départ. Votre réponse n'est donc absolument pas compatible avec les règles qui sont imposées.
Mêmes mouvements.
L'obligation de faire le test soixante-douze heures avant le départ est la condition incontournable pour que le voyageur puisse prendre son vol. Il me paraît donc important de comprendre le contexte et les conditions dans lesquelles les ultramarins, y compris d'autres nationalités, doivent voyager, de manière à formuler une proposition claire, qui tienne la route.
Il s'avère que nombre de nos compatriotes se trouvent aujourd'hui dans des salles d'attente à Orly ou Roissy. La prise en charge du report de leur voyage est effectivement assurée par les compagnies aériennes, mais ce n'est pas le cas de l'hébergement. Or il s'agit de familles, monsieur le ministre ; aussi nous vous demandons une réponse adéquate et appropriée pour tous ces voyageurs actuellement en détresse dans nos aéroports.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI – Mmes Justine Benin et Maud Petit applaudissent également.
Il est humainement impossible de poursuivre dans des conditions pareilles. Nous attendons votre réponse.
Je souhaite également réagir sur la question des tests. Les laboratoires sont engorgés ; notre politique publique devrait donc faire en sorte qu'ils puissent réaliser davantage de tests, notamment pour les voyageurs qui, je le répète, doivent impérativement en présenter un datant au maximum de soixante-douze heures.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI. – Mmes Justine Benin, Claire Guion-Firmin et Maud Petit applaudissent également.
La réponse que je vais vous formuler ressemblera à s'y méprendre à celle que j'ai faite à votre collègue député de La Réunion.
Protestations sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
Tout d'abord, vous appelez à accroître l'effort de la puissance publique. Mais ce n'est pas de l'effort de la puissance publique qu'il s'agit : nous parlons ici des milliers de personnels qui travaillent dans des laboratoires publics et privés, en semaine comme le week-end. Ils sont montés en puissance tout au long de l'été pour être en mesure de réaliser 160 000 tests par jour dans l'ensemble du pays, ce qui fait de la France le deuxième pays qui teste le plus, devant tous nos voisins européens, lesquels ont longtemps été pris comme exemples dans cet hémicycle.
Exclamations sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
Je vous demande de reconnaître cet effort : ce n'est pas celui du ministre, mais de toute la filière de biologie, que je me permets de saluer.
Ensuite, vous le savez, il y a des priorités dans l'accès aux tests, lesquels ont pour objectifs principaux de freiner l'épidémie, d'empêcher les contaminations et de permettre à ceux qui sont positifs de le savoir pour se mettre à l'abri et ne pas contaminer à leur tour d'autres personnes.
Pendant une longue période assez récente, les déplacements dans les territoires ultramarins étaient limités car conditionnés par ce qu'on appelait un motif impérieux. Ils ont été réautorisés, mais à la condition, pour laquelle l'ensemble des parlementaires des territoires ultramarins s'est mobilisé, que toutes les précautions sanitaires soient prises pour ne pas amener le virus là où il circulait peu, notamment dans ces territoires très fragiles. L'obligation de se faire tester dans les soixante-douze heures avant de prendre un avion en découle.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Un voyage, un déplacement, cela s'anticipe, surtout dans une situation telle que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Je ne vais pas demander à des patients symptomatiques, à des cas contacts ou à des médecins de laisser leur place dans les laboratoires pour permettre à d'autres personnes de prendre un avion.
Je ne vous dis pas que la situation est satisfaisante à tout point de vue, je vous l'explique telle qu'elle est aujourd'hui. Avant toute autre chose, nous donnons la priorité à la lutte contre l'épidémie et à la protection des personnes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, nous avons tous conscience que la crise sanitaire sans précédent que nous traversons nécessite de mobiliser tous les moyens disponibles pour lutter contre la propagation de la covid-19. S'il est évident que nous devons protéger toutes les personnes non contaminées, n'oublions pas pour autant toutes les victimes déjà atteintes par cette infection virale.
En effet, des malades n'ayant parfois pas été hospitalisés ni même testés, et considérés comme guéris, cherchent désespérément à se faire entendre dans les médias et sur les réseaux sociaux. Personne n'est en mesure de leur apporter des réponses sur ces symptômes qui persistent parfois depuis plus de six mois et qui ne leur permettent pas de reprendre leur vie d'avant. Ces patients témoignent d'une grande fatigue, de gênes respiratoires, d'épisodes de brouillard cérébral avec des difficultés de concentration, de troubles de la mémoire, d'apathie, d'altération persistante de l'odorat et du goût, de douleurs musculaires et articulaires changeantes, pour ne citer que les manifestations le plus souvent relayées et confirmées par des études médicales sérieuses.
Ma question est celle que se posent toutes celles et tous ceux qui souffrent actuellement de ces symptômes post-covid-19. Qu'allez-vous faire pour aider à une meilleure prise en charge de ces milliers de personnes qui ne savent plus vers qui se tourner, alors que, bien souvent, leur médecin traitant minimise leurs symptômes et les renvoie chez eux en leur prescrivant un antidépresseur et beaucoup de repos ? Comptez-vous généraliser un bilan de santé global, assorti d'un protocole de prise en charge, afin de les accompagner dans leur convalescence, et peut-être ainsi éviter que leur état de santé ne dégénère, au risque de nécessiter encore plus de soins ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Votre question est complexe et appelle une réponse qui le sera également. Vous parlez de ces milliers de personnes – nous ne savons pas combien elles sont, mais elles sont nombreuses en France et dans le reste du monde – qui n'ont pas forcément eu une forme grave de coronavirus, qui ne sont généralement même pas allées à l'hôpital ou en réanimation, qui sont parfois jeunes, et qui continuent de présenter des symptômes des jours, des semaines voire des mois après leur infection. Nous n'avons pas assez de recul pour savoir pour combien de temps ces symptômes peuvent persister, mais ils durent souvent plusieurs semaines. Vous les avez décrits, ils sont difficiles à corréler les uns avec les autres. Il peut s'agir d'une fatigabilité, de maux de tête, parfois de sensations de détresse ou de gêne respiratoire, ou de gêne cardiaque.
Que faisons-nous ? Nous développons la recherche clinique. Que nous disent les médecins spécialisés, organisés dans des unités de soins dédiées aux malades de ce type ? Lorsqu'un tel patient se plaint de troubles respiratoires, nous disent-ils, et qu'on lui fait subir des épreuves fonctionnelles respiratoires ou un scanner pulmonaire à faible dose, il ne présente pas de stigmates physiques. Pourtant, ils constatent que certains de ces patients ont, par exemple, un pouls trop rapide lorsqu'ils sont au repos, ce qui suggère qu'ils pourraient être atteints de dysautonomie – je n'entre pas dans les détails médicaux.
Je suis cela de près ; les scientifiques suivent cela de près. Afin d'organiser la réponse sanitaire et de mieux encadrer et développer la recherche en la matière – il est difficile de le faire tant que nous n'avons pas de réponses – , j'ai saisi le Haut Conseil de la santé publique et le Conseil scientifique. Je leur ai demandé de m'indiquer les moyens d'avancer et de compiler l'ensemble des données publiées par les chercheurs dans la littérature médicale en France et dans le monde. Nous devons d'abord comprendre à quoi nous faisons face.
Je puis vous garantir que les médecins généralistes, les médecins traitants et les pneumologues continuent d'accompagner au quotidien les malades qui expriment une gêne persistante après un covid et formulent la demande que vous avez relayée.
Il s'agit de comprendre et d'accompagner avant, je l'espère, de soigner.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je comprends la nécessité de la recherche, mais cela ne correspond pas à ce que vivent ces malades au quotidien. On pourrait au moins mettre en place un protocole sanitaire qui s'applique de la même manière sur tout le territoire, afin que l'on procède partout aux mêmes analyses. Ce ne serait pas incompatible avec la volonté de faire avancer la recherche.
Les intéressés comprennent très bien que nous ne disposons pas des connaissances suffisantes, mais ils souhaiteraient que leurs cas soient pris en considération et qu'ils le soient, surtout, de manière uniforme. Certains médecins le font sûrement très bien, mais d'autres les renvoient chez eux avec peu de chose.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Situation de l'entreprise EARTA
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, les salariés d'EARTA attendent vos explications. Comme vous le savez, l'activité de cette entreprise adaptée subit de plein fouet les conséquences du redressement judiciaire de Presstalis et de la liquidation de sa filiale, la SAD, auprès de laquelle EARTA assurait, en région Pays de la Loire, la reprise des invendus de presse.
Contre toute attente, alors que les discussions avec France Messagerie, cessionnaire de Presstalis, semblaient en bonne voie pour qu'EARTA conserve, au minimum, son activité actuelle, les salariés ont finalement appris que celle-ci devait être transférée à d'autres structures, sachant qu'il n'y a aucune transparence sur les raisons de ce choix. Or cette activité représente plus d'un tiers du chiffre d'affaires. Sa suppression remet donc directement en cause la pérennité de l'entreprise et le maintien de ses 250 emplois, dont 220 sont exercés par des travailleurs en situation de handicap.
Cette décision est incompréhensible et injuste. Incompréhensible, parce que ces salariés ont fait, depuis plusieurs années, la preuve de leur efficacité et qu'EARTA se proposait même récemment d'étendre son mandat. Injuste, car elle affectera majoritairement des salariés porteurs de handicap, à un moment où le marché de l'emploi sera sinistré par la crise.
Comment le Gouvernement peut-il fermer les yeux sur cette décision, alors qu'il a consenti une aide de 120 millions d'euros à France Messagerie pour son plan de restructuration et que la question du handicap avait été élevée au rang de priorité du quinquennat par le Président de la République ?
Ni vous, monsieur le ministre, ni Mme la ministre de la culture, ni Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées n'avez daigné apporter de réponse à cette situation critique, alors que je vous ai interpellé par courrier dès juillet dernier.
L'État a-t-il donc décidé d'abandonner 220 salariés en situation de handicap, compétents, efficaces et engagés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe FI.
Nous ne restons pas les bras croisés face à cette situation. Nous avons organisé, vous le savez, un certain nombre de concertations. Le comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, examine la situation de très près. Nous sommes bien conscients que ces 249 salariés en situation de handicap doivent être accompagnés de la manière la plus précise.
Je rappelle que les services du CIRI et du délégué interministériel aux restructurations d'entreprises ont passé des heures sur ce dossier et que nous sommes en contact avec la présidente de la région Pays de la Loire, que j'ai eue au téléphone la semaine dernière.
Je ne peux donc pas vous laisser dire qu'il ne se passe rien et que nous gérons ce dossier avec la plus parfaite indifférence.
Il convient aussi de considérer la situation de l'entreprise. Son passif fiscal et social est, vous le savez, particulièrement élevé, y compris à l'aune des efforts que nous avons consentis pour l'accompagner.
Je n'ai pas aujourd'hui de solution immédiate, je le reconnais bien volontiers, mais sachez que nous avons engagé une démarche d'accompagnement et que nous allons examiner la situation de très près avec la présidente de la région et les services de l'État, avec l'appui, je le souligne, de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la ministre de la culture, qui n'y sont pas indifférentes.
Je ne peux pas vous laisser pointer du doigt une entreprise en grande difficulté pour dire que nous ne faisons rien. Peut-être agissons-nous loin des caméras de télévision, mais nous sommes sur le terrain pour trouver des solutions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pour ma part, madame la ministre déléguée, je ne vous laisserai pas dire que nous utilisons les caméras ! Il est question des salariés d'EARTA, notamment de 220 salariés en situation de handicap.
Vous vous adressez à la présidente de la région, mais ni le dirigeant de l'entreprise ni les salariés…
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, vous aviez pris vos précautions : vous aviez souhaité que la rentrée soit « aussi normale que possible ».
Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Partout, de la maternelle à l'université ! Des classes surchargées ; un nombre important d'élèves sans affectation sur l'ensemble du territoire national, de l'Île-de-France à Villefranche-de-Lauragais ; des enfants perdus de vue, 3 900 rien qu'en Seine-Saint Denis ; des étudiants en mal de Parcoursup, abandonnés à leur sort et que Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, invite simplement à se responsabiliser ; enfin, une insuffisance criante d'enseignants à tous les échelons de l'enseignement public.
Cette rentrée était la deuxième sous covid. Vous disposiez de l'expérience et du temps nécessaires pour l'organiser convenablement. Que se passe-t-il avec notre éducation nationale, monsieur le ministre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Comme vous, monsieur Larive, je serai concis. Je vous invite avant tout à considérer l'ensemble des pays comparables à la France, en particulier nos grands voisins. Posez-moi la même question la semaine prochaine et parlons-en.
Nous avons effectivement fait la rentrée la plus normale possible. Malgré des circonstances particulièrement compliquées, chacun le reconnaît, tous les enfants et tous les professeurs de France sont revenus,
« Non ! » sur les bancs du groupe FI
à quelques exceptions près. Ce n'est en tout cas pas grâce à vous qu'ils sont revenus, puisque votre leader, M. Mélenchon, avait déclaré au mois de mai que, s'il avait un enfant d'âge scolaire, il ne l'enverrait pas à l'école.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
En disant cela, il n'a rendu service ni à l'école ni aux enfants les plus défavorisés de France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
C'est bien le problème avec vous : vous tenez des discours sociaux, mais proférez des paroles antisociales.
La rentrée a été la plus normale possible, je le confirme. Comme vous avez visiblement voulu garder du temps de parole, monsieur Larive, j'en garde moi aussi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai voulu être plutôt apaisant. Tel n'est pas votre cas, monsieur le ministre : tant pis pour vous !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
J'entends vos arguments, mais comprenez notre inquiétude : les enfants qui entrent aujourd'hui à l'école seront les bacheliers de 2031 ; ils sont notre avenir et celui de notre pays.
Pourquoi ne pas attribuer de poste aux enseignants placés sur liste complémentaire ? Ces postes sont budgétisés.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Pourquoi ne pas organiser la distribution gratuite de masques du collège à l'université ? Vous garantiriez ainsi l'application du protocole sanitaire que vous avez adopté.
Mêmes mouvements.
Vous avez raison de m'inviter à considérer la situation en Europe, car l'Europe vous dit ceci : l'Italie va recruter 84 000 personnels enseignants – je dis bien « enseignants »
Mêmes mouvements
Rien qu'à Madrid, 11 000 enseignants viendront renforcer les écoles, afin de garantir une limitation à vingt élèves par classe.
Mêmes mouvements.
Pourquoi voulez-vous, monsieur le ministre, que notre pays soit le mauvais élève de l'Europe ?
Mêmes mouvements.
Vous ne savez pas de quoi vous parlez, monsieur le député ! Vous ne connaissez pas la situation dans les pays en question.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Vives protestations sur les bancs du groupe FI.
Recrutez donc 84 000 professeurs dans un pays comparable à la France, quel qu'il soit ! Si vous appelez « professeurs » les personnes sur le point d'être recrutées, alors nous n'avons pas la même conception de ce qu'est un professeur.
Exclamations continues sur les bancs du groupe FI.
Ayons un débat approfondi sur ces questions. Franchement, nous n'avons pas à rougir de ce qui s'est passé ! Essayez de contribuer à l'unité nationale autour de l'école plutôt que de susciter de vaines polémiques !
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
Jamais le taux d'encadrement dans l'enseignement primaire n'a été aussi favorable. Dans chaque commune de France, ce taux s'améliore. Nous avons accordé 1,5 million d'heures supplémentaires pour aider les élèves. Aujourd'hui, nous sommes organisés pour les aider.
Vous voulez lancer des polémiques. Pour notre part, nous voulons aider les élèves de France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
Monsieur le ministre des outre-mer, je souhaite tout d'abord assurer de tout mon soutien les personnels soignants engagés dans la lutte contre le covid-19 en France, en particulier en Guadeloupe, où les services hospitaliers sont aujourd'hui extrêmement sollicités.
Applaudissements sur divers bancs.
La France, les outre-mer et la Guadeloupe vivent une crise sanitaire et économique sans précédent. Des secteurs majeurs de nos économies locales sont en crise, et vous connaissez la situation des collectivités locales ultramarines.
Le Gouvernement a présenté il y a deux semaines un plan pour relancer l'économie. Il va mobiliser 100 milliards d'euros pour investir massivement dans la formation, l'emploi des jeunes, la transition écologique, l'agriculture, les mobilités ou encore le soutien aux entreprises.
Monsieur le ministre, quelle place les outre-mer prendront-ils dans votre plan de relance ? Pouvez-vous nous garantir que nos territoires bénéficieront d'une action renforcée pour répondre à l'urgence économique et sociale dans les outre-mer, singulièrement en Guadeloupe ?
La relance des outre-mer doit se faire avec une méthode claire et territorialisée associant l'ensemble des acteurs aux côtés de l'État, dans un pilotage et une coordination que je souhaite exemplaires.
Monsieur le ministre, quelle sera votre méthode pour déployer ce plan dans les territoires, pour les territoires, à partir des besoins réels des territoires ? Les hommes et les femmes des outre-mer ne veulent pas d'un énième plan décidé à des milliers des kilomètres. Le contexte social exige de nous la réussite du plan de relance en Guadeloupe et dans les outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Vous avez raison : si le plan de relance est attendu dans l'ensemble de notre pays, il l'est davantage encore dans les outre-mer, où la crise vient malheureusement accentuer des difficultés structurelles que nous connaissions déjà auparavant.
Le plan de relance sera doté de 1,5 milliard d'euros pour les outre-mer. Il reposera sur un socle de mesures de droit commun qui seront appliquées très rapidement, qui concernent notamment l'emploi, la formation et l'agriculture. Mais il sera aussi adapté à la situation et à l'actualité des outre-mer, territoire par territoire. En Guadeloupe, on ne peut procéder à une relance sans traiter la question des réseaux d'eau. C'est pourquoi 50 millions d'euros ont été affectés à cette fin dans le plan de relance. De même, nous allons accélérer la mise en oeuvre du plan séisme Antilles, qui existe déjà, grâce à 50 millions d'euros supplémentaires.
Il convient de traiter une deuxième question spécifique aux outre-mer, celle des collectivités territoriales, que vous avez vous-même soulevée. Les collectivités ultramarines sont maîtres d'ouvrage de la plupart des projets qui nous intéressent. Dès lors, leur bonne santé financière conditionne la réussite du plan de relance. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, vous avez adopté des mesures assurant un filet de sécurité financier à ces collectivités, notamment la compensation de la baisse du produit de l'octroi de mer. D'autres dispositions viendront. Un renfort de la dotation de soutien à l'investissement local – DSIL – est prévu, de même qu'un renfort en matière d'ingénierie. En effet, nous savons très bien – la ministre Annick Girardin a beaucoup travaillé sur la question – que si de nombreux projets n'avancent pas, et si de nombreux crédits ne sont pas consommés, c'est à cause de défauts d'ingénierie.
Troisièmement, nous réunirons les parlementaires, les élus locaux, les partenaires sociaux et les représentants de toutes les filières économiques, tout en évitant une comitologie excessive, inutile. Dans chaque territoire, nous avons besoin d'associer tous les acteurs, et c'est ainsi que nous procéderons avec vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.
Monsieur le garde des sceaux, à la fin du mois de juin dernier, le magazine Le Point révélait un scandale d'État : pendant six ans, dans le secret le plus absolu et en dehors de toute règle procédurale, le parquet national financier a enquêté sur l'ancien Président de la République ainsi que sur plusieurs avocats, dont vous-même. Vous avez alors qualifié ces méthodes de « barbouzardes » et indiqué que vous comptiez déposer plainte.
Devant la gravité des faits, qui remettent en cause le principe d'indépendance de la magistrature, auquel nous devons tous être attachés, votre prédécesseure a mandaté l'Inspection générale de la justice afin de mener une enquête et de rechercher les failles et les fautes permettant la poursuite d'une telle procédure pendant six ans sans qu'aucun des magistrats du siège, par ailleurs saisis d'une affaire concernant Nicolas Sarkozy, n'en soit informé, et alors qu'une telle information aurait permis de disculper totalement ce dernier.
Aujourd'hui, vous avez reçu ce rapport des mains du représentant de l'Inspection générale de la justice, et vous l'avez rendu public. Il formule des préconisations, dresse le constat d'un défaut de gouvernance – cette dernière serait « à revoir » – et propose des solutions pour éviter que cette situation ne se reproduise.
