Peut-être certains ont-ils sincèrement cru à la fable selon laquelle il ne s'agirait que d'une exception, réservée à la filière betterave. Il n'en est rien.
Juridiquement d'abord, il s'agit d'une remise en cause fondamentale de la loi de 2016, qui permettra au Gouvernement de réautoriser certains néonicotinoïdes comme l'acétamipride ; quant aux dérogations, elles ne seront en rien circonscrites à la betterave. Tout cela est contraire au principe de non-régression et à la Charte de l'environnement, en particulier à son article 3.
Sur le plan politique ensuite, ce texte constitue un revirement spectaculaire. Ce n'est pas seulement au Parlement de 2016 que vous demandez de se dédire, mais aussi à celui de 2018, qui avait élargi l'interdiction des néonicotinoïdes par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM. Désormais, il suffira de mettre en avant une difficulté économique pour avoir la peau d'une avancée environnementale. Vous cédez à la pression de la filière betterave, qui a toujours combattu l'interdiction des néonicotinoïdes. Quand tant d'autres filières s'y sont – bon an mal an – adaptées, ce que vous appelez une impasse technique est en réalité une obstruction que vous récompensez. Vous créez un précédent en matière d'adaptation au changement climatique, alors que celui-ci est directement en cause dans les ravages que cause la jaunisse cette année, en présentant un poison chimique comme une solution au lieu d'encourager l'agroécologie.
Aurez-vous pour autant sauvé la filière betterave, dont les difficultés sont pour l'essentiel liées à la suppression des quotas européens ? Bien sûr que non. Oui, il y a d'autres solutions, et Matthieu Orphelin y reviendra dans le débat.