Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du lundi 5 octobre 2020 à 16h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Cette interdiction constitue, en vérité, l'illustration d'une écologie punitive et solidaire, qui fait le choix de sacrifier la filière sucrière, comme d'ailleurs elle a le fantasme de sacrifier l'industrie de notre pays.

Alors que la France est le premier pays européen exportateur de sucre, ce dont nous devrions être fiers, l'abandon des néonicotinoïdes a eu pour conséquence une baisse de rendement généralisée, située entre 2 % et 32 % dans la région des Hauts-de-France, sans compter les pertes dans les régions plus au sud, où le temps plus doux favorise le virus.

Si nous ne réagissons pas, chers collègues, nous affaiblirons durablement, inéluctablement, une filière déjà fragilisée par la concurrence étrangère déloyale. Cette filière génère d'ailleurs des milliers d'emplois, dont certains ont une vraie valeur ajoutée. Je l'ai constaté la semaine passée en visitant la dernière grande usine sucrière du Nord, à Escaudoeuvres : la sucrerie centrale de Cambrai. À ces pertes financières s'ajoute l'incertitude liée à de potentielles invasions de pucerons verts, qui pourrait tout simplement conduire les producteurs à abandonner la culture de la betterave sucrière.

Aujourd'hui, alors qu'aucune alternative viable n'a été trouvée, nous savons que douze pays européens ont obtenu une dérogation. Mais, en raison de l'arrêt brutal de l'utilisation des néonicotinoïdes, sur lequel nous devons revenir, nos exploitants utilisent d'autres insecticides. Telle est la situation ! L'une des conséquences aberrantes de l'interdiction des néonicotinoïdes est l'importation de produits phytopharmaceutiques.

Aujourd'hui, 46 000 emplois dépendent de notre décision. Refuser de soutenir ce secteur conduirait à mettre en péril une production de qualité et nous priverait d'importants débouchés. Je pense notamment à l'éthanol, utilisé dans l'énergie verte des carburants.

Les agriculteurs sont des professionnels responsables et préoccupés par la préservation de l'environnement. Ils sont engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique. Les confondre avec des lobbyistes, comme le font certains, n'est pas acceptable.

Un délai est cependant nécessaire pour que la recherche apporte des solutions concrètes et durables. Il nous faut donc créer une situation d'exception, dont personne n'est satisfait, mais qui est nécessaire. Si aucun de nous n'est favorable aux néonicotinoïdes, notre rôle est de préserver une filière déjà fortement fragilisée. Il n'est pas question de cautionner une agriculture intensive et incontrôlée, mais bien de soutenir une transition verte, par paliers. La dérogation dont nous parlons permettra une optimisation du temps au profit du maintien d'un secteur spécifique, en allongeant les délais de manière raisonnable, pour rechercher des produits de substitution.

Accepter la suspension des néonicotinoïdes, c'est instaurer des indemnisations qui ne permettront de couvrir les pertes ni à court ni à long terme. Car les pratiques alternatives qui ont été évoquées, l'allongement de la rotation, mentionné par notre collègue Bruno Millienne, ou la réintroduction des haies, nécessitent un temps fort long. Accepter cette dérogation, ce n'est pas renoncer à l'écologie ; c'est trouver un consensus temporaire pour concilier la préservation de la filière et une écologie de proximité.

En 2018, mon collègue Ludovic Pajot avait déjà demandé une dérogation. Vous l'aviez refusée, chers collègues, tout comme Barbara Pompili. Vous changez d'avis aujourd'hui, et avec vous Barbara Pompili – j'espère qu'il en sera de même pour les accords de libre-échange.

Parce qu'ils continuent à exprimer leur soutien à la filière betteravière, les députés du Rassemblement national voteront cette nécessaire dérogation.

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