Face à la gravité des faits, que vous avez vous-même légitimement dénoncés, qu'entendez-vous faire pour que plus jamais une affaire de cette nature ne remette en cause les institutions de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Tout le monde se souvient de l'émoi suscité par la révélation de cette affaire en France, auprès de tous nos concitoyens, et dans le monde judiciaire en particulier. Vous l'avez rappelé : j'étais alors avocat, et c'est ma prédécesseure qui a saisi l'Inspection générale de la justice, dont le rapport m'a été remis ce matin. J'avais promis de le rendre public, ce que j'ai fait.
Ce rapport souligne, entre autres éléments intéressants, un défaut de gouvernance, comme vous l'avez rappelé, mais aussi « un suivi interne distendu » – qu'en des termes choisis ces choses-là sont dites ! – , « un manque de rigueur dans le traitement de la procédure » et « une remontée hiérarchique de l'information lacunaire » – en somme, un certain nombre de dysfonctionnements.
Je note également que deux magistrates du parquet national financier, l'une à la retraite, l'autre en activité, n'ont pas déféré aux convocations de l'Inspection et ont refusé de répondre aux questions.
J'ai donc été amené, dès ce matin, à saisir la direction des services judiciaires, qui procède en ce moment aux analyses minutieuses nécessaires ; leurs résultats me parviendront prochainement. J'assure devant la représentation nationale que si des manquements sont susceptibles d'être qualifiés de faute disciplinaire, je n'hésiterai pas à saisir les instances compétentes, en l'occurrence l'Inspection générale de la justice, pour une enquête administrative, ou le Conseil supérieur de la magistrature.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, Agir ens et LR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Monsieur le ministre des outre-mer, Mayotte connaît une flambée de violence sans précédent. En effet, depuis plus d'un mois, dans ce territoire, de très vives tensions se matérialisent par des actes de violence physique et sociale, qui se multiplient quotidiennement, accentués par une grave crise socio-économique.
Le problème est sévère et suscite une très forte inquiétude au sein de la population. Il ne se passe pas un jour sans que l'on assiste au triste spectacle de voitures dégradées, brûlées, de rackets d'automobilistes, de motards, de pillages et d'affrontements entre bandes rivales. Cette délinquance de jeunes est de plus en plus violente. Certains sont même armés de machettes et sèment le chaos. De plus, la colère des habitants contre les immigrés clandestins s'exacerbe.
Mayotte se trouve donc dans une situation de pourrissement. Les habitants sont apeurés, exaspérés, et décident de se protéger par eux-mêmes. La rentrée scolaire est mouvementée et l'économie se fragilise toujours davantage. Il ne se passe pas un jour sans que soit annoncée une nouvelle grève sociale, touchant tous les secteurs d'activité. Je pense tout particulièrement aux employés du supermarché Jumbo Score, dont le mouvement dure depuis plus de soixante jours. Dans deux jours, l'intersyndicale de Mayotte commencera une grève d'une durée indéterminée.
Pour apaiser ces tensions, des élus ont fait des propositions, notamment celle de recourir aux militaires et de déployer à Mayotte un « plan Harpie », à l'instar de l'opération Harpie menée en Guyane contre l'orpaillage clandestin. Cette possibilité avait d'ailleurs été évoquée par le Président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa rencontre avec les maires d'outre-mer à l'Élysée, en février 2019, dans le cadre du grand débat national.
La direction territoriale de la police nationale, nouveau service déconcentré de l'État à Mayotte, ne demande qu'à voir ses équipes renforcées. Force est de constater qu'en dépit des efforts de l'État, l'arsenal disponible pour la lutte contre l'insécurité dans l'île est insuffisant au regard de la situation incendiaire que connaît Mayotte. Le désespoir et le sentiment d'abandon sont très forts au sein de la population mahoraise, excédée par l'insuffisance des réactions face à cette violence sans fin. Les Mahorais sont des Français ; ils attendent des résultats concrets et des mesures adéquates…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Naillet applaudit également.
Parlons franchement : la situation à Mayotte est extraordinairement préoccupante. Malheureusement, elle ne date pas d'hier.
Pour répondre aux défis qui nous attendent et élaborer des solutions, il nous faut regarder les choses en face et en parler sans tabou.
Premièrement, nous répondons par une montée en puissance régalienne – cette affaire est évidemment suivie par le ministre de l'intérieur. Je rappelle que plus de 1 200 militaires de la gendarmerie et policiers nationaux sont désormais déployés à Mayotte, ce qui représente un effectif supplémentaire de près de 400 agents depuis 2015. L'autorité judiciaire a aussi bénéficié de renforts.
Le deuxième défi à relever est celui de l'immigration – sur ce point aussi, il faut se débarrasser des tabous. Nous savons très bien que l'opération Shikandra, dont les résultats en 2019 ont été tout à fait significatifs, a malheureusement été gênée par le confinement et la crise de la covid. Pour produire ses effets, ce dispositif doit regagner en puissance, en lien avec les forces armées déployées dans le cadre de l'action de l'État en mer, notamment la marine nationale. Comme vous le savez, madame la députée, il nous faut aussi parler vrai avec les Comores : une initiative diplomatique forte a donc été lancée afin d'obtenir des résultats en matière d'immigration.
Enfin, comme je l'ai déjà indiqué à l'ensemble des parlementaires et élus départementaux lors de la réunion très républicaine qui s'est tenue il y a quinze jours, alors que nous approchons du dixième anniversaire de la départementalisation de Mayotte, nous devons dresser sereinement, calmement, tranquillement, un premier bilan de celle-ci, notamment concernant les compétences transférées aux collectivités territoriales telles que l'aide sociale à l'enfance ou la protection maternelle et infantile. La sécurité, c'est aussi ces défis qu'il nous faut relever tous ensemble.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, l'entreprise General Electric, qui emploie encore 13 000 salariés en France, a annoncé la semaine dernière la suppression de 753 postes. Ces suppressions d'emplois concerneraient la branche « hydro », qui fournit des turbines pour les barrages hydroélectriques, et surtout la filière des réseaux et énergies renouvelables. Le site de Villeurbanne pourrait fermer ; les sites de Saint-Priest, Grenoble et Belfort sont menacés.
Dans l'hydroélectricité, le site de Grenoble avait déjà subi une sévère restructuration en 2018. L'an dernier, General Electric avait prévu la suppression de 800 postes dans l'entité turbine à gaz de Belfort, pour n'en supprimer finalement que 500, dans le cadre d'un accord que la direction de General Electric piétine aujourd'hui sans vergogne.
Allons-nous encore accepter longtemps le dépeçage de la branche énergie d'Alstom, cédée à General Electric en 2014 dans des conditions plus que discutables, sous la houlette de l'actuel chef de l'État ? Nous ne pouvons pas tolérer de voir disparaître ce fleuron industriel, de voir ses activités délocalisées, avec à la clef la disparition de savoir-faire incomparables.
M. Jean Lassalle applaudit.
À l'heure où il est question de reconquête de notre souveraineté industrielle et d'investissements dans la transition écologique, nous devons mettre un terme à ce scandale.
L'an dernier déjà, nous vous avions invité, par une proposition de résolution cosignée par des députés de différents groupes, à faire une offre publique d'achat d'Alstom. Aujourd'hui plus que jamais, nous estimons qu'il n'y a pas d'autre solution, pour sauver l'emploi et ce maillon essentiel de la transition écologique, que de nationaliser les activités d'Alstom. Monsieur le ministre, y êtes-vous prêt ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – MM. Jean Lassalle et Michel Zumkeller applaudissent également.
Vous m'interrogez sur les intentions de General Electric – GE – s'agissant de deux de ses divisions en Europe, dans les domaines de l'hydroélectricité et des réseaux et énergies renouvelables. Vous le savez, Bruno Le Maire, Élisabeth Borne – désormais dotée d'instruments importants pour accompagner tous les dossiers de restructuration et de suppression d'emplois – et moi-même suivons de très près cette situation. Je veux également remercier les élus des territoires où intervient Alstom, qui se mobilisent. Je pense notamment à Christophe Grudler, un député européen très attaché à son territoire, qui m'a encore interrogé récemment à ce propos.
L'implantation de GE est ancienne. Cette entreprise emploie nos meilleurs ouvriers et utilise nos meilleurs savoir-faire.
Nous devons être clairs. Certes, nous traversons une crise économique, et des carnets de commandes se vident – massivement, dans certains secteurs d'activité – , mais nous n'accepterons pas de plan social opportuniste, comme l'a très clairement indiqué Bruno Le Maire, s'agissant de cette situation comme d'autres.
Nous venons d'annoncer un plan massif d'accompagnement de l'économie, d'un montant inédit de 100 milliards d'euros, qui nous donne des outils pour aider les entreprises à rebondir et protéger les compétences. C'est là l'enjeu de l'action menée par Élisabeth Borne, avec l'activité partielle de longue durée, et celui de l'accompagnement et du développement de nouvelles activités industrielles, dont je suis chargée. GE a prévu de créer 300 emplois à Cherbourg et Saint-Nazaire, dans l'éolien offshore : réjouissons-nous en. Des projets peuvent probablement aboutir dans le secteur de l'hydrogène, que nous accompagnons à hauteur de 7 milliards d'euros.
Oui, nous mènerons un dialogue exigeant avec GE afin que l'entreprise se saisisse de nos dispositifs et déploie un projet ambitieux pour l'industrie française. C'est en ce sens que Bruno Le Maire et moi-même avons écrit, il y a quelques jours, au président-directeur général de GE, Larry Culp. Vous pouvez compter sur nous pour défendre les intérêts de l'industrie française.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'intérieur, Paris a fait face à une nouvelle vague de violence ce week-end, en marge d'une manifestation des gilets jaunes. Aucune revendication, aussi respectable soit-elle, ne peut légitimer cette violence. Les groupes de casseurs qui se greffent à ces manifestations ont pour seul but le chaos. Comment comptez-vous agir face à ces casseurs que les Parisiens ne supportent plus ?
Par ailleurs, d'autres problèmes pèsent lourdement, notamment dans les quartiers du nord-est de Paris. Dans le 18e arrondissement, par exemple, à Barbès, à la Goutte-d'Or, à Château Rouge ou encore à la porte de Montmartre, à la porte de Clignancourt et à La Chapelle, le cadre de vie s'est largement dégradé. Dans le 19e arrondissement, cette semaine, des bandes en sont venues à tirer au mortier, en plein jour, dans le quartier Rebeval-Belleville. À cela s'ajoutent les trafics traditionnels – drogues, proxénétisme, ventes illégales – , qui continuent de faire des ravages dans tout le nord-est de Paris, sans parler du bruit et des nombreuses incivilités du quotidien que les Parisiens ne supportent plus.
La situation n'est malheureusement pas nouvelle : elle s'installe depuis plusieurs années. Pour les citoyens concernés se pose la question de l'impuissance publique, face à la saturation de la violence et des incivilités. La République se doit de leur apporter des réponses très concrètes pour regagner leur confiance.
Nous croyons à l'égalité de tous les citoyens sans aucune distinction d'origine, de quartier ou d'âge. Nous croyons à la sécurité pour tous.
J'avais proposé, il y a plus d'un an, un dispositif de travaux d'intérêt général, selon le principe « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ». Je suis satisfait d'entendre que le Gouvernement agit en ce sens.
Une police municipale est également attendue par nos concitoyens à Paris. Tous les acteurs, dont la Ville de Paris, sont prêts et constructifs. Monsieur le ministre, peut-on avancer sur cette question ? Nous connaissons votre détermination et votre énergie. Quelles actions comptez-vous mener afin de permettre un retour à la tranquillité et à la sécurité, là où elles sont tant attendues ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Vous avez posé plusieurs questions, qui ont pour point commun la sécurité à Paris.
S'agissant du maintien de l'ordre, s'il y a pu avoir des violences en marge des manifestations dites des gilets jaunes, je constate que celles-ci se sont tenues dans des conditions qui ont changé – mis à part deux véhicules brûlés et quelques feux de poubelles. Tout le mérite en revient bien sûr aux forces de l'ordre. Le nouveau schéma du maintien de l'ordre, instauré par mon prédécesseur Christophe Castaner et moi-même, permet notamment une meilleure organisation des manifestations, dont certaines sont de plus en plus violentes.
J'ai constaté comme vous les très nombreux règlements de comptes – c'est vrai pour Paris et sa petite couronne – et les importantes difficultés en matière d'ordre public que nous connaissons à Paris. Ils sont tous liés au trafic de stupéfiants. Lutter contre ce trafic, c'est lutter pour imposer la sécurité et l'ordre publics, ainsi que la fin des cambriolages et des agressions. Bien évidemment, il y a un lien entre l'insécurité publique et les trafics de stupéfiants qui gangrènent les quartiers, singulièrement au nord de Paris, en Seine-Saint-Denis, dans les Hauts-de-Seine et dans le Val-de-Marne.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Vous posez également la question de la police municipale, qui figure dans la proposition de loi de M. Jean-Michel Fauvergue et Mme Alice Thourot. Je souhaite personnellement – je parle sous l'autorité du Premier ministre – que ce texte soit discuté le plus rapidement possible. Par ailleurs, la proposition de loi des parlementaires parisiens de la majorité, notamment de M. Griveaux, portant création d'une police municipale à Paris recevra un avis favorable du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mme la maire de Paris, à qui j'ai rendu visite au lendemain de ma nomination, a donné son accord. Sur ce point – très républicain – , une grande évolution est à mettre au crédit de la majorité. La police municipale parisienne pourra traiter de sujets qui ne relèveront plus de la police nationale, laquelle sera ainsi en mesure de se concentrer sur la délinquance de droit commun et les trafics de stupéfiants.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, Agir ens et LR.
Dès son premier jour, la crise sanitaire a entraîné des perturbations considérables des services postaux de notre pays, …
… jusqu'à susciter un fort mécontentement des Français quant à la distribution du courrier, des colis et de la presse. Après plusieurs mois, en ville comme à la campagne, le compte n'y est toujours pas – ni concernant l'ouverture des bureaux de poste, erratique, clairsemée, irrégulière et souvent limitée à quelques demi-journées par semaine et quelques heures par jour, en parfait décalage avec les besoins des clients, ni concernant la distribution du courrier et des colis, longtemps limitée à deux ou trois jours par semaine sur les six qu'exige le contrat passé par La Poste avec l'État, et encore aujourd'hui cantonnée à cinq jours par semaine, à l'exclusion du samedi.
Ma question ne vise pas les personnels de La Poste, qui ont tout mis en oeuvre pour apporter un service adapté à leurs clients tout au long de la crise, souvent avec l'angoisse de leur propre sécurité, fréquemment sans consigne claire ni équipement adéquat. Beaucoup confient aujourd'hui ne pas comprendre la stratégie de repli de leur entreprise.
Comment pouvons-nous tolérer que la direction de cette grande entreprise nationale, certes privée, mais sous contrat avec l'État, puisse si longtemps rester aussi ostensiblement en marge de l'effort de relance de notre pays ? Cette posture fragilise notre économie et le maillage territorial de La Poste à long terme, en favorisant de fait la montée en puissance de concurrents privés qui ont compris que la demande doit être satisfaite.
Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour que La Poste respecte ses engagements vis-à-vis de l'État et surtout vis-à-vis des Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
La crise sanitaire a fortement touché les services postaux, au même titre que toutes les activités économiques et les services publics.
Nous avons été très attentifs à ce que La Poste continue à assurer dans les meilleures conditions les services essentiels à la vie quotidienne de nos concitoyens, tout en protégeant la santé de ses salariés et de ses usagers. Je tiens à rappeler que, du 16 mars au 10 mai, près de huit salariés sur dix étaient présents pour assurer l'activité postale. À ce titre, permettez-moi de saluer l'engagement et la mobilisation de l'ensemble des personnels de La Poste, qui ont été en première ligne lors de cette crise sanitaire.
Depuis le 11 mai, la quasi-totalité des bureaux de poste ont progressivement rouvert avec des horaires adaptés. La distribution quotidienne de la presse, des colis et des lettres a retrouvé un rythme normal et le groupe La Poste a même créé durant le mois de juillet des points de service saisonniers pour assurer une plus grande couverture territoriale. Monsieur le député, vous avez assisté à la réunion d'implantation d'un tel point saisonnier dans la commune de La Couvertoirade.
Nous voulons faire en sorte que La Poste puisse continuer d'assurer un service de proximité au quotidien, même en temps de crise.
Sachez que nous continuons de surveiller de très près les mesures prises par La Poste pour assurer un service postal complet, afin d'accompagner dans les meilleures conditions la reprise de l'activité.
Je ne conteste pas votre volonté de faire en sorte que le service revienne à la normale, mais je vous assure que tel n'est absolument pas le cas à l'heure actuelle. J'ai eu l'occasion de m'en plaindre auprès du président-directeur général de La Poste, auquel j'ai écrit cet été, mais aussi auprès de ses responsables régionaux et locaux, que j'ai rencontrés cette semaine et qui reconnaissent que la situation n'est pas revenue à la normale.
Se pose également un gros problème d'information des élus et des clients de La Poste : aucune communication ne leur a jamais été faite concernant les évolutions du service. En l'espèce, cela remontait en puissance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nouvellement députée de la première circonscription de la Vienne, je me sens concernée par la crise que traversent nos compagnies maritimes, même si mon territoire ne borde pas nos mers et nos océans, car l'enjeu est national. J'associe à ma question Sandrine Le Feur, députée du Finistère où siège la compagnie Brittany Ferries, ainsi que l'ensemble des députés bretons et normands.
Monsieur le Premier ministre, malgré des efforts structurels internes, la compagnie subit aujourd'hui de plein fouet les conséquences du Brexit, de la crise sanitaire et des récentes mesures de quatorzaine mises en place par le Royaume-Uni pour les voyageurs arrivant de France. Même si elle bénéficie des mesures de chômage partiel et d'un prêt garanti par l'État à hauteur de 117 millions d'euros remboursables sur cinq ans, cela n'est pas suffisant ; plus de 3 000 emplois se trouvent aujourd'hui menacés.
Nous, députés de la majorité, souhaitons soutenir les emplois maritimes. Il nous faut donc à tout prix éviter un plan social. De nombreux élus locaux se sont réunis ces derniers jours – vendredi dernier à Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère, par exemple – , soucieux de l'avenir de ce fleuron de l'économie locale et nationale. Pourtant, la situation ne semble pas évoluer. Quelles sont les mesures que le Gouvernement souhaite mettre en place pour les accompagner ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Tout d'abord, je vous félicite d'être aujourd'hui installée dans vos nouvelles fonctions.
Vous l'avez dit, nous vivons un moment d'incertitudes face à la crise de la covid-19 et au Brexit dans les régions dont vous avez parlé – la Bretagne, la Normandie et les Hauts-de-France. Il est important que nous soyons présents aux côtés des opérateurs tels que Brittany Ferries ou DFDS ; nous l'avons été, à trois périodes différentes. Le Premier ministre a réaffirmé l'engagement de tout le Gouvernement et a rappelé les décisions qui ont été prises en urgence – vous les avez également citées, je n'y reviens pas.
Ensuite, le Premier ministre a annoncé aujourd'hui une mesure exceptionnelle de court terme pour toutes les entreprises de transport de passagers : l'effacement des charges sociales pour l'année 2021. Élisabeth Borne vient également de nous dire qu'elle a proposé l'activité partielle de longue durée, qui est un autre outil pouvant être utilisé à court terme.
Le long terme est également important. Il appartient à la ministre de la mer d'inviter la représentation parlementaire, comme l'a fait le Président de la République, à faire de cette crise une opportunité. Transformons ce secteur d'activité ! Travaillons à des réformes structurelles, à travers un pavillon France plus attractif ! Je mène ce travail avec Armateurs de France et avec l'ensemble des élus des territoires concernés.
