J'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Vous le savez, ce texte constitue la matérialisation de l'un des engagements du Président de la République pour raviver le débat démocratique, en permettant au CESE de mieux « incarner le mouvement vivant de la société française ». La réforme du Conseil, chargé de représenter les forces économiques et sociales du pays, est nécessaire pour que cette institution s'inscrive pleinement dans le temps présent.
En effet, malgré les réformes successives qui ont élargi ses compétences, le CESE n'a jamais véritablement trouvé la place qu'il méritait dans notre paysage institutionnel. C'est cela qu'il nous revient de corriger aujourd'hui, avec un triple objectif : permettre à nos concitoyens d'être mieux associés aux travaux du Conseil ; en faire un puissant outil de promotion de la démocratie participative ; renforcer enfin son rôle d'assemblée consultative.
Pour renforcer la légitimité du CESE, il faut réformer sa représentativité et, pour cela, le Conseil doit s'ouvrir.
Il doit en premier lieu s'ouvrir à la société civile, afin de donner une véritable dimension participative à ses fonctions. Nous le savons tous, et cela nous a été rappelé à plusieurs reprises, en particulier lors de la crise des gilets jaunes : les Français aspirent à être mieux associés, à participer plus directement aux décisions publiques. Il nous faut répondre à cette attente et c'est en ce sens que ce texte a été préparé. L'ambition de ce projet de loi organique est de renforcer le CESE dans son rôle d'assemblée consultative afin de lui donner un nouveau souffle et une meilleure visibilité.
Le CESE doit s'ouvrir en élargissant les possibilités de recours au droit de pétition. Permise depuis dix ans mais jamais mise en oeuvre, la saisine du CESE par pétition, par les Français, directement, doit être réformée. C'est pourquoi la commission des lois a adopté deux modifications que M. le rapporteur Balanant et moi-même vous avions proposées concernant le droit de pétition auprès du CESE : d'abord, l'abaissement du seuil de recevabilité des pétitions de 500 000 à 150 000 signatures, pour qu'enfin cet outil de démocratie participative fonctionne et puisse être réellement mis en oeuvre ; ensuite et surtout, l'ouverture de ce droit aux jeunes dès 16 ans – une mesure à laquelle le Gouvernement et moi-même tenons particulièrement.
À 16 ans, vous pouvez déjà vous rendre sur change. org et pétitionner, auprès de millions de personnes, sur les sujets de votre choix. À 16 ans, un site comme make. org vous permet déjà de donner votre avis face à une très large audience sur n'importe quel débat de société. À 16 ans encore, sur Instagram, sur Facebook, sur Twitter, pour ne citer que ces outils, vous pouvez lancer des controverses et fédérer une communauté derrière vos idées. Et malgré cela, à 16 ans, l'institution républicaine du débat citoyen, le CESE, devrait persister à vous fermer ses portes ? Ce serait une absurdité. Nous sommes très fiers de cet ajout au texte initial ; ce progrès n'est pas une concession faite à la jeunesse mais un accélérateur de citoyenneté et une reconnaissance de ce qu'elle est capable d'apporter à notre société : sa soif de débat.
Le CESE, riche de l'expérience de la convention citoyenne pour le climat, doit aussi s'ouvrir en consacrant l'organisation de consultations publiques, y compris en recourant au tirage au sort. La démocratie participative n'a pas vocation à se substituer à la démocratie représentative. La légitimité issue du suffrage universel est indiscutable ; elle confère aux élus un mandat, celui de décider souverainement. Mais je suis convaincu que la démocratie participative peut enrichir la démocratie représentative, de manière à renforcer la confiance des citoyens dans le système démocratique – et donc dans la démocratie représentative également.
Le tirage au sort, comme tout processus de participation du public, doit évidemment être entouré de garanties, notamment pour assurer sa transparence et la représentativité des citoyens. Les améliorations apportées sur ce point par la commission des lois sont de nature à rassurer ceux qui s'interrogent sur la légitimité d'une telle démarche.
