Monsieur le président, madame et monsieur les membres du Gouvernement, mes chers collègues, en trahissant la promesse faite aux collectivités au mois de juillet, le président Macron poursuit, par ce budget, les orientations désastreuses de son prédécesseur. Le Gouvernement défend le monde de la compétition alors qu'il aurait dû faire le choix de la solidarité.
Le budget pour 2018 abonde à grands flots les cadeaux fiscaux pour les plus riches – au 1er janvier, les valeurs mobilières ne seront ainsi plus soumises à l'ISF – , mais dans le même temps, il rabote les financements des collectivités locales, alors même que ces dernières ont déjà lourdement souffert au cours du quinquennat précédent : réformes territoriales imposées, suppression arbitraire de 11,5 milliards de dotations et charges indûment transférées.
Prenons l'exemple du ferroviaire. En 2000, les dessertes régionales sont confiées aux régions. En 2002, l'État répartit sa subvention d'équilibre globale entre toutes les régions en fonction de leurs lignes, mais le montant en est calculé sur la base de l'année 2000 et reste fixe une fois pour toutes, quelle que soit l'inflation. Les régions doivent équilibrer les comptes et les choix d'investissement se décident de façon inégale sur le territoire, ce qui emporte des conséquences au niveau des matériels, des infrastructures, notamment des gares, de plus en plus déshumanisées quand elles ne sont pas transformées en point d'arrêt sans personnel avant de fermer complètement. Lorsqu'une compétence est transférée, une somme est attribuée en contrepartie mais les années suivantes, les collectivités doivent se débrouiller seules. L'État se désengage doublement, en transférant les compétences d'abord, puis en baissant les dotations. C'est pourquoi les élus s'inquiètent, à juste titre, que les communes ne perçoivent plus la taxe d'habitation, prétendument « compensée ».
Votre Gouvernement impose aux collectivités de réduire leurs dépenses de 13 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. En deux ans, les investissements des collectivités ont déjà fondu de 25 %, ce qui se traduit par moins de services publics de proximité, moins de crèches, moins de routes nouvelles, moins d'entretien des routes existantes, moins de construction de logements sociaux, moins d'interventions en matière économique et donc moins d'emplois.
Au-delà de tout bilan comptable, le rôle joué par nos collectivités locales est un pilier essentiel du contrat social français : la contribution nationale est redistribuée sur tout le territoire pour assurer le bien-être de tous. Les collectivités locales sont d'ailleurs le dernier bouclier social face à l'aggravation de la pauvreté et de la misère.
En s'attaquant aux collectivités, votre budget remet en cause la solidarité. En étranglant les communes et les départements, vous acceptez cyniquement de voir fermer de nombreux services d'aide à l'enfance, aux personnes âgées, aux populations en difficulté. En s'attaquant aux collectivités, votre budget ne fait que renforcer les inégalités entre les territoires. Les plus isolés et les plus précaires seront les premiers touchés par vos coupes budgétaires.
En clair, vous imposez un contrat social français à l'envers : la majorité doit se serrer la ceinture pour une infime minorité de privilégiés – et tel est bien le cas quand les dépenses des collectivités augmentent tandis que les dotations de l'État baissent. Cela pousse les collectivités à faire des choix toujours plus délétères pour nos concitoyens : augmenter leurs recettes en mettant encore plus à contribution des ménages qui souffrent déjà beaucoup, baisser les subventions aux associations alors même que les emplois aidés sont supprimés, fermer des services de proximité.
Vous parlez de décentralisation alors qu'en réalité, votre projet idéologique aboutit à une recentralisation autoritaire du pouvoir qui éloigne les citoyens de leurs élus, de leurs institutions et de la décision publique.