Dans les trois régions évoquées, comme dans celles qui bordent la Méditerranée, nous allons proposer aux milliers d'hommes et de femmes concernés et à leurs familles un avenir plus sûr, plus juste, plus équitable, avec des entreprises françaises plus attractives. La France, deuxième domaine maritime mondial, ne peut pas demain subir des pertes dans sa flotte et compter moins de marins.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, se laver les mains est une règle de base pour lutter contre le coronavirus, mais comment faire quand on n'accède pas à l'eau ? En Guadeloupe et en Martinique, on constate des interruptions récurrentes dans la fourniture d'eau potable à des dizaines de milliers d'habitants. En Guyane, ce sont les quartiers défavorisés de Cayenne qui sont sans eau et sans électricité.
Début septembre, une semaine après le retour en classe, la plupart des écoles de la région de Grande-Terre sont restées portes closes. Le secrétaire départemental du syndicat enseignant SNES-FSU a indiqué que « ce sont surtout les coupures d'eau qui forcent à fermer [les établissements]. »
À Mayotte, le manque d'accès à l'eau concernerait quatre habitants sur dix. La moitié de la population de ce département ne disposerait pas d'un raccordement au réseau d'eau potable. Pour y remédier, le préfet de Mayotte a décrété le rationnement en eau. Pour la directrice de l'ARS de Mayotte, Dominique Voynet, la mesure de coupure d'eau vise à mieux « anticiper et éviter des affrontements civils entre communautés, entre villages, et convaincre les Mahorais qu'on n'est pas passifs, mais acteurs du développement ». Dire que l'on est acteur du développement en coupant l'eau aux populations laisse sans voix.
L'anticipation aurait été la réalisation des investissements nécessaires, permettant d'améliorer le réseau par exemple.
Mme Mathilde Panot et M. Jean-Luc Mélenchon applaudissent.
En effet, la situation n'est pas nouvelle : Mayotte a déjà connu une grave crise d'approvisionnement en eau à cause d'une sécheresse exceptionnelle. Le plan « urgence eau » promis en 2017 a été largement insuffisant et ce sont toujours les plus fragiles qui pâtissent de votre manque de volonté politique, dans les outre-mer ou ailleurs, et tout particulièrement à Mayotte. De l'argent, il y en a : vous nous l'avez assez démontré ces derniers mois en distribuant des milliards.
Aujourd'hui, l'urgence est de satisfaire les besoins élémentaires de la population, y compris dans les outre-mer. Il est inacceptable que des personnes soient privées d'eau potable. Comment comptez-vous faire pour que chacune et chacun accède à ce bien essentiel qu'est l'eau, quel que soit son lieu de vie sur le territoire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
S'il y a un dossier au sujet duquel ce Gouvernement a de la volonté politique, c'est bien celui de l'eau potable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Mais c'est une compétence décentralisée depuis maintenant plus de quarante ans ; cela signifie que les collectivités territoriales sont compétentes. Est-ce que cela nous empêche d'avancer et d'agir ? La réponse est non ; nous le faisons.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que vous laissiez à penser que les tours d'eau, comme on dit si bien – ils existent malheureusement en Guadeloupe depuis longtemps et depuis peu à Mayotte – , sont une solution. Ce n'est qu'une solution temporaire, transitoire, en attendant de réaliser les infrastructures.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Ne cherchons pas à nous opposer sur ce sujet : nous sommes d'accord, sauf à faire de la récupération politique ou politicienne, ce qui serait évidemment détestable pour tous nos concitoyens d'outre-mer qui vivent très difficilement cette situation.
En Guadeloupe, on produit trois fois plus d'eau potable que nécessaire, mais on en perd 65 % en raison de fuites dans les réseaux. Cela veut dire qu'il y a eu un défaut d'investissement majeur ces dernières années. Maintenant, il faut faire du rattrapage, et pour ce faire, il faut apporter une réponse en matière d'ingénierie et de gouvernance de l'eau.
Nous nous appuyons sur le concept selon lequel « l'eau paie l'eau » ; sauf que moins on a d'eau potable, moins on arrive à facturer l'eau, et plus les services sont déficitaires. Il faut arriver à rompre ce cercle vicieux. C'est très important et très urgent, notamment en Guadeloupe.
De l'argent est mis sur la table en matière d'accompagnement des collectivités : c'est le plan « Eau DOM », que vous connaissez bien car nous en avons suffisamment parlé dans cet hémicycle. Dans le plan de relance, nous mobilisons 50 millions d'euros supplémentaires pour les réseaux d'eau potable et aussi parfois d'assainissement, parce que les deux peuvent être liés. L'enjeu, maintenant, c'est un art d'exécution avec les différentes entités locales, avec les syndicats, avec les collectivités territoriales. Ou alors, soyez plus directe et demandez la recentralisation de la compétence eau : au moins, nous aurons un débat clair !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Hugues Renson.
La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Après trois années de baisse ininterrompue et historique du taux de chômage, l'emploi en France a connu un choc sans précédent lors du confinement, avec 843 000 inscriptions supplémentaires à Pôle emploi en avril dernier, soit une hausse de 22,6 %. La situation s'est améliorée mais, avec plus de 4 millions de demandeurs d'emploi n'ayant exercé aucune activité au mois de juillet, le chômage reste à un niveau trop élevé, en particulier pour les plus jeunes, qui entrent actuellement sur le marché du travail.
Alors que la crise sanitaire n'est pas terminée et que notre économie a besoin d'être soutenue, il est plus nécessaire que jamais de disposer de la plus large palette d'outils au service de l'inclusion des personnes les plus éloignées de l'emploi, dans la lignée des réformes menées depuis le début de la législature – je pense notamment au plan d'investissement dans les compétences et à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Depuis 2017, la majorité est guidée par l'ambition de donner à chacun la possibilité de reprendre le chemin de l'emploi durable, quel que soit son âge, son niveau d'études, sa formation, son handicap, sa situation sociale ou son parcours professionnel. Je sais que cette ambition est partagée sur tous les bancs de notre hémicycle, par-delà les clivages politiques ; nos échanges en commission des affaires sociales, la semaine dernière, me l'ont encore montré. À ce titre, je tiens à saluer l'investissement de l'ensemble des groupes parlementaires sur la proposition de loi et la qualité de nos échanges : ils ont été approfondis et argumentés, nul ne pourra le contester.
L'épreuve que traverse notre pays nous incite, tous, à améliorer sans cesse les outils existants et à en forger de nouveaux. La proposition de loi dont j'ai l'honneur d'être rapporteure vise précisément à créer, renforcer et aménager différents outils des politiques de formation et d'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi.
En termes de méthode, nous avons privilégié la concertation avec l'ensemble des acteurs de l'insertion. Loin de faire table rase des dispositifs existants, préservons leurs qualités tout en cherchant à les optimiser, dans une démarche partenariale avec les différents acteurs de la politique de l'emploi.
Les articles 1er et 2 du titre Ier de la proposition de loi, qui déclinent des mesures phares du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique de septembre 2019, illustrent parfaitement le succès de cette méthode fondée sur la concertation : nos échanges apaisés et particulièrement constructifs, en commission, sur ces deux articles, en sont la meilleure démonstration.
L'article 1er, en particulier, répondait à une demande forte des acteurs de l'insertion : fluidifier l'entrée en parcours d'insertion en supprimant l'agrément obligatoire de Pôle emploi. Je crois que nos débats ont permis d'apaiser certaines inquiétudes des associations intermédiaires à ce sujet, et plusieurs amendements déposés par le Gouvernement devraient achever de rassurer ces acteurs incontournables du paysage de l'insertion par l'activité économique.
Pour sa part, l'article 2 concerne spécifiquement les seniors. Pour certains d'entre eux, l'issue attendue d'un parcours traditionnel d'insertion par l'activité économique – trouver un emploi durable – n'est pas toujours adaptée. Pour offrir à ces personnes marquées par les épreuves de la vie un cadre sécurisant jusqu'à l'âge de la retraite, l'article 2 autorise, pour les personnes âgées d'au moins 57 ans rencontrant de telles difficultés, la conclusion de contrats à durée indéterminée – CDI – avec une structure d'insertion. Et pour que personne ne soit laissé sur le bord du chemin, nous conservons l'actuelle dérogation permettant de renouveler un contrat à durée déterminé – CDD – d'insertion pour les salariés âgés de 50 à 57 ans.
Un dernier outil d'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi est également envisagé dans le cadre de l'article 3 : le CDI renforcé. Comme je m'y étais engagée en commission, les échanges se sont poursuivis à ce sujet afin de garantir le caractère opérationnel du dispositif. Dans mon rapport comme en commission, j'ai retranscrit fidèlement et de manière transparente les différentes interrogations soulevées par l'article 3 lors des auditions que j'ai menées en tant que rapporteure. Tirant les conséquences de ces échanges, je soutiendrai la suppression de cet article, tout en réaffirmant mon attachement à la démarche expérimentale qui le sous-tendait.
Le titre II de la proposition de loi a pour objet d'étendre et d'optimiser l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » instaurée par la loi du 29 février 2016 à l'initiative de Laurent Grandguillaume. Je rends un hommage mérité à son action et son engagement, et je lui adresse, depuis cet hémicycle où il a siégé avant moi, un salut reconnaissant. Je rends également hommage à Dominique Potier, qui était rapporteur pour avis et qui siège aujourd'hui encore sur ces bancs.
L'expérimentation vise à mettre un terme à la privation durable d'emploi dans des territoires volontaires, en s'appuyant sur des entreprises à but d'emploi – EBE – qui offrent au public éligible volontaire un emploi correspondant à ses compétences et savoir-faire, dans le cadre d'activités socialement utiles qui n'entrent pas en concurrence avec le tissu économique local.
Nous en avons toujours eu la conviction : aucun de nos concitoyens ne saurait être considéré comme inemployable. Chaque individu doit pouvoir trouver sa place, pour faire société ensemble. Pour autant, je ne vous étonnerai pas en disant que personne ne peut croire, pas plus ici qu'au-delà de ces bancs, qu'il est possible d'avoir un territoire sans chômeur. Non ! Le dire ne rendrait d'ailleurs pas la parole publique crédible. Mais nous pouvons avoir un territoire de plein-emploi volontaire, et c'est ce que démontre l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ». Elle s'inscrit en complémentarité des autres dispositifs et vise le même objectif, que nous partageons tous : lutter contre le chômage et la privation d'emploi, même si le parcours n'est pas simple, loin de là.
Le texte déposé prévoyait une extension de l'expérimentation à quarante territoires, mais la lenteur de la montée en charge dans les dix premiers territoires rendait difficile un déploiement beaucoup plus large – du reste, je n'y étais pas favorable. Devions-nous pour autant nous interdire de déployer l'expérimentation dans un plus grand nombre de territoires ? Telle était la question. Forte de nos échanges en commission, et alors que ma propre capacité d'initiative était limitée par l'application de l'article 40 de la Constitution, j'ai saisi le Gouvernement de la question. Les amendements qu'il a déposés, comme ceux des groupes La République en marche et MODEM, et les miens, permettront de conjuguer l'ambition au réalisme en portant à soixante le nombre de territoires susceptibles d'être habilités : c'est six fois plus que dans le cadre de la loi de 2016 !
Il s'agit donc d'une véritable avancée du texte, et nous devons collectivement la saluer haut et fort, car vous y avez toutes et tous contribué.
Les principales évolutions du dispositif par rapport à la loi de 2016 tiennent à la disparition de la condition restrictive d'inscription à Pôle emploi et au concours financier, désormais obligatoire, des départements. Nos travaux en commission ont également permis certaines clarifications. C'est bien le comité local qui appréciera l'éligibilité des personnes susceptibles d'être embauchées, sans avis préalable de Pôle emploi. Le passage à la deuxième phase de l'expérimentation des dix premiers territoires est sécurisé juridiquement. L'adossement des EBE à des structures préexistantes est promu et, de ce fait, le partenariat avec les structures de l'insertion par l'activité économique est valorisé. Enfin, grâce à un amendement de M. Dufrègne et de nos collègues du groupe GDR, les activités qui participent au développement socio-économique du territoire sont privilégiées.
Je tiens à remercier nos collègues Jean-Hugues Ratenon et Olivier Serva, président de la délégation aux outre-mer, d'avoir appelé notre attention sur ces territoires, qui ne doivent pas se trouver exclus du dispositif : deux amendements leur donneront raison.
Je conclurai sur le titre II en saluant également le travail de notre collègue Stéphane Viry, qui a été rapporteur pour avis sur les crédits de la mission budgétaire « Travail et emploi », et avec qui j'ai travaillé pendant deux ans dans un bon état d'esprit : l'aboutissement du texte est aussi le résultat de ce travail en commun.
Le dernier volet de la proposition de loi est consacré à diverses mesures d'ordre social, qui ont comme point commun d'aménager des dispositions existantes pour en renforcer l'efficacité en matière de formation et d'accès à l'emploi.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le fil rouge de la proposition de loi est clairement identifié : il s'agit de la lutte contre la privation d'emploi et l'isolement social et professionnel. Nous vous proposons des mesures concrètes et opérationnelles, façonnées par de longs mois de concertation et d'échanges. Je tiens ici à remercier l'ensemble des acteurs, collectivités comme associations, entreprises comme fédérations, qui ont participé à notre réflexion.
Je remercie également les commissaires aux affaires sociales, qui m'ont fait l'honneur de m'accueillir pour l'examen de la proposition de loi, et ont grandement contribué à la qualité du texte que nous examinons aujourd'hui. Je nommerai plus particulièrement Didier Baichère qui, en tant que responsable du texte, m'a accompagnée. Je forme le voeu que l'esprit de consensus qui avait porté la loi de 2016, et grâce auquel nos points de vue ont si souvent convergé au cours des échanges en commission, prévale également tout au long de nos travaux en séance.
Ouvrir la session extraordinaire par l'examen de cette proposition de loi est non seulement un symbole fort adressé à l'ensemble de nos concitoyens touchés par la privation d'emploi. À ce titre, je remercie M. le Premier ministre d'avoir validé son inscription à l'ordre du jour. Je me dois aussi de remercier Mmes Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, et Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion, d'avoir accueilli favorablement cette proposition de loi qui, en début d'année, avait reçu l'assentiment de Mme Muriel Pénicaud.
Les symboles ne font pas tout, mais ils comptent. L'unanimité serait un symbole supplémentaire : il nous appartient désormais d'en faire une réalité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Nous sommes tous convaincus que la relance de l'économie de notre pays doit passer par l'insertion de tous dans l'emploi : c'est l'objectif de la proposition de loi soumise à discussion aujourd'hui, qui s'adresse à ceux qui en sont le plus éloignés. Nécessaire et attendue, cette proposition de loi prouve la volonté du Gouvernement et de la majorité d'agir en faveur de l'emploi pour tous.
Je voudrais saluer le travail des députés de tous les groupes investis sur ce texte, majorité comme opposition…
… et particulièrement celui de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui en est la rapporteure. Dès la discussion en commission, vous avez su enrichir le texte et faire évoluer le dispositif initial, tout en gardant comme boussole l'insertion de nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi.
Ce n'est pas un hasard si la première proposition de loi examinée pendant cette session extraordinaire porte sur le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés. En effet, le texte découle directement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté annoncée en septembre 2018 par le Président de la République. C'est aussi la transcription législative du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique signé en 2019, dont il reprend certaines propositions.
La proposition de loi s'inscrit dans la philosophie du plan « France relance » : tous les leviers doivent être utilisés pour donner un emploi à chacun – aux jeunes, aux seniors, aux moins qualifiés. Elle fait suite à l'annonce d'un dispositif de soutien exceptionnel de 300 millions d'euros en faveur des structures d'insertion par l'activité économique et des entreprises adaptées. Ces orientations budgétaires sans précédent traduisent l'ambition du Président de la République de parvenir à intégrer 100 000 salariés supplémentaires dans les parcours d'insertion, et 40 000 salariés supplémentaires dans les entreprises adaptées.
Le titre Ier de la proposition de loi est consacré au renforcement du secteur de l'insertion par l'activité économique. Cette solution d'accès à l'emploi permet d'insérer les personnes dans l'emploi à partir d'une activité salariée au sein d'une structure d'insertion, complétée d'une formation. Les structures d'insertion par l'activité économique assurent ainsi un véritable tremplin vers l'emploi.
Le titre II est consacré à la prolongation et à l'extension de l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », qui vise à insérer les personnes dans l'emploi à partir de leurs compétences et des besoins des territoires. Elle repose sur le CDI à temps choisi.
Quant au titre III, il comporte des mesures de coordination et de mise à jour.
L'insertion par l'activité économique est un outil puissant de retour à l'emploi, et cette proposition de loi vise d'abord, à travers son titre Ier, à la renforcer. Pour accompagner et encourager le développement de ce secteur, qui compte 4 000 structures bénéficiant à 140 000 personnes engagées dans un parcours d'insertion, la proposition de loi apporte à la fois une simplification pour les structures d'insertion et de la sécurité pour les personnes en parcours d'insertion.
Le texte apporte d'abord un changement fondamental : la suppression de l'agrément préalable délivré par Pôle emploi et son remplacement par le Pass IAE – insertion par l'activité économique. Au travers de la nouvelle plateforme de l'inclusion, les structures d'insertion par l'activité économique pourront recruter sans avis préalable en partageant l'information relative aux personnes qu'elles recrutent directement, sans passer obligatoirement par un tiers prescripteur. La plateforme permet aussi à une liste étendue de prescripteurs d'orienter des personnes vers des structures d'insertion par l'activité économique. Cette proposition de loi entraînera donc une simplification des règles de recrutement, au bénéfice de l'ensemble des structures d'insertion par l'activité économique, leur permettant de se développer et d'être plus visibles.
Je suis consciente de l'effort d'adaptation qu'auront à faire les associations intermédiaires qui n'étaient pas soumises à un agrément préalable et qui proposent des parcours d'insertion importants pour les territoires. Pour elles, des mesures dérogatoires seront proposées lors de la discussion des amendements, afin de reporter leur entrée dans le Pass IAE et de maintenir leur faculté de réaliser des parcours de plus de vingt-quatre mois.
Cette proposition de loi créée ensuite un CDI d'inclusion pour les seniors, qui contribue à leur sécurisation jusqu'à la retraite. C'est une innovation majeure pour le secteur de l'insertion par l'activité économique, qui ne proposait jusqu'alors que des contrats courts, renouvelables jusqu'à concurrence de vingt-quatre mois au maximum. Tout salarié d'une structure d'insertion par l'activité économique de plus de 57 ans pourra se voir proposer un CDI si sa situation ne lui permet pas de retrouver un emploi dans le secteur de droit commun. Dans le même temps, ce dispositif remplacera, pour les plus de 57 ans, les contrats d'inclusion à durée déterminée, qui pouvaient être prolongés par dérogation. Notre objectif est de lutter contre la précarité des seniors éloignés de l'emploi en leur permettant d'accéder à un CDI.
Cette proposition de loi vise également à prolonger et à étendre l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », qui est une solution d'insertion sur mesure. Cette expérimentation née de la loi du 29 février 2016, adoptée alors à l'unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat, soutenue par le mouvement associatif, a rencontré un intérêt certain dans les territoires. Treize entreprises à but d'emploi existent aujourd'hui dans les dix départements ; elles emploient 820 personnes, dont 770 privées durablement d'emploi, dans le cadre d'un projet collectif utile et complémentaire à l'offre d'emploi préexistante. Ces entreprises à but d'emploi sont pilotées par des comités locaux pour l'emploi, réunissant l'ensemble des acteurs du territoire, les élus, le service public de l'emploi, les associations, mais aussi les entreprises du secteur de droit commun. Le dispositif consiste à recruter en CDI à temps choisi tous les demandeurs d'emploi volontaires du territoire se trouvant au chômage depuis plus d'un an, pour leur confier des activités nouvelles, utiles aux territoires et correspondant à leurs souhaits et capacités.
Je salue le travail de Laurent Grandguillaume, président de l'association Territoires zéro chômeur de longue durée, ainsi que celui de Michel de Virville, Patrick Valentin et Louis Gallois, respectivement vice-présidents et président du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Le Gouvernement soutient cette expérimentation prometteuse ; il est prêt à augmenter la taille du laboratoire pour lui permettre de faire ses preuves, y compris en outre-mer.