Le CESE doit s'ouvrir par la réforme de sa composition, qui doit refléter fidèlement la diversité de la société française. C'est pourquoi nous renforçons, d'une part, l'importance des membres désignés en vertu de leur représentativité, qu'ils soient salariés, entrepreneurs, acteurs sociaux et associatifs ou engagés pour la protection de la nature et de l'environnement ; d'autre part, nous permettons au Conseil de s'adjoindre, pour ses travaux, le concours de citoyens tirés au sort ou de membres d'instances consultatives territoriales.
Dans le même objectif, la souplesse caractérise désormais la composition de chacune des quatre grandes catégories de membres du CESE. Pour pouvoir régulièrement s'adapter aux évolutions de notre société, le détail de cette composition ne sera plus figé dans la loi organique ; il évoluera à chaque renouvellement, après la consultation d'un comité indépendant, suivant la proposition du rapporteur.
J'ai noté que l'article 7, relatif à la composition des catégories de représentants, avait fait l'objet de nombreux amendements. Si cela témoigne de l'importance que vous attachez au CESE – un signe très encourageant pour son avenir – , le Gouvernement veillera à préserver les équilibres qui ont présidé aux choix présentés dans le projet de loi organique.
Je salue l'attention que votre commission a portée à la représentation des outre-mer. Il est bien sûr indispensable que le CESE assure une représentation équilibrée, en particulier des territoires ultramarins ; j'y suis particulièrement sensible et j'approuve pleinement la consécration de cette règle dans la loi organique.
Plus ouvert à la société civile, le Conseil doit aussi s'ouvrir davantage aux territoires. Des expériences locales, même les plus ingénieuses, restent bien souvent cantonnées à ce niveau, alors qu'elles mériteraient d'être mieux connues, partagées et parfois généralisées. C'est pourquoi nous souhaitons renforcer les liens du CESE avec les assemblées consultatives locales, pour qu'il s'enrichisse de leurs avis et échange avec elles. Là encore, je veux rassurer ceux qui s'inquiètent : il ne s'agit pas de donner au CESE un pouvoir hiérarchique sur ces assemblées. Elles ont été créées auprès des collectivités territoriales, qu'elles ont vocation à éclairer par leurs avis. Mais il s'agit de donner à cette richesse consultative de nos territoires une dimension qui lui manque : le dialogue, l'échange et la visibilité.
Le CESE doit offrir davantage de visibilité à ses travaux et renforcer son rôle d'assemblée consultative. Le grand débat national nous l'a appris : nos concitoyens – et peut-être pas uniquement eux – connaissent peu le CESE et, lorsqu'ils le connaissent, ils considèrent que ses avis ne sont pas suffisamment pris en compte. Cela s'explique aisément : le CESE n'est que peu consulté, et il l'est quasi exclusivement par la voie de ses auto-saisines. Aussi le présent projet de loi prévoit-il dans un nouvel article 6-1 que désormais, lorsque le CESE sera saisi d'un projet de loi par le Gouvernement, ce dernier ne procédera pas aux autres consultations exigées par notre législation. Toutefois, afin d'apporter des garanties indispensables, cet article s'est enrichi sur deux points essentiels lors de son examen en commission : il est désormais expressément indiqué que les concertations préalables prévues à l'article L1 du code du travail sont exclues du champ de cet article – cette exclusion, initialement implicite, est désormais explicite. Par ailleurs, sont également exclues du champ de cet article les instances nationales consultatives au sein desquelles sont représentées les collectivités territoriales, afin de préserver le dialogue indispensable avec ces dernières.
La réforme du CESE que nous proposons ne conduit toutefois à modifier ni ses compétences, ni sa place dans nos institutions ; le CESE est et restera une assemblée consultative, chargée d'éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre temps. Il n'a pas vocation à être une chambre législative représentant les Français, dotée d'une compétence décisionnelle. Il ne s'agit pas non plus pour le CESE de représenter les collectivités territoriales : ce rôle revient en particulier au Sénat.
Cela ne signifie pas, tant s'en faut, qu'il n'y a pas de place pour l'amélioration de ce texte. Votre commission l'a d'ailleurs sensiblement enrichi sur un point essentiel, auquel le Gouvernement est – vous le savez – particulièrement sensible : la déontologie. Les Français sont, à juste titre, particulièrement attentifs au respect des règles de déontologie, non seulement par leurs représentants, mais aussi par tous ceux à qui un mandat public est confié.