L'article 2 veut nous faire croire que la dérogation est limitée à la betterave.
Les causes réelles de la crise du secteur et de la dépendance des paysans betteraviers ont été éludées. Si vous pensez sauver les agriculteurs par un tel renoncement environnemental, sachez que la pression qui pèse sur eux est celle du marché, bien plus que celle de la jaunisse.
Dès 2006, à la suite de la réforme de l'organisation commune des marchés du sucre, l'industrie sucrière française a connu une restructuration sans précédent avec la fermeture de plusieurs usines. La dernière réforme, qui date de 2017 et qui a supprimé les quotas et le prix minimal garanti de la betterave, a entraîné une seconde restructuration. Aussi, depuis trois ans, la filière fait-elle face à des problèmes structurels liés à une combinaison mortifère composée de la fin des quotas, de la dérégulation du marché et de la concurrence du sucre mondial.
La surproduction, choisie et organisée par les industriels, impose une situation catastrophique aux producteurs de betteraves. Désormais, pour répondre à la demande des entreprises sucrières et obtenir une rémunération, ils doivent avoir des rendements maximums : toute perte, même marginale, devient impossible à supporter économiquement.
Prenons l'exemple de Tereos, coopérative implantée dans dix-huit pays, qui a racheté de nombreuses entreprises sucrières, notamment au Brésil et qui est le premier producteur mondial de sucre. Tereos bénéficie des avantages fiscaux des coopératives et elle est devenue le premier concurrent des producteurs français. Il y a deux ans, bien avant les effets de la jaunisse, Tereos a annoncé la fermeture de nouvelles usines, poursuivant la restructuration de la filière, afin de minimiser ses charges et de maximiser ses profits sur le dos des producteurs. La mécanique est parfaitement rodée : l'organisation de la surproduction à l'échelle mondiale assure à Tereos d'avoir toujours du sucre à disposition et à des prix très bas.
Approuver ce projet de loi, même pour une dérogation courte dans le temps et limitée à la betterave revient à soutenir la politique de produire toujours plus avec toutes les béquilles chimiques possibles. L'approuver, c'est répondre favorablement à l'injonction de la filière, donc des industriels qui la dirigent, et enfermer un peu plus les producteurs dans les griffes du marché de l'industrie sucrière.