Dans la version initiale du texte, trente nouveaux territoires devaient être ajoutés aux dix premiers, pour lesquels l'expérimentation est reconduite pour une durée de cinq ans. Après des échanges continus, tant avec les parlementaires qu'avec les porteurs de projets, le Gouvernement vous propose d'aller au-delà : cinquante nouveaux territoires supplémentaires sont proposés, ce qui porte à soixante le nombre de territoires pilotes pour cette deuxième étape de l'expérimentation. Il s'agit d'un nombre et d'une durée adaptés car le temps est aujourd'hui à l'évaluation et à l'optimisation.
Il est temps effectivement, mesdames et messieurs les députés, de passer à une nouvelle étape dans l'expérimentation ; cela implique de tirer les conséquences des évaluations d'hier et d'améliorer les évaluations à venir pour mieux mesurer les impacts socio-économiques du dispositif. Le principe même d'une expérimentation réside dans l'amélioration continue du dispositif. C'est pourquoi nous voulons construire un dispositif responsable, y compris vis-à-vis des finances publiques. Nous tenons compte des études de la mission d'inspection menée par l'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – et l'Inspection générale des finances – IGF – ainsi que du comité scientifique de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques – DARES – , qui ont mis en évidence la nécessité d'assurer la viabilité du dispositif sur les plans économique, organisationnel et managérial. Ces améliorations sont bien sûr dans l'intérêt même de l'expérimentation.
Cette proposition de loi vise à renforcer la viabilité économique des entreprises à but d'emploi au travers d'outils plus fins de pilotage, de suivi et d'évaluation des expérimentations ainsi que de remontées d'informations plus régulières. Elle prévoit aussi l'obligation d'un cofinancement de la contribution au développement de l'emploi par les départements quand ils sont bénéficiaires d'une expérimentation – cette disposition a fait l'objet d'une concertation avec l'Assemblée des départements de France – , la signature obligatoire d'un plan d'affaires par les entreprises, sous la forme d'une convention signée avec le fonds d'expérimentation, ainsi que le principe d'une habilitation des territoires au fil de l'eau. Pour être habilités, les territoires devront au préalable respecter un cahier des charges dont les modalités seront définies par arrêté. Ne seront ainsi retenus que les territoires porteurs d'un projet suffisamment mature et s'étant donné les moyens de réussir et d'assurer la mobilisation de l'ensemble des acteurs territoriaux.
Je salue de nouveau le travail de la commission, qui a enrichi le texte en prévoyant la possibilité d'une modulation des financements en fonction de la trajectoire de l'entreprise et la possibilité, pour les entreprises à but d'emploi, de s'adosser aux structures de l'insertion par l'activité économique afin de se renforcer, particulièrement en phase d'amorçage.
Ces expérimentations sont proches, dans l'esprit, de ce que pourrait être le nouveau service public de l'insertion et de l'emploi : elles s'inscrivent dans un projet de territoire, incarné par les comités locaux pour l'emploi. Dans les semaines qui viennent, Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion, sera à mes côtés pour défendre l'idée d'une coordination entre tous les acteurs.
Sur le terrain, les deux leviers, renforcés par les deux titres de cette proposition de loi, démontrent déjà au quotidien leur complémentarité en s'adressant à des publics différents : d'un côté, l'insertion dans l'activité économique propose un parcours temporaire de retour vers l'emploi et des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement afin de reprendre pied ; de l'autre, les expérimentations « territoire zéro chômeur » proposent un recrutement en CDI visant à redynamiser les personnes concernées en les faisant participer à un projet de territoire, à l'égard duquel elles développent un sentiment d'appartenance. Dans les deux cas, ces dispositifs traduisent une même conviction : le fait d'occuper un emploi et de travailler est un facteur essentiel pour trouver pleinement sa place au sein de notre société et contribue ainsi à la cohésion de notre pays.
Mesdames et messieurs les députés, c'est un beau texte, un texte utile, un texte qui a du sens, a fortiori dans le contexte que nous connaissons. Il sera soumis au Sénat en octobre. Je souhaite que nous puissions trouver ensemble le meilleur équilibre et qu'il soit adopté le plus largement possible.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-I et Agir ens.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Les débats que nous entamons cet après-midi seront sans aucun doute riches et intenses. Et pour cause : le sujet qui nous mobilise constitue un enjeu majeur. Aussi, je souhaite d'abord revenir sur le contexte dans lequel s'inscrit l'examen de cette proposition de loi. Le Premier ministre a désigné l'emploi et surtout la lutte contre le chômage comme la priorité absolue. En auditionnant, ces derniers jours, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, ainsi que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, la commission des affaires sociales a pu mesurer l'ampleur de cette préoccupation, qui se situe au coeur du plan de relance. Ce plan comporte en effet d'importantes mesures sociales dont il reviendra à la commission de suivre, durant les prochains mois, le déploiement et la bonne application. Il maintient la protection nécessaire de nos concitoyens, garantie notamment par le dispositif d'activité partielle de longue durée et par le soutien aux très petites entreprises – TPE – et aux petites et moyennes entreprises – PME – , qui sont le vivier de tant d'emplois dans notre pays.
Face à la crise, nous pourrons nous appuyer sur des mesures offensives et volontaristes : un milliard d'euros pour la formation des salariés et le renforcement des compétences, mais aussi des moyens importants alloués à l'aide au recrutement des jeunes. N'oublions pas non plus la prise en compte des disparités territoriales : ce plan sera déployé en fonction des besoins de chaque territoire, notamment en outre-mer, où la crise sanitaire a durement frappé. Je tiens à rappeler que ces mesures n'auront un effet plein et entier qu'à condition de s'inscrire dans une dimension territoriale. Il faudra non seulement dépenser vite et bien, mais également appliquer le plan dans un esprit résolu de territorialisation en impliquant en particulier les régions, dont les compétences recouvrent à la fois le développement économique et la formation – sans oublier, bien sûr, les métropoles.
La présente proposition de loi trouve ainsi sa place dans nos politiques de l'emploi à un moment où, plus que jamais, personne ne doit être laissé au bord du chemin. Le renforcement de nos dispositifs d'insertion constitue un enjeu crucial, pour ne pas dire vital. Ces dispositifs sont en effet indispensables à l'accompagnement dans l'emploi des personnes les plus vulnérables et les plus éloignées du marché du travail. L'insertion par l'activité économique et la prolongation de l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » s'inscrivent clairement dans cette perspective.
Saisie de 288 amendements, la commission a consacré mercredi dernier à ce texte près de six heures et demie de travaux et de débats. Elle a adopté 101 amendements, déposés par l'ensemble des groupes politiques. Cela montre à la fois l'importance de la tâche accomplie et l'esprit dans lequel se sont déroulés nos débats. Je tiens à en remercier l'ensemble des commissaires, mais aussi les nombreux collègues d'autres commissions qui ont pris part à nos travaux.
Ce travail doit maintenant être poursuivi en séance. À l'écoute de chacune et de chacun, toujours soucieuse de dialogue et d'ouverture…
… la rapporteure, que notre commission a eu la joie d'accueillir, a laissé ouverts un certain nombre de débats. Nous les trancherons donc dans l'hémicycle. J'ai moi-même réservé pour la discussion en séance publique un amendement par lequel je propose de prolonger de deux ans l'expérimentation du contrat de travail à temps partagé aux fins d'employabilité, lancée en 2018 dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Comme vous le savez, cette nouvelle forme de mise à disposition salariale me tient particulièrement à coeur car elle place l'effort de formation au centre du dispositif, en permettant aux salariés, grâce à la durée de la mission réalisée, d'acquérir une véritable expérience professionnelle, sérieuse et durable, et de suivre des formations certifiantes et qualifiantes. J'espère donc que le Gouvernement et notre assemblée voudront bien considérer cet amendement avec intérêt et bienveillance.
Nous avons maintenant tous hâte de poursuivre le travail entamé en commission et de contribuer, avec cette proposition de loi, à la grande mobilisation nationale pour l'emploi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La République française, dont le Président a célébré le 4 septembre dernier le cent-cinquantième anniversaire de la proclamation, est sociale depuis la Constitution de 1946. La république est un idéal qu'il nous faut poursuivre ; c'est au nom de cet idéal qu'est affirmée l'irréductible dignité de chaque personne, ce dont la reconnaissance de ce que chacune et chacun peut apporter à la communauté nationale par son travail est une déclinaison. Ce n'est d'ailleurs pas autre chose que proclame le préambule de la Constitution de 1946, repris par celle de 1958 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. » Nul n'est inemployable : mesurons à quel point cette phrase est belle et exigeante ! Il n'y a pas de fatalité à ce que notre marché du travail soit une machine à exclure.
Lors de la précédente législature, la volonté de tout essayer face au chômage a conduit les députés socialistes, notamment Laurent Grandguillaume et notre collègue Dominique Potier, qui siège parmi nous aujourd'hui, à déposer le 22 juillet 2015 une proposition de loi d'expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée, dont nous examinons aujourd'hui l'extension. Cette proposition de loi est née d'un dialogue fructueux entre la société civile et la représentation nationale – un dialogue, et non une volonté d'imposer une conception idéologique du travail et du marché de l'emploi.
Donner aux acteurs des territoires les moyens de se mobiliser pour inventer de nouvelles formes d'emploi : ce n'est pas aux femmes et aux hommes d'être agiles, et comme de l'argile malléable au gré des désirs des employeurs, pour s'adapter à n'importe quelles conditions de travail. En concevant des emplois utiles sur la base de la motivation, des compétences, des expériences, des connaissances de chacun, cette expérimentation met l'économie à sa juste place, au service des femmes et des hommes, démontrant à toutes les entreprises et à toutes les organisations qu'on peut concevoir les choses différemment. C'était le sens de la proposition de loi « entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances » que Dominique Potier et moi-même défendions ici-même il y a bientôt trois ans, appelant en vain à un nouvel esprit d'entreprise.
Comme l'analysait le regretté Bernard Stiegler, qui nous a quittés prématurément cet été, « le travail doit être entendu au sens de l'ouvrage et distingué du labeur ; il constitue un investissement de l'individu ou du groupe dans la production d'un ouvrage ». C'est ce que font les comités locaux et les entreprises à but d'emploi des territoires zéro chômeur de longue durée.
Que démontre cette riche expérimentation depuis cinq ans ? Que les gens veulent travailler ! Que les personnes privées d'emploi ne se complaisent pas dans les allocations – d'ailleurs, moins d'un chômeur sur deux est indemnisé. Elle a même permis de rendre visibles des personnes qui avaient totalement disparu des indicateurs du chômage, que le fonctionnement même de notre système avait rendus invisibles. Grâce à ce dispositif innovant, ces personnes devenues invisibles aux yeux de notre République ont retrouvé le chemin de l'emploi.
La proposition de loi des députés socialistes avait été adoptée à l'unanimité : nous espérons qu'il en sera de même de ce texte, dans le contexte si singulier de la crise qui frappe notre pays et bien au-delà. Mais pour cela il faut retrouver l'alchimie des origines, écouter celles et ceux qui ont travaillé chaque jour pendant ces cinq années pour faire vivre cet idéal républicain, et la représentation nationale dans sa diversité.
Le Président de la République n'a malheureusement pas rappelé dans son hommage que la IIIe République était un régime parlementaire. C'est à l'issue de longues délibérations qu'elle a adopté les grandes des lois qui structurent notre nation, comme celle de séparation des églises et de l'État ou celle assurant la liberté de la presse. Retrouver cet esprit suppose d'amender ce texte, s'agissant notamment du nombre de territoires d'expérimentation. Vous vous réjouissez qu'il ait été porté à 60 : nous considérons qu'il ne devrait plus y avoir de plafond, 120 projets étant déjà quasiment prêts. Ou bien que celles et ceux de qui s'opposeraient à ce déplafonnement nous disent qu'ils sont prêts à y renoncer pour leur territoire, dans l'attente d'une éventuelle extension de cette disposition !
Cette proposition de loi ouvre une nouvelle période d'expérimentation. Pour ne pas en obérer les chances de réussite, il convient d'assurer à chaque territoire le bénéfice effectif de cinq années pleines pour se développer.
Je ne doute pas que toutes et tous ici aient la volonté de lutter contre le chômage de longue durée, contre tous les séparatismes qui pourraient miner notre République, qu'ils soient sociaux, fiscaux, éducatifs ou autres. Commençons par faire une République pour tous, la République du travail, conformément à l'objectif originel de cette expérimentation.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
Je suis ravie de poursuivre les débats sur la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique, puisqu'elle nous invite à prolonger l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous saluons ce dispositif qui a vu le jour sur dix territoires et bénéficie aujourd'hui à 1 849 salariés. Je tiens ainsi à féliciter l'ensemble des acteurs de cette expérimentation. Les résultats sont là, j'en ai moi-même était témoin hier lors de ma visite à la Fabrique de l'emploi, située à Loos, dans la métropole lilloise.
Le sujet qui nous anime, c'est l'emploi. Trouver un emploi, c'est trouver sa place dans la société, se sentir utile, jouir de l'estime de soi, subvenir à ses besoins. C'est aussi rencontrer d'autres personnes avec qui partager et échanger. Un emploi permet d'apprendre, de se former, de s'accomplir et de s'émanciper.
La crise que nous traversons nous impose de lutter massivement contre le chômage. Les personnes les plus touchées par cette crise sont les plus fragiles, notamment les seniors, particulièrement touchés par la privation durable d'emploi. C'est pourquoi notre groupe proposera d'abaisser l'âge d'éligibilité au CDI senior de 57 à 55 ans. Dans le contexte de relance économique et d'accompagnement des personnes, il convient d'étendre le bénéfice de ce dispositif au plus grand nombre possible.
Je m'étonne à ce propos que le Gouvernement propose par le biais d'un amendement une nouvelle expérimentation d'une durée de trois ans, permettant aux entreprises de portage salarial de conclure un contrat de professionnalisation, à destination notamment des seniors. Pourquoi ne pas renforcer les dispositifs existants ? Utilisons les outils que nous avons !
L'expérimentation « territoires zéro chômeur » présente de nombreux avantages, particulièrement dans le contexte économique actuel. Nous devons favoriser l'emploi à l'échelle d'un territoire. L'expérimentation permet de créer un emploi pour subvenir aux besoins du salarié et de son environnement proche. J'ai l'exemple d'emplois dans les secteurs du maraîchage, de la couture, de la réparation de vélos, qui ont permis d'améliorer le quotidien de tout un quartier, voire de tout un territoire. Ces activités n'ont cessé de se réinventer et de se développer depuis la crise sanitaire et économique due à la covid-19. Nous pensons que de nombreux projets sont prêts à entrer dans ce cercle vertueux, et si nous saluons l'effort consenti par Mme la rapporteure et le Gouvernement dont les amendements tendent à permettre à 30 à 50 territoires supplémentaires de bénéficier de ce dispositif, cela nous semble bien insuffisant.
Notre groupe proposera de favoriser la qualité plutôt que la quantité, la maturité des dossiers plutôt que le nombre de territoires. Nous savons que de nombreux projets sont prêts pour rejoindre le dispositif : ne décevez pas leurs auteurs. Nous proposerons également de portée la durée de l'expérimentation à huit ans, afin de laisser aux territoires le temps de se préparer. Ainsi, les collectivités qui auraient besoin de trois ans pour se préparer, comme le texte le prévoit, disposeraient d'au moins cinq années pleines et entières pour déployer le dispositif. C'est nécessaire pour dresser un bilan fidèle aux réalités de terrain.
Nous présenterons un amendement visant à inclure dans le bilan de l'expérimentation les raisons pour lesquelles certains dossiers n'auront pas été retenus ainsi que des recommandations pour l'accompagnement des candidats recalés. Que leur proposez-vous ? Ils sont volontaires et force d'initiatives : ne laissez pas leur projet sans issue ! Notre groupe, très attaché à la décentralisation, veillera à ce que les territoires soient correctement représentés à chaque étape de l'expérimentation. À ce titre, nous présenterons un amendement visant à assurer une juste représentation des territoires au sein du conseil scientifique chargé de formuler des recommandations pour la pérennisation du dispositif.
Si notre groupe aborde ces débats dans un état d'esprit favorable, nous n'en attendons pas moins des avancées significatives sur le nombre de territoires éligibles et sur leur rôle dans cette expérimentation.
Aux termes de son préambule, la loi « territoire zéro chômeur longue durée » est censée assurer la protection et la sauvegarde du devoir pour chacun de travailler et du droit fondamental d'obtenir un emploi : ne l'oublions pas. Dès 2016, ce dispositif a permis à dix territoires de bénéficier d'un fonds d'expérimentation territorial contre le chômage de longue durée. Soutenu et cofinancé par les collectivités territoriales, il donne aux entreprises à but d'emploi la possibilité d'accompagner les personnes privées d'emploi qui sont volontaires. Cet accompagnement se traduit par la création d'emplois utiles à la population, et qui ne constituent pas pour autant une concurrence déloyale.
Si je me réjouissais hier des résultats positifs de la première phase d'expérimentation, qui a permis à 1 112 volontaires sur dix territoires de sortir de la privation de l'emploi, aujourd'hui je suis déçu par le manque d'ambition et de volonté d'un texte supposé renforcer cette loi. Premièrement, et c'est un comble, vous oubliez le préambule de la Constitution, pourtant cité dans l'exposé des motifs du texte lui-même. Alors que de nombreux territoires se préparent à devenir éligibles, vous refusez d'augmenter le nombre d'habilitations. En commission, madame la rapporteure, vous disiez être chagrinée par notre réalisme face au chômage de masse et à la pauvreté grandissante. Le Gouvernement hésite encore et toujours à faire voter des lois pour tous. Mon groupe et moi n'avons pas le temps pour les doutes. Nous avons le sentiment que le chômage structurel plaît au système que la macronie représente.
Il n'est pas habile d'abandonner des chômeurs dans des situations difficiles sous couvert d'expérimentation, d'autant moins lorsque l'urgence économique et sociale est aggravée par la crise sanitaire. Ce sont en effet 715 000 emplois qui ont été détruits au premier trimestre à cause de la crise. En nous soumettant un projet aussi réducteur, le Gouvernement est comme le médecin qui tire sur l'ambulance !
On ne peut pas considérer que l'objet d'un projet de loi aussi porté à exclure soit réellement l'inclusion dans l'économie. Que faites-vous des autres chômeurs abandonnés ? Si nos amendements et ceux des autres groupes sont pris en considération, alors tout problème aura une solution. Nos amendements viendront nourrir ce projet de loi de l'ambition qui lui manque. Sans ces modifications, cette loi ne s'appliquera au mieux qu'à 7 000 chômeurs, alors qu'ils sont des centaines de milliers à attendre une solution.
À l'origine, cette proposition de loi était la traduction d'une idée d'ATD Quart monde, un véritable cri d'espoir pour les plus démunis ! Mais vous n'en faites qu'à votre tête et ce sont encore une fois les exclus qui souffriront de vos décisions, au moment où les 10 % les plus riches bénéficient de 79 % du gain que représente la suppression de l'impôt sur la fortune. Et vous prétendez toujours qu'il s'agit d'une proposition de loi de renforcement et d'inclusion dans l'économie ?
En nous prononçons en faveur d'un droit opposable à l'emploi, nous voulons faire de l'État l'employeur de dernier ressort des actifs privés d'emploi. Pour cela, il est nécessaire d'étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire ! Nous pourrons alors apprécier la capacité d'un territoire à expérimenter en fonction de son degré de maturité.
Sous un autre aspect, cette loi pourrait prendre plus d'ampleur si elle était mise au service de la bifurcation écologique. C'est une urgence vitale, vous le savez ! De grands travaux écologiquement utiles pourraient être une source de création d'emplois susceptible de briser le chômage de masse.
J'aimerais revenir sur un autre point, madame la rapporteure. Vous m'aviez donné l'assurance que vous trouveriez une formulation pour les outre-mer : vous l'avez fait et je vous en remercie. Permettre à de nouveaux acteurs de participer au financement du dispositif notamment les régions, c'est se donner à coup sûr la possibilité de réussir l'inclusion. En raison de l'importance du chômage et de la pauvreté sur ces territoires, l'outre-mer a besoin d'aménagements spécifiques. L'écart entre les outre-mer et l'Hexagone est devenu une ravine, tant la situation s'aggrave.
