Intervention de Julien Denormandie

Séance en hémicycle du lundi 5 octobre 2020 à 16h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Monsieur Millienne, je pense comme vous que le développement des haies, également évoqué par M. Benoit, est important. Conformément à l'engagement que j'ai pris dans le cadre du plan de relance, une enveloppe de 50 millions lui sera allouée.

Monsieur Dive, un plan ambitieux en faveur de la pollinisation est en effet nécessaire – d'autres l'ont également souligné. Il n'est nullement contradictoire avec le projet de loi, bien au contraire. Les deux sujets doivent être abordés de manière volontariste. M. Turquois l'a rappelé à juste titre : l'accès des abeilles à la nourriture est difficile au printemps. C'est ce problème que nous devons régler.

Monsieur Potier, nous nous connaissons bien et nous respectons nos positions respectives. J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du plan B que vous proposez et je vous remercie de ce travail. Je remercie également les députés de la majorité et ceux de l'opposition de leurs diverses propositions. Mais vous reconnaissez vous-même, monsieur le député, qu'il ne sera possible de se passer des néonicotinoïdes « qu'à terme ». La question est là : de combien de temps avons-nous besoin ? Et quelle solution nous permettra d'éviter d'utiliser ces insecticides ?

Vous avez par ailleurs rappelé à juste titre, parce que vous connaissez bien le sujet, que les secteurs agricole et agroalimentaire sont en pleine mutation. Bien qu'entamée il y a longtemps, cette mutation est trop peu évoquée. Je vous remercie donc de l'avoir mentionnée.

Dans le plan B que vous proposez, les financements sont également abordés. Est-il possible d'accompagner financièrement la filière de la betterave – de la mettre sous perfusion, en quelque sorte – le temps de trouver une solution de remplacement aux néonicotinoïdes ? Je le répète, quelle que soit la source de financement, qu'il s'agisse d'une taxe ou d'une redevance, il n'est pas possible d'indemniser à 100 % les agriculteurs betteraviers. Ces derniers peuvent être tentés, en conséquence, de se tourner vers une autre culture plus rentable. Là réside toute la difficulté. Pourquoi sommes-nous aujourd'hui au milieu du gué ? Parce qu'il n'est pas possible d'indemniser les producteurs de betteraves à 100 %.

Monsieur Benoit, vous avez évoqué la durée d'application de la dérogation : faut-il qu'elle soit d'un, de deux ou de trois ans ?

Le projet de loi est fondé, je le répète, sur l'article 53 du règlement européen concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Cet article indique précisément que, dès lors qu'il existe une autre solution crédible, il n'est pas possible à un État membre d'utiliser la dérogation prévue. Il y a quelques années, la France avait d'ailleurs dénoncé au niveau européen son utilisation par la Lituanie et la Roumanie alors que les conditions nécessaires ne semblaient pas réunies.

Le projet de loi ne vise donc pas à fixer un délai maximal qui serait laissé à la profession : dès lors qu'une autre solution aura été trouvée, les ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture – qu'il s'agisse de Barbara Pompili et moi-même ou de nos successeurs – n'auront plus la possibilité de recourir à la dérogation.

S'agissant de la pollinisation, que vous avez également abordée, j'ai déjà répondu.

Monsieur le président Chassaigne, j'examinerai très attentivement votre proposition de loi visant à assurer un régime public d'assurance et de gestion des risques en agriculture. C'est une question que je suis de près. Pour le reste, je serais bien incapable de faire les contorsions que vous m'invitez à éviter. Comme je l'ai dit en répondant à M. Potier, nous devons trouver, collectivement, une solution pour passer le gué.

Je sais que vous connaissez parfaitement le monde agricole, monsieur le président Chassaigne. La difficulté, j'y insiste, est que les betteraviers ne cultivent plus uniquement de la betterave, comme cela pouvait être le cas il y a vingt ans ; ils y consacrent 10 à 15 % de leurs surfaces. Au moment où nous parlons, les agriculteurs planifient l'assolement. Les betteraviers ont le choix : ils peuvent cultiver soit de la betterave, soit autre chose, par exemple des céréales.

Mettez-vous à leur place. Premièrement, le rendement de la betterave peut, dans certaines parcelles, chuter de 50 %, voire davantage – le rendement des premières récoltes est pire encore que les estimations ne le laissaient présager. Deuxièmement, l'incertitude est complète, car personne n'est en mesure de prédire l'évolution de la maladie : cette année, le virus est parti du Sud et s'est propagé vers le Nord ; l'année dernière, il a progressé d'Est en Ouest. Troisièmement, comme je l'ai indiqué à M. Potier, nous ne pouvons pas créer de système assurantiel indemnisant les agriculteurs à 100 %, car la réglementation européenne nous en empêche. La règle « de minimis », en particulier, limite à 20 000 euros l'ensemble des aides accordées à un agriculteur sur trois exercices, ce qui n'est pas du tout à la hauteur des pertes subies.

Dans ces conditions, que faites-vous si vous êtes betteravier ? Vous plantez des céréales. Or, si les betteraviers plantent tous des céréales cette année, les sucreries fermeront l'année prochaine, et il ne sera plus possible ensuite de cultiver de la betterave.

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