Nous partageons tous un engagement résolu en faveur de la transition agroécologique et l'objectif d'une agriculture moins dépendante aux pesticides. Toutefois, nous sommes aujourd'hui face à une impasse, une situation exceptionnelle à laquelle nous devons apporter une réponse et qui concerne la filière betterave, filière d'excellence française qui représente 46 000 emplois.
Je le dis clairement, il ne s'agit aucunement d'opposer économie à écologie. La question n'est pas là. La question est celle de notre souveraineté : souhaitons-nous faire la transition agroécologique avec une filière de la betterave sucrière française ou acceptons-nous sa disparition ? Là est le sujet.
Car oui, la filière de la betterave est aujourd'hui en danger. La faute en revient à ce puceron dont nous ne connaissons encore que peu de choses. Les premières récoltes confirment la crainte que nous avions, avec des parcelles lourdement touchées. Ces pucerons, dont l'hiver doux a favorisé la démultiplication, transmettent un virus qui bloque le métabolisme de la plante, sa photosynthèse, et de ce fait la création de sucres dans son bulbe racinaire.
Or, contrairement à ce que certains affirment, il n'existe pas à ce jour d'alternative d'échelle, qu'elle soit économique, chimique ou agronomique. Par ailleurs, toutes les cultures peuvent être touchées, même les cultures bio. Que feriez-vous donc si vous étiez agriculteur betteravier ? Vous avez deux possibilités : continuer à planter de la betterave, avec le risque de subir de lourdes pertes, de ne pas réussir à soigner vos plantes, de perdre de l'argent, ou bien planter des céréales. Évidemment, vous planteriez des céréales. Et là, en l'espace d'un an, ce sont les sucreries qui fermeraient faute d'intrants.
Toutes celles et tous ceux d'entre vous qui viennent de territoires où existent des sucreries connaissent l'équilibre fragile de ces outils industriels, équilibre encore plus fragilisé depuis la fin des quotas votée en 2013. Or, si les sucreries ferment, c'est tout simplement la fin d'une filière d'excellence. Donc, non, il ne s'agit pas d'opposer économie à écologie : il s'agit d'une question de souveraineté.
Oui, nous sommes tous ici favorables à l'arrêt des néonicotinoïdes. Oui, nous sommes tous ici favorables à la transition agroécologique. Personne ici n'a le monopole de l'agroécologie. D'ailleurs, les premiers à la souhaiter sont les agriculteurs eux-mêmes. Mais cette transition agroécologique, je le dis clairement, ne peut consister à tuer une filière française pour importer ensuite du sucre de Pologne, d'Allemagne ou de Belgique, tous pays moins-disants que nous sur le plan environnemental.