C'est pour cela que j'avais proposé de porter la durée d'expérimentation à huit ans pour les outre-mer. Nous devons habiliter le maximum de territoires d'outre-mer. La ville du Port a déjà déclaré sa volonté de devenir un territoire zéro chômeur longue durée, et la ville de Saint-André souhaite elle aussi en devenir un, comme maints d'autres territoires partout en France. Ne les décevez pas, madame la rapporteure, vous que je sens très volontaire. Ne les abandonnez pas par manque d'ambition.
Je souhaite que nos débats permettent de voter un maximum d'amendements afin de garantir l'accès à l'emploi à des Français qui se sentent abandonnés par la politique nationale. Donnons-nous les moyens d'un vote unanime en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR – M. Boris Vallaud applaudit également.
Le groupe Agir ensemble se réjouit que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour. Son premier volet prévoit plusieurs mesures de simplification et d'assouplissement du cadre applicable à l'IAE. Il participe de l'effort déterminé fourni par le Gouvernement et les groupes de la majorité pour lutter contre le chômage, passant par un investissement durable dans la formation – avec le plan d'investissement dans les compétences – , le développement de l'apprentissage et, justement, le soutien à l'IAE. Le titre Ier vise à fluidifier cette dernière, à la faciliter et à la rendre plus efficace. Seul bémol, nous nous interrogeons sur l'équilibre des dispositions prévues par l'article 3 – nous aurons l'occasion d'y revenir. Le projet d'expérimentation, tel qu'il ressort des travaux de la commission, nous paraît insuffisamment cadré, bien que la volonté de favoriser l'employabilité des personnes fragiles, qui risquent de décrocher durablement de l'emploi, soit plus que légitime – nous la partageons entièrement. Je souhaite donc que nous parvenions à une rédaction satisfaisante de ces dispositions à l'issue de nos travaux.
La proposition de loi vise également à prolonger une première expérimentation de lutte contre le chômage de longue durée, qui avait été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale en 2016 – j'espère qu'il en ira de même aujourd'hui. Notre groupe en partage totalement l'esprit et la philosophie, et se réjouit de son extension prochaine. Partant du principe légitime selon lequel personne n'est inemployable, la création d'entreprises à but d'emploi redonne une utilité sociale à ceux qui en bénéficient. Cette notion d'utilité sociale peut paraître abstraite, mais elle illustre une réalité incontestable : il est fondamental de se sentir utile. Avec les proches, le travail fait partie des tout premiers cercles de sociabilité ; c'est par lui, et par les liens qu'il crée, que la personne se construit, voire s'émancipe. La sortie d'une inactivité prolongée correspond parfois aussi à l'abandon d'addictions. En un mot, les personnes concernées retrouvent une fierté face à leur famille, à leurs enfants et à la société. Autre avantage, et non des moindres, elles ouvrent de nouveaux droits, notamment à la retraite, en payant des cotisations.
Enfin, le bilan de la première phase d'expérimentation montre l'effet éminemment positif et revivifiant de la création d'EBE pour les territoires, se traduisant par une diminution des décrochages scolaires et des demandes d'aide alimentaire.
La commission des affaires sociales a fait oeuvre utile en supprimant l'avis préalable de Pôle emploi conditionnant les embauches des entreprises à but d'emploi. Plus que jamais, il est fondamental de faire confiance aux initiatives des acteurs locaux. C'est de leurs actions concertées, en prise avec les réalités des territoires, que dépend le succès des expérimentations.
Le Gouvernement a déposé un amendement visant à porter de 40 à 60 le nombre maximal de territoires pouvant se porter candidats au dispositif territoire zéro chômeur de longue durée. Ce progrès significatif, demandé par la commission des affaires sociales, permettra d'amplifier l'élan de la deuxième phase, même si plus de 120 territoires seraient candidats à ce jour. Nous prônons une solution d'équilibre, en laissant au Gouvernement la possibilité de rehausser ce seuil par décret, s'il le juge nécessaire, au vu de la maturité des projets. Il est vrai qu'avec une centaine d'expérimentations, chaque département ou presque serait doté d'un territoire zéro chômeur de longue durée, et que nous quitterions peut-être le cadre de l'expérimentation. J'appelle néanmoins votre attention sur le risque de briser une belle dynamique en se limitant à un nombre de territoires inférieur de moitié.
Nous reviendrons par ailleurs sur la procédure d'habilitation au fil de l'eau sur trois ans, dont nous craignons qu'elle rogne exagérément la durée de l'expérimentation proprement dite.
Enfin, nous devrons débattre des moyens dédiés à l'ingénierie du projet, en particulier aux comités locaux de l'emploi. Bien que ces derniers jouent un rôle décisif de mobilisation territoriale, clé de la réussite, le texte ne prévoit pas de leur allouer des moyens.
Aussi, même si des points restent à approfondir, le groupe Agir ensemble soutiendra pleinement cette proposition de loi. Alors que notre pays est secoué par une des crises les plus graves de son histoire, nous avons là un outil modeste et efficace au bénéfice des plus fragiles ; il convient de s'en saisir et de lui donner toute sa portée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La crise sanitaire, économique et sociale que nous allons traverser frappera nos concitoyens les plus fragiles. Le chômage risque d'exploser, comme en témoignent des chiffres alarmants : 715 000 emplois ont été détruits début 2020, et près de 1 million de nouveaux chômeurs sont attendus en début d'année prochaine. Pourtant, madame la ministre, la réforme de l'assurance chômage, qui durcira les conditions d'accès aux allocations, s'appliquera dès le mois de janvier. Il en ira de même de la réforme de l'aide personnalisée au logement – la ministre déléguée chargée du logement vient de l'annoncer au congrès des HLM – , qui déstabilisera de nombreux ménages ; alors que cette aide aurait besoin d'être augmentée, elle baissera encore.
En outre, rien n'est prévu dans le plan de relance pour lutter davantage contre la pauvreté : il ne comporte aucune mesure de soutien aux ménages – ou si peu – ni aux bénéficiaires de minima sociaux, pas plus que des mesures favorisant l'accès au logement ou aux soins ; le soutien qu'il accorde aux associations est très limité, tandis que les grands chantiers de la stratégie de lutte contre la pauvreté sont au point mort. Quid du service public de l'insertion ou encore du revenu universel d'activité, lequel pourrait lutter contre le non-recours aux aides sociales et protéger les moins de 25 ans qui, comme nous le savons, ne disposent toujours d'aucun filet de sécurité financier ? Par ailleurs, l'ensemble des associations dénoncent la disparition du secrétariat d'État dédié à la lutte contre la pauvreté ; elles n'ont plus d'interlocuteur, au Gouvernement, avec qui discuter de la globalité de ces sujets. L'insertion professionnelle, aussi importante soit-elle, ne saurait être le seul prisme de la lutte contre la pauvreté.
Des avancées sont certes à saluer – petits-déjeuners gratuits dans certaines écoles, mesures encourageant les crèches à accueillir des enfants de familles défavorisées, obligation de formation jusqu'à 18 ans – , mais elles représentent si peu comparées à la centaine de milliards d'euros dont bénéficieront les entreprises de manière indistincte ! Rien n'est de nature à nous protéger l'hiver de précarité qui s'annonce.
Les jeunes et les indépendants, les plus précaires d'entre nous, sont les plus directement menacés et risquent d'être entraînés dans la spirale du chômage de longue durée. Or les conséquences d'un éloignement durable de l'emploi peuvent être désastreuses : la désocialisation, la perte de logement et la précarisation rendent d'autant plus difficile le retour à l'activité.
Dans ce contexte, l'action en faveur de l'insertion par l'activité économique doit être une priorité absolue, et le dispositif « territoires zéro chômeurs de longue durée », dont la première expérimentation a été votée à l'unanimité en 2016, est un premier pas significatif. Le groupe Écologie, démocratie, solidarité, qui a fait de sa généralisation l'une de ses quinze priorités, le votera. En partant du principe que nul n'est inemployable, et que ni le travail ni l'emploi ne manquent, ce texte inverse la donne en matière de lutte contre le chômage, et pose les jalons d'un retour à l'emploi pour le plus grand nombre. En misant sur une exhaustivité territoriale, sur des embauches non sélectives et sur la qualité de l'emploi, le dispositif se donne les moyens de produire une insertion de qualité ; il est donc temps de le déployer largement. Dans ce domaine, les efforts prévus par le texte sont trop limités. Le passage de 10 à 40 puis à 60 territoires constitue certes une avancée, mais en réalité, ce plafond n'a pas lieu d'être : l'ensemble des territoires qui correspondent aux critères fixés par le cahier des charges devraient pouvoir se porter candidats.
Plusieurs autres dispositions méritent d'être renforcées. Le groupe Écologie, démocratie, solidarité demande ainsi que les jeunes de moins de 26 ans soient inclus dans l'ensemble des dispositifs d'insertion prévus par le texte. Nous nous appuyons en cela sur les travaux d'Éric Heyer, économiste à l'OFCE – Observatoire français des conjonctures économiques – , qui regrette que le plan de relance ne concerne pas les jeunes de moins de 26 ans. L'arrivée de 750 000 jeunes sur un marché du travail particulièrement dégradé nous impose de prendre des mesures spécifiques et extrêmement fortes, sans quoi les moins qualifiés et les plus en marge seront laissés de côté et connaîtront une situation particulièrement difficile, puisqu'ils n'auront accès à aucun revenu minimal.
Aujourd'hui déjà, de très nombreux jeunes ne trouvent pas d'emploi stable après avoir été suivis dans un chantier ou une entreprise d'insertion ; la crise actuelle en augmentera le nombre. Nous proposons donc d'ouvrir le CDI d'inclusion aux moins de 26 ans. Loin de les enfermer indéfiniment dans un parcours d'insertion, cela sécurisait ceux qui en ont besoin durant plusieurs années, leur offrirait une première expérience solide et leur éviterait des ruptures de parcours difficiles à rattraper. Cet effort est d'autant plus nécessaire que le plan de relance n'accorde aucune mesure spécifique à ces jeunes, en particulier aux plus isolés et aux moins qualifiés. Il est illusoire de croire que tous les jeunes pourraient trouver du travail s'ils le souhaitaient, et que les exonérations de charges des entreprises suffiront à résoudre tous les problèmes. Nous estimons donc que le CDI d'inclusion doit être ouvert aux plus jeunes.
Afin d'assurer une représentativité effective des acteurs de terrain au sein des comités locaux, nous proposons d'élargir ces derniers aux personnes ayant bénéficié de l'expérimentation et aux préfets de département. Les deux amendements que nous défendrons à cette fin visent à intégrer des mécanismes participatifs dans les prises de décision, revendication forte de nos concitoyens – la crise des gilets jaunes l'a démontré – à laquelle notre groupe est particulièrement attaché. L'association avec les acteurs de terrain, et tout particulièrement avec les bénéficiaires, doit devenir la règle dans l'élaboration de toute politique publique, singulièrement en matière de lutte contre l'exclusion ; elle participe d'une nouvelle vision, plus inclusive et démocratique, de la société.
Le groupe Écologie, démocratie, solidarité votera donc ce texte. Toutefois, madame la ministre, chers collègues, ne perdons pas l'une des rares occasions de cette rentrée parlementaire de faire plus et mieux pour nos concitoyens les plus précaires, qui en auront tant besoin, et efforçons-nous d'améliorer encore les dispositifs qui y contribuent.
Après un très riche examen en commission la semaine dernière, nous discutons aujourd'hui de la proposition de loi relative à l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur longue durée ». Faire de la lutte contre la privation d'emploi une priorité est une nécessité – une évidence, devrais-je dire, tant nous savons que l'emploi est bien plus que de l'emploi.
Je me concentrerai sur l'expérimentation « territoires zéro chômeur longue durée ». La première loi dont elle a fait l'objet, votée à l'unanimité en 2016, poursuivait des objectifs clairs : démontrer que personne n'est inemployable, placer les personnes les plus éloignées de l'emploi au coeur de la démarche, faire de la mobilisation collective un levier efficace. Les premières entreprises à but d'emploi ont ainsi vu le jour il y a un peu plus de trois ans dans les dix premiers territoires d'expérimentation. C'est un fait, la démarche a porté ses fruits, et nombreux sont les candidats à son extension.
Aussi une proposition de loi a-t-elle été déposée en juin 2020 pour étendre et prolonger l'expérimentation. Je suis bien sûr favorable à sa prolongation et à sa pérennisation, mais j'estime que le texte ne va pas assez loin. Dans ma circonscription, la communauté de communes du Bocage bourbonnais mène depuis plus de deux ans une action visant à rejoindre l'expérimentation à terme. Cette simple dynamique a déjà été bénéfique, puisqu'elle a permis à des personnes privées durablement d'emploi de retrouver une activité. Si nous abandonnions ce travail qui mobilise de nombreux acteurs du territoire, qui crée du lien social et du consensus, nous anéantirions tous les espoirs. C'est l'une des raisons – mais pas la seule, bien sûr – pour lesquelles je soutiens la poursuite et l'élargissement de l'expérimentation.
Cependant, je me dois d'émettre quelques suggestions importantes. Il était prévu d'élargir le dispositif à 30 nouveaux territoires, et désormais à 50 : c'est encore insuffisant. Alors que plus de 120 territoires préparent l'arrivée de l'expérimentation, 70 d'entre eux en seraient écartés, en application d'un simple critère de nombre. Imaginez leur déception !
Il serait intéressant de recourir au critère de la maturité des projets plutôt qu'à celui de leur nombre. C'est pourquoi les députés communistes proposeront et soutiendront les amendements demandant un rapport visant à un déplafonnement du nombre de territoires. Cette proposition de rapport, faite en commission par mes collègues, me semble très pertinente.
J'ai proposé en commission que soit comprise, dans la contribution au développement des entreprises conventionnées, une enveloppe servant à financer des postes d'encadrement et d'accompagnement des salariés, ainsi qu'une participation à la politique de formation de l'entreprise à but d'emploi – mais les parlementaires n'ayant pas la possibilité de créer des charges publiques, cela a été refusé. Il est dommage que la proposition de loi n'encadre pas ces emplois et la formation, pourtant si essentiels.
Nous avons souhaité sécuriser dans le cadre de la loi les dix premiers territoires soumis à l'expérimentation, mais les amendements allant dans ce sens ont été refusés. Je ne doute évidemment pas de la parole de Mme la rapporteure, mais un cadre législatif me paraissait plus sécurisant qu'une bonne parole.
Je remercie d'ailleurs Mme la rapporteure et les membres de la commission d'avoir voté mon amendement visant à mieux définir le rôle d'identification et à privilégier – et non à prioriser – les activités qui participent au développement socioéconomique du territoire : cette précision est la bienvenue.
Sur le reste du texte, nous sommes opposés à la création du CDI d'inclusion et du CDI renforcé – qui n'a de de CDI que le nom. Ces deux mesures aux contours flous ne vont pas dans le bon sens et ne s'inscrivent pas dans l'état d'esprit du texte initial. L'article 9 nous pose également problème, et cette habitude que vous avez prise de glisser des propositions inacceptables dans des projets consensuels est détestable.
J'ai voté ce texte en commission, car je souhaite voir l'expérimentation continuer et s'étendre. Cependant, nous regrettons le manque d'ambition de la majorité sur ce texte et son refus d'y ajouter certaines mesures pourtant essentielles, comme nous regrettons l'adjonction d'articles perturbateurs.
Mes chers collègues, j'espère que vous partagez cette analyse et que, comme moi, vous souhaitez faire évoluer le présent texte vers une meilleure version : c'est ce qui déterminera notre vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous n'en sommes qu'au début de la crise socioéconomique provoquée par l'épidémie de covid-19, et pourtant la crainte est vive qu'un grand nombre de personnes basculent dans la pauvreté et que celles déjà vulnérables s'enfoncent dans la précarité. Une attention particulière doit être portée aux plus jeunes, aux personnes dépourvues de qualification et, bien sûr, aux personnes durablement éloignées de l'emploi. Dès lors, nous devons nous réjouir que notre assemblée se saisisse en cette rentrée exceptionnelle d'un texte dont l'ambition est d'améliorer l'inclusion des personnes éloignées de l'emploi.
Notre groupe a toujours été favorable à la poursuite de l'extension de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette démarche traduit l'importance que nous accordons aux questions de transition écologique de solidarité et d'emploi, mais également à la capacité qu'ont nos territoires de répondre à ces questions.
En 2016, la proposition de loi portée par notre ancien collègue, Laurent Grandguillaume, adoptée à l'unanimité, avait permis d'engager cette expérience sociale et humaine inédite sur dix territoires volontaires. Nous ne pouvons que souhaiter le même sort au texte que nous examinons aujourd'hui et espérer qu'un large consensus émerge de nos débats. Néanmoins, notre groupe insiste sur la nécessité de respecter les principes fondateurs de l'expérimentation, tout en tenant compte des enseignements tirés par cette première phase.
Nous saluons certaines des modifications introduites en commission, en particulier la suppression de l'avis supplémentaire du service public de l'emploi, qui n'était pas cohérent avec l'organisation et les missions du comité local de l'emploi. Cependant, il reste plusieurs points sur lesquels il est impératif d'avancer.
En ce qui concerne le nombre et la durée de l'expérimentation, plutôt que de fixer un plafond à 30 nouveaux territoires – ou même à 50, comme le prévoit un amendement du Gouvernement – , il est plus pertinent de procéder à une habilitation de nouveaux territoires au fil de l'eau, sans limiter leur nombre au préalable, afin de veiller à ne laisser aucun territoire de côté et d'éviter de procéder à un arbitrage qui risque de favoriser les grandes régions au détriment de territoires en situation de précarité, comme la Corse ou certains territoires ultramarins.
Il faut envisager une logique qui encourage les territoires et les acteurs à mûrir leurs projets, à se préparer à leur rythme : l'initiative des territoires doit rester au coeur de la démarche. Nous regrettons aussi et surtout l'absence de dispositions permettant de soutenir financièrement l'ingénierie des comités locaux pour l'emploi, qui sont pourtant la cheville ouvrière de l'expérimentation. C'est dans les comités que la précarité la plus importante, il est donc essentiel de les doter de moyens humains à travers une mobilisation du fonds d'expérimentation. Enfin, nous avons de sérieux doutes sur la cohabitation du nouveau dispositif créé par l'article 3 – le CDI renforcé – au sein du même fonds, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Mes chers collègues, nous avons tous eu l'occasion de constater sur nos territoires les retombées positives de ce projet. Certes, l'équilibre économique des entreprises à but d'emploi n'est pas toujours assuré, mais ce n'est que le début. Surtout, il est essentiel de voir au-delà des raisonnements purement financiers et de comprendre l'importance de l'insertion sociale par le travail. En effet, cette expérimentation cible les invisibles, les oubliés, ceux qui passent sous les radars de Pôle emploi et qui, bien souvent, ne bénéficient même plus des aides publiques. Grâce aux initiatives lancées par les territoires, ces personnes ont pu retrouver confiance et dignité en retrouvant un emploi correspondant à leurs compétences au sein d'entreprises utiles à leur territoire.
Je pense à la commune de Pipriac, en Bretagne – chez notre collègue Paul Molac – , où l'entreprise à but d'emploi TEZEA a embauché cinquante personnes en dix mois en proposant de nombreux services tels que la transformation de bois en mobilier ; je pense également aux activités menées à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, qui vont de la réparation automobile au broyage de déchets.
Qu'il s'agisse de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ou d'autres dispositifs contenus dans ce texte, il est plus que jamais nécessaire d'encourager l'inclusion par l'activité économique. Notre groupe a encore quelques réserves sur l'effectivité de certaines mesures et formulera des propositions avec l'espoir qu'ensemble nous parvenions à tirer le meilleur profit de l'opportunité qui nous est donnée d'améliorer l'accompagnement de l'emploi dans l'esprit des dispositifs des territoires zéro chômeur de longue durée.
Nul n'est inemployable, et ce ne sont ni le travail, ni l'argent, qui manquent. Mes chers collègues, efforçons-nous de ne pas perdre de vue ces préceptes avant l'examen de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Boris Vallaud applaudit également.
La crise que nous avons traversée et que nous continuons de subir n'est pas seulement sanitaire : il s'y est ajouté une crise économique sans précédent. Comme nous le voyons dans nos circonscriptions, de nombreuses entreprises sont en difficulté ou risquent de l'être et, de ce point de vue, les chiffres du chômage sont éloquents.
Face à cette situation, le Gouvernement et la majorité agissent déjà depuis de nombreux mois. Le plan de relance présenté le 3 septembre montre que notre mobilisation est totale pour soutenir durablement l'économie, l'emploi et les familles les plus vulnérables. La contraction de l'emploi a commencé à toucher – et ce n'est qu'un début – les jeunes et les personnes les moins agiles ou discriminées, c'est-à-dire les Français qui vivent déjà une situation difficile au quotidien. Avec cette proposition de loi portée par les groupes La République en marche et MODEM, nous voulons répondre à l'urgence en assurant l'efficience économique de nos politiques et du progrès social.
Dans la continuité des politiques de l'emploi existantes, nous poursuivons la simplification des dispositifs d'insertion pour nous concentrer sur l'accompagnement des plus vulnérables, auxquels le plan de relance doit prioritairement s'adresser. Près de 2 millions de personnes sont considérées comme éloignées durablement de l'emploi – une situation augmentant la pauvreté et la précarité, dont on connaît les difficultés qu'elles engendrent et l'importance du coût social pour s'en relever.
Complémentaire du travail déjà effectué depuis le début de notre mandat sur l'attractivité économique, la réforme du marché du travail, de la fiscalité et de la formation, la présente proposition de loi constitue la réponse opérationnelle au pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique présenté il y a un an, avec tous les professionnels du secteur.
Aujourd'hui, avec 4 000 structures d'insertion par l'activité économique, dont l'efficacité est reconnue, le secteur est largement professionnalisé et doit pouvoir passer le cap des 100 000 parcours d'insertion supplémentaires, grâce au soutien des entreprises et des collectivités locales. Comme je le soulignais en commission, il n'existe pas de chronologie logique selon laquelle l'économie viendrait avant le social : ces deux voies doivent être suivies de concert, d'où l'importance d'une approche fondée sur l'inclusion économique reliant économique et social, compétitivité et engagement citoyen des entreprises.
C'est le sens de la dynamique enclenchée dans le cas de l'initiative présidentielle « La France, une chance. Les entreprises s'engagent ! ». Je veux souligner votre engagement, mesdames les ministres, et les 300 millions d'euros de dotation du fonds de soutien à l'IAE que vous avez mobilisés cet été – car, oui, les structures de l'IAE sont des entreprises comme les autres !
Pour accueillir plus de salariés, il faudra plus de commandes et, à ce titre, tous les accélérateurs économiques devront être recherchés et activés en complément des mesures prévues dans cette proposition de loi. Je pense en particulier à la commande publique, qui représente 200 milliards d'euros annuels. Les clauses sociales sont insuffisamment développées alors qu'elles répondent, pour ce qui est des objectifs en matière de développement durable, aux exigences de l'agenda 2030 sur lequel la France s'est engagée.
Nous devrons rechercher l'engagement effectif de tous, notamment des entreprises et des collectivités territoriales, pour faire baisser significativement le nombre de personnes durablement privés d'emploi. Avec cette proposition de loi, nous entendons encourager les expérimentations favorisant le recrutement de personnes éloignées de l'emploi ou pouvant le devenir. L'enjeu est double : il s'agit de sortir de la logique de droits au chômage et de consommation de ces droits, pour aller vers celle de l'inclusion dans l'emploi et éviter de rentrer dans la zone de chômage de longue durée. Enfin, au sein des territoires, il convient de mobiliser les entreprises et leurs représentants et, à ce titre, il est essentiel de simplifier les dispositifs d'accompagnement, en particulier ceux mis à disposition des TPE et des PME.
Je souhaite réaffirmer le rôle stratégique de Pôle emploi, d'une part dans sa capacité de porter un diagnostic de l'agilité professionnelle, contractualisé avec les demandeurs d'emploi dès les premiers jours d'inscription, d'autre part dans sa relation avec les entreprises, pour mieux cibler les profils disponibles. Pour celles et ceux qui risquent de s'enfoncer dans le chômage de longue durée, nous voulons investir dans l'accompagnement, avec des dispositifs comme le CDI inclusion, destiné aux publics seniors sans solution, et avec l'expérimentation sur plusieurs territoires d'un CDI renforcé qui proposera une période de tutorat, le temps d'actualiser les compétences d'un demandeur d'emploi dont le diagnostic d'agilité professionnelle pourrait laisser apparaître une fragilité. Le CDI renforcé constitue l'objet de l'article 3, que je vous proposerai de retirer pour mettre en place ce dispositif de manière plus opérationnelle et plus rapide, sans attendre la promulgation du présent texte de loi.
C'est aussi cet esprit d'innovation qui lui avait permis de lancer la première étape de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » en 2016. Trois ans plus tard, les premières évaluations invitent le législateur à prolonger et étendre cette expérimentation en l'arrimant fortement à la famille de l'inclusion économique.
La période de confinement que nous avons connue a été l'occasion pour de nombreux acteurs de la société civile et du secteur associatif, mais aussi pour des organisations syndicales et des parlementaires, de lancer des consultations et de réfléchir au monde d'après. Avec cette proposition de loi, le temps est venu d'agir pour un monde qui permettra de remettre l'exigence de solidarité et de justice sociale au coeur de l'économie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Le groupe Les Républicains soutiendra cette proposition de loi qui constitue un pas vers l'activité pour tous, laquelle devrait être l'horizon de toute politique publique au XXIe siècle.
« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », lit-on dans le préambule de la Constitution de 1946. Pourtant, plusieurs millions de nos concitoyens sont au chômage. La quête du plein emploi, qui a animé le XXe siècle, n'a pas touché son but. Notre pays subit le phénomène du chômage de longue durée. Les demandeurs d'emploi inscrits depuis un an ou plus représentent en juillet 2020 47,3 % des personnes inscrites à Pôle emploi. Ils sont 2,544 millions, soit 4 % de plus qu'il y a un an et 12 % de plus qu'en mai 2017. Depuis de nombreuses années, le marché du travail est rude dans notre pays : les postes à pourvoir nécessitent une qualification ou une technicité élevées. Son accès est plus complexe pour les hommes et les femmes durablement éloignés de l'emploi. Pensons aussi aux bénéficiaires du revenu de solidarité active – RSA – socle, au nombre de 1,66 million en France métropolitaine.
Face à ces constats qui constituent autant de défis, les politiques publiques de l'emploi et de lutte contre le chômage doivent sans cesse s'ajuster et multiplier les initiatives afin de combattre ce fléau. L'égalité des chances dans l'accès à l'emploi ne peut être atteinte que si l'on fait appel à la puissance publique. L'État doit intervenir, à travers des politiques publiques de l'emploi et des actions de terrain. Le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » constitue à cet égard un bon exemple, notamment parce qu'il s'appuie sur le potentiel et les ressources des territoires, premiers concernés dans cette bataille pour le retour à l'activité des femmes et des hommes qui en sont le plus durablement éloignés.
Cette proposition de loi, qui était attendue bien avant que les conséquences sociales de la vague épidémique ne se fassent sentir, vise à ajuster des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique et à amplifier le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », ce à quoi la majorité était pour ainsi dire contrainte, compte tenu de la nécessité de prolonger les dix expérimentations en cours et de la mobilisation des territoires, qui exigeaient une réponse législative. Nous nous montrerons attentifs aux crédits qui lui seront accordés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.
Nous partageons votre volonté d'aller de l'avant et tenons à souligner la qualité des débats en commission et l'écoute dont a fait preuve Mme la rapporteure.
S'agissant de l'insertion par l'activité économique, notre groupe est favorable à la suppression de l'agrément qui permettra aux structures d'insertion par l'activité économique – SIAE – d'embaucher des personnes directement, sans validation par Pôle emploi. Nous sommes plus réservés au sujet des deux autres mesures. De très nombreux contrats de travail existent déjà en France et en ajouter deux nouveaux types risque de compliquer plus encore le code du travail. Nous considérons qu'il faut faire confiance aux acteurs du secteur de l'IAE : ils connaissent leur métier ; donnons-leur les moyens de remettre des personnes en situation de travail. Ils ont besoin de davantage de moyens financiers, de moins de bureaucratie et surtout d'un rapprochement avec le secteur marchand et les entreprises classiques.
S'agissant de l'amplification de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », nous serons particulièrement vigilants. Les modalités retenues nous paraissent trop limitées, qu'il s'agisse du nombre de territoires ou de la durée fixée pour la prolongation. Vous risquez d'éteindre l'énergie des territoires en ne donnant pas aux hommes et aux femmes qui se mobilisent partout en France les moyens de faire aboutir leurs projets presque arrivés à maturation. Nous regrettons que le texte ne s'appuie pas sur les commandes publiques, qui constituent un levier majeur.
C'est avec beaucoup d'intérêt que nous prendrons part au débat sur cette proposition de loi, qui a le mérite de vouloir accompagner les femmes et les hommes de notre pays durablement éloignés de l'emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure, applaudit également.
La proposition de loi s'inscrit dans la continuité de la précédente législature, durant laquelle, sous l'impulsion de la majorité socialiste et en particulier de Laurent Grandguillaume, a été lancé le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Il a globalement porté ses fruits, et il nous incombe aujourd'hui de le reconduire en l'étendant à de nouveaux territoires. Ce texte nous permet aussi d'avancer dans le domaine de l'insertion par l'activité économique. Je tiens à saluer le travail de la rapporteure, qu'il s'agisse du nombre et de la qualité des auditions organisées, du rapport complet qu'elle a rédigé ou de l'attention qu'elle a portée aux amendements en commission.
Au titre Ier, les articles 1er et 2 comportent des mesures très attendues. L'article 1er, qui supprime l'agrément délivré par Pôle emploi, mesure plébiscitée, a été adopté à l'unanimité en commission. Si les associations intermédiaires sont favorables à un Pass IAE identique pour toutes les structures, elles souhaitent toutefois que les conditions de prolongation du parcours soient clairement établies au niveau national et que ses spécificités soient prises en compte, notamment son caractère progressif, sa première partie étant parfois dédiée quasi exclusivement à l'accompagnement.
L'article 2 crée un contrat à durée indéterminée inclusion pour les seniors, disposition également satisfaisante. Son adoption en commission ne doit cependant pas nous empêcher de débattre des conditions de sa conclusion dans les différentes structures.
L'article 3, quant à lui, propose l'expérimentation d'un CDI renforcé. Alors qu'une crise économique devrait s'installer dans les prochains mois, on ne peut qu'être favorable à des initiatives ayant pour ambition de favoriser l'entrée ou le retour de chômeurs ou de salariés dans des entreprises classiques. Il conviendra de définir précisément les publics visés afin de s'assurer que ce dispositif supplémentaire produise bien l'effet levier escompté au lieu de s'ajouter à d'autres offres.
Le titre II, qui permet la reconduction de l'expérimentation « territoires zéros chômeur de longue durée », était également attendu. Sur certains territoires, ce dispositif a fait ses preuves ; sur d'autres, il a montré ses limites. Il s'agira de tirer profit des enseignements de la première phase pour conventionner de nouveaux territoires sur des bases plus solides. La commission a souhaité maintenir l'indépendance actuelle des entreprises à but d'emploi à l'égard du service public de l'emploi dans la procédure de validation de l'éligibilité des publics. Alors que la validation des parcours IAE est simplifiée, il convient de laisser aux EBE une latitude sur certaines questions en ne rigidifiant pas inutilement l'expérimentation. La gouvernance des comités locaux pour l'emploi, garante de la stabilité du modèle économique ainsi que du lien avec les SIAE du territoire dans le but d'atteindre une exhaustivité en matière de propositions d'emploi, demande quant à elle à être approfondie.
Les débats se concentreront à juste titre sur les deux premiers titres mais d'autres mesures font du texte un véhicule législatif utile permettant de traiter diverses mesures de cohérence ou d'extension relatives à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Le contexte socioéconomique de cette rentrée n'est pas réjouissant. Il inquiète bon nombre de nos concitoyens. C'est pourquoi il est de notre responsabilité de nous saisir de tout ce qui peut contribuer à atténuer les effets de la crise. Dès lors, ce texte, qui vise à lutter contre la privation durable d'emploi et à renforcer les modalités d'accompagnement et d'insertion revêt une importance particulière. Les débats extrêmement denses et précis qui ont eu lieu en commission témoignent de l'engagement des députés, sur tous les bancs, en faveur de cette grande cause qu'est l'emploi des plus fragiles. Nous ne doutons pas que la discussion en séance publique sera l'occasion de confronter nos points de vue, mais aussi de nous accorder sur l'essentiel et d'adopter cette proposition de loi à une large majorité. Le groupe MODEM et apparentés, cosignataire du texte, votera en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
C'est du jamais vu : le produit intérieur brut a chuté de 13,8 % au deuxième trimestre, accusant le plus fort recul depuis 1949, nous dit-on. Malheureusement, notre dégringolade est plus rapide que celle de nos voisins européens puisque les pays de l'Union européenne et de la zone euro ont, eux, respectivement enregistré une baisse moyenne de 11,9 % et 12,1 %. Bref, les affaires vont mal, même très mal pour certains. Les entreprises du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration sont parmi celles qui ont le plus perdu : entre 30 et 40 milliards d'euros pour l'année 2020.
Dans ces conditions, la consommation intérieure apparaît comme un levier essentiel de la reprise économique. Mais, bien entendu, pour consommer, il faut du pouvoir d'achat, ce qui est impossible quand on n'a pas d'emploi. Or, là encore, rien ne va plus : 800 000 emplois devraient être détruits cette année selon la Banque de France et le taux de chômage pourrait attendre 11 % au premier semestre 2021. Air France, Airbus, Nokia, Renault et beaucoup d'autres entreprises ont annoncé des suppressions d'effectifs et 61 % des startup françaises ont déclaré reconsidérer leurs intentions de recrutement dans les prochains mois.
Alors, évidemment, il faut innover, imaginer, expérimenter. Toute idée est bonne à prendre pour lutter contre ce chômage de masse qui risque, après la crise économique, d'engendrer une crise sociale tout aussi redoutable.
C'est dans ce contexte que s'inscrit votre expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». La méthode est innovante. Elle renverse le schéma classique d'embauche en partant des compétences des chômeurs pour créer de l'emploi. Le mécanisme est simple, il s'agit de mettre en regard le coût du chômage – en moyenne 18 000 euros par personne et par an pour l'État et les collectivités territoriales – et le coût d'un emploi – environ 20 000 euros pour un SMIC, toutes cotisations confondues – , pour allouer ces 18 000 euros que coûte donc la prise en charge d'un chômeur au financement de son emploi. Afin d'éviter les effets d'aubaine, les projets sont soumis à un comité local pour validation. Le processus semble bordé et emporte un certain consensus. Pour ma part, j'espère que l'extension de cette expérimentation portera ses fruits.
Un bémol cependant : amplifier ce dispositif et, en même temps, serrer la vis pour les contrats aidés brouille la grille de lecture. Ces contrats aidés sont en effet très utiles sur le terrain. En contrepartie d'une aide de l'État, l'employeur doit accompagner son salarié à travers diverses mesures, de formation notamment. C'est non seulement du donnant-donnant mais aussi du gagnant-gagnant : une vraie bouffée d'air frais. Pourtant, pour cause de coupes budgétaires, les contrats aidés se font rares. À Béziers, en 2020, la mairie n'a ainsi pu embaucher que 40 personnes contre 80 en 2019. C'est tout à fait regrettable, car les collectivités territoriales peuvent apporter un véritable soutien à la population en matière d'emploi. Certains de ces emplois sont d'ailleurs pérennisés.
L'exposé des motifs de votre proposition de loi, madame la rapporteure, commence par le rappel du principe constitutionnel selon lequel « chacun a le devoir de travailler et d'obtenir un emploi ». Il ne suffit pas de le dire, encore faut-il s'en donner les moyens. Je ne vous cache donc pas ma déception après avoir entendu le Premier ministre affirmer sa volonté de soutenir le recrutement des jeunes via les contrats aidés.
Déception car, dans les faits, son engagement est tronqué : le décret du 5 août 2020 instituant une aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans ne contient pas un mot au sujet des collectivités. Avouez qu'en termes de pragmatisme, on fait mieux. J'ai d'ailleurs saisi le Premier ministre en ce sens, la semaine dernière.
Espérons que le tir sera rapidement corrigé car, plus que jamais, les territoires ont besoin de mesures concrètes, efficaces, opérationnelles immédiatement. Dans l'Hérault, le taux de chômage au premier trimestre 2020 était de 11,2 %. Ça, c'était avant la crise sanitaire. Je vous laisse imaginer à combien ce taux va s'élever dans les prochains mois si nous n'agissons pas rapidement. Je ne parle pas de mesurettes, ni même d'expérimentations : étant donné notre situation économique, ce qui nous manque le plus, c'est le temps.
Ma question est donc simple : qu'attend le Gouvernement pour aller au bout des dispositifs existants, afin de redonner du souffle à nos territoires ?
Nous aurons l'occasion de revenir sur un certain nombre des points abordés au fil de la discussion générale. À ce stade, je me réjouis du large consensus que je constate une nouvelle fois sur ces bancs au sujet des dispositifs présentés dans le cadre de cette proposition de loi. Pour la clarté des débats, je voudrais toutefois rappeler quelques faits.
En tant que ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, je répondrai à certains des orateurs qu'il ne m'a pas échappé, dans le contexte singulier que l'on connaît, que notre économie a subi un choc sans précédent, du fait d'une crise sanitaire elle-même inédite. J'ai bien en tête les 715 000 emplois détruits, selon l'évaluation de l'INSEE, qui rejoint celle d'autres experts. Je n'ignore pas non plus la hausse massive du nombre des demandeurs d'emploi, en particulier des demandeurs d'emploi sans aucune activité, même si nous avons heureusement refait la moitié du chemin : 1 million de chômeurs en plus, 500 000 en moins pour les mois de mai, juin et juillet.
Je suis parfaitement consciente que, dans les périodes de crise comme celle que nous sommes en train de vivre, ce sont les plus fragiles qui peuvent se trouver le plus en difficulté. Nous devons évidemment tenir compte de ces situations. Je voudrais donc dire à M. Ratenon, par exemple, qu'à ce choc massif, le Gouvernement apporte des réponses massives ; j'y reviendrai. Notre discussion au sujet de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ne se situe pas sur ce plan. J'ai échangé, entre autres, avec l'association qui soutient ces projets depuis le départ : son propos est de faire un travail de dentelle. Ne mélangeons donc pas, d'une part, la réponse massive du Gouvernement et, d'autre part, ce travail de dentelle engagé dans le cadre d'une expérimentation.
Je souhaiterais également le dire à Aurélien Taché : une expérimentation ne consiste pas à dire que tous ceux qui veulent, font. Cela s'appellerait alors une généralisation. Nous reviendrons sur le nombre de territoires concernés par cette expérimentation, sur sa durée. Si nous la prolongeons de cinq ans, elle aura duré huit ans, ce qui ne serait pas mal et même pas banal en matière d'expérimentations. Mais, encore une fois, il s'agit d'un travail de dentelle, auquel fait pendant la réponse massive du Gouvernement.
Cette réponse, c'est l'activité partielle, qui représentera 30 milliards d'euros en 2020. Grâce à ce dispositif, nous aurons accompagné 9 millions de salariés, 9 millions de Français qui n'auront pas été privés de leur emploi. Nous continuerons à les soutenir : l'activité partielle de longue durée, ce sont 7,6 milliards d'euros prévus dans le cadre du plan de relance pour sauver un maximum d'emplois, pour maintenir les gens dans l'emploi, pour permettre aux entreprises de garder les compétences dont nous aurons besoin au moment de la reprise.
Je voudrais également rappeler que nous nous préoccupons d'apporter une solution à chacun des 750 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail. C'est notamment l'objet du plan jeunes « 1 jeune, 1 solution ». Des centaines de milliers de jeunes ne sont ni en activité, ni en formation : des dispositifs s'adressent aux décrocheurs, à ceux qui sont éloignés de l'emploi. Nous prévoyons 300 000 contrats ou parcours d'insertion supplémentaires, dont 120 000 contrats aidés. Le plan jeunes, représentant 6,7 milliards d'euros, vise à apporter une réponse à chacun, et à ce que chacune de ces réponses soit accompagnée de ressources pour les jeunes qui s'engagent dans ce dispositif. Soit dit en passant, nous avons revalorisé la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle pour les jeunes, la portant d'environ 300 euros à 500 euros par mois.
Avec l'activité partielle, le plan jeunes constitue une autre réponse massive. Dans le cadre de ce plan, nous créons, à destination des jeunes, 35 000 nouvelles places dans des structures d'insertion par l'activité économique. Outre l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », n'oublions pas l'engagement des acteurs de l'insertion par l'activité économique, qui fait l'objet du titre Ier de la proposition de loi. Brigitte Klinkert et moi-même avons pour objectif d'augmenter de 100 000 le nombre de bénéficiaires de ce dispositif d'insertion.
Le plan de relance a une priorité : l'emploi, l'emploi et encore l'emploi. Nous veillerons donc à ce que tous les financements prévus par ce plan profitent bien à l'emploi. Les parlementaires ne peuvent, en raison des règles auxquelles ils sont astreints, déposer des amendements à cet effet, mais le Gouvernement est déterminé à insérer des clauses d'insertion, d'embauche d'apprentis, dans tous les marchés qui bénéficieront de ces financements.
Pour répondre, là encore, à Aurélien Taché, le plan de relance n'épuise pas l'ensemble des politiques du Gouvernement. Tout d'abord, des mesures ont été prises afin d'accompagner les personnes les plus fragilisées : les 100 euros de supplément pour l'allocation de rentrée scolaire, les tickets de restauration universitaire à 1 euro et, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, des dispositions portant sur l'exécution du plan pauvreté. Ces mesures, qui ne font pas partie du plan de relance, relèvent cependant de l'action du Gouvernement.
Quant aux enjeux liés à l'insertion, Brigitte Klinkert et moi-même sommes résolues à avancer sur le sujet du SPIE – le service public de l'insertion et de l'emploi – , en partant des territoires. Notre culture, que nous partageons l'une et l'autre avec les parlementaires qui se sont exprimés sur ce point, consiste bien à mobiliser tous les acteurs locaux, territoriaux, afin de mettre en oeuvre des politiques efficaces, qui répondent au mieux aux besoins de chacun. Voilà ce que je souhaitais mentionner avant d'aborder l'examen des amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Nous connaissons les effets de la crise sur l'emploi – l'emploi des jeunes, des personnes précaires, des seniors, des moins agiles, des invisibles. Il est impératif d'apporter des réponses concrètes aux 2 millions de personnes aujourd'hui privées d'emploi.
L'article 1er de cette proposition de loi constitue une traduction législative fondamentale du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique, remis en septembre dernier à la ministre du travail par M. Thibaut Guilluy, en présence du Président de la République. Ce pacte manifeste la volonté du Gouvernement de renforcer l'insertion par l'activité économique et d'en assurer un fonctionnement pérenne, facilité.
La suppression de l'agrément délivré par Pôle emploi répond à deux objectifs : faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi ; éviter des démarches administratives longues et superfétatoires. Néanmoins, supprimer cet agrément ne revient ni à mettre de côté les contrôles, qui doivent perdurer mais auront lieu a posteriori, ni à occulter la concertation entre les acteurs.
Cet article prévoit que l'éligibilité au dispositif soit appréciée par un prescripteur – Pôle emploi, mission locale, centre communal d'action sociale – ou directement par une structure d'insertion par l'activité économique – entreprise d'insertion, entreprise de travail temporaire d'insertion, association intermédiaire, atelier et chantier d'insertion. Il semble désormais essentiel de faire confiance aux territoires, aux structures d'insertion, et de fédérer tous les acteurs, réunis autour de la table, à égalité, dans un objectif commun.
Donner de la souplesse à ce dispositif permettra d'accroître les chances des demandeurs d'emploi de s'insérer dans la vie active, ainsi que d'engager de nouvelles dynamiques territoriales et de dessiner les contours d'une société plus inclusive. Je profite de cette occasion qui m'est donnée de saluer le travail constructif dont cette proposition de loi a fait l'objet de la part des acteurs de l'insertion par l'activité économique, des parlementaires et du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Comme l'évoquait Stéphane Viry, le groupe Les Républicains a toujours soutenu, y compris par ses votes, le développement de l'insertion par l'activité économique. La valeur travail y devient un moyen au service de l'estime de soi, de l'autonomie, d'une inclusion sociale retrouvée. Elle vient réparer des parcours de vie difficiles.
Au nom de mon groupe, je veux saluer les dirigeants, les bénévoles, les salariés permanents et salariés en insertion de ces structures, qui font un travail formidable. Je pense, dans ma circonscription, aux Ateliers de Maurienne, à Deltha Savoie, à Terre solidaire ou encore à Fibr'Ethik.
Notre rôle est effectivement de faciliter et de fluidifier, par l'intermédiaire de ce texte, l'accès à l'insertion par l'activité économique. L'article 1er va dans ce sens : c'est une bonne chose. La suppression de l'agrément de Pôle emploi était nécessaire. Il faut faire confiance aux structures d'insertion. Elles savent qui embaucher ; elles connaissent leur public, leur territoire ; elles n'ont pas besoin d'une tutelle qui complexifie inutilement les parcours d'insertion.
S'agissant des contrats spécifiques créés par cet article, on peut regretter une certaine ambivalence. Nous espérons qu'ils permettront à des personnes éloignées de l'emploi de retrouver un travail : leur effet est donc positif pour les publics ciblés. Mais, d'autre part, nous déplorons que le droit commun ne soit pas suffisant pour insérer ces publics, et qu'il faille encore créer de nouveaux contrats.
Enfin, je partage pleinement l'avis à peu près unanime de mes collègues au sujet du déplafonnement du nombre de « territoires zéro chômeur de longue durée ». En Coeur de Savoie, une initiative en ce sens, engagée il y a quatre ans, a déjà eu des résultats probants ; il faut la consolider. Si vous plafonnez, madame la ministre, j'aimerais savoir sur quels critères seront choisis les quarante nouveaux territoires concernés : je rejoins Jean-Paul Dufrègne au sujet de l'antériorité des démarches élaborées dans certains territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous en venons aux amendements à l'article.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 100 .
L'article 1er, qui supprime l'agrément de Pôle emploi, fait référence aux associations intermédiaires. Or celles-ci n'avaient pas besoin d'agrément pour la mise à disposition auprès de particuliers non professionnels, de personnes morales de droit privé à but non lucratif, ou encore, dans les autres cas de figure, en-dessous d'un certain seuil. Cette situation permet aujourd'hui aux associations intermédiaires de proposer des durées de parcours supérieures à vingt-quatre mois en cas de mise à disposition hors secteur marchand. La solution est appréciée par ces associations comme par les personnes qu'elles accompagnent.
La rédaction actuelle de la proposition de loi pourrait incidemment remettre en cause cette possibilité et soumettre pleinement les associations intermédiaires au système remplaçant l'agrément. Cet amendement vise par conséquent à conserver leur régime actuel, ce qui leur permettrait, lors des mises à disposition hors secteur marchand, de ne pas être soumises à de nouvelles obligations découlant du système qui remplacera l'agrément.
Nous avons longuement débattu de ce point en commission. Les associations craignaient en effet d'être tenues à des obligations qui n'existent pas actuellement, tout simplement parce qu'à l'époque de la création de l'agrément, le volume des demandes n'aurait pas permis à Pôle emploi de traiter tous les dossiers.
Aujourd'hui, l'idée est de soumettre tout le monde à une procédure unique. Après concertation avec les acteurs, et après de longs échanges en commission, nous avons choisi la sécurité. C'est pour cela que j'ai déposé un amendement, qui a été validé ; c'est pour cela que le Gouvernement va en déposer d'autres, visant à renforcer encore cette sécurité. L'objectif est une période transitoire d'accompagnement, en concertation avec les structures. Par conséquent, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Comme l'a dit Mme la rapporteure, nous ne perdons pas de vue la situation particulière des associations d'insertion, et nous vous proposons de retirer cet amendement au profit de l'amendement no 432 du Gouvernement, qui aménage le dispositif afin de tenir compte de ces particularités. À défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Bien sûr, je retire cet amendement au profit de celui du Gouvernement ; mais n'oublions pas que les associations s'interrogent, et que leurs interrogations sont légitimes.
L'amendement no 100 est retiré.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 136 .
Il tend à insérer, à l'alinéa 4, après le mot : « prescripteur », le mot : « public ». En effet, le nouvel article prévoit de dessaisir Pôle emploi au profit d'un prescripteur inscrit sur une liste qui sera fixée par un décret. Le groupe La France insoumise insiste sur le fait que l'éligibilité des personnes à un parcours d'insertion doit impérativement être déterminée par une entité émanant de l'État. Préciser que ce prescripteur doit être public aura pour effet d'éviter d'éventuels conflits d'intérêts entre plusieurs structures privées, même si nous faisons confiance à celles qui oeuvrent à l'insertion par l'activité économique.
Monsieur Ratenon, l'adoption de votre amendement nous priverait des associations de droit privé qui peuvent aujourd'hui aller chercher des personnes « invisibles », qui échappent aux radars. Je comprends votre crainte, et il n'est pas question que ce statut s'applique à des organismes privés. Nous ne voulons pas nous priver de la possibilité laissée au préfet d'habiliter par arrêté des structures sérieuses d'accompagnement dans ce domaine. Je demande donc, comme je l'ai déjà expliqué en commission, le retrait de cet amendement.
Même avis.
L'amendement no 136 est retiré.
Cet amendement, qui se situe dans la droite ligne des positions exprimées tout à l'heure par nos collègues, vise à stabiliser et, peut-être, à parfaire l'écriture du texte, compte tenu des évolutions du dispositif et de la suppression de l'agrément.
Cependant, madame la rapporteure, j'ai cru comprendre votre argumentation et, si cela peut faire avancer le débat, je serai disposé, le cas échéant, à retirer mon amendement.
Cet amendement, qui procède du même esprit que les précédents, tend à prendre en considération les parcours réalisés en structure d'insertion dans le cadre d'associations intermédiaires. Cependant, l'amendement no 432 du Gouvernement semble régler cette situation et j'attends donc les explications de la ministre, en espérant que nous trouverons une solution satisfaisante sur ce point.
Il vise également à ce que soient prises par décret les dispositions dérogatoires spécifiques aux associations intermédiaires, afin de préserver la possibilité qui leur est offerte de proposer des parcours d'insertion plus longs, compte tenu des freins à l'emploi que rencontrent les personnes accompagnées.
Cette proposition émane, bien sûr, d'associations animant des structures d'insertion, mais elle est également nourrie de l'expérience que j'ai acquise sur le terrain. En effet, je mène actuellement une enquête sur les personnes en chômage de longue durée qui retrouvent un emploi, qui n'en retrouvent pas ou qui sont accompagnés par des entreprises d'insertion. Au cours des longs entretiens que j'ai eus avec ces personnes, j'ai constaté que, souvent, si elles ne retrouvaient pas d'emploi, ce n'était pas faute d'en avoir eu la possibilité – elles en cherchaient un sans le trouver – , mais parce que, surtout en cas de chômage de très longue durée, elles s'étaient éloignées de l'emploi.
Une période de deux ans d'accompagnement n'est donc pas toujours suffisante. En effet, il faut parfois un an pour commencer un tel parcours. Laisser à nouveau ces personnes livrées à elles-mêmes au bout de deux ans, lorsqu'elles se sont engagées dans la démarche de l'emploi, les ramène souvent chez elles et leur fait recommencer un parcours d'éloignement de l'emploi. Pour certains, la période de deux ans est suffisante et elles peuvent alors voler de leurs propres ailes mais, pour d'autres, ce n'est pas le cas.
Je demande leur retrait au profit de l'amendement no 432 du Gouvernement, qui répond aux attentes qu'ils expriment. En commission, nous avons ouvert le débat : les acteurs s'inquiétant de ne pouvoir prolonger l'accompagnement au-delà de vingt-quatre mois, nous nous sommes engagés à travailler sur cette question. C'est chose faite et je laisse à Mme la ministre le soin de détailler l'amendement du Gouvernement – qui, du reste, répond également à d'autres attentes relatives à la période de transition et à la sécurisation nécessaires.
Sourires.
Même avis.
L'amendement no 175 est retiré.
Je prendrai le temps d'expliquer la démarche du Gouvernement, ce qui permettra peut-être de raccourcir les interventions ultérieures.
L'un des enjeux du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique est la simplification et la fluidité des parcours. C'est dans cette logique que l'agrément des publics, qui permet de déclarer l'éligibilité d'une personne à un parcours d'insertion par l'activité économique, sera remplacé par le Pass IAE, délivré par la plateforme de l'inclusion. Il s'agit d'une procédure simplifiée et dématérialisée, qui sera définie – ou, du moins, précisée – par décret et s'appliquera à toutes les structures d'insertion par l'activité économique, y compris aux associations intermédiaires, dont certains salariés ne sont aujourd'hui pas soumis à l'agrément. Si le Gouvernement propose de faire entrer les associations intermédiaires dans le champ de la réforme de l'agrément, ce n'est clairement pas pour les priver de la souplesse dont elles bénéficient aujourd'hui ni pour leur ajouter une charge administrative : c'est tout l'inverse, et je tiens à prendre quelques instants pour l'expliquer, car il s'agit là de l'esprit même de la réforme de l'agrément.
D'abord, ce qui fonde le coeur de cette réforme est l'intérêt de nos concitoyens les plus vulnérables. Il s'agit de garantir, d'une part, que le dispositif d'insertion par l'activité économique, pour lequel l'État s'engage à hauteur de 1 milliard d'euros chaque année, s'adresse aux personnes les plus éloignées de l'emploi et, d'autre part, que le parcours d'insertion pour ces salariés est bien un tremplin temporaire vers l'emploi – c'est bien là le sens de l'insertion par l'activité économique.
Ensuite, la réforme portée par le Gouvernement vise à la simplification et à la fluidification du recrutement des salariés en insertion par le déploiement de la plateforme de l'inclusion. À cet égard, il n'est pas exact de dire que les associations intermédiaires n'ont aujourd'hui aucune démarche à effectuer. En outre, les faire entrer dans le champ de la réforme permet, de façon générale, une plus grande cohérence du dispositif en réaffirmant le rôle de tremplin vers l'emploi que joue l'insertion par l'activité économique au service des personnes vulnérables.
Nous souhaitons cependant être pragmatiques, et Brigitte Klinkert et moi-même avons bien conscience que les associations intermédiaires ont besoin d'un peu de temps pour entrer dans le champ de la réforme. C'est pourquoi nous proposons pour ces associations une date d'entrée en vigueur différée, qui sera définie par un décret publié au plus tard un an après la publication de la présente loi.
De plus, en vue de sécuriser le parcours des salariés en association intermédiaire, le Gouvernement propose d'ouvrir à ces associations, à titre dérogatoire, la possibilité de prolonger au-delà de vingt-quatre mois le parcours des salariés si les difficultés rencontrées par ces derniers le justifient. Cette disposition permettra donc aux associations intermédiaires de continuer à offrir un parcours plus long lorsque ce sera nécessaire. Elles pourront en outre proposer des CDD d'insertion, plus sécurisants que les CDD d'usage. Cela permettra notamment de répondre aux difficultés sociales rencontrées dans certaines zones rurales, où il peut arriver qu'une association intermédiaire soit l'un des seuls employeurs du territoire. C'est donc le rôle majeur des associations intermédiaires qui est ainsi reconnu.
Cet amendement du Gouvernement répond bien, en effet, à l'un des objectifs que nous nous assignons : permettre des prolongations de parcours.
En revanche, la lecture de l'exposé sommaire soulève quelques difficultés. Il y est en effet question de CDDI, ou contrats à durée déterminée d'insertion, pour les associations intermédiaires. Or, si ce mécanisme est possible, il n'est certainement pas le modèle courant pour les associations intermédiaires, qui privilégient le CDDU, ou contrat à durée déterminée d'usage. Peut-être cette question sera-t-elle abordée lors de l'examen de l'article 2.
Un véritable intérêt se manifeste de la part des associations intermédiaires pour la conclusion de contrats à durée indéterminée d'insertion pour les seniors, mais cela nécessitera un accompagnement particulier car, par principe, une association intermédiaire ne peut s'engager auprès des salariés sur un nombre d'heures fixe.
Je suis donc tout à fait d'accord avec ce dispositif, mais les éléments qui figurent dans l'exposé sommaire appelleront, à un moment ou à un autre, des clarifications.
Je tiens à souligner l'effort accompli par le Gouvernement à la suite du travail que nous avons mené en commission. Comme vous le constatez probablement sur vos territoires, les associations intermédiaires ont, historiquement, souvent été les tout premiers acteurs à proposer de l'insertion. En outre, et comme cela a été souligné en commission, le public le plus largement employé par ces associations est souvent composé de femmes précarisées. Tout ce qui permettra de fluidifier ou de simplifier le travail de ces associations intermédiaires et de sécuriser le parcours de ces femmes est bienvenu. Nous sommes donc évidemment très favorables à cet amendement.
Ayant retiré mes amendements précédents sur ce sujet, je tiens à souligner, madame la ministre, l'importance de l'amendement que vous proposez, qui se fonde sur la suppression de l'agrément à laquelle tend l'article 1er. J'y suis, pour ma part, plutôt favorable car, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, il faut faire confiance à toutes les structures de l'insertion, qui connaissent leur public et leur support de travail, et à qui il faut permettre de vivre en connexion totale avec le territoire.
La vigilance ne s'en impose pas moins car, au-delà du recrutement, il faut également compter avec le financement public des postes.
Je m'associe par ailleurs à ce qui a été dit à propos des associations intermédiaires, qui ont une finalité et une fonction quelque peu différentes de celles des autres structures de l'insertion par l'activité économique et sont probablement plus touchées par ce que vous proposez. La philosophie de cet amendement va cependant dans le sens de l'évolution de l'IAE et nous le soutiendrons donc.
Comme mes collègues, après avoir retiré mon amendement, je soutiens celui du Gouvernement, qui permet de rendre hommage, comme vient de le faire M. Baichère, aux associations d'insertion pour leur travail extraordinaire, et qui exprime pleinement le sens de ceux que nous avons défendus.
L'amendement no 432 est adopté.
Il concerne la possibilité d'accorder une prolongation du CDDI conclu en entreprise d'insertion – EI – et en association intermédiaire – AI – de salariés âgés de plus de 50 ans ou de travailleurs handicapés. Le texte précise que cette faculté est dévolue au prescripteur, ou, en cas de recrutement direct, à une SIAE. Or la structure qui décide de l'éligibilité pourrait être différente de celle qui conclut le contrat. C'est pourquoi la précision « en cas de recrutement direct » pourrait être interprétée comme imposant que la prolongation du CDDI soit nécessairement décidée par la SIAE ayant eu le projet d'embauche et non par la SIAE employeuse de la personne au moment de la demande de prolongation.
De plus, le « recrutement direct » n'est pas une notion juridique. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cette précision.
Comme cela vient d'être souligné, la précision « en cas de recrutement direct » pourrait être interprétée comme imposant que la prolongation du CDDI soit nécessairement décidée par la SIAE ayant eu le projet d'embauche et non par la SIAE employeuse de la personne au moment de la demande de prolongation. C'est pourquoi il convient de la supprimer.
Je rejoins mes deux précédents collègues, d'autant qu'il faut simplifier la tâche de ceux qui connaissent le mieux les personnes accompagnées : c'est à eux qu'il doit incomber de faire les démarches, et non aux premiers employeurs. C'est la raison pour laquelle, dans un souci, je le répète, de simplification, ainsi que de proximité, il convient, afin de favoriser une meilleure connaissance du public concerné, de supprimer cette précision.
Les amendements nos 179 et 180 de M. Stéphane Viry sont défendus.
Sur l'article 1er, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Cette question a déjà été soulevée en commission : or je ne comprends toujours pas pourquoi vous avez déposé ces amendements, d'autant que cette question n'a pas été soulevée au cours des auditions.
C'est simple : nous avons élargi le dispositif, notamment le champ des prescripteurs, qui ne se réduit plus à Pôle emploi. La possibilité d'accorder une prolongation du CDDI est dévolue au prescripteur ou, en cas de recrutement direct, à la SIAE qui emploie la personne. Pourquoi la personne qui emploie un salarié n'aurait-elle pas le droit de renouveler directement le CDDI de celui-ci ? Vous l'avez dit vous-même, madame Essayan, c'est elle qui le connaît le mieux.
En revanche, si l'entreprise ne veut pas renouveler le contrat de son salarié, alors, c'est le prescripteur qui entre de nouveau en jeu.
Certes, il est toujours possible qu'un point m'échappe – aussi ferons-nous preuve d'attention dans le cadre de la nouvelle lecture ; pour l'heure, cette précision ne pose à mes yeux aucun problème, dans la mesure où c'est l'un ou l'autre. C'est pourquoi je vous demande de retirer ces amendements.
Je partage les interrogations de Mme la rapporteure : aujourd'hui, un parcours d'insertion au-delà de vingt-quatre mois peut être prolongé uniquement par Pôle emploi. Demain, grâce à cette précision inscrite dans le texte, le diagnostic pourra être établi soit par les prescripteurs habilités, dont Pôle emploi, soit par les structures d'insertion par l'activité économique, qui ont accompagné le salarié depuis son entrée dans le parcours. Il s'agit d'une bonne mesure. C'est pourquoi je demande moi aussi le retrait de ces amendements.
L'amendement no 438 est retiré.
L'amendement no 426 , accepté par la commission, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 57
Contre 0
L'article 1er, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il est urgent de résoudre le problème du chômage des seniors, qui est complexe. Force est de constater que l'âge de départ à la retraite ne fait qu'augmenter : c'est la conséquence logique de l'évolution démographique.
Le CDI senior a pour objet d'améliorer l'insertion dans l'emploi des seniors : le travail mené lors des auditions a fait naître une volonté de l'ensemble des membres de la commission de diminuer l'âge d'éligibilité à ce contrat.
Madame la rapporteure, vous avez formulé une demande de retrait de nos amendements ou émis, sur ceux-ci, un avis défavorable, en soulignant que le code du travail fait référence à l'âge de 57 ans et qu'en conséquence vous écartiez cette possibilité.
Regrettant cette prise de position, nous appelons à une plus grande souplesse afin d'offrir un emploi à ceux qui font l'objet d'une discrimination du fait de leur âge.
Nous avons noté que le Gouvernement, par le biais d'un amendement déposé après l'article 9, prévoit une nouvelle expérimentation pour une durée de trois ans, durant laquelle les entreprises de portage salarial pourront conclure des contrats de professionnalisation, notamment avec des seniors. Pourquoi créer de nouveaux dispositifs lorsqu'il en existe déjà ? Je regrette que vous ne privilégiiez pas les outils dont nous disposons. En créer de nouveaux me paraît contre-productif.
Que ce soit le plan d'investissement dans les compétences, le développement de l'apprentissage ou le soutien inédit à l'insertion par l'activité économique, nous ne ménageons pas nos efforts pour déployer une politique de l'emploi volontariste et ambitieuse.
L'article 2 concerne l'emploi des seniors : nous ne connaissons que trop les difficultés auxquelles ces derniers sont confrontés lorsqu'ils sont au chômage pour retrouver un emploi. Victimes de stéréotypes ou de réelles difficultés sociales ou professionnelles, les seniors rencontrent des difficultés à retrouver un emploi après avoir suivi un parcours d'insertion. Toutefois, nous n'avons pas tout essayé contre le chômage des seniors et nous refusons la fatalité.
Cet article vise à lutter contre la précarité des seniors éloignés de l'emploi en leur apportant une réponse concrète. Toute personne de plus de 57 ans se trouvant sans perspective d'emploi à l'issue de son parcours d'insertion pourra être recrutée en CDI inclusion au sein d'une structure de l'IAE. Il s'agit d'une innovation majeure dont nous pouvons tous nous réjouir car elle permet de sécuriser la fin de la vie professionnelle des seniors éloignés de l'emploi de droit commun, en leur permettant d'accéder à un CDI. Grâce à cette mesure, leur parcours leur sera rendu visible jusqu'à la retraite.
Par ailleurs, la dérogation permettant aux personnes entre 50 et 57 ans de renouveler leur CDD d'insertion est maintenue.
Ces mesures, prises ensemble, offrent un cadre protecteur aux seniors qui ont suivi un parcours d'insertion.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cet article vise les seniors de plus de 57 ans, public aussi important que sensible qui, lorsqu'il décroche, se dirige directement, hélas, vers l'exclusion.
Comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, la réponse apportée à ce sujet par cet article aurait pu être plus ambitieuse. J'ai cherché à formuler, par voie d'amendements, d'autres propositions, reprises du Conseil de l'inclusion dans l'emploi : ils ont été, hélas, déclarés irrecevables au titre de l'article 40.
Je l'ai annoncé : nous vous accompagnerons. Toutefois, et même si le texte que vous nous proposez fait manifestement consensus, j'aurais aimé que vous fassiez preuve d'audace. Tel sera l'objet de mes amendements qui ont été déclarés recevables et que je m'efforcerai de vous faire approuver.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Comme l'ont déclaré plusieurs collègues, les dispositions qui nous sont soumises, visant à résoudre le problème du chômage de longue durée des seniors, pourraient, devraient, même, être étendues. J'avais moi aussi déposé un amendement à ce sujet, qui a été également déclaré irrecevable.
Les dernières études sur l'emploi des seniors sont pourtant inquiétantes. En 2018, 60,2 % des plus de 55 ans étaient au chômage depuis plus d'un an, contre 41,8 % pour l'ensemble des chômeurs de 15 à 64 ans. Par ailleurs, toujours en 2018, le taux de chômage des actifs de plus de 55 ans s'élevait à 6,5 %, ce qui représente une augmentation de 0,5 %, alors que ce taux a baissé pour les autres catégories d'actifs.
Ce problème n'est malheureusement pas nouveau, comme l'a confirmé votre service des statistiques, madame la ministre : il a révélé que le nombre des chômeurs chez les seniors a explosé au cours de la décennie 2008-2018, augmentant de 179 % pour les 55 ans et plus, contre 21 % pour les 15-64 ans. La différence est énorme.
Ce n'est pas tout : cette difficulté est aggravée par une véritable précarisation de l'emploi des seniors. Selon une étude du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, près de 25,5 % des plus de 55 ans occupaient un emploi à temps partiel en 2019, contre 18,5 % pour les autres actifs.
Alors que la crise sanitaire s'est doublée d'une crise économique, il convient de soutenir toutes les bonnes idées. Il faudra bien faire face à la vague attendue de 800 000 chômeurs. Or il ne fait aucun doute que, là encore, les seniors ne seront pas épargnés. C'est pourquoi, compte tenu de toutes ces données révélées par votre ministère, je préconise d'étendre l'expérimentation prévue aux seniors de 55 ans et plus, au lieu de la limiter aux plus de 57 ans.
Après avoir débattu, en commission, de l'abaissement du seuil de 57 à 55 ans, nous sommes convenus que le seuil de 57 ans était justifié puisqu'il était possible, jusqu'à cet âge, de renouveler les CDDI prévus pour les seniors.
Toutefois, madame la ministre, vous avez déclaré que cette faculté pourrait être transitoire : le CDI inclusion pourrait devenir la règle dans quelque temps. Le CDD d'insertion sera-t-il conservé, juxtaposé, autant que de besoin, avec le CDI inclusion ? Ou, d'ici peu, serons-nous conduits vers un unique CDI inclusion en avançant l'âge auquel le senior pourra en bénéficier ? Pourriez-vous clarifier ce point ?
Je tiens également à évoquer les associations intermédiaires : comme je l'ai déjà souligné, certaines rencontrent des difficultés à conclure des contrats à durée déterminée d'insertion, du fait de leur particularité, alors qu'elles seraient intéressées à proposer des CDI insertion aux personnes qu'elles emploient depuis longtemps dans leurs structures. Or elles sont bloquées par le nombre d'heures total qu'elles peuvent proposer : même si celui-ci était lissé sur les six derniers mois, les associations intermédiaires prendraient des risques en proposant un CDI seniors. Il appartient au Gouvernement de travailler à résoudre ce problème.
Nous en venons aux amendements à l'article.
La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, pour soutenir l'amendement no 433 .
Il vient clarifier les dispositifs qui concernent les seniors âgés de 50 ans à plus de 57 ans.
Le pacte d'ambition tendait à créer un CDI senior à compter de 55 ans, tout en supprimant la possibilité de prévoir des dérogations en matière de renouvellement. Le texte, lui, fixe à 57 ans l'âge pour bénéficier d'un CDI senior et permet, aux personnes âgées de 50 à 57 ans, de continuer de bénéficier tous les deux ans d'un renouvellement de leur CDD d'insertion, si elles n'ont pas la capacité de rejoindre une entreprise classique.
Il n'est pas possible, en effet, de priver des personnes de 53 ans, voire de 55 ans, qui auront été accompagnées, de l'espoir d'intégrer une entreprise classique. Abaisser cet âge, c'est leur fermer la porte quant à une telle possibilité. De plus, leur sort n'est pas fixé, puisque les CDD d'insertion peuvent être renouvelés jusqu'à 57 ans.
Par ailleurs, madame Six, je n'ai pas parlé du code du travail, car cela aurait été une erreur : j'ai simplement souligné que nous avions choisi l'âge de 57 ans, car d'autres dispositifs le retenaient déjà – je pense notamment au CDD senior et à la disparition de la dégressivité des allocations chômage. Cet âge est un repère. Si vous voulez plus de détails, je vous renvoie à la page 21 de mon rapport.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.
Votre amendement permet d'articuler deux solutions. La première est le CDI inclusion, qui est destiné aux salariés âgés de plus de 57 ans et qui représente un vrai progrès social, puisqu'il ne comporte aucune limite de durée jusqu'à la fin de carrière ; la seconde est la dérogation, déjà en vigueur, accordée aux salariés de plus de 50 ans pour prolonger un parcours d'insertion au-delà de vingt-quatre mois.
Nous sommes favorables à votre amendement, madame la rapporteure.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 433 est adopté.
Cet amendement de mon collègue Pierre Cordier vise à insérer, après l'alinéa 3 de l'article, l'alinéa suivant : « Les salariés âgés de moins de vingt-six ans sont également éligibles aux mêmes conditions prévues à l'alinéa précédent. Cependant, l'employeur n'est pas éligible à l'aide financière prévue pour les salariés mentionnés à l'alinéa précédent, mais il peut bénéficier de toute cotisation ou contribution sociale d'origine légale ou conventionnelle à raison des rémunérations reversées auxdits salariés de moins de vingt-six ans. »
Il propose également de compléter l'article par l'alinéa suivant : « La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Au même titre que les salariés seniors, les jeunes de moins de 26 ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles sont lourdement touchés par le chômage : il convient donc de les protéger, eux aussi, de ce fléau économique, social et culturel.
Lors de sa présentation en commission, l'amendement a suscité un débat. Madame la rapporteure, vous aviez fait part de votre surprise à voir le CDI inclusion proposé aux jeunes de moins de 26 ans. Nous avons redéposé l'amendement en séance publique, car des mesures particulières de protection des jeunes sont nécessaires pendant cette crise. Il faut les protéger sur les plans social et financier, et le groupe auquel j'appartiens, Écologie démocratie solidarité, a proposé d'ouvrir le RSA aux personnes de moins de 25 ans.
En outre, certains jeunes, très désocialisés, ont suivi des parcours d'insertion en chantier ou en entreprise d'insertion, mais ne trouvent pas d'emploi, car ils sont à la rue ou vivent dans une grande précarité et cumulent les difficultés : pour ceux-là, il faut des dispositifs spécifiques, car il n'existe pas de filet de sécurité financier.
Nous proposons donc d'ouvrir le CDI inclusion aux moins de 26 ans, afin d'éviter aux jeunes les plus désocialisés et les plus éloignés de l'emploi des ruptures de parcours et de sécuriser leur insertion pendant plusieurs années quand cela est nécessaire.
Nous sommes tous sensibilisés au problème de l'embauche des jeunes, surtout après la crise sanitaire. Le Gouvernement a prouvé, en prenant des mesures phares sur l'apprentissage et l'emploi des jeunes, sa sensibilité au sujet.
Messieurs Taché et Cinieri – c'est M. Cordier qui avait défendu l'amendement en commission – , je suis toujours aussi surprise par votre proposition, qui enferme les jeunes : comment peut-on proposer un CDI inclusion pour les jeunes ? Ce serait les enfermer, à moins de 26 ans, dans l'inespoir de retrouver un travail ! J'ai essayé de comprendre votre démarche, mais je n'y suis pas parvenue.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai travaillé le sujet : un dispositif a été mis en place, à la suite de la crise sanitaire, pour répondre à la situation de ceux pour lesquels vous vous inquiétez. La loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne prévoit la possibilité de conclure et de renouveler les contrats d'insertion pour une durée totale de trente-six mois au lieu de vingt-quatre. Oui, nous avons tenu compte de la crise !
De grâce, monsieur Taché, monsieur Cinieri : n'enfermons pas les jeunes dans un CDI inclusion !
Vous avez tout à fait raison, les jeunes sont menacés par la crise économique, mais le Gouvernement a présenté, dès le 23 juillet dernier, un plan « 1 jeune, 1 solution », doté d'une enveloppe de 6,5 milliards d'euros. Le plan comprend un éventail de mesures destinées à donner une solution à chaque jeune, y compris dans le domaine de l'insertion par l'activité économique. Il concernera 35 000 jeunes en 2021.
Pour autant, l'insertion par l'activité économique doit absolument rester, pour les jeunes, un sas et un tremplin vers l'emploi durable. L'amendement propose le contraire et enferme la jeunesse dans l'insertion. Le Gouvernement est persuadé que nous devons offrir un avenir et des solutions aux jeunes pour leur permettre de rebondir et de retrouver le chemin de l'emploi. Maintenir longtemps la jeunesse dans un parcours d'insertion ne lui offre aucune perspective et ne fait pas partie de nos ambitions pour elle. Nous sommes donc défavorables à l'amendement.
Je soutiens l'amendement, car certains jeunes ont besoin d'être accompagnés beaucoup plus longtemps que d'autres. Il ne s'agit pas de les maintenir dans l'insertion, mais de les accompagner pendant une longue période, parce qu'ils en ont besoin pour accéder aux emplois ordinaires.
Il ne s'agit effectivement pas d'enfermer les jeunes dans quoi que ce soit, mais quand les périodes classiques d'insertion ne leur ont pas suffi pour trouver un emploi, il faut proposer autre chose qu'un simple retour à la norme. Le Gouvernement a proposé un plan et des solutions spécifiques, j'entends bien, mais l'ouverture du CDI inclusion aux moins de 26 ans ne ferait courir aucun risque aux jeunes les plus éloignés des différentes voies d'insertion. Or ces personnes sont nombreuses et le seront, hélas, encore plus à cause de la crise.
Ce n'est pas insulter les jeunes que de considérer que certains d'entre eux ont tellement souffert qu'il leur sera très difficile de retrouver un emploi stable. L'amendement contient une mesure d'accompagnement renforcé, non l'enfermement des jeunes dans l'insertion. Moi aussi, madame la rapporteure, je souhaite que les jeunes accèdent à un emploi stable et de droit commun.
Monsieur Taché, il existe des acteurs dont la mission est d'aider à l'insertion des jeunes : les missions locales, qui n'ont jamais sollicité la mesure que vous défendez, car des dispositifs y répondent déjà.
Arrêtons de vouloir créer de nouveaux dispositifs ! Les missions locales effectuent déjà un accompagnement renforcé, d'une durée plus ou moins longue selon les freins périphériques à lever et la nature des besoins d'accompagnement et de sécurisation des parcours. Écoutons les réseaux chargés de l'insertion des jeunes avant d'avancer de nouvelles propositions !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Brahim Hammouche applaudit également.
Cela pourra paraître bizarre, mais je soutiendrai l'amendement. Je viens d'un territoire dans lequel 65 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage. Dans cette population, vous imaginez bien que l'on retrouve malheureusement tous les profils possibles et imaginables. Oui, certains mériteraient de sortir de la logique d'insertion pour occuper un emploi stable, mais d'autres, beaucoup plus nombreux que vous ne l'imaginez, ont besoin d'un accompagnement et d'une insertion approfondis. Il serait dommage de refuser la mesure ici proposée, car elle leur offrirait une opportunité d'insertion.
Vous vous contredisez, car l'article 3 étend le bénéfice du CDI insertion aux jeunes âgés de moins de 30 ans. Ce qui est valable pour les personnes de moins de 30 ans l'est pour celles de moins de 25 ans ! Si l'on suit votre logique, l'article 3 enfermerait les moins de 30 ans dans l'insertion ! Il y a là une contradiction qui mérite d'être levée.
MM. Boris Vallaud et Aurélien Taché applaudissent.
Il s'inscrit dans la continuité du précédent. Madame la ministre déléguée, le problème n'est pas d'enfermer les jeunes dans un CDI ! Je viens d'un territoire, la vallée de l'Ondaine, dans lequel le revenu moyen par habitant se situe entre 700 et 800 euros par mois, sans compter les allocations familiales et les aides personnalisées au logement. Beaucoup de jeunes se trouvent sans emploi, et il est important de leur proposer un CDI dans le cadre d'un projet de développement économique et social.
L'avis est défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Monsieur Nilor, le CDI renforcé visé à l'article 3, que nous allons d'ailleurs supprimer, n'a pas du tout le même objectif, puisqu'il vise à offrir à un jeune un tutorat de deux ou quatre mois dans une entreprise classique, alors que vous proposez qu'un jeune bénéficie d'un CDI dans une entreprise d'insertion. Ce n'est pas du tout la même chose !
Je comprends les problèmes des territoires d'outre-mer : en témoignent les mesures du titre II qui visent à prendre en compte leurs spécificités. Des dispositifs permettant aux jeunes de s'insérer existent déjà.
Faut-il aller jusqu'à un CDI d'inclusion ? Personnellement j'y reste défavorable, tout comme la commission.
Je ne sais pas si la solution du CDI d'inclusion pour les jeunes est la bonne, mais je voudrais, après Mme Cloarec-Le Nabour, souligner le rôle essentiel des missions locales et des dispositifs tels que le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie – PACEA – et garantie jeunes, destinés spécifiquement aux jeunes. Néanmoins, ces instruments sont limités car on ne peut en bénéficier plus de deux ans : peut-être faudrait-il réfléchir à l'allongement de leur durée, notamment dans la période actuelle de crise dans laquelle des jeunes vont connaître de grandes difficultés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 85 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 311 .
Il s'agit d'un amendement d'appel. L'apparition de CDI senior au sein des structures d'insertion inquiète ces dernières, qui craignent une embolie du système. Elles y sont évidemment favorables – la mesure était attendue – , mais elles se posent la question du nombre de personnes qu'elles pourraient accueillir dans ce cadre, et de l'éventualité d'une régulation. Elles souhaitent que les CDI ainsi conclus n'aient pas de conséquences négatives sur le conventionnement général des postes.
Nous avons beaucoup débattu de cet amendement, dont je comprends l'intention. Mme la ministre déléguée s'exprimera à son sujet ; quant à moi, puisque la dégressivité intervient au bout de vingt-quatre mois, je n'imagine pas un employeur persister à un renouvellement ou conclure un CDI senior seulement par effet d'aubaine.
Je comprends votre inquiétude, mais j'ai tendance à faire confiance aux acteurs, qu'il s'agisse des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE – , ou des SIAE, avec lesquelles elles travaillent : elles sont tout à fait capables de régler les problèmes de cet ordre. Je préférerais donc que vous retiriez votre amendement, mais si tel n'était pas le cas, l'avis serait défavorable.
Je partage votre volonté de favoriser la mixité intergénérationnelle au sein des SIAE. Néanmoins, ce sujet relève du dialogue social, mené entre les services des DIRECTTE et chacune des structures d'insertion par l'activité économique, ainsi que du conventionnement qui en découle. Elle n'est donc pas du domaine de la loi. Élisabeth Borne et moi insisterons auprès des services déconcentrés de l'État sur la nécessité d'être vigilants sur ce point. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
L'amendement no 311 est retiré.
L'article 2, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra