La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 63 à l'article 1er.
Par cet amendement, le groupe de La France insoumise souhaite supprimer l'alinéa 3 de l'article 1er.
Des dizaines d'arguments montrent l'impasse dans laquelle s'enferme le Gouvernement avec ce projet de loi. Il est en effet manifeste que ce texte va à rebours de l'urgence écologique. Plus de 1 220 études scientifiques réalisées dans le monde entier au cours des vingt dernières années établissent les effets hautement toxiques des néonicotinoïdes sur les insectes pollinisateurs, la biodiversité, la qualité des sols et de l'eau, ainsi que sur la santé humaine.
Nous avons déjà entendu l'argument. N'avez-vous pas autre chose à nous servir ?
Depuis l'autorisation des néonicotinoïdes au milieu des années 1990, la production de miel a été divisée par trois dans notre pays ; la France importe désormais plus de 70 % du miel consommé sur son sol.
En 2017, une étude a révélé que 80 % de la biomasse des insectes volants avait disparu en Europe en moins de trente ans. Les auteurs de cette étude estiment que les pratiques agricoles conventionnelles sont la première cause de ce déclin. En quelques années, les colonies d'abeilles ont été décimées, leur nombre diminuant de 37 % au sein de l'Union européenne. Les insectes pollinisateurs sont pourtant nécessaires à 85 % des plantes cultivées en Europe. En octobre 2019, des scientifiques du CNRS – Centre national de la recherche scientifique – et de l'INRA – Institut national de la recherche agronomique – ont ainsi démontré que la pollinisation gratuite des abeilles est bien plus avantageuse que l'utilisation de pesticides.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Je rappelle que les alinéas 3, 4 et 5 de l'article 1er du texte adopté en commission tendent à modifier la rédaction du II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, afin de répondre à la nécessité de garantir la compatibilité entre les droits européen et national. Je suis donc défavorable à cet amendement, même si je comprends votre argumentaire.
Je sais que les points de vue divergent quant à la création, votée en commission, d'un conseil de surveillance. J'espère que les dispositions afférentes seront amendées et renforcées mais, madame…
… Fiat, l'objectif est que toutes les parties prenantes soient représentées en son sein. Je l'ai tout dit à l'heure, doivent y figurer : les organisations non gouvernementales – ONG – , les associations de protection de la nature, les représentants de l'ensemble des syndicats agricoles, des membres des ministères chargés de l'écologie et de l'agriculture, ainsi que quatre députés et quatre sénateurs. C'est une machine que nous créons, pas un comité Théodule, et j'ai aussi demandé que des représentants du monde apicole en fassent partie. L'objectif est bien de travailler ensemble à trouver une suite satisfaisante à ce texte. En définitive, la création de ce conseil de surveillance constitue également une réponse à votre amendement.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis, pour les mêmes raisons et selon les mêmes arguments que ceux que j'ai développés cet après-midi.
Sur l'amendement no 20 , je suis saisi par le groupe Écologie démocratie solidarité d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bruno Millienne.
Madame Fiat, je vous l'apprendrai peut-être et M. le ministre le confirmera : en parallèle du projet de loi que nous examinons ce soir, un plan est prévu pour enfin développer les pollinisateurs. Certes, les abeilles ont été détruites par les produits phytosanitaires – nous reconnaissons tous qu'il s'agit d'un grave problème – , mais ce n'est pas la seule cause de leur extinction ; le manque de nourriture dont les abeilles peuvent souffrir en est une autre. Les grandes cultures, notamment au détriment des bocages, ont éliminé tout ce qui fournissait cette nourriture. Ainsi M. le ministre s'emploiera-t-il – il l'a indiqué en commission – à élaborer un plan dédié aux pollinisateurs afin de pérenniser la filière et de faire en sorte que nous cessions d'importer du miel de l'étranger alors que nous pouvons le produire en France.
Je vous donne ces éléments pour votre bonne information, madame Fiat.
Je vous remercie, cher collègue Millienne, pour cette bonne information, mais vous savez que ce n'est pas parce qu'on ne se trouve pas dans l'hémicycle qu'on ne suit pas les débats qui y ont lieu.
J'entends ce que vous venez de dire : vous admettez que les produits phytopharmaceutiques ont causé la perte des abeilles.
C'est bien tout le problème. On peut créer des comités de surveillance ou d'autres instances, mais une chose est sûre, les néonicotinoïdes jouent un rôle dans l'extinction des abeilles. Pourquoi donc, à la lumière de cette connaissance, les réautoriser ?
Que les néonicotinoïdes ne soient pas les seuls responsables, c'est entendu, et que nous travaillions sur les autres causes, c'est très bien, mais les produits phytosanitaires jouent bien un rôle très important et c'est pour cette raison que nous sommes opposés au texte. Vous le reconnaissez vous-même, cher collègue, cela atteste donc de la cohérence de cet amendement. Par conséquent, je suppose que vous le voterez.
Je donnerai la parole à deux autres orateurs, puis je procéderai au vote. Nous aurons ainsi quatre interventions, ce qui est déjà plus que ce que prévoit le règlement. La parole est à M. Antoine Savignat.
On voit que nous avons changé de président. C'était mieux avec le précédent, nous pouvions nous exprimer…
En ce qui concerne les pollinisateurs, il ne faudrait pas que nous nous trompions de débat ; or, en créant un clivage entre la filière apicole et la filière betteravière, j'ai l'impression que c'est que nous sommes en train de faire. Tout le monde a évidemment conscience de l'impact négatif des néonicotinoïdes sur la filière apicole ; il ne fait aucun doute.
Mais cette filière souffre aussi d'autres problèmes. La concurrence mondiale, les pratiques de certains pays ou encore les prix très bas pratiqués par une large partie de la distribution font que la filière apicole française peine à être rentable et à combattre les agissements de certains États.
Et c'est ce qui risque d'arriver demain à la filière betteravière si nous ne sommes plus en situation de produire suffisamment pour satisfaire notre marché et si nous nous exposons à des pratiques étrangères qui dévoient les nôtres alors qu'il convient de les préserver. Ne créons donc pas un clivage entre ces deux filières qui doivent travailler main dans la main et s'écouter au quotidien.
Avec cet amendement, nous voyons bien que nous sommes au-delà de la polémique relative à la réintroduction des néonicotinoïdes. Il n'y a pas le clivage entre les apiculteurs et les agriculteurs, ce n'est pas vrai.
Vous les avez rencontrés ; moi aussi. Sur le terrain, ils travaillent en parfaite harmonie.
Beaucoup de remarques très politiques sont faites sur ce texte, mais on ne met pas en avant sa portée positive. Or j'estime qu'une dynamique nouvelle est engagée autour des pollinisateurs et des apiculteurs. Je souhaite donc, monsieur le ministre, qu'avec ce projet de loi, nous portions une attention particulière à cette filière des apiculteurs.
Il est évident que les néonicotinoïdes sont dangereux pour les abeilles, …
… mais elles souffrent aussi d'autres problèmes : on a évoqué le varroa, le frelon asiatique…
Ce que demandent aussi les apiculteurs, c'est d'être soutenus en matière de formation. Certains sont professionnels, d'autres sont bénévoles, et ils soutiennent pour partie ce projet de loi. Ils nous demandent de prendre en compte leurs attentes. Grâce au plan de M. le ministre en faveur des pollinisateurs, j'y insiste, une dynamique est engagée : je salue donc à nouveau ce projet de loi.
L'amendement no 63 n'est pas adopté.
Il vise, à l'inverse du présent projet de loi, à rétablir, et conforter, l'interdiction de tous les néonicotinoïdes prévue à l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime depuis les lois du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – loi EGALIM. Il s'agirait aujourd'hui de simplement supprimer les mentions de dates dépassées : la date d'entrée en vigueur, au 1er septembre 2018, de l'interdiction, et la date butoir, fixée au 1er juillet 2020, pour accorder des dérogations.
Monsieur le ministre, vous avez eu tout à l'heure la bonne idée de lire l'avis de Conseil d'État sur ce projet de loi, mais vous n'avez lu qu'un extrait – certainement car nous devions faire une pause. Vous vous êtes arrêté aux mots : « consolider le dispositif national souhaité par le Gouvernement ». Je souhaite poursuivre la citation. L'avis continue ainsi : « En effet, la nouvelle rédaction du II de l'article L. 253-8 [du code rural et de la pêche maritime] renvoie expressément au décret le soin de ''préciser'' les substances concernées, dans une logique d'examen au cas par cas. Il appartiendra ainsi au pouvoir réglementaire, [… ] dans le respect des règles de procédure, [… ] [de définir] quelles substances relevant de la famille des néonicotinoïdes peuvent faire l'objet d'une interdiction nationale. »
Or c'est exactement l'inverse de ce que prévoit la loi du 8 août 2016, laquelle a édicté une interdiction de portée générale et absolue de tous les produits à base de néonicotinoïdes. En renvoyant la définition des substances interdites à un décret, votre projet de loi permet donc à un gouvernement, actuel ou futur, d'autoriser des substances néonicotinoïdes en France, pourvu qu'elles ne soient pas encore interdites à l'échelle européenne, comme c'est le cas de l'acétamipride.
Le présent amendement vise donc à empêcher une telle régression.
La parole est à Mme Frédérique Tuffnell, pour soutenir l'amendement no 20 .
Le présent amendement vise à conforter les dispositions de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, que ce projet de loi tend à défaire, tout en sécurisant l'actuelle rédaction de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, telle qu'elle est issue de la loi EGALIM votée il y a deux ans par la majorité présidentielle.
Sans revenir sur la toxicité ou la persistance de néonicotinoïdes dans le milieu naturel, je tiens à rappeler que les dommages que nous causons à la biodiversité, à l'eau et à la nature dans son ensemble, et que la punition que nous infligerions par ce texte aux espèces et aux écosystèmes, ont des conséquences sur notre sécurité alimentaire, donc sur notre avenir.
La semaine dernière, le secrétaire général des Nations unies déclarait : « L'humanité fait la guerre à la nature. » Ce texte en est l'illustration. Nous devrions porter tous nos efforts sur le soutien massif à l'investissement dans le biocontrôle pour la filière betteravière – cela a été dit – , au lieu de la mettre sous perfusion. Tout comme nous devrions investir dans des solutions fondées sur la nature, au profit de notre économie, de notre santé et de notre bien-être. Mais nous faisons exactement l'inverse dans une logique court-termiste et politicienne.
Essayez donc, chers collègues, d'avoir un soupçon de lucidité et confortons ensemble les dispositions des lois de 2016 et de 2018 car la biodiversité en détresse n'a pas besoin de temporalité pour s'éteindre. Interdisons tous les produits à base de substances ayant le même mode d'action que les néonicotinoïdes.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
Avec ces amendements, nous en revenons aux deux choix qui se sont présentés à nous cet été, et que nous évoquions cet après-midi. Le premier était de laisser la filière betteravière sur le bord de la route et de ne pas prendre en considération les difficultés qu'elle a rencontrées après l'hiver. Quant au second, il était d'accompagner cette filière dans la transition agroécologique qu'elle mérite, pour la transformer en une filière d'avenir écoresponsable et fière de ce qu'elle représente.
Or vos amendements, qui visent à maintenir l'actuelle rédaction de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, reviennent en fait à opter pour la première solution, qui n'a évidemment pas ma préférence. Avis défavorable.
Même avis.
Il ne s'agit pas seulement de la filière betteravière et de la jaunisse du puceron, mais de savoir si nous sommes en train de détricoter le code de l'environnement et la protection accordée à l'ensemble des substances. Là où la loi de 2016 était forte, c'est qu'elle prévoyait une interdiction a priori de toute une classe de substances, elle ne faisait pas du cas par cas ; c'était une interdiction systémique, si vous me passez l'expression.
J'en profite pour répondre sur les maux de l'abeille. Le varroa et toutes les autres causes ayant contribué à la chute des populations d'abeilles ont été utilisés au cours des dernières décennies par l'industrie phytosanitaire comme un moyen de noyer le poisson, si j'ose dire, pour éviter que l'on s'intéresse de trop près à l'impact des néonicotinoïdes. Il faut prêter à ces derniers une attention toute particulière car ils constituent une menace terrible et systématique contre la biodiversité. Le fait que nous ayons passé tant de temps à utiliser de tels poisons sans nous intéresser davantage à leur effet sur l'ensemble de la biodiversité, et pas seulement sur les abeilles, devrait nous interpeller.
J'ai bien compris qu'il s'agissait d'un texte pour interdire les néonicotinoïdes et c'est pourquoi nous les autorisons pour trois ans de plus… Monsieur le ministre, j'aimerais que vous m'écoutiez sans vous énerver ; si c'est possible, évidemment.
Scientifiquement, les néonicotinoïdes sont mauvais pour la biodiversité et pas seulement pour les abeilles car d'autres insectes sont affectés par ce pesticide.
Je ne reviens même pas sur l'argument de l'inconstitutionnalité développé par M. Chassaigne, dont je partage l'avis ; tant pis pour vous, vous subirez une nouvelle censure et ce ne sera pas notre faute.
Vous dites ne pas vouloir laisser la filière sur le bas-côté : elle est en difficulté, elle va perdre des sous, il y a la jaunisse de la betterave… il faut donc bien faire quelque chose.
Nous considérons pour notre part qu'il faudrait environ 80 millions d'euros pour indemniser les producteurs, …
… mais vous nous répondez que l'Europe nous l'interdirait car ce serait une intervention de l'État qui provoquerait une distorsion de concurrence épouvantable.
De deux choses l'une : soit il va falloir que vous vous mettiez à contester les règles européennes – bienvenue au club – , soit nous avons raison sur toute la ligne, à savoir sur les règles européennes, la concurrence internationale, les prix planchers qui n'existent pas, la destruction de l'écosystème humain, le fait que les producteurs n'arrivent plus à vivre de leur production, enfin sur votre modèle agricole.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je préférerais que nous passions du temps à réfléchir, non pas pour trois ans mais dans la durée, à des modes de culture plus satisfaisants.
Un de nos collègues considère qu'il n'est pas grave d'attaquer une filière qui gagne de l'argent, or le sujet n'est pas une filière mais une production qui disparaîtra à jamais, car dès lors qu'il n'y aura plus de production de betteraves, et ce sera le cas si nous ne réautorisons pas les néonicotinoïdes tant que nous n'avons pas de produit de substitution, la plantation de betteraves disparaîtra, les usines avec, et nous ne pourrons plus relancer cette production. Cela concerne 1,5 % de l'assolement.
Nous parlons de produits mis sur un enrobage de la graine : la graine est enrobée, dans le sol, s'agissant d'une plante sans floraison et où ne viennent donc pas les abeilles.
Si vous avez déjà mangé du miel de betterave, invitez-moi, je le partagerai volontiers avec vous ! Cela n'existe pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Si nous n'autorisons pas à nouveau les néonicotinoïdes, on procédera par pulvérisation et les risques sont beaucoup plus importants. Protégeons donc les producteurs et la filière, pour une durée limitée, en attendant de trouver des produits de substitution.
Il ne faut pas être dans le dogme mais adopter un raisonnement pratique qui permette à la France de rester un grand pays agricole préservant son environnement. Les agriculteurs y sont suffisamment attachés, ont fait suffisamment d'efforts, …
… il faut aussi les respecter ainsi que les milliers de gens qui travaillent dans cette filière.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – M. Jean-Baptiste Moreau applaudit également.
De nombreuses personnes opposées au projet de loi se sont exprimées de façon raisonnable au sujet des abeilles : c'est en effet un véritable enjeu. C'est l'agriculteur qui vous parle, un agriculteur qui a lui-même utilisé des néonicotinoïdes et a arrêté de le faire, et qui, étant multiplicateur de semences, a besoin d'abeilles pour la fécondation de ses plantes.
Avant d'aborder la question des traitements, je vous invite à vous rendre dans les champs, dans vos parcelles, pour voir où il y a des abeilles et où il n'y en pas, abeilles sauvages comme domestiques. Le vrai problème de nos campagnes, c'est la pauvreté écologique des plaines céréalières.
Entre la floraison du colza en mars, avril et la floraison du tournesol au mois de juillet, les abeilles n'ont pas d'alimentation.
Il faut les faire déplacer – cela s'appelle de la transhumance – ou planter des cultures différentes, de la luzerne, des haies, pour apporter de la diversité.
Notre collègue a dit tout à l'heure que ce projet de loi était court-termiste ; elle a raison, c'est à court terme donner un voie de sortie aux betteraviers, mais à moyen terme j'attends du ministère de l'agriculture et de l'alimentation un engagement volontariste sur des solutions pour alimenter les abeilles, car en alimentant les abeilles on alimente de nombreux autres insectes. Il faut travailler sur la diversité de nos campagnes, la diversité des ressources mellifères pour les abeilles – et là nous aurons vraiment avancé. Il faut avoir conscience du fait que quand une abeille n'a pas à manger, elle est beaucoup plus sensible aux traitements et aux parasites.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. le rapporteur et M. Jean-Baptiste Moreau applaudissent également.
L'amendement no 19 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 27
Contre 90
L'amendement no 20 n'est pas adopté.
Ce que notre collègue vient de dire sur le manque de nourriture pour les pollinisateurs et la simplification excessive des paysages agricoles est exact. C'est l'un des impacts majeurs du glyphosate.
L'amendement no 8 vise à supprimer la régression consistant à renvoyer à un décret le soin de décider quels néonicotinoïdes sont interdits en France. Il ne s'agit pas ici d'un débat sur les dérogations mais sur le cadre général de la loi, alors que la loi posait jusqu'alors le principe général et absolu de l'interdiction de tous les néonicotinoïdes en France. Désormais, la liste sera établie par décret, c'est, je le répète, une régression.
Je ne donnerai pas lecture de tous les travaux scientifiques qui montrent que les semences de betterave enrobées conduisent à une contamination des eaux de surface par le thiaméthoxame à hauteur de 2,8 nanogrammes par litre après de fortes pluies, que ce phénomène a été mis en évidence dans la culture de la betterave sucrière, que 2 à 20 % seulement de l'imidaclopride qui entoure les semences sont captées par la plante et que 80 à 98 % des matières actives peuvent rester dans l'environnement, que le pollen et le nectar des cultures suivantes peuvent contaminer les pollinisateurs aux néonicotinoïdes, qu'une étude réalisée chez moi, dans les Deux-Sèvres, sur 291 parcelles, a montré que des résidus d'imidaclopride se trouvaient partout…
Si l'on peut arrêter d'avancer dans cet hémicycle des arguments obscurantistes, le débat progressera.
Protestations sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaRem.
Je ne relirai pas l'avis du Conseil d'État, nous en avons déjà beaucoup discuté juste avant la levée de la séance de cet après-midi. Le présent texte est rédigé de façon à concilier parfaitement le droit français et le droit européen. Avis défavorable.
Même avis.
Je souhaite, à l'occasion de cet amendement, évoquer la gouvernance globale des produits phytosanitaires. Il existe deux lacunes énormes et j'aimerais connaître la position du ministre sur ces points. Il y a tout d'abord le décalage entre le vote européen, qui porte sur les produits, et la décision française, qui porte sur les molécules. Cela peut créer des distorsions de concurrence, sans parler de l'absence de visibilité. La France a beaucoup progressé en matière d'autonomie des agences sanitaires, et c'est sans équivalent en Europe. Une réforme de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'AESA, serait notamment souhaitable : y travaillez-vous ?
Ensuite, en ce qui concerne les autorisations de molécules et la codécision par les ministères concernés dans le cadre du pilotage du plan Écophyto, qu'en est-il de l'avis du ministère des solidarités et de la santé ?
Enfin, pouvez-vous répondre à notre grand étonnement d'avoir à délibérer sans avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, sur les questions que vous lui avez posées, avis qui n'arrivera qu'en janvier ?
Qui peut le plus peut le moins. L'idée de ce texte est d'être applicable, donc à la fois d'être accepté par le Conseil constitutionnel et rapidement opérationnel. Ce texte, cela a été précisé en commission et par le ministre tout à l'heure, ne concerne, s'agissant de son applicabilité, que la culture de la betterave et il faut tordre le cou à l'idée qu'il concernerait l'ensemble des cultures et des surfaces agricoles de France, car c'est faux.
En effet, on comptait 480 000 hectares de betterave en 2018, 450 000 en 2019, 425 000 en 2020, pour une surface agricole utile totale de 29 millions d'hectares, soit 1,5 % du total. Arrêtons de dire n'importe quoi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LT.
Je ne vais pas entamer un débat agronomique avec Mme Batho, mais je tiens tout de même à répéter qu'en tant que composés organochlorés, les néonicotinoïdes s'attachent principalement aux sols argileux et qu'ils ne sont solubles que si les capacités de rétention des sols sont dépassées, ce qui n'arrive qu'en cas de fortes inondations. Ils ne sont donc que très faiblement lessivés. C'est un fait scientifique, réaffirmé par l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, ainsi que j'ai pu le constater au cours des auditions.
Il ne s'agit pas dire que les néonicotinoïdes sont sans danger mais, alors que j'entends dire depuis le début de l'examen du texte qu'ils nuisent à la biodiversité et qu'ils tuent les abeilles, je signale qu'il y en a cette année, ainsi que l'ensemble des pollinisateurs, beaucoup plus que d'habitude. Et ce n'est pas parce qu'on a arrêté les néonicotinoïdes mais parce que, durant la phase du confinement, l'activité humaine a été considérablement réduite. Il est beaucoup plus facile d'accuser 400 000 agriculteurs de tous les maux en matière de biodiversité et de dégâts environnementaux
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LT
que de responsabiliser l'ensemble des habitants du pays, nous y compris, sur leur mode de vie qui est le principal responsable des atteintes à l'environnement. Quant au changement climatique, les agriculteurs en sont les principales victimes : André Chassaigne connaît bien la sucrerie de Bourdon, et il sait que ce qui l'a tuée, ce n'est pas l'arrêt des néonicotinoïdes ou la libéralisation, mais bien le fait que le changement climatique a provoqué l'arrêt de la culture de betteraves dans la plaine de Limagne.
Mêmes mouvements.
Je tiens avant tout à dire qu'à aucun moment dans ce débat, ni en 2015 ni en 2016, ni aujourd'hui, n'a été mise en cause la responsabilité des agriculteurs. Car c'est bien l'État qui décide de ce qui est autorisé ou non : c'est sa responsabilité et donc celle de la démocratie, …
… mais aussi celle des firmes qui ont mis sur le marché ces produits en toute connaissance de cause, instruites de leur toxicité et de leurs effets chroniques sur la mortalité des pollinisateurs. Ne transformons donc pas ce qui se dit dans les débats.
Monsieur Dive, on ne se base pas ici sur des idées mais sur un texte car nous sommes à l'Assemblée nationale.
Et celui-ci modifie les dispositions de la loi de 2016, renforcées par la loi de 2018, pour supprimer le principe général d'interdiction de tous les néonicotinoïdes et autoriser un gouvernement à prendre un décret qui permettra l'emploi de ces substances en France. Voilà ce dont nous discutons, point sur lequel, par votre vote, nous vous demandons de vous exprimer.
L'amendement no 8 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques nos 62 , 71 et 92 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés et par le groupe Écologie Démocratie Solidarité d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 76 .
Je comprends tout à fait qu'on puisse avoir des approches différentes, je comprends la volonté de sauver une filière pour des raisons économiques. Par contre, je pense que c'est une erreur très grave. J'ai bien écouté notre collègue Christian Jacob et je lui rappelle que le principe de précaution a été inscrit dans le bloc de constitutionnalité par une majorité qui était la sienne et qu'aujourd'hui, on revient sur plusieurs articles de dimension constitutionnelle qui relèvent de ce principe.
Je suis encore plus gêné par l'utilisation d'arguments fallacieux. Prenons l'exemple des fameuses dérogations : chacun sait que les semis vont se faire de mi-mars à mi-avril, et peut-on dès lors imaginer qu'un exploitant doive attendre la fin de l'hiver pour savoir si celui-ci a été doux et a donc permis le développement des pucerons ou si, au contraire, il a été rude au point de ne pas avoir à utiliser ce type de produits ? Les exploitants achètent ou du moins évaluent leur achat de semences avant même l'hiver. Il ne s'agira donc pas de dérogations mais bien d'un usage généralisé parce qu'on ne pourra pas anticiper. Habiller les choses en parlant de « dérogations », c'est induire en erreur !
M. Pierre Dharréville et M. Ugo Bernalicis applaudissent.
Je vais répondre au député Potier avant d'en venir à l'intervention du président Chassaigne.
Monsieur Potier, vous avez posé trois questions précises et, fidèle à mon souhait de mener les débats – n'en déplaise à certains– , je tiens à y répondre précisément. Votre première question porte sur la codécision avec le ministère des solidarités et de la santé. Je n'ai absolument aucun problème à ce sujet et je suis prêt à l'associer à la rédaction des arrêtés.
J'en veux pour preuve ce projet de loi : le Conseil d'État lui-même indiquait que nous n'avions pas à solliciter le Conseil national de la transition écologique, le CNTE, mais nous l'avons fait, de même que bien qu'il ait estimé que les arrêtés pouvaient relever du seul ministère de l'agriculture et de l'alimentation, j'ai souhaité que cette compétence soit étendue, y compris dans ce texte, au ministère de la transition écologique. Quant à l'avis de l'ANSES, le dernier en ce domaine date de 2018 et analysait les solutions alternatives, et celui que le Gouvernement a demandé et qui nous sera remis au début de 2021 l'actualisera en examinant l'impact des deux solutions chimiques qui n'existaient pas il y a deux ans, à savoir le Movento et le Teppeki – mais je crois que tous ceux qui, comme vous et moi, se sont rendus sur des parcelles de betteraves ont pu voir à quel point ils ne marchaient pas. Un autre avis de l'ANSES, attendu avant fin novembre, déterminera les clauses de gestion, c'est-à-dire très concrètement, substance par substance et en fonction de la spécificité des sols, le degré de rémanence et donc les alternances culturales qui devraient s'ensuivre. Enfin, s'agissant de la réforme de l'AESA, elle a été décidée en 2018, il reste à la mettre en oeuvre.
Monsieur le président Chassaigne, je regrette de n'être absolument pas en accord avec vous car je connais votre attachement à ces territoires, mais la question n'est pas celle du principe de précaution. Encore une fois, il ne s'agit en aucun cas d'opposer l'écologie à l'économie. La seule question qui prévaut, ici, c'est celle de la souveraineté : il s'agit de savoir s'il est possible de mener à bien la transition écologique en sauvant la filière betteravière, sachant que celle-ci peut s'écrouler et disparaître dans les deux ans à venir. Quant aux décisions agronomiques en matière de semis, deux étapes sont importantes : la première se joue maintenant parce que l'assolement, c'est-à-dire la décision de planter ou non de la betterave, se détermine en ce moment – on est même un peu en retard – , et je peux vous dire que beaucoup d'agriculteurs nous regardent ce soir pour le savoir ; la seconde, ce sera la publication des arrêtés autorisant les mises sur le marché des produits d'ici à la fin de l'année. Nous nous fondons sur un faisceau d'indices – température, déplacements des populations de pucerons… – , auquel travaillent les instituts de recherche, notamment l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, l'INRAE, pour savoir s'il est ainsi possible d'avoir la certitude qu'il n'y aura pas de pucerons ou si l'on peut déterminer un risque plus ou moins élevé.
La question se pose dans tous les pays européens qui cultivent la betterave puisque la période de semis est à peu près la même. Avis défavorable.
L'amendement no 76 n'est pas adopté.
Il s'agit encore de plaider contre ce régime dérogatoire, et après avoir utilisé l'argument écologique, passons à l'argument européen : on sait bien à quel point la construction de l'Europe est essentielle pour résoudre les enjeux non seulement écologiques mais aussi sociaux, c'est-à-dire tous les grands enjeux de notre temps, et aussi combien l'Europe a besoin d'être tirée par les États membres car elle est en fait ce que ceux-ci en font. Et la position de la France est des plus importantes à cet égard. Ainsi, quand elle votait l'interdiction des néonicotidoïnes, il était dans sa position historique, celle de tirer l'Europe vers le haut en lui montrant la bonne voie, de même quand, ces dernières années, elle appuyait la demande de l'AESA de se doter d'un nouveau règlement plus exigeant, là où d'autres États tergiversaient au point de faire capoter l'affaire, un scandale.
Mais, à cause de ce régime dérogatoire demandé par la France, ce n'est plus du tout le cas : nous retournons au nivellement vers le bas, au point d'inquiéter la Commission européenne puisque, il y a quatre jours, Klaus Berend, le chef de l'unité pesticides et biocides de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission, constatant la multiplication des autorisations d'urgence et se demandant si elles étaient justifiées, a annoncé que les mêmes mesures que l'an dernier pour la Lituanie et pour la Roumanie pourraient être prises, à savoir l'interdiction par la Commission de la reconduction de telles décisions d'urgence. Il a considéré comme vraiment problématique le nombre d'autorisations d'urgence pour les néonicotinoïdes, en particulier pour la betterave à sucre, reste très élevé.
Chers collègues, c'est un Européen convaincu qui vous le dit : nous étions ces dernières années en pointe, en la matière, pour tirer l'Europe vers le haut ; or nous sommes ici en train d'abdiquer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et EDS. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cher collègue Villani, je sais que c'est votre anniversaire aujourd'hui mais, malheureusement, l'avis sera tout de même défavorable. Vous avez reçu la médaille Fields mais je crois que les perspectives de recevoir celle du Mérite agricole s'éloignent de plus en plus pour vous.
Ce texte, je tiens à le rappeler, n'a qu'un seul objectif : celui de concilier la transition agroécologique, la sauvegarde d'une filière, le maintien du monde agricole sur des territoires fragiles et la sortie définitive des néonicotinoïdes dans un temps très court. Dès lors, il est vrai que les décisions les plus utiles ne sont pas forcément les plus faciles à prendre.
Vous nous parlez d'Europe. Je vais, pour ma part, vous parlez d'impasses techniques. Elles sont clairement là et les autres pays européens ne nous attendent pas. Il s'agit soit d'accompagner la filière française, soit d'importer du sucre d'autres pays européens qui, eux, ne respectent vraiment aucune norme, même les plus légères.
Même avis.
Je ne reviendrai pas sur les arguments sur la filière betterave que le président Jacob a fort bien exposés. Si l'on met de côté les plantes mellifères, il n'y a en effet pas d'enjeu s'agissant des néonicotinoïdes. Je note une certaine confusion, certains de nos collègues affirmant que nous avons interdit les néonicotinoïdes, mais, honorable collègue Villani – dont c'est l'anniversaire – , vous qui aimez les animaux, au point d'ailleurs d'avoir rapporté un texte de loi sur le sujet, vous devriez savoir que les colliers anti-puces pour chiens sont des repaires de néonicotinoïdes.
Je vous conseille de commencer par ceux-ci, l'impact économique étant moins fort, d'autant plus que nombre de Français font dormir leur animal domestique dans leur lit sans avoir lu la notice de ces colliers… Et tout cela est autorisé par l'ANSES.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme' Laure de La Raudière applaudit également.
Je crois, à un moment donné, qu'il faudrait arrêter l'hypocrisie consistant à dire qu'il n'y a que la filière betterave qui serait un problème. Il est certain que si on la laisse mourir, il n'y aura plus de transition agroécologique puisqu'il n'y aura plus d'agriculture.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
Je rappelle à notre collègue Julien Aubert que, dès jeudi, il pourra voter un amendement visant à interdire les néonicotinoïdes dans le cadre de l'examen de notre proposition de loi sur le bien-être animal. Car nous étendons leur interdiction au domaine vétérinaire. Voyez, nous sommes d'accord.
Applaudissements sur les bancs des groupes EDS et FI.
Je tiens ensuite à souligner que nous sommes tous d'accord sur le fait que la filière française de la betterave subit aujourd'hui une concurrence déloyale. En effet, à la suite de la loi française interdisant les néonicotinoïdes, les trois principaux produits l'ont été à l'échelle européenne, à savoir l'imidoclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine, et que les mêmes États qui étaient contre l'interdiction ont alors utilisé l'article 53 du règlement n° 11072009 pour la contourner, ce qui fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes européenne et des prises de position que Cédric Villani, dont c'est l'anniversaire, vient de rappeler.
Si nous voulons lutter contre cette concurrence déloyale, la France doit agir au niveau européen. Mais la régression qui consiste à autoriser sur notre sol les trois néonicotinoïdes les plus nocifs, ceux qui sont interdits en Europe, n'est pas le chemin à suivre.
Je veux vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation de l'Allemagne : à ma connaissance, cette dernière a certes sollicité des dérogations, mais pas en enrobage de semences, et pas concernant l'imidaclopride, le thiaméthoxame, ni la chlotianidine – des produits interdits dans l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.
L'amendement no 9 n'est pas adopté.
Je souhaite prolonger le fil des arguments avancés précédemment. On a rétorqué au président Chassaigne que, sur certains plateaux où, par le passé, on cultivait uniquement de la betterave, elle ne pousse désormais plus du tout à cause du changement climatique : il n'est même pas question de pucerons verts ou de néonicotinoïdes, c'est râpé, tout simplement.
Tout à l'heure, un collègue du groupe Dem, spécialiste agricole, par-delà les retraites, …
… expliquait qu'il fallait mieux diversifier notre agriculture. C'est vrai : lorsque les parcelles sont plus petites et plus diversifiées, les pucerons progressent moins et on évite que des hectares entiers soient dévastés.
Chacun voit bien, d'ailleurs, que les néonicotinoïdes ont conduit à un appauvrissement des sols tel qu'à l'échelle de la planète, on n'utilise plus que sept ou huit plantes pour nourrir l'humanité entière ! Or on serait capables de cultiver d'autres produits !
Que me disent les agriculteurs que j'ai rencontrés la semaine dernière, notamment ceux de la FDSEA, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles – avec lesquels, c'est vrai, je ne suis pas forcément tombé d'accord ? Que j'étais bien gentil, …
… mais qu'ils ne pouvaient pas cultiver d'autres produits, non rentables, qui ne leur permettent pas de vendre à des prix rémunérateurs. Pourquoi les prix ne sont-ils pas rémunérateurs ? Parce qu'il n'y a pas de prix plancher ! Parce que c'est la concurrence libre et non faussée qui s'applique ! Parce que c'est le libre-échange qui prévaut !
Mme Mathilde Panot applaudit.
… qui détruit l'agriculture française et qui ne lui permet pas de se diversifier !
Protestations sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR
fixez des prix plancher, réglementez les marges de la grande distribution et des intermédiaires, et vous verrez que nous ne discuterons même plus des néonicotinoïdes, car nous n'en aurons plus besoin !
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
Je m'adresse aux députés qui vivent pleinement les arguments de M. Bernalicis : écoutez-le, comme il vous écoutera tout à l'heure.
Sourires.
Sourires sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Comme le soulignait fort bien Dominique Potier, il n'y a qu'une seule santé pour la Terre, qu'elle soit environnementale ou humaine, il n'y a qu'une seule santé pour tous. Les néonicotinoïdes sont dévastateurs pour l'environnement.
Ce sont des substances hautement toxiques, persistantes, qui tuent à très faibles doses les abeilles, ces pollinisateurs sauvages dont dépendent notre agriculture et notre alimentation. Les néonicotinoïdes sont responsables, en France, de l'effondrement de 80 % de la population d'insectes et d'un tiers des oiseaux des champs en quelques années.
Nous avons voté en 2016 la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui interdisait les néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Je rappelle que cette loi a été promulguée après deux ans et demi de débats parlementaires. Je me souviens d'avoir voté ici, dans la nuit du 22 au 23 juin 2016, un amendement visant à réintroduire l'interdiction des néonicotinoïdes qui avait été supprimée par le Sénat et qui fut adopté par trente-six voix contre trente et une. Certes, le combat fut difficile. Mais prétendre qu'aucun plan d'accompagnement n'a été prévu à l'époque, c'est une erreur. C'est un mensonge.
Une période de transition de deux ans était prévue, jusqu'en juillet 2020, pour laisser au monde agricole les possibilités de s'adapter et de continuer à utiliser certains produits en l'absence de solutions alternatives. On pourrait vous demander, monsieur le ministre, ce que vous avez fait depuis trois ans ! Le comité de suivi, ce n'est pas maintenant qu'il fallait le créer : c'était dans la foulée de l'entrée en vigueur de la loi de 2016 !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Dominique Potier applaudit également.
Ce que vous voulez faire, sous la pression des lobbies et de l'agrochimie, c'est plus qu'un reniement : c'est un précédent. Il suffira désormais d'invoquer une difficulté économique dans un secteur
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et LR
pour justifier le retour des néonicotinoïdes par simple arrêté ministériel et donc pour ouvrir la voie à d'autres dérogations d'ici à juillet 2023, notamment pour le maïs.
Il n'est plus temps de procrastiner. Cet amendement vise donc à supprimer l'alinéa 4 de l'article 1er.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Cédric Villani applaudit également.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 92 .
Il s'agit d'un amendement de notre collègue Delphine Batho.
Il faut distinguer entre le contenu du texte que nous allons voter aujourd'hui, celui qui sera promulgué et celui qui sera peut-être soumis au Conseil constitutionnel ou à d'autres juridictions. Que nous disent les juristes du droit de l'environnement et certains spécialistes pour éclairer nos débats ? Premièrement, que ce texte constitue une régression du droit environnemental et que le Conseil constitutionnel en sera sûrement saisi, sur ce motif.
Nous verrons comment il se prononcera, mais il paraît tout à fait probable que ce texte ne soit en réalité jamais appliqué car il aura été censuré par le Conseil constitutionnel.
Deuxièmement, vous nous enjoignez depuis tout à l'heure de ne pas remettre en doute votre parole et vous assurez que la dérogation ne concernera que la betterave. Je crois que vous êtes peut-être de bonne foi en disant cela.
« Ah ! » sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Ne sous-estimez pas, cependant, les risques que la rédaction retenue pour l'article 2 fera peser sur l'ensemble des interdictions de néonicotinoïdes. Là encore, les spécialistes du droit de l'environnement rappellent – cela n'a été que très peu évoqué, même si notre collègue Jean-Charles Colas-Roy l'a fait tout à l'heure – que des recours sont en cours devant le Conseil d'État. Ils ont été déposés par les fabricants des produits concernés, qui s'engouffreront dans la brèche que nous allons ouvrir demain, pour casser et mettre à mal l'ensemble les interdictions existantes, en demandant des dérogations pour d'autres types de culture, comme on en introduit aujourd'hui une pour les betteraves. Ce n'est pas moi qui le dis ! Lisez les spécialistes du droit de l'environnement : en voulant bien faire, vous risquez malheureusement de casser complètement le dispositif. Je sais que nous sommes souvent persuadés, les uns et les autres, de la véracité de nos arguments.
Nous avons déjà, par le passé, débattu longuement de textes de loi qui ont ensuite été intégralement censurés.
Il est défavorable.
Je souhaite répondre plus précisément sur les propositions avancées par M. Bernalicis. Oui, les solutions de biocontrôle sont peut-être pertinentes. Oui, les réductions de parcelles sont peut-être l'avenir. Oui, les haies sont peut-être le futur.
Oui, les bandes enherbées plantées sur une parcelle déjà constituée ou le bio – qui ne représente que 0,4 % de la surface betteravière française – peuvent constituer de bonnes décisions. Peut-être est-ce là que se trouve la solution.
Mais je rappelle que les solutions que vous proposez n'ont jamais été testées. Si nous sommes réunis ce soir, c'est précisément pour vérifier qu'elles fonctionnent. Le conseil de surveillance, dont le principe a été validé en commission, aura les pieds dans la boue, pour reprendre vos termes : il se déplacera. Il n'assurera pas seulement le suivi, mais aussi le contrôle de ces solutions.
Vous avez raison quand vous dites que nous devons tester ces solutions, mais vous avez tort quand vous oubliez qu'elles n'ont jamais été testées. Avis défavorable.
Il est défavorable.
Madame Batho, la description que vous faites de la situation allemande est juste, à ceci près que les Allemands appliquent leurs produits par pulvérisation – ce qui renvoie au débat sur la pertinence de cette technique. Pour le trancher, il faut, me semble-t-il, nous mettre à la place de nos amis paysans. Quand un agriculteur constate un début d'invasion de pucerons dans son champ, que fait-il ? S'il pulvérise un produit, il ne se limitera en aucun cas aux seules plantes infestées : il va de soi qu'en voyant les pucerons arriver, il pulvérisera ses plants de façon beaucoup plus étendue. Si, sur le papier, la comparaison entre pulvérisation et semences enrobées peut faire débat, la réalité des faits est tout autre.
Mme Mathilde Panot proteste.
Madame Panot, je ne vous ai pas interrompue.
Mme. Mathilde Panot continue de protester et demande la parole.
Madame Panot, vous n'êtes pas obligée de vous comporter ainsi ! Poursuivez, monsieur le ministre.
Monsieur Juanico, pour créer un comité de suivi, il aurait fallu que la loi de 2016 le prévoie – la loi de 2020 le fera.
Monsieur Bernalicis, vous formulez des recommandations concernant les petites parcelles. Le rapporteur a évoqué ce point. D'abord, vous assénez comme une vérité que la solution résiderait dans les petites parcelles. En réalité, les chercheurs en agronomie estiment qu'elles font partie des éléments à étudier, comme d'autres solutions évoquées par divers intervenants.
À titre d'exemple, un exemple qui n'est pas neutre, les ingénieurs agronomes débattent du fait de savoir si les petites parcelles de quatre hectares doivent être carrées ou si elles doivent plutôt prendre la forme d'une longue bande étroite. Je vous mets au défi, si vous étiez un agriculteur confronté à une telle incertitude, de savoir ce que vous devriez faire. Voilà la réalité du terrain.
Ensuite, j'estime – et, encore une fois, je salue la cohérence de votre groupe sur cette question – qu'il n'est pas une civilisation au monde qui ne se soit appuyée sur une agriculture forte. Cela n'existe pas. Or je veux une France forte, c'est-à-dire une France avec une agriculture forte.
Et une agriculture forte, que vous le vouliez ou non, c'est une agriculture qui exporte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
C'est là, peut-être, l'immense différence entre nous.
Vous renvoyez à la question des traités de libre-échange et du commerce. J'espère bien que, si les propositions que vous avancez étaient adoptées et suivies d'effet, l'ouverture des frontières serait maintenue, car ce que vous proposez n'est ni plus moins que l'importation, d'ici à deux ans, du sucre polonais, belge ou allemand.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'espère donc vivement que le marché commun continuera à exister, sans quoi nous aurons un très gros problème.
Monsieur Orphelin, il ne s'agit pas, au fond – je le répète très calmement – , d'opposer les députés les uns aux autres au sujet des néonicotinoïdes. La question est de savoir si nous souhaitons que la filière de la betterave s'engage dans la transition. Chacun ici s'accorde à considérer que c'est nécessaire – sauf que, comme nous essayons de vous le faire comprendre de façon très apaisée, engager une transition avec une filière qui meurt revient à ne pas faire de transition.
Par ailleurs, si vous voulez dresser un bilan écologique – et je connais votre honnêteté intellectuelle – , deux éléments doivent être pris en considération. Premièrement, quel est le référentiel ? Observez les effets du Movento, du Teppeki et d'autres pyréthrinoïdes auxquels le député Turquois, agriculteur spécialiste de ces questions, faisait référence : intégrez-les à votre référentiel environnemental !
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Ajoutez ensuite à votre calcul les importations, dont nous ne voulons pas !
Enfin, madame Batho, vous avez soulevé tout à l'heure la question du décret d'application. Je ne vous avais pas répondu. Vous remarquiez que l'avis du Conseil d'État renvoyait à un décret dans lequel les substances interdites seraient définies. Mais le paragraphe que vous avez cité renvoie, précisément, au nouveau décret d'application que le Conseil d'État nous recommande de prendre, en début d'avis, pour consolider le projet de loi. Vous avez un éminent scientifique dans vos rangs. Or c'est comme en mathématiques : considérant que mon raisonnement est faux, cela signifie-t-il nécessairement que le résultat est-il faux ? En l'occurrence, le raisonnement est vrai, mais le résultat est faux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, et LR.
Depuis le début de la séance, vous avez pu constater que je m'efforce de donner la parole, pour chaque amendement, à un orateur pour et à un orateur contre. J'essaye par ailleurs, madame Panot, d'alterner les dons de parole afin que ce ne soit pas toujours les membres du même groupe qui s'expriment.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
En l'espèce, deux orateurs s'exprimeront – un pour et un contre – , à savoir M. Thiériot et Mme de Courson.
Rappel au règlement
Monsieur le président, j'ai l'impression que vous voyez mal ce qui se passe à votre gauche mais peu importe, vous n'êtes pas le premier président dans ce cas !
Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR. – Plusieurs députés demandent sur quel article du règlement l'orateur fonde son intervention.
Monsieur Bernalicis, vous devez préciser sur quel article vous adossez votre rappel au règlement. Sinon je devrai vous couper la parole.
Il se fonde sur les articles 98 et 51 et porte sur la tenue de nos débats. J'ai bien compris que vous donniez la parole à un orateur pour et à un orateur contre. Très bien, sauf que nous discutons actuellement de trois amendements dont l'un a été déposé par une certaine Mme Panot. Or c'est elle qui souhaite répliquer. Elle a même été la première à lever la main pour vous le demander. Vous n'avez pas regardé de ce côté-ci de l'hémicycle mais ce n'est pas grave car je sais bien que c'est compliqué de tourner les yeux dans cette direction.
Protestations sur les bancs des groupe LaREM, LR et Dem.
On ne vous demande pourtant rien d'autre que le minimum syndical : la possibilité de répliquer à propos de nos propres amendements.
Article 1er
En écoutant les propos qui viennent d'être tenus, je me suis dit qu'on oubliait un peu le rôle du législateur. Consiste-t-il vraiment à entrer dans les détails, molécule par molécule, plutôt qu'à proposer une vision d'ensemble de ce que nous voulons pour notre agriculture et pour notre pays ?
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui l'enjeu est global. Nous risquons de voir disparaître une filière, celle de la betterave, qui comprend non seulement les agriculteurs mais aussi, au-delà, 40 000 salariés qui travaillent pour cette industrie. Et demain, ce seront les usines sucrières d'Europe de l'Est, et non les agriculteurs de notre pays, qui produiront, pour un bilan carbone catastrophique, le sucre que nous consommerons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ne serait-ce que pour des raisons environnementales, pour éviter d'importer des produits agricoles que nous ne voulons pas consommer, nous devons soutenir ce projet de loi. Ne désespérons pas nos paysans, eux qui nourrissent les hommes. Voilà le rôle du législateur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je souhaite faire une observation d'ordre linguistique : on parle d'une « infestation de ravageurs » contre laquelle on emploie des « produits phytosanitaires », les mêmes que ceux qui se trouvent dans nos shampoings et dans nos produits de beauté. Or ces néonicotinoïdes ne sont rien d'autre que du poison : l'imidaclopride, c'est du poison, le thiamethoxame, c'est du poison et la chlotianidine, c'est encore du poison ! Disons-le !
Il faut certes sauver la filière betterave mais il faut aussi sauver la biodiversité. D'ailleurs je ne pense pas que la filière s'écroule alors que le vivant, lui, s'effondre. Or des solutions existent. Certaines ont été présentées par le groupe Socialistes et apparentés, d'autres par notre collègue Matthieu Orphelin. Elles sont d'ordre financier mais se trouvent aussi du côté de la recherche, du biocontrôle, de la culture ou encore de la biostimulation. Il faut les mettre en place sans attendre.
Je discutais ce matin dans ma circonscription avec un agriculteur qui exploite depuis vingt ans, en zone défavorisée simple, 600 hectares en bio, en grande culture – ce qui n'est pas rien. Il m'a dit que ne nous ne devions surtout pas autoriser la réintroduction des néonicotinoïdes car tous les agriculteurs sont en train de basculer vers le « zéro phyto ».
C'est d'autant plus important qu'en Bourgogne-Franche-Comté, des voix s'élèvent pour que soit maintenue l'utilisation de néonicotinoïdes pour la culture du colza et de la moutarde. Vous devriez d'ailleurs, monsieur le ministre, en entendre parler dès la semaine prochaine.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 26
Contre 88
M. le ministre et plusieurs députés ici présents nous ont dit que la dérogation ne s'appliquerait qu'à la production de betteraves et pas à d'autres types de culture. Or notre collègue Yolaine de Courson a cité à l'instant l'exemple de la moutarde et déjà, en août, les producteurs de maïs avaient formulé une demande de dérogation, en expliquant qu'ils étaient eux-mêmes en grande difficulté, qu'ils se trouvaient dans une impasse, notamment face aux ravageurs. Dès lors, monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier une fin de non-recevoir auprès de ces autres filières alors que vous avez accordé une dérogation aux producteurs de betteraves ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Défavorable.
Je souhaite réagir aux propos tenus par M. Jacob concernant le « miel de betterave ». Cher collègue, je pense que vous vous êtes laissé berner par la propagande du Gouvernement.
Sourires. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
En effet – et c'est la science qui nous le dit – les néonicotinoïdes se propagent au-delà de leur simple zone d'utilisation. La science nous apprend aussi que seulement 20 % de la substance active sont absorbés par la plante et que 80 %, voire un peu plus, contaminent les sols, les eaux et les nappes phréatiques – elle se retrouve donc un peu partout.
Allons plus loin : cette dérogation menacerait des milliards d'abeilles par an en France. Et puisque vous vous intéressez au sort des apiculteurs, sachez que la production de miel, en France toujours, a été divisée par trois à cause des néonicotinoïdes et que les trois quarts des miels en Europe contiennent des résidus de ces insecticides.
Enfin, monsieur le ministre, sachez que les insectes pollinisateurs sont nécessaires à 85 % des plantes cultivées. En accordant cette dérogation, vous n'agissez donc pas en faveur d'une agriculture « forte » – pour reprendre le mot que vous avez employé tout à l'heure – , vous ne faites que détruire la possibilité de cultiver des plantes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
S'il faut bien sûr accompagner les producteurs de betteraves, vous n'apportez, comme l'a dit M. Turquois, qu'une solution à court terme alors qu'une réponse systémique est nécessaire – c'est ce que nous proposons.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 118
Majorité absolue 60
Pour l'adoption 25
Contre 93
L'amendement no 61 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 77 , 83 , 89 et 93 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 77 et 83 sont identiques, ainsi que les amendements nos 89 et 93 .
Sur les amendements identiques nos 77 et 83 , je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 77 .
Chacun comprendra que cet amendement ne modifie pas l'opposition frontale du groupe GDR au projet e loi, opposition qui, en ce qui nous concerne, ne se négocie pas.
Cependant, dans le cadre de mon activité parlementaire – cela ne date pas d'hier – , lorsque je suis confronté à un texte mauvais ou dont je considère qu'il aura des effets très négatifs, j'ai l'habitude de présenter des amendements susceptibles de le rendre un peu moins néfaste. C'est le simple but du présent amendement, qui remplace la date de 2023 par celle de 2021 ; cela ne change absolument rien à l'appréciation que nous avons du texte.
Monsieur le ministre, dans votre projet de loi, vous nous proposez d'autoriser par arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement l'usage des néonicotinoïdes.
Je comprends les difficultés éprouvées par les betteraviers et par la filière industrielle, mais je propose que ce soient les députés qui accordent chaque année ces dérogations. Le premier délai d'un an laisse le temps au Gouvernement de rencontrer les professionnels de la filière, les industriels, les producteurs et l'Institut technique de la betterave – ITB – et de mobiliser l'INRAE et les instances européennes, afin de produire un rapport d'étape. Au bout d'un an, ou un peu moins, vous revenez nous voir : c'est alors à nous de prendre la décision, en conscience, sur la base de ce rapport et de nouveau pour un an – et non pour trois, comme le prévoit actuellement le texte.
Il y a quatre ans, Mme Pompili nous avait induits en erreur. Je me souviens très bien des débats de 2016, je m'étais abstenu : j'avais laissé passer l'interdiction parce que je comprenais l'enjeu environnemental, et en particulier les difficultés rencontrées par les éleveurs – car les apiculteurs sont des éleveurs d'abeilles. Les néonicotinoïdes sont 7 000 fois plus toxiques que le DDT, et le taux de mortalité annuel des abeilles atteint 30 % ; en vingt-cinq ans, la production de miel a été divisée par deux ; selon une étude allemande, la population d'insectes volants a baissé de 75 à 85 % ; celle des oiseaux a baissé de 30 % en quinze ans. Ceci m'interpelle et interpelle les populations.
C'est pourquoi je ne suis pas prêt à donner un blanc-seing au Gouvernement : j'ai confiance en vous, mais ma confiance en Mme Pompili est réservée, …
… car elle nous a induits en erreur il y a quatre ans. Nous devons être responsables vis-à-vis de la filière et des producteurs, tout en tenant compte de l'enjeu environnemental. L'amendement propose donc aux parlementaires d'accorder eux-mêmes les dérogations pour une durée d'un an.
Je pense être le seul apiculteur professionnel dans cet hémicycle. Je suis d'ailleurs à l'origine des trois ruches installées au-dessus de nos têtes. Je sais que les oreilles de mes collègues bourdonnent à cet instant
Murmures sur plusieurs bancs
et je me dois d'être leur porte-parole, tout en ayant conscience du fait qu'il faille donner toute sa place à la filière de la betterave dans nos campagnes.
L'amendement vise à éviter que la dérogation puisse se prolonger : au-delà du 1er janvier 2022, l'interdiction des néonicotinoïdes doit redevenir pure et simple. Les apiculteurs ont alerté le Gouvernement quant à l'utilisation de cet insecticide également appelé « tueur d'abeilles », et s'inquiètent de ce que la dérogation qui concerne la culture de betterave soit également accordée à d'autres productions. Rappelons que les néonicotinoïdes se répandent dans les sols et dans l'eau et y restent présents pendant de nombreuses années. Il n'est donc pas exclu que, même limitée à la culture de la betterave, cette dérogation ait un impact immense sur les insectes pollinisateurs.
Par ailleurs, il convient de rappeler que l'utilisation des produits phytosanitaires n'est pas la seule solution à court terme pour lutter contre les parasites ; il est temps que la recherche progresse dans ce domaine, afin d'assurer la pérennité de certaines filières agricoles tout en préservant les abeilles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, pour soutenir l'amendement no 93 .
Mon opposition au texte est connue, monsieur le ministre, et je souhaite la partager auprès de tous. J'avais proposé à la commission du développement durable, saisie pour avis, que nous ne nous prononcions que pour deux campagnes, c'est-à-dire jusqu'en 2022, et celle-ci avait donné un avis favorable. Ainsi, au moins – puisque nous ne pourrons pas le mieux – la dérogation sera limitée à la présente législature. Ensuite, une nouvelle décision devra être prise par la prochaine Assemblée.
Je tiens à rappeler que le texte ne crée pas une possibilité de déroger pendant trois ans à l'interdiction : il permet de le faire pendant un an, renouvelable deux fois. Ces dérogations ne sont permises que dans les cas où survient un danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables, pour une durée de 120 jours et selon un usage limité et contrôlé.
Je prends beaucoup de plaisir à votre compagnie…
… mais je ne pense pas que ce texte ait vocation à devenir ces deux ou trois prochaines années un rendez-vous annuel, comme le sont le PLF ou le PLFSS. Monsieur Benoit, nous avons l'habitude de travailler ensemble, nous nous côtoyons très régulièrement et nous prenons du plaisir à avancer sur des sujets communs, en particulier la défense du monde agricole. Remplacer 2023 par 2021 et créer une dérogation annuelle – auquel cas nous devrions tous nous rassembler de nouveau comme ce soir – mettrait en difficulté les agriculteurs. Je vous mets au défi de trouver un seul planteur de betterave qui serait prêt à prendre le risque de replanter de la betterave sans savoir ce qu'il adviendrait l'année suivante. Il suffit d'une année pour que les sucreries tombent complètement à plat : au bout de deux ans, on perdrait 100 % des planteurs de betterave et de la première filière sucrière au monde.
Mon avis est également défavorable, mais je souhaite vraiment répondre à l'inquiétude du député Benoit – je crois que tout le monde la partage, et notre objectif commun est de trouver la solution le plus rapidement possible. Ce qui est proposé à votre assemblée, c'est de voter la possibilité donnée au Gouvernement d'utiliser l'article 53 du règlement européen qui, comme l'a très bien dit le rapporteur, ne sert qu'en cas de danger et quand il n'existe pas d'autre solution crédible. Les trois années correspondent donc à un maximum, mais chaque année, lorsque la France – ou tout État membre – dépose sa demande, elle doit la justifier. Si la justification n'apparaît pas suffisante, elle est considérée comme illégitime et la Commission a le droit de ne pas autoriser la dérogation.
Par ailleurs, il est incontestable que depuis quatre ans, le suivi n'est pas assez important. Je ne dis pas que rien n'a été fait, car ce n'est pas vrai – des choses ont été faites, et d'autres sont en cours – mais le suivi doit être plus régulier. C'est pour cela qu'en commission, suite à nos travaux, la création d'un conseil de surveillance a été décidée ; celui-ci doit rendre un avis chaque trimestre, et les parlementaires y sont représentés – c'est très important. Je veux rassurer la représentation nationale : la dérogation est une possibilité offerte uniquement en l'absence d'autre solution, et le suivi, qui sera public, associera pleinement les parlementaires.
Je veux d'abord saluer les bonnes intentions des collègues bien conscients du poison que sont les néonicotinoïdes, qui cherchent à limiter les dégâts en essayant de réduire la durée des dérogations. Je rappelle que selon les calculs effectués par le journaliste Stéphane Foucart pour son livre Et le monde devint silencieux, chaque tonne de néonicotinoïde peut tuer jusqu'à 150 000 milliards d'abeilles. Qu'on parle de vingt tonnes ou quatre-vingts tonnes, l'ordre de grandeur est le même.
Nous sommes passés un peu vite sur la question de l'Allemagne, qui est le deuxième producteur européen de betteraves. Comme cela a été annoncé par la ministre allemande de l'agriculture, son pays refuse d'autoriser de manière dérogatoire le thiaméthoxame, l'imidaclopride et la clothianidine. Or je ne crois pas que l'on puisse dire que l'Allemagne prend le risque d'une pénurie de sucre, ni celui de la fermeture de toutes ses sucreries.
Monsieur le ministre, vous avez demandé ce qui était le « moins pire » entre la pulvérisation et l'enrobage des semences : les deux sont des poisons, on ne peut pas choisir le meilleur ! Mais il faut tout de même souligner qu'il existe entre les deux une notable différence d'échelle. En enrobage de semences, les néonicotinoïdes se retrouvent partout, sur 400 000 hectares de champs de betteraves, y compris à des endroits épargnés par le puceron et la fameuse jaunisse – car ils ne sont pas présents sur la totalité des assolements et des terres mises en culture cette année. Je constate que l'approche allemande consiste en une intervention curative, fondée sur l'utilisation de produits qui ne sont pas les trois produits interdits dans l'Union européenne, tandis que vous proposez de mettre en place un traitement préventif en enrobage de semences, sur 400 000 hectares.
Applaudissements sur les bancs des groupes EDS, FI et GDR.
Cher Thierry Benoit, je comprends bien votre intention et aussi votre inquiétude s'agissant de l'utilisation des néonicotinoïdes par l'enrobage de semences. Mais enfin, avec la loi de 2016, en décrétant une date-butoir sans faire ensuite le travail nécessaire, on a menti aux agriculteurs, aux consommateurs, aux citoyens, parce qu'on savait qu'on n'allait pas tenir les délais prévus. Que voulez-vous que l'on fasse : préférez-vous que l'on oblige à donner dès 2021 un nouvel avis, qui devra certainement proroger la dérogation puisque la solution n'aura pas encore été trouvée, ou bien que l'on décide directement d'attendre 2023, sachant que le renouvellement n'est pas automatique – chaque demande doit être motivée, comme l'a bien précisé M. le ministre ? On sait que, quoi qu'il en soit, la campagne s'arrêtera en 2023 partout en Europe : on laisse ainsi le temps aux scientifiques de trouver la solution. Il faut arrêter de mentir aux citoyens, aux agriculteurs et aux consommateurs. Nous n'avons pas encore la solution, laissons le temps aux scientifiques de la trouver.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je soutiens l'amendement qui vise à limiter la dérogation à une période d'un an : c'est peut-être un moindre mal. J'écoute les débats depuis le début, et j'observe trois temps distincts. Le premier temps est celui de l'urgence, pour une filière confrontée à une situation catastrophique, qui n'est d'ailleurs pas sans effets sur nos territoires. Elle a certes été fragilisée par la suppression des néonicotinoïdes, mais aussi par les quotas et par les contrats de libre-échange. Il n'y a d'ailleurs pas que la filière sucre qui souffre : dans mon territoire, la filière éthanol est touchée ; le machinisme agricole l'est aussi, ainsi que les sociétés de transports, qui trouvent leur équilibre grâce aux campagnes betteravières, et les éleveurs, qui vont chercher la pulpe dans les sucreries. Les conséquences peuvent donc être terribles
M. Jacques Krabal applaudit
et il faut souligner l'urgence à laquelle nous faisons face.
Le deuxième temps est celui de la transition. Je voudrais saluer le travail effectué par Dominique Potier pour le groupe Socialistes et apparentés, qui expose toutes les mesures d'accompagnement et de financement nécessaires pour trouver le plus rapidement possible des solutions techniques de rechange.
Enfin, le troisième temps est celui des résultats. Pour l'instant, on propose une dérogation sur trois ans, mais il faut absolument mettre la pression sur le monde agricole, qui a parfois tendance à faire l'autruche et à trouver des prétextes pour reporter les dérogations, mais aussi sur le monde de la recherche, en effectuant des contrôles et des évaluations le plus souvent possible. Un rythme annuel me paraît approprié afin de parvenir au résultat que nous recherchons tous : sortir des néonicotinoïdes tout en préservant notre économie et nos territoires.
Madame Batho, ce qui tue les abeilles, ce sont les mauvaises pratiques de certains apiculteurs, c'est l'activité humaine et l'artificialisation des sols, c'est le mauvais nourrissement des ruches, c'est la transhumance pratiquée par des agriculteurs qui manquent de formation.
Monsieur Benoit, pour conduire la recherche, identifier les bonnes solutions de rechange, les tester et les rendre pérennes pour l'ensemble de la filière betterave à sucre, il faut disposer d'un minimum de temps. Un an, cher Jean-Louis Bricout, c'est insuffisant : cela ne donne aucune visibilité à une usine sucrière comme celle de Tereos à Origny-Sainte-Benoite, cela ne lui permet pas d'embaucher et surtout d'assurer la pérennité des emplois. Il faut laisser à la filière un peu plus de temps : trois ans, c'est un délai qui me semble représenter un moindre mal et qu'il ne faudra en aucun cas dépasser. En revanche, il faut être exigeant : c'est tout l'enjeu du conseil de surveillance.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 31
Contre 94
La parole est à M. Jean-Charles Colas-Roy, pour soutenir l'amendement no 109 .
Il vient rappeler que la loi biodiversité – votée en 2016, applicable en 2018, avec possibilité de dérogation jusqu'en juillet 2020 – était bien faite : les arrêtés permettant à certaines filières d'obtenir des dérogations pour utiliser des néonicotinoïdes devaient être conjointement signés par les ministres de l'agriculture, de l'environnement et de la santé.
Nous savons que les pesticides de la famille des néonicotinoïdes ont des effets considérables sur l'environnement et potentiellement sur la santé humaine. L'Autorité européenne de sécurité des aliments déclarait d'ailleurs en 2016 que certains d'entre eux peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain. En l'état, le texte qui nous est proposé par le Gouvernement prévoit que seuls les ministres de l'agriculture et de l'environnement seront signataires des arrêtés d'autorisation. Si jamais le texte devait être voté – vous aurez compris que ce n'est pas l'issue que j'appelle de mes voeux – , par parallélisme des formes et par cohérence avec la loi biodiversité de 2016, il me paraît essentiel que le ministre de la santé soit associé à l'octroi des dérogations, car la réintroduction des néonicotinoïdes, véritables poisons pour les sols et la biodiversité, constitue un enjeu majeur de santé publique.
Monsieur le ministre, j'ai noté avec intérêt, dans votre réponse à M. Potier, que vous étiez favorable à cette mesure.
J'émettrai malheureusement un avis défavorable. Puisqu'on parle de 46 000 emplois, on aurait pu ajouter le ministère du travail ; comme il s'agit de trouver des solutions techniques de rechange, on aurait également pu ajouter celui de la recherche ; et aussi ceux de l'industrie ou du commerce extérieur, et bien d'autres encore…
Ce qui a été plébiscité lors des auditions, c'est plutôt la création d'un conseil de surveillance qui mette tout le monde autour de la table et qui se réunisse très régulièrement pour trouver une issue le plus rapidement possible. En feront partie quatre députés, quatre sénateurs, des représentants d'ONG et d'associations de protection de l'environnement, des représentants de syndicats agricoles, des membres des ministères de l'agriculture et de l'écologie, d'instituts de recherche publique, du Conseil économique, social et environnemental et de l'Institut technique de la betterave, ainsi que le délégué interministériel qui a récemment pris ses fonctions. Or parmi les instituts de recherche publique, il y a non seulement l'INRAE, mais également l'ANSES, qui conseille précisément le ministère de la santé.
Votre amendement est donc satisfait par la création du conseil de surveillance.
Sagesse. J'ai évoqué le sujet en répondant à M. Potier. Mais je ne voudrais surtout pas influencer le choix du président Jacob par la propagande gouvernementale !
Sourires.
J'écoute vos échanges depuis tout à l'heure, et vous connaissez ma position. L'amendement de Jean-Charles Colas-Roy est très intéressant car il met en avant l'enjeu de la santé, que le texte laisse de côté. Monsieur le ministre, le quatrième plan national santé environnement, qui court de 2020 à 2024, comporte une nouvelle notion, celle de l'exposome, qui consiste à prendre en compte tous les effets de l'environnement sur la santé des populations, et non uniquement ceux d'une molécule sur un environnement agricole.
M. Moreau a cité plusieurs fois les organophosphorés, leur biocinétique et leur pharmacodynamie sur des terres argileuses ou schisteuses – je ne sais plus et peu importe ! Je voudrais évoquer un antécédent très connu d'organochlorés : celui du chlordécone qui était interdit depuis 1978 dans le reste du monde, mais qui a continué à être utilisé en France jusqu'en 1993, dans le territoire des Antilles.
On se retrouve avec une contamination sur plusieurs centaines d'années, obligé de lancer un plan chlordécone…
Pas du tout. Je veux simplement souligner que si certains effets des néonicotinoïdes sont connus – c'est un produit toxique, nocif pour l'environnement et la biodiversité – on n'a pas encore de certitudes chiffrées quant à leur impact sur la santé. Il est donc essentiel d'associer le ministère de la santé aux décisions ; sinon, on devra d'ici une dizaine d'années – mais peut-être l'avez-vous prévu ? – lancer un plan néonicotinoïdes !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EDS, GDR et FI.
La participation du ministère de la santé est tout sauf facultative. Je suis heureux de ce débat, et la réponse du rapporteur m'interpelle. C'est stupéfiant : un comité est affecté à la betterave – 400 000 hectares, une seule molécule concernée – et sa composition est, à un nom près, celle du comité d'orientation stratégique et de suivi du plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques, dit Écophyto II+. Mais faites donc vivre ce comité ! J'avais été le rapporteur du plan Écophyto II. Le rapport que j'avais remis à Manuel Valls a été détricoté, et la seule innovation du plan Écophyto II+ lancé par votre gouvernement fut d'ajouter le ministère de la santé à ceux de l'agriculture et de l'environnement. Et on nous dit aujourd'hui qu'il n'y aurait pas besoin de faire figurer ce ministère dans le comité de surveillance des néonicotinoïdes ?
Faites donc deux choses sérieuses : actez devant nous dans la loi qu'aucune décision relative aux néonicotinoïdes ne sera prise sans l'avis du ministère de la santé ; réactivez le plan Écophyto. Arrêtons les plans Théodule, soyons efficaces, clairs et systémiques ; avançons !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EDS et FI et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 109 est adopté.
Même avis.
Je suis opposé à ces amendements. La sucrerie d'Erstein, qui fait les titres du Monde ce soir et qui se trouve dans ma circonscription, est l'une des plus menacées en France par la crise de la jaunisse. Son bassin de collecte s'étend sur le département du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, mais également sur celui de la Moselle ; elle se fournit également chez quelques producteurs allemands. On voit donc que des amendements qui tendent à fractionner les autorisations en fonction de communes, de cantons ou d'autres secteurs géographiques sont déconnectés des réalités du terrain.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 45 .
Afin de mieux suivre et accompagner les acteurs dans l'application de la loi – ce suivi, on l'a beaucoup répété ce soir, a fait défaut à la loi biodiversité de 2016 – on a créé un conseil de surveillance chargé du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre de solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes.
Le présent amendement vise simplement à préciser les compétences de ce comité de surveillance. Celui-ci rend un avis public sur les arrêtés de dérogation proposés par les ministres de l'agriculture et de l'environnement et sur le plan de prévention proposé par la filière de production betteravière, ainsi que sur le programme de recherches.
Favorable.
Ainsi, comme on l'a déjà dénoncé, le conseil de surveillance ne rendra que des avis. C'est, comme on l'a vu avec la mission d'information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, une façon de mettre le problème sous le tapis et d'acheter du temps. Dans trois ans, on nous dira que la filière n'a toujours pas de solution de rechange – alors que l'ITB bénéficie d'un budget de plus de 5,7 millions d'euros et qu'il sait depuis des dizaines d'années que la filière a des difficultés structurelles… Le conseil de surveillance ne fera, une fois de plus, qu'entériner la volonté de la filière de faire obstruction à l'interdiction des néonicotinoïdes. On nous dit qu'il faut trois ans de plus, comme on avait déjà dit en 2018 qu'il fallait deux ans de plus, et comme on nous dira en 2022 qu'il en faut encore cinq. On n'en finit pas, c'est un jour sans fin, une histoire sans fin : parce que l'agriculture industrielle crée, de façon structurelle, ce désastre et ce désordre économique que la chimie ne résoudra jamais, nous irons de dérogation en dérogation, jusqu'à la fin des temps. Ce n'est pas acceptable.
L'amendement no 45 est adopté.
Il a pour objectif de restreindre la possibilité de dérogation à la seule betterave sucrière. Sachant qu'inclure ce nom de plante dans le texte de la loi risquerait de provoquer la censure du Conseil constitutionnel, mon amendement mentionne les deux caractéristiques de la betterave sucrière : d'une part, c'est une plante bisannuelle, qui est donc récoltée avant floraison ; d'autre part, elle ne peut être consommée sans avoir fait au préalable l'objet d'une transformation par un outil industriel.
Le cumul de ces deux caractéristiques permet à la dérogation de ne s'appliquer qu'à la betterave sucrière, ce qui correspond au souhait de tous, tout en garantissant la sécurité juridique du dispositif. Une autre rédaction ferait courir le risque que la restriction de la dérogation soit censurée par le Conseil constitutionnel : d'autres cultures pourraient alors faire usage des néonicotinoïdes, ce que personne ne veut.
Avis défavorable. Madame la rapporteure pour avis, nous avons déjà abordé ce sujet en commission, et nous savons quel est l'enjeu du choix des termes qui seront examinés par le Conseil constitutionnel, afin que soit assuré le meilleur encadrement possible de la dérogation pour l'usage des néonicotinoïdes. Pour ma part, j'estime que les mots « betteraves sucrières » permettent d'encadrer parfaitement cette dérogation et qu'ils donnent satisfaction à nombre de nos collègues.
Sagesse.
L'amendement no 48 n'est pas adopté.
Il vise à empêcher l'autorisation de l'utilisation en France de produits à base de substances interdites depuis 2018 dans l'Union européenne, à savoir l'imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine – à prononcer, c'est un défi !
Plusieurs collègues ont rappelé les chiffres effrayants du déclin de la biodiversité. Personne ne peut nier le rôle joué en la matière par la destruction des milieux naturels mais, pour ce qui est du déclin de la biodiversité en milieu agricole, nos pratiques culturelles y sont pour beaucoup, en premier lieu les substances que nous répandons sur nos plantes, qui se retrouvent dans nos sols.
Ce soir, nous avons beaucoup opposé l'agriculture et l'écologie. Pourtant nous avons tous rencontré de nombreux agriculteurs et nous savons qu'ils ne tiennent pas un discours unique. Parmi eux, il y a ceux qui souhaitent le retour à l'utilisation des néonicotinoïdes, mais il y en a beaucoup d'autres – dans quelle proportion, c'est toute la question – qui ne le souhaitent pas : ils sont partisans d'une conversion systématique, et tendent vers la pratique d'une agriculture plus raisonnée et bio. Les seconds ne s'expriment peut-être pas autant que les premiers, autant que les lobbies de la betterave, mais ils existent bien.
La responsabilité des néonicotinoïdes dans le déclin de la biodiversité est parfaitement documentée scientifiquement grâce à plus de 1 200 études que l'on ne peut remettre en question. Nos amis européens n'en doutent d'ailleurs pas puisqu'ils ont interdit il y a maintenant deux ans ces trois substances qui sont parmi les plus dangereuses.
Monsieur le ministre, on nous rappelle assez souvent que notre loi nationale doit aller plus loin que les directives européennes ; n'allons pas vers l'écueil opposé. Nous avions quelques années d'avance lorsque nous avons interdit les néonicotinoïdes : nous amorcions alors avec lucidité la transformation agroécologique de nos pratiques, car c'est bien l'indispensable transformation vers laquelle nous devons aller en urgence. Vous prônez vous-même constamment un changement de modèle agricole. Pourtant, la mesure que vous proposez nous ferait retomber dans la dépendance des néonicotinoïdes, ce qui signifie que nous aiderions de moins en moins nos agriculteurs à poursuivre une véritable transformation écologique.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 21 .
Sa rédaction est différente, mais il va dans le même sens. En 2016, puis en 2018, lorsque l'interdiction a été prononcée dans toute l'Union européenne, nous avions bien mesuré les bénéfices et les risques liés à l'utilisation de ces molécules dont nous connaissons la toxicité, le large spectre et la rémanence. Nous savons que la balance penche définitivement du mauvais côté en raison des effets de ces substances sur le vivant.
L'amendement vise à limiter les dérogations aux seuls produits utilisés aujourd'hui dans l'Union européenne.
Pour toutes les raisons précédemment exposées, mon avis est défavorable.
Même avis.
Avant de procéder aux votes, je vous informe que sur l'amendement no 60 , que j'appellerai dans un instant, je suis saisi, par le groupe La France insoumise, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le Conseil général de l'environnement et du développement durable étant une instance qualifiée pour mesurer l'impact environnemental des décisions prises, il paraît important de le saisir pour avis d'arrêtés dérogatoires au droit établi.
Défavorable. J'ai déposé un amendement qui donne au conseil de surveillance que nous avons créé en commission le pouvoir de délivrer un tel avis.
L'amendement no 39 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il me permet de revenir sur des arguments relevant de l'agronomie, puisque vous souhaitez placer notre débat sur ce plan. Jean-Baptiste Moreau faisait état tout à l'heure d'éléments scientifiques montrant que les néonicotinoïdes seraient absorbés par les argiles. J'aimerais savoir à quels documents scientifiques il se réfère, car la majorité des études scientifiques…
… prouve que les néonicotinoïdes, après avoir été lessivés, se retrouvent massivement dans les nappes phréatiques, donc nécessairement dans l'eau que nous buvons.
Monsieur Moreau, ce lessivage n'est pas provoqué par des inondations. Vous parliez vous-même de capacité de rétention de nos champs : ce n'est pas à vous que je devrai apprendre qu'elle est atteinte lorsque la pluie a amené le sol à saturation jusqu'à son point de ressuyage. Il n'y a donc pas besoin d'inondations ou d'événements extraordinaires pour que se produise un lessivage des néonicotinoïdes vers les nappes phréatiques : cela se produit annuellement, car nos sols dépassent fréquemment leur capacité de rétention – leur perméabilité à saturation n'étant pas nulle, les néonicotinoïdes sont filtrés et se retrouvent dans les nappes phréatiques.
Avant d'être député, j'ai travaillé sur la capacité hydrique des sols à l'INRA, devenu INRAE. J'aimerais que vous puissiez me donner des éléments montrant que la capacité de rétention des sols n'est jamais dépassée, et que le lessivage ne se produit que si la charge de gravité la dépasse de… quoi, 50, ou 100 millimètres ? En tout cas, les études scientifiques contredisent absolument cette approche.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Avis défavorable, comme à tous les amendements qui visent à supprimer un alinéa de l'article.
Même avis.
Ce n'est pas parce qu'on affirme n'importe quoi avec beaucoup d'assurance que c'est une vérité.
Je voudrais que vous me citiez ces études montrant que les néonicotinoïdes, après lessivage, se retrouvent massivement dans les eaux. Ce que j'ai dit est la vérité : les néonicotinoïdes se fixent sur les argiles et ne sont lessivés qu'en cas de dépassement de la capacité de rétention des sols, dépassement qui ne se produit pas tous les quatre matins comme vous le prétendez – ce que vous reconnaîtrez si vous avez l'honnêteté intellectuelle d'un scientifique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 20
Contre 97
L'amendement no 60 n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Il est fondé sur l'article 50 du règlement, relatif aux horaires de la séance publique. Il est près de vingt-trois heures trente et, selon l'alinéa 4 de l'article, nous devrions lever la séance à minuit. Mais il nous reste encore à examiner quatre-vingt-dix amendements et l'alinéa 5 indique que « L'Assemblée peut toutefois décider de prolonger ses séances soit sur proposition de la conférence des présidents pour un ordre du jour déterminé, soit sur proposition de la commission saisie au fond, d'un président de groupe ou du Gouvernement pour continuer le débat en cours ».
Il me semble souhaitable que nous terminions l'examen du texte. Sachant que nous aurons du mal à venir à bout des amendements d'ici à minuit, nous demandons une prolongation de la séance.
Je me tournerai dans un instant vers M. le ministre et vers M. le président de la commission pour connaître leur avis. Nous avons la possibilité de finir les amendements ce soir, mais cela dépend de la bonne volonté de tous les groupes, y compris le vôtre, monsieur Orphelin.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je note que je suis à 100 % d'accord avec le président Orphelin. Ce n'est pas tous les jours !
Sourires.
Ce projet de loi a été débattu en détail par nos collègues de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire puis, toujours en détail, par nos collègues de la commission des affaires économique. Depuis que nous avons commencé à l'examiner, je crois que la plupart des sujets importants ont été abordés
Mme Delphine Batho et Mme Yolaine de Courson protestent
On peut continuer.
Lors de la conférence des présidents, certains groupes ont insisté pour qu'un vote ait lieu demain dans les conditions d'un scrutin solennel – j'étais présent quand M. Orphelin l'a fait. C'est tout l'honneur de cette assemblée. Il est clair cependant que si nous ne finissons pas l'examen du texte ce soir, ce scrutin ne pourrait pas avoir lieu.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
La conférence des présidents est évidemment souveraine, mais je vous donne mon avis.
Ce n'est pas du chantage, c'est seulement une analyse factuelle du débat parlementaire tel que je le pratique et tel que, malheureusement, vous le pratiquez depuis trois ans.
Il s'agit d'un choix collectif mais pour ma part, je pense que nous pouvons et que nous devons terminer. C'est mon avis et j'espère que tous les groupes parlementaires me rejoindront.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le président André Chassaigne qui est le premier à m'avoir alerté sur cette question des horaires.
L'article 50 comporte un alinéa 4 ainsi rédigé : « L'Assemblée se réunit le matin de neuf heures à treize heures, l'après-midi de quinze heures à vingt heures et en soirée de vingt et une heures trente à minuit . » L'alinéa 5, qui permet à l'Assemblée de prolonger ses séances, se termine par cette phrase : « La prolongation de la séance du soir au-delà de l'horaire mentionné à l'alinéa 4 n'est admise que pour achever une discussion en cours. » Monsieur le président, pouvez-vous nous préciser ce qu'est une « discussion en cours » ? S'agit-il de la discussion d'un article, d'un amendement, de l'ensemble d'un projet de loi ? Tout cela demande un peu d'exégèse, comme certains textes de la Bible.
Sourires. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Merci, monsieur Chassaigne, de nous rappeler à nos Écritures.
La parole est à M. le ministre.
Pour la clarté des débats, il me semble préférable que nous terminions ce soir.
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
De nombreux amendements à venir concernent des remises de rapports, et le gros des sujets me semble maintenant derrière nous. Il me semble, monsieur le président Chassaigne, qu'il y a en tout cas une certaine homogénéité dans ce qu'il nous reste à examiner.
Sachant qu'il nous reste quatre-vingt-dix amendements, je dois vous informer que nous avons examiné huit amendements par heure cet après-midi, et que nous sommes passés ce soir, de façon très spectaculaire, à onze par heure. Je crois que personne ne souhaite que nous restions dans l'hémicycle jusqu'à sept heures du matin : …
… tout dépend donc de chacun d'entre vous. Je vous propose d'essayer d'avancer. Nous verrons bien, un peu plus tard, si vous manifestez tous la volonté d'examiner les amendements dans des délais susceptibles de nous permettre de finir ce soir. Je me tournerai vers tous les présidents de groupe pour prendre une décision.
Mais, monsieur le président, que signifie « achever une discussion en cours » ?
Selon l'exégèse, monsieur le président Chassaigne, cela veut dire achever le projet de loi.
Article 1er
Cet amendement tend à obliger le demandeur à présenter un plan de prévention et de transition pour obtenir la dérogation souhaitée. En cela, il formalise l'initiative prise par la filière de la betterave sucrière et consolide le rôle du conseil de surveillance, chargé notamment de suivre l'état d'avancement du plan de prévention mis en oeuvre par la filière de production betteravière. Pour la même raison, je propose que le renouvellement de dérogation soit conditionné par le respect de ce plan de prévention.
Il me semble que votre amendement est satisfait : le 22 septembre, l'interprofession a remis au ministre de l'agriculture le plan de prévention de l'ensemble de la filière betterave à sucre, qui vise à accélérer la transition vers une culture de la betterave sans néonicotinoïdes au cours des trois années à venir. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement no 1 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Frédérique Tuffnell, pour soutenir l'amendement no 47 .
Les néonicotinoïdes sont présents dans les sols et aussi dans les eaux ; ils s'accumulent et persistent dans les milieux naturels de quelques mois à plus de vingt ans.
Cet amendement vise à éviter que des dérogations ne permettent l'utilisation des néonicotinoïdes dans les sites Natura 2000 ainsi que dans les zones humides. Depuis la révision de l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, certains points d'eau, dont les chevelus de tête de bassins versants, ont été déclassés et ne sont plus protégés par les périmètres restreignant l'usage de produits phytosanitaires. Il convient donc de protéger les sites Natura 2000 et les zones humides.
Ces enjeux sont aussi au coeur de nos préoccupations – des miennes, en particulier, puisque j'ai des sites Natura 2000 sur mon territoire. La loi ne me semble pas devoir entrer dans le degré de détails que vous proposez car nous ne pourrions pas être exhaustifs et nous laisserions de côté de nombreuses autres situations qui doivent également faire l'objet d'une protection.
Même avis pour les mêmes raisons. J'ajoute, madame la députée, que l'on ne cultive pas des betteraves sur un sol gorgé d'eau. Dans la réalité, votre demande est donc satisfaite.
L'amendement de Frédérique Tuffnell cible les zones humides et les sites Natura 2000, mais aussi les parcs naturels régionaux, les réserves naturelles régionales et nationales et les réserves de biosphère. Dans les régions où la betterave à sucre est très cultivée, il y a dix sites Natura 2000, trois parcs naturels, trois réserves naturelles et j'en passe. Il est donc pertinent de se demander si vos dérogations vont entraîner des mises en cultures avec néonicotinoïdes dans ces espaces censés être protégés.
L'amendement no 47 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à subordonner les dérogations à une étude scientifique indépendante. Pourquoi un avis scientifique poussé et indépendant est-il vraiment important ? En particulier parce que ces néonicotinoïdes, certes des poisons terribles, viennent aussi avec leur lot de surprises scientifiques extraordinaires. C'est même une histoire passionnante.
Qui aurait pu imaginer qu'à des doses d'un milliardième de gramme, on obtienne des effets tangibles sur les abeilles ? Cela a été démontré il y a quelques années, et cette découverte inattendue a fait l'objet d'une publication dans la revue Science.
Qui aurait pu imaginer que ces organochlorés se retrouvent ailleurs que dans les sols argileux où, en théorie, ils auraient dû sagement rester, comme l'a justement indiqué M. Moreau ? C'en est au point de poser des problèmes dans les études comparatives car on ne sait plus vraiment quel champ est contaminé et quel champ ne l'est pas. Il existe des exemples célèbres sur le sujet.
Qui aurait pu imaginer que l'on obtienne de tels niveaux de contamination et des effets aussi extraordinaires que dans le cas déjà cité, qui a également fait l'objet d'un article dans Science, où un lac se retrouve dépeuplé deux ans seulement après l'introduction d'imidacloprides et autres à proximité ?
J'insiste sur l'indépendance parce que c'est un domaine dans lequel il y a une extraordinaire histoire d'intérêts liés dans les conseils scientifiques. En 2003, le conseil scientifique et technique planchait sur ce sujet pour le gouvernement de l'époque : de façon remarquable, il était allé au-dessous de la limite de détection qui lui était fixée pour son étude ! Quand on voit de telles choses, on se pose des questions sur l'indépendance…
Ce qui m'amène à faire de la publicité pour les travaux sur l'intégrité scientifique conduits par notre collègue Pierre Henriet dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – OPECST. Ils viendront éclairer utilement la question de l'indépendance de l'action de l'évaluation scientifique.
Je ne voudrais pas que l'on oppose les agriculteurs – qui demandent des solutions pour protéger les cultures, et c'est bien légitime – aux apiculteurs – qui déplorent la surmortalité des abeilles depuis plusieurs décennies – et à l'écologie en général. Il est normal que de nombreux apiculteurs s'inquiètent de la dérogation dont nous discutons ce soir. Nous voulons les rassurer en écrivant noir sur blanc dans le texte qu'ils seront associés aux décisions prises.
La parole est à Mme Annie Chapelier, pour soutenir l'amendement no 27 .
Au regard des conséquences notoires des néonicotinoïdes sur les écosystèmes, nous aimerions que cette négation du principe de non-régression – pourtant inscrit dans la loi – ne se fasse pas, en outre, en négation des principes fondamentaux du droit de l'environnement.
C'est pourquoi nous demandons que les dérogations à l'interdiction des néonicotinoïdes, que le Gouvernement entend délivrer, fassent au moins l'objet d'une évaluation environnementale préalable. Celle-ci permettrait d'évaluer les effets notables que peut avoir la mise en oeuvre de chaque dérogation sur l'environnement, ainsi que des solutions de substitution.
S'inscrivant dans la logique du triptyque « éviter, réduire et compenser », elle permettrait aussi de proposer des mesures pour réduire et compenser les incidences négatives notables sur l'environnement – bien que cette démarche soit loin d'être la plus vertueuse.
Au regard de la situation de la biodiversité en France, monsieur le ministre, cela semble être le strict minimum.
Mme Frédérique Tuffnell applaudit.
Avis défavorable. Comme vous, monsieur Villani, je pense qu'il faut des instituts de recherche compétents et indépendants. C'est pour cela que nous avons demandé à l'ANSES et à l'INRAE d'être au conseil de surveillance. Votre amendement étant satisfait, j'en demande le retrait. Et s'il n'est pas adopté, le sous-amendement no 141 tombera, mais je pense bien évidemment que les représentants des apiculteurs doivent participer au tour de table.
Mêmes avis pour les mêmes raisons.
Je comprends le malaise que peuvent ressentir certains collègues du groupe de La République en marche en entendant Cédric Villani expliquer l'histoire des découvertes sur les néonicotinoïdes et leurs impacts environnementaux. En substance, il nous dit que nous n'avons peut-être pas encore tout découvert, mais que ce que nous savons déjà est plus qu'inquiétant pour la biodiversité, l'environnement, les nappes phréatiques et les cultures suivantes.
Vous lui répondez que l'indépendance de la recherche est un sujet très intéressant. Ce n'est pas la question ! Au détour de son développement, il s'est inquiété du manque d'indépendance de la recherche, une entrave qui a retardé les découvertes sur les néonicotinoïdes.
En fait, les lobbies sont extrêmement puissants, comme l'avait déploré Nicolas Hulot en quittant le Gouvernement en raison de leur action particulièrement intense. Cette fois, le lobby des néonicotinoïdes a trouvé l'oreille sensible de l'actuel ministre, dont la position pourrait se résumer ainsi : « aux phytos dits, aux phytos faits » !
La rationalité est-elle du côté du Gouvernement ou de celui de tous les agriculteurs, de tous les apiculteurs, de tous les citoyens et citoyennes qui s'opposent à cette réintroduction des néonicotinoïdes ?
Vous avez toujours le terme « lobby » à la bouche, mais vous rendez-vous compte à quel point, depuis une semaine, nos boîtes mail sont inondées de spams ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Il y a bien sûr des associations, des citoyens qui veulent nous parler, et nous échangeons avec eux. Mais le reste, ce sont des logiciels envoyant des lettres types ! Nous sommes bombardés de mails. Je n'ai jamais vu ce type de lobbying venant de qui que ce soit d'autre, agriculteurs ou industriels.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Le sous-amendement no 141 n'est pas adopté.
L'amendement no 23 n'est pas adopté.
L'amendement no 27 n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Mon rappel se fonde sur l'article 52, alinéa 1 du règlement. Si certains essaient de travailler sur les amendements, je constate depuis quelques minutes que les débats ne semblent pas intéresser tout le monde. Je sais que la buvette est fermée, mais les députés qui ont envie de se raconter leur week-end ou quoi que ce soit d'autre peuvent toujours aller dans les salons…
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.
Madame Fiat, ce n'est pas à vous mais à moi de faire ce genre de rappel.
Mes chers collègues, je vous signale qu'il nous reste quatre-vingts amendements à examiner. Lorsque nous en étions à quatre-vingt-dix, vous avez décidé, dans une belle unanimité, de finir les débats ce soir. Je constate qu'il sera impossible d'examiner quatre-vingts amendements en vingt minutes. J'en appelle à la responsabilité de chacun. Comme M. Lescure l'a rappelé, soit nous terminons ce soir et le vote solennel aura lieu demain, soit la conférence des présidents prendra une décision demain matin. Aux uns et aux autres, je demande donc de ne pas multiplier les demandes d'intervention et de scrutin public. Je le dis devant M. Castaner qui vient d'arriver. En Béarn, nous avons l'habitude de responsables qui disent une chose et en font une autre. Ici, je vous propose ici de faire ce que nous avons annoncé.
MM. Thierry Benoit et Philippe Vigier applaudissent.
Article 1er
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement no 5 .
Quitte à ne pas être au diapason de ceux qui veulent finir ce soir, je préférerais que nous prenions le temps de débattre car il y a des choses que je ne comprends pas. On nous dit que nous avons déjà discuté en commission et dans d'autres lieux, mais je remarque que nous sommes très nombreux. Quand il y a autant de monde dans l'hémicycle un lundi soir, c'est que le sujet a une forte résonance médiatique.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Soit nous examinons ces quatre-vingts amendements à vitesse grand V au risque de discréditer la représentation nationale aux yeux d'une grande partie des Français, ou nous prenons le temps.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cet amendement d'Olivier Falorni vise à s'assurer que l'arrêté autorisant l'emploi de semences traitées avec des néonicotinoïdes soit pris sur la base d'un bilan établi par l'ANSES, bilan qui compare les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques considérés comme autorisés en France avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles.
Cet amendement, vous l'aurez compris, vise à nous assurer qu'il n'y a pas d'autre solution que l'utilisation des néonicotinoïdes.
En répondant à Jean-Charles Colas-Roy, dont l'excellent amendement, que j'ai voté, fait intervenir le ministère de la santé dans l'arrêté de dérogation, M. le rapporteur a évoqué aussi l'intervention du ministère du travail. Il se trouve que l'ANSES couvre une grande partie de ces sujets. Je vous invite donc à être cohérent, monsieur le rapporteur, et, dans la continuité de l'amendement no 109 , à rassurer les Français sur l'utilisation des néonicotinoïdes.
Avis défavorable, pour la même raison que précédemment. L'ANSES, siégeant au conseil de surveillance, donnera évidemment son avis. Je rappelle en outre que l'avis rendu par le conseil de surveillance sera public et voté à la majorité.
Avis défavorable également. L'ANSES a été saisie à deux reprises par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation : une fois pour étudier les impacts des dérogations de 2018 ; l'autre fois pour des mises en gestion de dérogations qui interviendront à la fin du mois de novembre 2020 et en janvier 2021.
L'amendement no 5 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 25 .
Il vise à ce que les parcs et les réserves mentionnés aux articles L. 331-1 à L. 336-2 du code de l'environnement puissent interdire, en leur sein, la culture de semences traitées avec les produits phytopharmaceutiques à nouveau autorisés par le projet de loi. En effet, il convient de préserver les espaces protégés que constituent les parcs naturels régionaux et nationaux, les réserves naturelles et, bien sûr, madame Tuffnell, les zones humides. Dans le cadre d'un véritable processus de construction, de concertation et d'expérimentation, ces territoires permettent d'allier l'activité humaine et la préservation du patrimoine naturel, et contribuent à l'identification de solutions nouvelles. Nous proposons donc qu'ils puissent être exclus, s'ils le souhaitent, des dérogations prévues par le texte.
Vous avez raison, madame Bagarry, il faut protéger les espaces naturels remarquables, mais rien ne s'oppose aujourd'hui à ce que les parcs inscrivent une telle exclusion dans leurs chartes. Il est inutile de l'indiquer dans la loi puisqu'ils peuvent déjà le faire. Avis défavorable.
En complément, je précise que l'article L. 331-4-1 du code de l'environnement prévoit cette possibilité pour les parcs nationaux, notamment les coeurs de parcs, et l'article L. 332-3 pour les réserves naturelles. En ce qui concerne les parcs naturels régionaux et les chartes mentionnées par le rapporteur, l'article de référence est l'article L. 331-3. Je vous invite à retirer l'amendement, qui est satisfait.
L'amendement no 25 n'est pas adopté.
Le détenteur de l'autorisation de mise sur le marché de produits contenant des néonicotinoïdes, désormais autorisés par dérogation, et l'exploitant agricole qui met en culture des semences enrobées doivent déclarer, auprès de l'autorité administrative, les lieux où sont pratiquées les cultures préalablement au semis. En effet, l'utilisation de ces pesticides peut causer un préjudice à des tiers et à l'environnement. Ces tiers sont bien sûr les apiculteurs, mais pas seulement, puisque les grandes cultures dépendent de la pollinisation.
Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS, a ainsi montré, dans la zone atelier de Chizé, que les écarts de rendement pouvaient atteindre 40 % pour les parcelles de colza faiblement fréquentées par les insectes. Il a constaté, au contraire, une augmentation des marges de 150 à 160 euros par hectare pour les parcelles fortement fréquentées par les abeilles. L'analyse des rendements de cinquante-quatre cultures du territoire français montre que les cultures les plus dépendantes de la pollinisation sont celles qui présentent l'évolution des rendements la plus défavorable.
Le présent amendement vise à rendre obligatoire la communication d'informations précises à l'autorité administrative, concernant notamment la localisation des parcelles sur lesquelles seront utilisées les semences traitées aux néonicotinoïdes, afin que les tiers affectés par leur utilisation en raison de leur voisinage puissent engager les procédures nécessaires de réparation – nous reviendrons sur ce point dans le prochain amendement.
Je vous rappelle, chère collègue, que tous les utilisateurs de produits phytosanitaires à titre professionnel sont tenus de remplir un registre phytosanitaire. En outre, vous le savez, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être pratiquées de manière adéquate et proportionnée. Or il me semble que votre amendement ferait peser sur la vie privée des agriculteurs un risque important. Vous souhaitez protéger les agriculteurs, avez-vous dit : je donne un avis défavorable justement pour les protéger.
L'administration a évidemment accès aux registres phytosanitaires que les agriculteurs sont tenus de remplir. Mon ministère conduit plus de 6 500 contrôles par an pour déterminer sur quelles parcelles agricoles sont utilisés des produits phytosanitaires. Avis défavorable.
L'amendement de Delphine Batho est tout à fait justifié. Il s'agit non seulement d'identifier les parcelles qui reçoivent des néonicotinoïdes, mais aussi de connaître les qualités propres de ces parcelles, puisque, comme cela a été souligné, les caractéristiques du sol ont une influence sur les semences utilisées. Un laboratoire de l'INRAE, situé à Orléans a précisément pour mission de travailler sur cette question. L'Observatoire de la qualité des sols a cartographié les sols de notre pays et les a répertoriés dans une base de données selon leur texture, leur structure et leur teneur en argile.
Dans le droit fil de l'amendement de Delphine Batho, il me semble que le croisement des demandes de mise en culture de semences enrobées avec la carte des sols de France permettrait d'identifier les risques liés au lessivage des sols et à la présence de nappes sensibles et affleurantes. En tout état de cause, il n'est pas possible de balayer cette question du revers de la main : elle doit être examinée sous un angle global, afin de prendre en considération les cultures concernées, leur localisation et le sol sur lequel elles sont cultivées.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
Selon l'article 7 de la Charte de l'environnement, toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques. Force est de constater que cette règle n'est pas appliquée aujourd'hui pour les registres phytosanitaires.
Le présent amendement répond à un objectif de transparence et vise à faire reconnaître le préjudice écologique que causera, du fait des futures dérogations délivrées, la contamination de l'air, de l'eau, du sol, des terres et des sites naturels par les résidus et les métabolites de néonicotinoïdes.
La notion de préjudice écologique a été reconnue par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – cette même loi à l'origine de l'interdiction des produits contenant des néonicotinoïdes et de l'inscription du principe de non-régression dans le code de l'environnement.
Dès lors que nous disposons maintenant de toutes les connaissances scientifiques sur la nocivité de ces poisons et sur leurs effets dévastateurs, parfois pour vingt ans, sur les pollinisateurs, les insectes, les gastéropodes aquatiques, les vers de terre et divers mammifères, nous proposons, par cet amendement, d'inscrire dans la loi que l'autorisation de leur utilisation s'accompagnera de l'application de l'ensemble des dispositions du code civil relatives au préjudice écologique.
La parole est à Mme Yolaine de Courson, pour soutenir l'amendement no 24 .
Vous souvenez-vous de Tautavel, chers collègues ? C'est dans ce village proche de Perpignan qu'ont été découvertes les premières traces des femmes et des hommes préhistoriques français – ils doivent aujourd'hui se retourner dans leur grotte ! Depuis le 10 juin dernier, il est interdit de boire l'eau de Tautavel : on a trouvé dans l'eau de la rivière, utilisée et traitée pour approvisionner les habitants en eau potable, la présence de thiaméthoxame, l'un des trois néonicotinoïdes pourtant interdit depuis quatre ans. De toute évidence, l'utilisation des néonicotinoïdes a une incidence sur l'environnement et des conséquences sur les collectivités territoriales en charge de l'eau.
Certains d'entre vous sont certainement élus locaux. Sachez que les habitants de Tautavel se sont retournés contre les responsables publics locaux, qu'ils jugent responsables de la situation, et envisagent de porter plainte contre eux pour empoissonnement.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que l'agriculture devait être forte. Elle le sera si elle est exemplaire et responsable. Puisque le projet de loi autorise l'utilisation de produits hautement toxiques, il convient d'établir un régime de responsabilité quant aux conséquences de cette autorisation pour les tiers et l'environnement. Tel est le sens de cet amendement de responsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes EDS et FI et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement que vous proposez, madame Batho, tend à qualifier d'office toute dérogation accordée en vue de l'usage de néonicotinoïdes de préjudice écologique au sens du code civil. Une telle disposition paraît peu judicieuse, d'autant qu'elle n'apporte rien au droit existant. Il appartient en effet au juge de qualifier une atteinte à l'écosystème ou à l'environnement, et notamment son caractère « non négligeable », pour reconnaître l'existence d'un préjudice écologique. Avis défavorable sur les deux amendements.
Défavorable.
Les députés du groupe La France insoumise soutiendront ces deux amendements relatifs au préjudice écologique.
Mme de Courson vient d'évoquer la pollution de l'eau par le thiaméthoxame. Je rappelle qu'en 2013, un autre néonicotinoïde était entré dans le Top 15 des polluants les plus fréquemment détectés dans les cours d'eau français. Mme Batho a par ailleurs rappelé la pollution que ces produits engendrent pour les sols. Ils causent également des dommages importants à la santé humaine et aux abeilles.
À cet égard, je veux revenir sur le témoignage d'un apiculteur de la Fédération française des apiculteurs professionnels, qui s'érige contre le projet de loi. Il explique qu'il n'est pas besoin de fleurs pour que les insectes soient exposés aux néonicotinoïdes. Tout d'abord, de nombreuses études l'attestent et cela a été souligné ici à maintes reprises, ces produits sont très persistants. Ensuite, il existe un risque de contamination lié aux poussières chargées de pesticides au moment des semis de graines enrobées, ainsi qu'un risque d'exposition des abeilles du fait du phénomène de guttation : les gouttelettes produites par la plante à l'extrémité de ses feuilles sont source d'eau pour les abeilles. Enfin, cet apiculteur souligne que 50 % des capitules de fleurs pourraient être contaminés par les néonicotinoïdes du fait de la contamination des eaux de surface et de la remontée des substances toxiques dans les cultures intercalaires.
Et ces deux amendements sont d'autant plus pertinents que nous en savons très peu aujourd'hui sur les effets cocktail induits par l'utilisation croisée de néonicotinoïdes et d'autres pesticides.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Cédric Villani applaudit aussi.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, afin de profiter pleinement de la qualité de votre présidence,
Sourires
je demande, au titre de l'article 50, alinéa 5, du règlement de l'Assemblée, la prolongation de la séance au-delà de minuit pour achever la discussion du projet de loi. Je souhaite que l'Assemblée soit consultée sur cette opportunité.
M. Chassaigne m'a fait savoir par écrit qu'il ne souhaitait pas cette prolongation. Elle est toutefois autorisée par le règlement dès lors que le président de la commission ou le Gouvernement la sollicite et que l'Assemblée en décide.
M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a souhaité que la décision revienne à notre assemblée, ce dont je le remercie. Mais avant de vous consulter, chers collègues, je donne la parole à M. le président Chassaigne, qui s'est déjà exprimé sur la question.
Monsieur le président, je ne vous ai pas écrit que j'étais défavorable à la prolongation, mais que je souhaitais l'application du règlement. Si vous me dites solennellement que le règlement permet de poursuivre la discussion jusqu'à la fin du texte, je ne m'y opposerai pas. Mais je ne veux pas que nous nous laissions enfermer dans une interprétation du règlement qui ferait dès lors jurisprudence – car c'est ainsi que les choses fonctionnent dans la maison. Pour ma part, je faisais du règlement une interprétation un peu différente.
Monsieur le président Chassaigne, les services de l'Assemblée, qui ont une parfaite connaissance du règlement, m'indiquent que la « discussion en cours » mentionnée à l'article 50, alinéa 5, est bien celle du texte examiné, non pas celle de l'amendement ou de l'article.
Je propose de suspendre la séance pour que nous trouvions ensemble une solution.
Protestations.
Cette suspension de séance est de droit, monsieur Potier, même si tout le monde tout à l'heure avait souhaité accélérer les débats… Mais auparavant, je vais procéder au vote demandé par le président de la commission des affaires économiques.
Je consulte l'assemblée : souhaitez-vous, mes chers collègues, que nous poursuivions nos travaux au-delà de minuit ?
La majorité des députés présents se prononcent pour.
M. Christophe Castaner applaudit.
Nous allons donc poursuivre l'examen du texte. Je demande à chacun de bien mesurer que cette décision, prise à une large majorité, nous engage.
La parole est à Mme Frédérique Tuffnell, pour soutenir l'amendement no 36 .
Il vise à confier aux agences de l'eau l'organisation d'une campagne nationale consistant à surveiller la concentration des substances néonicotinoïdes et de leurs métabolites dans les eaux de surface. Celles-ci sont, nous le savons, très polluées, et personne ici ne peut nier l'extrême toxicité des néonicotinoïdes. Il s'agit d'un amendement de bon sens.
Le dispositif de l'amendement prévoit que les prélèvements et analyses des sols et des eaux de ruissellement seront réalisés « à la charge de l'exploitant agricole ». Vu le contexte sanitaire actuel et les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs de la filière betterave-sucre, il ne serait pas judicieux de leur ajouter une charge supplémentaire. J'émets donc un avis défavorable.
Vous avez donné votre avis sur l'amendement suivant, monsieur le rapporteur !
Le conseil de surveillance prévu par le projet de loi sera notamment chargé d'évaluer les conséquences des dérogations sur l'environnement. Il lui appartiendra de déterminer ce qui relève de cette évaluation, qui pourra inclure la surveillance des eaux de surface, des eaux souterraines ou d'autres éléments. Tenons-nous-en à cette formulation générale, je ne suis pas favorable à ce que l'on entre dans le détail.
Nous avons été un peu vite en besogne sur les amendements nos 11 et 24 . Or il y a un lien avec le présent amendement. Le rapporteur a indiqué qu'il appartient au juge, et non à un texte, de déterminer s'il y a ou non un préjudice écologique. Je répète ce que le président Mélenchon a annoncé lorsqu'il a présenté la motion de rejet préalable : si le projet de loi vient à être adopté, nous avons l'intention de saisir le Cour de justice de la République.
Murmures sur divers bancs.
En effet, c'est en toute connaissance des éléments à notre disposition, établis selon les critères de la rationalité scientifique, que le Gouvernement soumet au Parlement un projet de loi qui vise à continuer d'empoisonner les sols, les êtres vivants dans leur diversité, les agriculteurs et nous-mêmes. Monsieur le rapporteur, nous avons la ferme intention que la justice puisse se prononcer, si d'aventure le Conseil constitutionnel ne censure pas le texte entre-temps.
Mme Mathilde Panot applaudit.
L'amendement no 36 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Yolaine de Courson, pour soutenir l'amendement no 28 .
Nous en convenons tous ici, l'utilisation des nénicotinoïdes provoque des dégâts collatéraux. Il convient de protéger ceux qui sont susceptibles de les subir, c'est-à-dire ceux qui ont une parcelle voisine, qu'il s'agisse de collectivités locales – je les ai évoquées précédemment – ou d'autres agriculteurs. Afin que l'on puisse établir le préjudice écologique et économique lié à l'autorisation des néonicotinoïdes, cet amendement prévoit la réalisation d'analyses permettant de connaître l'« état zéro » des sols. On pourra ainsi comparer les situations avant et après l'utilisation des nénicotinoïdes.
Dans un excès de générosité, j'ai déjà présenté les arguments qui me conduisent à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement no 28 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les arguments que vous avez présentés depuis le début de la soirée sont tout à fait insuffisants. Vous n'avez pas répondu aux nombreuses questions que nous avons soulevées concernant l'utilisation des néonicotinoïdes. Vous dites que l'enjeu est d'apporter, grâce à ce texte, une réponse pour éviter l'effondrement de la filière sucrière en France. En réalité, cela fait longtemps que les difficultés ont commencé, et quatre sucreries ont fermé au cours des dernières années. Qu'a fait le Gouvernement pour empêcher cela ? Absolument rien !
Lors de l'examen du projet de loi EGALIM, nous vous avions déjà alertés sur la question des prix. Les causes structurelles de cet effondrement sont liées à la libéralisation que vous défendez mordicus, qui a conduit à mettre fin aux quotas sucriers et, en 2017, aux prix minimum garantis. Cela a abouti à une surproduction mondiale de sucre qui a eu pour conséquence l'effondrement des cours et la déstabilisation de l'ensemble de la filière.
Vous nous vendez ce projet de loi comme la réponse à une urgence, alors que la crise était largement prévisible. Faisant preuve de légèreté, vous ne l'avez pas considérée comme telle et vous ne l'avez pas anticipée. Est-ce donc par l'utilisation des néonicotinoïdes que vous comptez rétablir et garantir un prix du sucre rémunérateur pour les agriculteurs ? Comme je l'ai indiqué au cours de la discussion générale, vous répondez à une vraie question – l'équilibre économique de la filière sucrière – avec de mauvaises réponses, prétendument agronomiques, qui ne permettront pas de sortir de l'impasse.
L'amendement no 59 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement rédactionnel vise à préciser la portée de l'interdiction prévue à l'alinéa 5 de l'article 1er. La rédaction actuelle – « après l'emploi de semences traitées » – paraît imprécise : elle permet d'envisager la plantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs dès le lendemain de cet emploi ou une semaine après. L'amendement vise à poser le principe que, si une semence traitée aux néonicotinoïdes a été utilisée, l'interdiction vaut pour toute la phase culturale.
Il est également défavorable. L'avis de l'ANSES que j'ai évoqué définira ce qu'on appelle les « mises en gestion », notamment les critères de rotation des cultures. Ces éléments seront annexés aux arrêtés prévus par le projet de loi. De cette manière, votre amendement sera satisfait.
Monsieur le président, la commission des finances, dont je suis membre, se réunira demain matin à neuf heures pour examiner la première partie du projet de loi de finances. Si la séance est levée après une heure, qu'en sera-t-il du droit au repos de huit heures entre deux journées de travail ?
Monsieur Bricout, avez-vous décidé vous aussi de me compliquer la tâche ?
Sourires.
Merci.
Monsieur Bernalicis, vous demandez la parole pour parler sur l'amendement ?
Oui, monsieur le président, j'essaie d'en saisir les enjeux. Or je n'ai pas très bien compris les propos du ministre. L'avis de Mme Pompili, qui est une spécialiste de la question, nous aiderait peut-être à nous prononcer sur cet amendement technique.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sa présence ici serait d'un grand intérêt pour nous. L'heure est tardive et cette perspective s'éloigne probablement, mais peut-être pourriez-vous relayer cette demande, monsieur le ministre ? En effet, Mme Pompili dispose en la matière d'une expérience, d'une compétence technique, d'un savoir qui pourraient nous être utiles.
Pour ma part, je n'ai ni cette expertise ni cette ancienneté, n'ayant pas participé à plusieurs gouvernements d'affilée. Je suis encore un peu nouveau ici…
Je vous serais d'ailleurs reconnaissant, monsieur le président, de relayer vous aussi cette demande.
Sourires.
L'amendement no 43 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Yolaine de Courson, pour soutenir l'amendement no 33 .
Vous avez évoqué une durée de deux ans pour l'interdiction, mentionnée à l'alinéa 5, de planter ou replanter des végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs. Or je rappelle la durée de rémanence de certains néonicotinoïdes : si celle du thiaméthoxame est d'un an, celle de l'imidaclopride est de cinq ans et celle de la clothianidine d'environ trente ans. Donc, une interdiction de deux ans seulement, c'est vraiment ridicule ! Afin d'épargner les espèces vivantes, il convient que la durée de l'interdiction soit au minimum égale à la durée de rémanence, celle-ci devant être déterminée par l'INRAE.
Votre amendement dispose que « la durée de cette interdiction ne peut être inférieure à la durée de persistance des substances » et qu'elle est « déterminée par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement ». Selon moi, il ne faut pas graver de telles règles dans le marbre de la loi, afin de laisser davantage de place aux scientifiques. Mon avis est donc défavorable.
Il est également défavorable. La rémanence dépend, entre autres, de la nature du sol – argileux ou non – , du pH et du biotope. Qui plus est, les données dont nous disposons concernant la rémanence ont été établies hors sol, en laboratoire. Comme je l'ai indiqué précédemment à Mme Porte, les éléments résultant de l'étude de l'ANSES, notamment les critères de rotation, seront annexés aux arrêtés que nous prendrons.
Non, monsieur le ministre, il ne s'agit pas uniquement de données obtenues en laboratoire.
Une étude britannique très précise a démontré que 97 % des néonicotinoïdes trouvés dans le pollen rapporté dans les ruches provenaient non pas des cultures environnantes, mais de plantes sauvages. Donc, non seulement les néonicotinoïdes ont une persistance très longue dans les sols et les nappes phréatiques, mais ils se propagent à toutes les plantes, y compris à la flore sauvage.
En novembre 2015, une équipe française a publié une étude révélant la « contamination inattendue et omniprésente » des champs par un néonicotinoïde. Les chercheurs, qui voulaient tester l'impact de semences de colza enrobées avec un néonicotinoïde, ont eu la surprise de constater des concentrations similaires d'un autre néonicotinoïde, dont l'usage est normalement limité à des plantes non entomophiles telles que les céréales à paille.
Au total, nous disposons de 1 220 études scientifiques relatives à l'impact des néonicotinoïdes, qui montrent leur très forte rémanence, mais aussi leur dispersion sur de vastes étendues, y compris aux plantes non cultivées.
L'amendement no 33 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour soutenir l'amendement no 69 .
La question des plantes attractives pour les pollinisateurs est importante. Dans cet amendement, nous proposons que leur mise en culture ne puisse se faire qu'après avoir réalisé des analyses de sol prouvant l'absence de néonicotinoïdes.
Nous l'avons déjà dit : nous avons affaire à un poison, dont la rémanence dans les sols peut dépasser vingt ans. Plusieurs collègues se sont succédé à la tribune tout à l'heure pour expliquer que, puisqu'il s'agit d'enrobage et non de pulvérisation, pas de problème, les abeilles sont respectées. Mais il s'agit malgré tout d'un poison, et 80 % de la substance qui enrobe les semences part directement dans les eaux et dans les sols, contaminant les fleurs sauvages – lesquelles attirent les pollinisateurs – et provoquant la mort des invertébrés qui peuplent les sols et les eaux souterraines.
Malgré tous ces arguments, M. Jacob est revenu à la charge en soutenant que, puisqu'on n'avait jamais vu de miel de betterave, l'enrobage ne posait pas de problème. M. le ministre n'a pas utilisé cet argument, lui, car il le sait mauvais ; il connaît les mille études scientifiques qui prouvent que l'enrobage est dangereux pour les pollinisateurs et pour tous les êtres vivants de la terre et des eaux – y compris pour les coccinelles dont on a besoin pour éradiquer les pucerons.
Je vous demande donc d'adopter cet amendement qui conditionnera à une durée stricte fixée par l'INRAE l'interdiction mentionnée à l'alinéa 5.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.
L'amendement no 69 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
En commission des affaires économiques, nos collègues ont décidé de créer un « conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques ».
Outre que cette initiative contrevient probablement aux dispositions de l'article 40 de la Constitution – à moins que tous les membres de cette instance ne soient bénévoles – elle soulève des interrogations. En effet, au nom de la simplification prévue dans le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de l'action publique, nous nous apprêtons à supprimer de nombreux conseils, commissions et enquêtes publiques en matière environnementale ou sanitaire. Et là, on créerait un nouveau conseil, alors qu'il existe déjà une instance de concertation et de suivi définie à l'article L. 253-6 du code rural – je ne sais pas si elle fonctionne, mais elle existe ?
D'un côté, on simplifie ; de l'autre, on complique, sans doute pour habiller le retour du poison que sont les néonicotinoïdes, produits vraisemblablement contraires au droit européen comme au droit constitutionnel. Il n'y a pas lieu de les autoriser de nouveau, ni donc de créer un comité de suivi. Par cet amendement, je propose donc de supprimer les alinéas 6 et 9.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes EDS et FI.
J'irai dans le même sens. Avons-nous l'expérience d'autres comités de surveillance ? Ils pourraient nous servir de point d'appui : nous saurions comment ils ont fonctionné par le passé, comment l'on s'y est pris, si nous sommes devant un problème nouveau ou déjà connu.
Il se trouve justement que nous avons l'exemple d'une autre substance que l'on avait proposé d'interdire : c'est le Président de la République, je crois, qui avait annoncé que l'on en finirait avec le glyphosate. Puis il s'est dit que cela ne pouvait pas se faire du jour au lendemain, que les agriculteurs devaient se préparer, qu'il n'y avait pas encore d'alternatives… bref, il a créé un comité de surveillance. Et où en sommes-nous, trois ans plus tard ? Le comité de surveillance a surveillé… un peu, et nous n'avons toujours pas interdit le glyphosate, puisque les délais vont encore être prolongés !
Aujourd'hui, on nous ressort une autre substance interdite, avec un comité de surveillance pareil à celui qui n'avait pas fait son boulot et interdit la substance qu'il était prévu d'interdire. On a un peu l'impression que vous vous moquez de nous, pour rester poli.
Sans oublier qu'au sein de ce comité de surveillance siégera l'Institut technique de la betterave, lui-même composé – c'est intéressant – de la Confédération générale des planteurs de betteraves – CGB – , du Syndicat national des fabricants de sucre et de Tereos. La CGB est évidemment affiliée à la FNSEA – Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles – , elle-même financée par Bayer et Monsanto ; Tereos, elle, est la multinationale sucrière propriétaire de Béghin-Say, récemment accusée de polluer les eaux de l'Escaut.
Comment imaginer que ces organismes puissent effectuer un travail honnête au service de la protection de l'environnement, de la biodiversité et des sols, alors même qu'ils viennent de réunir un lobby…
Merci, monsieur le député, votre temps de parole est écoulé.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 58 .
Nous demandons la suppression de ces alinéas. Vous demandez la constitution d'un comité de surveillance, mais des résultats ont déjà été communiqués par des comités scientifiques. La réintroduction des néonicotinoïdes nuirait durablement non seulement aux insectes pollinisateurs, mais à toute la faune sauvage, en contaminant les sols, les cours d'eau et les nappes phréatiques pendant de nombreuses années.
Les recherches menées par l'ANSES mettent en lumière l'apparition de résistances de pucerons verts du pêcher aux néonicotinoïdes. En 2008, on estimait que plus de 550 espèces d'insectes étaient devenues résistantes à un ou plusieurs insecticides, parmi lesquelles une quarantaine avait déjà développé une résistance aux néonicotinoïdes. D'autres possibilités existent et doivent être soutenues.
En 2018 – il y a deux ans ! – , l'ANSES admettait, dans un avis rendu sur les néonicotinoïdes, qu'il n'y avait pas d'impasse technique pour la culture de la betterave car il existait des produits homologués, dont l'efficacité est par définition admise. Vous voulez créer un comité alors que l'ANSES vous a déjà donné les résultats ! Ainsi, les cultures de betterave bio seraient moins touchées par la jaunisse. L'État s'est-il réellement doté des moyens nécessaires pour prendre cette bifurcation indispensable ? Pourquoi créer un comité alors que l'ANSES vous a déjà donné les réponses ?
Madame Fiat, vous aurez remarqué que je vous ai donné la parole alors que vous n'étiez pas signataire de l'amendement ; il est difficile pour votre groupe de se plaindre de la censure.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 135 .
Je relisais à l'instant les conclusions du rapport Écophyto II rendu en 2014. Le Parlement sert-il à quelque chose ? Le comité Écophyto national, qui se réunit pour prendre des décisions, sert-il à quelque chose ? Se réunir dans l'hémicycle pour prendre des décisions sert-il à quelque chose ?
On peut se poser la question car, pendant un an, la pression de certains acteurs professionnels comme la Fédération du négoce agricole, qui a déposé des recours devant le Conseil d'État, a empêché la mise en oeuvre du plan Écophyto II. Il y a eu ensuite une année d'élections, puis un an d'états généraux de l'alimentation. Depuis, j'ai un profond regret de le dire, il ne s'est à peu près rien passé, puisque les principales mesures censées garantir des résultats n'ont pas été prises.
Au lieu de les faire appliquer, on invente un comité sur le glyphosate, un comité sur les néonicotinoïdes et les betteraves… Et puis quoi, encore ?
Tous ceux qui connaissent un peu l'agronomie ou l'économie agricole savent que les réponses sont systémiques. Supprimer une molécule, c'est parfois la remplacer par trois molécules reprotoxiques plus dangereuses ; cela n'a aucun sens.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Une culture prise isolément ne rend pas compte de la réalité d'un territoire, d'une filière, ni de l'ensemble de l'écosystème, lesquels, seuls, peuvent être résilients et apporter des réponses agroécologiques satisfaisantes pour l'économie.
Je plaide pour qu'on arrête de créer ces comités de surveillance qui n'ont pas d'autre objectif que de satisfaire l'opinion à l'instant t, mais qui ne prennent pas de décision publique. De grâce, c'est la seule chose qui pourrait me consoler de cette loi : supprimez le conseil de surveillance, monsieur le ministre, et dites haut et fort que la gouvernance du plan Écophyto II sera démocratique, partagée et efficace ! Cessons l'agribashing, cessons ces mauvaises querelles et entreprenons enfin de faire de la France un leader de l'agroécologie. C'est une arme pour l'économie agricole.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe FI et du groupe LaREM.
Je tiens à rappeler l'objectif du conseil de surveillance. Il n'est pas là pour déterminer si les néonicotinoïdes sont bons ou mauvais pour la biodiversité ; nous le savons tous ici, les néonicotinoïdes ne sont pas de bons produits.
L'objectif du conseil de surveillance est de trouver une solution permettant à la filière de perdurer. Vous avez oublié dans votre liste, cher collègue Bernalicis, qu'y siègent aussi le Conseil économique, social et environnemental, des ONG et des associations de protection de l'environnement, mais aussi des députés et des sénateurs de tous bords politiques.
Quand on veut faire vivre un conseil de surveillance, il suffit de se donner l'ambition de le faire servir à quelque chose. Vous avez peut-être eu une mauvaise expérience, cher collègue Dominique Potier, mais je vous assure que si, demain, j'ai l'honneur de siéger à celui-ci, j'irai jusqu'au bout. Avis défavorable.
Monsieur Potier, je m'engage à aller plus loin dans le plan Écophyto II+. On ne saurait dire que rien n'a été fait, mais nous partageons le constat qu'il est possible de faire beaucoup mieux. Une mission a été lancée avec l'ensemble des organes dédiés ; elle rendra ses résultats au début de l'année prochaine. Sur cette base, je m'engage à relancer Écophyto II+.
Nous le ferons ensemble, monsieur le député.
Monsieur Julien-Laferrière, vous contestez la pertinence du comité de suivi. Je vous propose de raisonner par l'absurde : même si, in fine, il s'avère que le comité n'a servi à rien, cela vaut la peine de tenter le coup, et je pense que sa composition lui permettra d'assurer un suivi précis des engagements.
Monsieur Bernalicis, comme à votre habitude, vous considérez qu'en chacun de nous siège, ou dort, un lobby.
C'est une vision étrange des gens et de la vie de tous les jours ; je ne sais pas si elle facilite les relations humaines.
Il n'y aura pas que l'ITB au comité de suivi : il y aura aussi, comme l'a dit M. le rapporteur, des associations environnementales et des organismes de recherche, bref, des organes publics, des organes associatifs et des organes privés. Pour ce qui est du privé, il est vrai que l'ingénieur agronome que je suis – pour reprendre votre expression – a pensé qu'il faudrait peut-être associer la filière pomme au comité ; mais, en fin de compte, il est bien mieux d'avoir la filière betterave.
Il traite, lui aussi, du comité de suivi dont nous venons d'évoquer la composition. Je pense que ce comité sera critiqué dès son entrée en fonctions, du fait du nombre de personnes aux intérêts liés qui y siégeront et de l'insistance sur le rôle des parlementaires. Il me semble que, pour rassurer l'opinion et permettre au comité de mener ses travaux dans la confiance et l'indépendance, il faudrait lui donner le statut d'un conseil scientifique indépendant, calqué sur le conseil scientifique créé pour suivre l'épidémie de covid-19.
L'amendement no 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il propose que, parmi les quatre députés et les quatre sénateurs membres du conseil de surveillance, au minimum un député et un sénateur soient membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont M. Villani est le premier vice-président.
L'OPECST est un organe commun à l'Assemblée nationale et au Sénat, un outil d'expertise et d'évaluation dédié aux questions liées à l'évolution des connaissances scientifiques et au développement des nouvelles technologies. Il a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix à caractère scientifique et technologique afin, notamment, d'éclairer ses décisions. Compte tenu de la sensibilité du sujet du projet de loi, il me semble important que cette instance soit représentée au sein du conseil de surveillance chargé du contrôle.
Je profite de cette occasion pour inviter les collègues de l'OPECST que je vois ici ce soir – M. Prud'homme, M. Villani – à lire les derniers travaux de l'Office, et notamment le rapport sur l'agriculture face aux défis de la production d'énergie. Vous verrez, il est très intéressant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Cédric Villani applaudit aussi.
L'amendement no 87 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Tout à l'heure, monsieur le rapporteur nous expliquait que les quatre sénateurs et les quatre députés qui siégeront au conseil de surveillance représenteront l'ensemble des groupes politiques, qu'ils appartiennent à l'opposition ou à la majorité, mais cette obligation n'est pas inscrite dans le projet de loi.
Je propose donc de l'y inscrire. Cela permettra peut-être à certains de nos collègues sceptiques concernant ce conseil d'y siéger ; je pense à Dominique Potier. Celui-ci a cosigné la moitié des amendements qu'il reste à examiner, afin de demander des rapports et encore des rapports : il pourrait obtenir des réponses à ses questions au sein du conseil de surveillance.
Monsieur Dive, ne provoquez pas vos collègues. Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement, que vous avez cosigné avec Mme Bazin-Malgras, entre autres, est excellent. Avis favorable.
L'amendement no 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le conseil de surveillance nous est présenté comme un véritable comité de salut public, pour une filière économique majeure, dont vous indiquez le devenir à court terme.
Nous vous avons rappelé que la crise structurelle que connaît la filière précède la crise de la jaunisse, et que ses impacts sociaux s'y font déjà cruellement sentir.
Aussi, par l'amendement no 78 , nous demandons qu'une représentation des salariés de la filière agricole soit prévue au sein du comité de surveillance – c'est d'ailleurs une démarche pérenne de notre groupe pour cette filière comme pour toutes les autres. En effet, les premiers acteurs de la transformation des filières sont les salariés eux-mêmes ; une telle représentation nous apparaît essentielle pour assurer cette transition à très court terme.
Par l'amendement no 79 , nous demandons que les noms de l'INRAE et l'ANSES figurent dans le texte de loi ; par l'amendement no 74 , nous formulons la même demande pour l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation, l'ITSAP, si cher à notre collègue Martial Saddier. Cet institut pourra ainsi vérifier que vos engagements quant à l'abondement de ses fonds sont bien respectés.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement no 142 .
Ce sous-amendement vise à s'assurer qu'outre des agriculteurs, des apiculteurs siégeront au conseil de surveillance. Si la crise apicole est si profonde et durable, c'est parce que ses causes sont complexes ; sinon elle aurait été résolue depuis longtemps.
Des problèmes de mortalité, pathologies, parasites, pesticides, carences alimentaires, manque de biodiversité et production, jusqu'aux enjeux de structuration de la filière, de formation, d'élevage et d'accompagnement technique en passant par les aspects économiques – qualité, marché, prix, consommateur, pollinisation – toutes les facettes de la filière doivent être passées à la loupe, en osant aller au fond des questions. Pour ce faire, nous devons impérativement travailler avec l'ensemble des acteurs – apiculteurs, scientifiques, agriculteurs, entreprises, pouvoirs publics, ONG et citoyens – , dans un esprit de bienveillance, indispensable pour éviter que les passions ne l'emportent sur les raisons.
Le sous-amendement no 146 de M. Julien Dive est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements et sous-amendements ?
Monsieur Wulfranc, je vous rejoins sur la nécessité d'intégrer des salariés agricoles au conseil de surveillance. Néanmoins, il revient selon moi aux organisations syndicales elles-mêmes de nommer leurs représentants. Pour cette raison, j'émets un avis défavorable sur l'amendement no 78 , sur les sous-amendements identiques no 142 et 146 , ainsi que sur l'amendement no 79 .
En revanche, avis favorable sur l'amendement no 74 : vous avez raison, l'ITSAP a toute sa place au sein de ce conseil, tout comme, je le répète, l'Institut technique de la betterave et les grands établissements publics de recherche.
Même avis, défavorable, sur l'amendement no 78 et donc sur les sous-amendements à celui-ci. Outre les raisons déjà données par le rapporteur, les salariés agricoles sont déjà inclus, dans le cadre de la représentation des filières. J'émets également un avis défavorable sur l'amendement no 79 .
En revanche, je donne un avis favorable à l'amendement no 74 , qui reprend la proposition formulée dans les sous-amendements au no 78, celle d'intégrer l'ITSAP. C'est un sujet très important, comme tous en conviennent sur ces bancs, et il est donc important qu'un représentant de cet institut siège au comité de surveillance.
« Ah ! » sur de nombreux bancs.
Je vous ai vu tout à l'heure à la télévision : vous souhaitez que les mesures de ce projet de loi soient effectives le plus rapidement possible, tout en nous permettant de débattre comme il faut. Je suis d'accord avec vous.
J'ai deux messages à transmettre ; il me faudrait donc deux fois deux minutes de temps de parole,…
Murmures
Ensuite, je devrai m'en aller pour rejoindre mon épouse – il y a quand même des priorités.
Rires.
On me fait un procès en sorcellerie depuis jeudi après-midi. J'aurais en effet voté le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire. J'ai pourtant toujours voté contre ces mesures, depuis le début.
J'apporte donc un démenti formel à ces allégations. En revanche, je me suis trompé de bouton au moment du vote.
Rires.
Tant pis pour ceux qui ne veulent pas me croire, après tout ce que j'ai fait !
Des propositions très importantes ont été avancées, afin de prévenir les crues torrentielles. J'ai rappelé qu'il fallait nettoyer les berges.
Sourires. – M. Paul Molac applaudit.
Il n'est pas facile de prendre la parole après Jean Lassalle. Tout à l'heure, si je n'ai pas pris le temps de détailler le contenu de mon sous-amendement no 146 , c'est parce que je considérais que l'amendement no 74 de M. Chassaigne était plus pertinent. Il recueille tout notre soutien.
Comme je l'ai dit dans la discussion générale, et comme cela a été répété ensuite, il est essentiel que la filière apicole soit représentée au sein du conseil de surveillance. Elle y a toute sa place, parce qu'elle est la première concernée.
L'amendement no 74 est adopté.
L'amendement no 44 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à préciser que l'organisation et le fonctionnement du conseil de surveillance sont fixés par décret, tout comme sa composition. L'objectif est de garantir que ce conseil soit opérationnel le plus rapidement possible.
L'amendement no 46 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 56 .
Exactement. Il faut autoriser les néonicotinoïdes pour sauver la filière sucrière ; si l'on refuse, les agriculteurs cesseront de cultiver des betteraves et les usines fermeront, avec des licenciements à la clé, dites-vous.
Or, monsieur le rapporteur, vous indiquez vous-même que les néonicotinoïdes sont mauvais pour la santé et la biodiversité. Comment nous autres parlementaires, pourrions-nous donc accepter un chantage de ce type ? Il s'agit de sacrifier la santé de la population et la biodiversité que tout le monde se targue à cor et à cri de vouloir sauver !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à une question : quand les représentants des autres cultures demanderont à leur tour l'utilisation dérogatoire de ce type de produits, comment la leur refuserez-vous ?
Mme Caroline Fiat et Mme Mathilde Panot applaudissent.
Même avis. Madame Taurine, la dérogation prévue dans ce projet de loi ne concernera que la betterave sucrière. Comme cela a été confirmé tout à l'heure, le texte, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, l'indique clairement.
Je l'ai moi-même dit et redit : les arrêtés de mise sur le marché que le ministre des solidarités et de la santé, la ministre de la transition écologique et moi-même prendront ne concerneront que la betterave sucrière. Je m'y engage.
Terminons-en avec la question du lobbyisme. Comme la majorité des députés dans cet hémicycle, j'ai reçu trois, quatre ou cinq courriels de représentants de la filière betteravière au cours des dernières semaines. En parallèle, monsieur Bernalicis, j'ai reçu des centaines de courriels reprenant exactement l'argumentation que vous développez depuis le début du débat.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.
Qui sont les lobbyistes, je vous pose la question ! Or vous nous reprochez à nous tous – et pas seulement au ministre – qui sommes favorables au projet de loi de céder à la pression, au chantage de ceux-ci !
Par ailleurs, monsieur Bernalicis, je vous croyais plus au fait de la chose juridique : vous menacez de poursuivre le ministre devant la Cour de justice de la République à cause de ce texte, alors même que c'est nous qui en débattons ici, nous qui nous prononcerons sur lui en notre âme et conscience.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et LaREM.
Vous avez la parole, monsieur Lassalle. Je vous rappelle seulement que nous avons décidé de finir l'examen du texte le plus tôt possible, avant que l'Assemblée ne s'exprime demain, à la faveur d'un vote solennel.
Vous n'êtes quand même pas plus pressé de me voir retrouver mon épouse qu'elle ne l'est !
Sourires.
Blague à part, j'ai compris, monsieur le président. Déjà tout à l'heure, en vous voyant à la télévision, j'ai trouvé que vous meniez très bien les débats.
La semaine dernière, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique – excellent projet qui permet de tout dire – j'ai indiqué qu'il fallait reprendre l'entretien des berges des cours d'eau, des bassins versants, afin d'éviter que les arbres et autres végétaux ne poussent n'importe où. Je ne pensais pas que le malheur arriverait si vite. Aujourd'hui, trois vallées de l'arrière-pays niçois, que je connais si bien, sont dévastées.
J'ai moi-même vécu une crue millénaire, et deux crues centennales – décidément, les siècles passent un peu vite. Tout a été emporté.
La semaine dernière, l'équivalent de trois mois de pluie sont tombées sur ces vallées en deux heures ; à l'époque, j'avais vu tomber l'équivalent de dix-huit mois de pluie en une heure et demie. Bref : il faut entretenir les berges, et nettoyer les cours d'eau.
Puisqu'il me reste un peu de temps…
… j'en viens au sujet de la discussion. Je regrette que nous ne nous soyons pas davantage battus sur la recherche. Au lieu de faire perdre son temps à l'excellent M. Villani, présent ce soir, à Paris, où il ne peut rien faire,
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LaREM
M. Macron aurait dû lui confier des travaux de recherche fondamentale, pour qu'il trouve de quoi régler le problème des abeilles et des betteraviers.
Quant à la situation actuelle, elle est simple ; aucun lobby n'a de prise sur moi.
Pendant la campagne présidentielle, M. Macron avait déclaré qu'il ne laisserait jamais tomber les agriculteurs. De fait, on ne peut pas les laisser mourir : rien ne peut remplacer les néonicotinoïdes.
Vous noterez que j'ai du mérite parce que, comme vous, je suis entouré d'apiculteurs, qui me demandent de surtout voter contre ce texte. Mais que voulez-vous que je fasse ? Il faut sauver ceux qui sont en danger de mort, en espérant, monsieur Villani, que vous allez vous mettre au boulot rapidement
Sourires sur les bancs des groupes LaREM et Dem
… de quoi se passer de cette saloperie, permettant ainsi de sauver les betteraviers, et aux apiculteurs d'aller de l'avant.
M. Cédric Villani et M. Bruno Studer applaudissent.
Deux députés étant intervenus, la discussion sur cet amendement est close.
L'amendement no 56 n'est pas adopté.
L'amendement précise que le conseil de surveillance veille « à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d'exploitation », ce qui est essentiel pour passer de travaux de recherche dans des environnements aux conditions maîtrisées à la réalité du déploiement de ces alternatives dans nos parcelles.
L'objectif de ce conseil, en effet n'est pas uniquement le suivi, mais aussi le contrôle sur le terrain.
L'amendement no 137 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je souhaite que le conseil de surveillance s'intéresse de manière consciencieuse à la rémanence et à la persistance des néonicotinoïdes dans les sols et dans les eaux, souterraines et superficielles. Certains ont l'air d'avoir des certitudes sur les néonicotinoïdes, ce qui n'est pas mon cas, et les débats que nous avons eus en commission ne m'ont pas convaincu.
Vous avez tout à fait raison, monsieur Benoit. Mais le projet de loi mentionne déjà que le conseil « assure le suivi et l'évaluation de la mise en oeuvre et des dérogations accordées, notamment de leurs conséquences sur l'environnement », ce qui implique obligatoirement l'évaluation des niveaux de pollution des sols et des eaux. Cet amendement étant satisfait, j'en demande le retrait, sinon j'émettrai un avis défavorable.
Même avis. Il est en effet clairement indiqué que le conseil de surveillance assure le suivi environnemental, ce qui inclut le sol et l'eau.
J'indique à ceux qui demandent la parole que nous ne poursuivrons pas nos travaux au-delà d'une certaine heure. Vous avez donc le droit de vous exprimer, mais si ces interventions redondantes se multiplient, il n'y aura pas de vote solennel sur ce texte.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Monsieur le président, nous respectons scrupuleusement le règlement. Néanmoins, et par souci de cohérence, compte tenu de la très grande importance du sujet, je tenais à ce qu'il soit pris acte du fait que l'amendement qu'a fait voter le rapporteur inscrit noir sur blanc dans la loi la reconnaissance de la gravité du poison qui va être utilisé.
La parole est à M. Ugo Bernalicis – cher collègue, en demandant la parole, vous semblez ne pas avoir bien entendu ce que je viens de préciser.
Monsieur le président, vous avez oublié de dire qu'il n'y avait absolument pas d'unanimité dans cet hémicycle…
Monsieur Bernalicis, si vous jouez à ce jeu-là, je pourrais vous retirer le micro, car il y a deux interventions – une pour et une contre – pour chaque amendement, et je ne pense pas que vous soyez en désaccord avec Mme Batho.
Le micro de M. Bernalicis ayant été coupé, vives protestations sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 84 n'est pas adopté.
Vives exclamations sur les bancs du groupe FI.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Il faut sauver la filière betteravière en grande difficulté, tout en restant attentifs à la préservation de notre biodiversité.
Cet amendement d'appel a pour objet d'inclure dans les missions du conseil de surveillance, chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre des alternatives aux produits phyto contenant des néonicotinoïdes, une réflexion sur les possibilités offertes par une voie empruntée par les industriels, celle du bio.
En effet, le marché du sucre bio confirme des débuts prometteurs, après le lancement d'une production de sucre certifié bio en 2019. Même si le bio est également touché par le virus de la jaunisse, il semble montrer des signes encourageants de résistance à la maladie.
Cependant, la part du bio dans la production betteravière ne représente que 0,40 %, ce qui est très peu. Nous savons que la transition vers le bio se fait sur le temps long, et il me paraît donc important de conduire une réflexion permettant d'accroître sa part dans la filière.
Vous avez raison sur l'orientation vers le bio que doit prendre la filière. Le bio, qui ne représentait que 700 hectares en 2019 en couvre 1 500 en 2020, ce qui est conforme aux objectifs.
Le conseil de surveillance doit en effet suivre de près cette évolution, mais celle-ci relève directement de la filière, laquelle a récemment fourni un plan d'action au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. La mission du conseil de surveillance se borne à vérifier que les objectifs inscrits dans le plan d'action sont atteints. Avis défavorable.
Même avis.
M. Savignat mettait tout à l'heure en doute notre rigueur juridique, mais les arrêtés pris par le ministre, les décrets et les autorisations de mise sur le marché sont parfaitement attaquables devant la Cour de justice de la République pour les motifs que j'ai indiqués tout à l'heure. Je ne suis donc pas inquiet car, lorsqu'on veut faire de la politique et faire valoir ses arguments, on trouve toujours des fondements juridiques, et nous les trouverons pour défendre nos convictions.
Quant à confondre des lobbies, c'est-à-dire des structures organisées qui emploient des gens rémunérés pour faire valoir leur voix auprès d'un ministre ou d'un parlementaire, avec des citoyens engagés, dont je conviens qu'ils peuvent être embêtants… Quand je reçois des courriels d'extrême droite me demandant de renvoyer tous les étrangers parce que ce sont des islamistes radicaux en puissance, je ne donne pas suite et je n'assimile pas cela à du lobbying.
Si les citoyens dont vous parlez étaient des lobbyistes, ils auraient sans doute une oreille plus attentive de la part du ministre, ce qui n'est évidemment pas le cas. Il est de notre responsabilité de ne pas céder aux lobbies mais de céder à la science et à la raison, à ce qui a été démontré et prouvé à maintes reprises.
Ceux qui vous interpellent depuis tous les bancs au sujet des nappes phréatiques, de la qualité de l'eau et du rôle du conseil de surveillance le font en vertu de leur expérience de ces néonicotinoïdes. Je ne sais donc pas comment vous pouvez, en votre âme et conscience, admettre que vous prenez une mauvaise décision.
L'amendement no 133 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Yolaine de Courson, pour soutenir l'amendement no 124 .
Cet amendement vise à ce que le rapport du conseil détaille la répartition géographique de l'usage de la dérogation. En effet, le Gouvernement est en train de mettre en place des contrats de transition écologique dans tout le pays, contrats dont le préfet de région nous a expliqué qu'ils seraient des modèles pour tous les contrats de la ruralité. Certains agriculteurs de mon territoire se sont engagés dans ces contrats de transition écologique, et j'aimerais que l'on puisse identifier les lieux sans néonicotinoïdes et que ceux à qui on le doit en soient fiers.
MM. Cédric Villani et Ugo Bernalicis applaudissent.
Le conseil de surveillance, je le répète, a pour mission d'assurer un suivi et une évaluation complète de la mise en oeuvre et des dérogations accordées. Cela inclut donc une dimension géographique. Avis défavorable.
Même avis.
Vous ferez bien ce que vous voudrez, monsieur le président, mais en attendant j'interviens parce que le règlement me le permet.
Le rapporteur fait une confusion, dans sa réponse, entre l'évaluation du conseil, qui se fait a posteriori, et l'examen a priori que propose cet amendement – qui doit permettre d'identifier les territoires qui pourraient ne pas être touchés.
L'évaluation de votre comité de surveillance arrive trop tard et ne sert qu'à constater ce qui a été fait. Donc, soit le rapporteur a mal lu, soit il est de mauvaise foi, soit il est trop tard, voire les trois à la fois, mais, par respect pour nos collègues, cessez d'utiliser des arguments qui n'en sont pas !
Nous avons bien compris que vous ne voulez aucune espèce de régulation sur le sujet et que vous souhaitez que chacun puisse faire comme il veut, où il veut, quand il veut, ce qui tout à fait dans l'état d'esprit de ce gouvernement libéral.
L'amendement no 124 n'est pas adopté.
Nous proposons la suppression de l'alinéa 9 et donc du rapport remis par votre conseil factice. En effet, nous en connaissons déjà les conclusions : l'apparition de la jaunisse de la betterave n'est pas liée à l'interdiction des néonicotinoïdes, mais à un mal bien plus grand, le modèle agro-industriel productiviste.
Voilà l'occasion pour moi d'en remettre une couche sur le fait que ni la filière ni notre souveraineté alimentaire ne sont menacées, car la France est le premier producteur européen de sucre de betterave et il faudrait qu'elle perde un tiers de sa production pour passer derrière l'Allemagne, second producteur de l'Union européenne.
Vous évoquiez, monsieur le ministre, le sucre polonais que nous serions contraint de mettre dans noter café et dans noter yaourt si nous ne soutenions pas la filière. Or la production française est consacrée pour moitié à l'exportation et pour moitié à la consommation intérieure – pour trois millions de tonnes de sucre chaque année, 2 millions étant destinés à la consommation alimentaire, dont seulement 10 % pour le sucre d'utilisation directe et 60 % pour les produits transformés, le million restant étant consacré à l'industrie non alimentaire.
Pour que nous en soyons à utiliser du sucre polonais, il faudrait donc que nous ne soyons plus capables d'assurer 3 % de notre production actuelle, c'est dire si nous sommes loin d'avoir un problème de souveraineté alimentaire !
Plutôt que de s'enfoncer dans un modèle de surproduction à grand renfort de pesticides, n'est-il donc pas plutôt temps de questionner notre usage du sucre, de planifier la production d'autres produits essentiels à la souveraineté alimentaire et de faire enfin évoluer les modes de rémunération des agriculteurs, pris au piège des logiques de marché ?
Vous autorisez une dérogation dans toutes les régions, y compris celles qui sont très peu touchées par la jaunisse, comme les Hauts-de-France, l'une des principales régions de production de betterave.
J'ajouterai, pour terminer, que vous prévoyez une dérogation pour toutes les régions, y compris certaines qui sont très peu touchées par la jaunisse comme les Hauts-de-France, une des principales régions de production des betteraves. Ces traitements préventifs sont incompatibles avec…
L'oratrice poursuit son propos hors micro.
Même avis.
On veut bien tout entendre, mais de là à nous expliquer que le puceron vert est lié au libéralisme, ça suffit ! Il y a des limites à l'exercice !
Nous parlons de 50 000 personnes qui vivent de cette filière ; vous êtes en train de leur mettre la tête sous l'eau.
Arrêtez de raconter n'importe quoi et de faire durer les débats pour le seul plaisir de les faire durer, sur un sujet d'une telle importance.
Si vous retirez les vins et les spiritueux, la balance agroalimentaire française est déficitaire : c'est une réalité !
Soit on abandonne entièrement le secteur agricole, soit on essaie de le maintenir, c'est-à-dire de favoriser la recherche variétale ; sinon, nous n'aurons pas de variétés résistantes aux virus. Mais vous êtes aussi contre la recherche, contre toutes les solutions permettant à l'agriculture de se développer.
Alors que la demande alimentaire mondiale augmente, la France perd des parts de marché. Elle a besoin de les maintenir ; pour ce faire, elle a besoins de ces trois années, que nous demandons. Tout cela est sérieux et n'est pas discutable sur le fond. Vous êtes dans des polémiques dogmatiques…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
L'amendement no 55 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour soutenir l'amendement no 134 .
Vives exclamations sur les bancs du groupe FI.
J'avais demandé la parole, monsieur le président ! Cette façon de faire est insupportable !
Le règlement prévoit deux prises de parole monsieur le président ! À quoi cela sert-il de continuer l'examen de ce texte ?
L'alinéa 9 de l'article 1er vise à fixer la remise au Gouvernement et au Parlement d'un rapport annuel par le conseil de surveillance au 15 janvier. La remise de ce rapport annuel au 15 octobre apparaît plus adaptée au regard des exigences agronomiques et d'organisation de la chaîne de valeur et du calendrier réglementaire.
L'avancement de la date de remise du rapport annuel au 15 octobre doit permettre de donner plus de respiration dans le calendrier, afin d'adapter le cadre dérogatoire aux évolutions des solutions identifiées, au calendrier de livraison des semences de betteraves et au processus réglementaire d'application de la dérogation, par décret ministériel puis actes réglementaires établissant le cadre dérogatoire.
Par ailleurs, dans la plus grande partie des autres pays européens, les dérogations d'usage de néonicotinoïdes sont octroyées entre septembre et décembre pour application au printemps. La France devra établir son calendrier dans ce laps de temps, eu égard au risque endémique de prolifération de pucerons, aux contraintes de commercialisation, production et livraisons de semences et à la taille de la filière française, qui oblige à une certaine visibilité pour permettre à cette dernière de s'organiser.
L'amendement no 134 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Yolaine de Courson, pour soutenir l'amendement no 132 .
Monsieur Jacob, je suis pour une agriculture exemplaire, pour des agriculteurs bien intégrés dans leur ruralité, que l'on ne montre pas du doigt et que l'on accompagne dans une mutation. Nous ne sommes pas du tout contre l'agriculture, bien au contraire.
Le rapport du conseil de surveillance ne doit pas seulement être remis au Gouvernement et au Parlement, mais également à l'Office français de la biodiversité qui, à mon avis, a toute sa place ici.
Le rapport du conseil de surveillance est public. Il ne paraît donc pas nécessaire de le remettre à l'Office français de la biodiversité qui y aura accès comme l'ensemble des citoyens. Avis défavorable.
L'amendement no 132 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous vous proposons de compléter l'alinéa 9 par la phrase suivante : « Ce conseil enjoint les acteurs de l'industrie phytosanitaire à proposer, au plus tard le 1er juillet 2023, des alternatives à l'utilisation des néonicotinoïdes préservant la biodiversité et, en particulier, les abeilles. »
Cet amendement vise à renforcer la mission du conseil de surveillance, afin que s'y ajoute notamment celle de solliciter, d'encourager, voire de contraindre les acteurs de l'industrie phytosanitaire à rechercher activement une solution alternative à l'utilisation de néonicotinoïdes dans toute culture en cas de menace sanitaire telle que celle qui affecte actuellement la culture de la betterave.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement no 143 .
Nous souhaitons accélérer la recherche de solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques. On ne peut pas laisser les agriculteurs sans solution pour protéger les cultures, mais les craintes des apiculteurs doivent aussi être entendues.
Il ne me semble pas que le conseil de surveillance ait un pouvoir d'injonction quelconque vis-à-vis de l'industrie phytosanitaire. De plus, l'objectif n'est pas de remplacer de la chimie par de la chimie, mais de remettre un peu de complexité dans les champs. La chimie en fera peut-être partie ; le biocontrôle ou les pratiques culturales seront peut-être les bonnes solutions. Avis défavorable.
Le sous-amendement no 143 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 16
Contre 57
L'amendement no 90 n'est pas adopté.
Depuis le début de l'examen du texte, tout le monde – même le rapporteur – s'accorde pour reconnaître que ces molécules sont mauvaises et dangereuses. Pourtant, vous essayez de nous faire adopter ce texte contre toute rationalité, et même contre toute raison mathématique : en permettant ces dérogations, les dégâts qui seront causés sur les pollinisateurs – notamment les abeilles – nous coûteront des milliards chaque année. Il nous faut également prendre en compte la pollution des sols et des nappes phréatiques. La Commission européenne nous épingle régulièrement au sujet du très mauvais état de ces dernières. Les traitements permettant de rendre potables les eaux polluées, notamment par les néonicotinoïdes et tous les métabolites, dont certains ne sont pas encore dans les radars des agences régionales de santé, les ARS, nous coûtent des milliards chaque année.
La raison mathématique voudrait que l'on ne vote pas en faveur de ces dérogations, mais que l'on aide à la transition les quelques agriculteurs qui sont en difficulté et qui subissent des pertes de rendement. Cela coûterait quelques dizaines de millions d'euros.
M. Christian Jacob nous reproche de ne pas avoir d'arguments ; sans doute a-t-il raté ceux que nous développons depuis quelques heures. Il balance des chiffres qui sont absolument faux, notamment celui des emplois dans la filière – 50 000. Ce chiffre émane du groupe Tereos, dont les projections sont pour le moins fantaisistes, puisque pour chaque emploi direct dans la filière, quatorze emplois induits sont dénombrés. Le Président de la République avait dit qu'il n'y a pas d'argent magique ; Tereos invente les emplois magiques ! Je ne sais pas s'il y a une autre filière qui fasse aussi bien, ni même moitié moins : quatorze emplois induits pour un emploi direct ! Cela me semble absolument irraisonnable. Monsieur Jacob, évitez de répéter les bêtises que l'on vous souffle à l'oreille.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 10 qui prévoit l'entrée en vigueur du 1o du I au plus tard le 31 décembre 2020. Or l'ANSES prépare un intéressant rapport concernant les solutions alternatives à l'usage des néonicotinoïdes pour la culture de la betterave. Quand donc ce rapport sera-t-il publié ? Au plus tard à la fin du mois de janvier 2021. Il suffirait donc d'attendre un peu pour être instruits et éclairés par les conclusions de ce rapport, avant même que d'avoir à se prononcer sur le présent texte. Pourquoi cette précipitation, alors que nous pourrions bénéficier de lumières beaucoup plus savantes si, je le répète, nous attendions un tout petit peu plus ?
Pourquoi décider maintenant ? Parce que les assolements se décident maintenant et qu'une bonne visibilité est nécessaire.
Ensuite, l'ANSES rend deux avis : l'un, fin novembre, sur les utilisations et qui permettra d'aiguiller le contenu des arrêtés ; l'autre, attendu pour le début de l'année 2021, est l'actualisation de l'étude de 2018. En effet, à cette date, l'ANSES venait d'autoriser deux autres solutions chimiques, le Movento et le Teppeki, que nous ne connaissions pas encore. Nous avons demandé à l'ANSES d'actualiser son étude de 2018, bien que tout le monde sur le terrain sache que ces deux solutions ne fonctionnent pas.
Je souhaite répondre à M. Jacob. La balance commerciale est légèrement excédentaire en matière agricole. Cela signifie que nous exportons beaucoup, mais que nous importons également beaucoup.
En ce qui concerne les légumineuses, nous sommes déficitaires de 2,5 à 3 milliards d'euros. Il est sans doute possible d'augmenter la production, chez nous, de produits que nous importons – je crois que nous savons faire pousser des légumes – et diminuer d'autres productions, qui ne correspondent pas au modèle agricole qui nous permet de joindre tous les bouts : la diversification, la biodiversité et le respect du vivant, des sols et de l'eau. Nous pourrions démultiplier les exemples ; ainsi, un plan concerne les protéines végétales, parce que nous dépendons aussi beaucoup des importations de soja.
Il existe des marges de progression pour des filières rémunératrices, utiles et relocalisées ; pour des produits qui ne feraient plus trois fois le tour de la planète dans des porte-conteneurs polluants comme ce n'est pas permis. Nous sommes favorables à une agriculture relocalisée, raisonnée et durable. Cela tombe bien : regarder la balance commerciale invite plutôt à la diversification qu'à l'entêtement à favoriser des filières hyper-productives et exportatrices qui finissent par être complètement sens dessus dessous à la première jaunisse venue parce que l'on n'est pas capable d'y faire face. C'est la réalité. Et oui, monsieur Jacob, nous ne défendons pas le même modèle agricole ; de ce côté de l'hémicycle, les lobbies ne nous soufflent pas dans le creux de l'oreille.
L'article 1er, amendé, est adopté.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je demande une suspension de séance pour évoquer l'organisation des débats, dont je ne doute pas qu'ils continueront à être aussi efficaces, voire davantage.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue le mardi 6 octobre 2020 à une heure quinze, est reprise à une heure vingt.
La parole est à M. Cédric Villani, pour soutenir l'amendement no 35 , portant article additionnel après l'article 1er.
L'amendement vise à ouvrir les registres de données relatives à l'utilisation des néonicotinoïdes, leur exploitation scientifique s'effectuant avec des registres dûment anonymisés. Une telle démarche de science ouverte et participative correspond aux tendances actuelles de la science, à la volonté d'accélérer la recherche sur les néonicotinoïdes, à l'orientation de nos débats sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, mais également au fait que l'une des études les plus instructives en la matière, portant sur la contamination des sols en Suisse, est née d'une expérience de science participative menée en 2013 par des chercheurs de Neuchâtel.
J'ai dit, en donnant mon avis sur l'amendement no 10 , qu'il existait déjà un registre phytosanitaire, que tous les utilisateurs à titre professionnel sont tenus de remplir. L'avis est donc défavorable.
Même avis. Monsieur Villani, vous souhaitez que les données soient rendues publiques : même si celles-ci sont anonymisées, on ne les rend pas toutes publiques, on transmet simplement des touches représentatives. Je propose que l'on maintienne ce système, d'autant que l'évolution proposée serait très lourde, puisqu'il faudrait recueillir et numériser l'ensemble de ces fameux cahiers que doivent enregistrer les agriculteurs.
L'amendement no 35 n'est pas adopté.
Aux collègues de la majorité qui souhaitaient que les dérogations soient limitées à la betterave, il a été dit que l'article 2 le leur assurait. Or il n'a échappé à personne que la disposition de cet article n'a pas été intégrée dans l'article 1er : elle a donc probablement vocation à être censurée par le Conseil constitutionnel, ce qui rendra fictive la limitation des dérogations.
Nous débutons l'examen de l'article 2 qui restreint les dérogations au seul emploi de semences de betteraves sucrières. Nous avons voté la mise en place d'un conseil de surveillance et de contrôle.
Au nom du groupe La République en Marche, j'avais déposé pour la séance publique un amendement qui visait à inscrire dans le texte l'alinéa suivant : « Le Gouvernement présente une stratégie de protection des pollinisateurs, qui comporte un volet sur l'utilisation et la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques d'ici le 31 décembre 2020. »
Malheureusement, nous avons appris cet après-midi que l'amendement n'était pas recevable car il constituait une injonction au Gouvernement. Comme il me semble que ce sujet est important et que nous n'avons pas encore eu l'occasion de l'aborder, je profite de l'article 2 pour vous demander, monsieur le ministre, de nous présenter la stratégie de protection des pollinisateurs que vous envisagez de déployer et de nous indiquer les délais que vous vous fixez.
Quand le député Besson-Moreau a traversé la plaine pour venir nous voir dans l'Aube, il a constaté que les champs de betteraves étaient jaunis. Leur rendement sera deux fois moins élevé cette année, alors que les agriculteurs ont énormément investi pour produire de la betterave. Il n'est point besoin d'avoir des lobbies qui nous parlent à l'oreille, monsieur Bernalicis, pour constater l'importance du problème dans des territoires comme les nôtres.
Le président Jacob l'a rappelé tout à l'heure, 50 000 emplois sont menacés. Il est donc impératif de voter cette dérogation de trois ans – les agriculteurs en ont besoin. Vous vous êtes apitoyés sur leur sort l'année dernière à l'occasion de l'examen de la loi EGALIM pour faire en sorte qu'ils soient payés à la hauteur de leur travail : c'est la même question qui se pose dans ce texte. L'enjeu est que les agriculteurs vivent de leur travail et soient correctement payés, donc il faut voter ces dérogations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'article 2 fait une fausse promesse, celle de laisser penser que la dérogation ne concerne que les betteraves, alors que nous savons bien, M. le rapporteur le premier, que le Conseil constitutionnel risque fort de censurer l'article, auquel cas toute dérogation en faveur d'autres productions serait possible. Or les producteurs de maïs se sont déjà précipités pour demander la remise en cause de certaines interdictions.
Il n'y aucune raison de penser que vous résisteriez demain à des demandes d'abandon de l'interdiction pesant sur l'utilisation de certains produits dans d'autres filières. Ce qui se passe aujourd'hui avec les betteraviers pourrait se passer demain avec d'autres agriculteurs.
Pour ces raisons, il est indispensable de supprimer l'article 2.
L'article 2 veut nous faire croire que la dérogation est limitée à la betterave.
Les causes réelles de la crise du secteur et de la dépendance des paysans betteraviers ont été éludées. Si vous pensez sauver les agriculteurs par un tel renoncement environnemental, sachez que la pression qui pèse sur eux est celle du marché, bien plus que celle de la jaunisse.
Dès 2006, à la suite de la réforme de l'organisation commune des marchés du sucre, l'industrie sucrière française a connu une restructuration sans précédent avec la fermeture de plusieurs usines. La dernière réforme, qui date de 2017 et qui a supprimé les quotas et le prix minimal garanti de la betterave, a entraîné une seconde restructuration. Aussi, depuis trois ans, la filière fait-elle face à des problèmes structurels liés à une combinaison mortifère composée de la fin des quotas, de la dérégulation du marché et de la concurrence du sucre mondial.
La surproduction, choisie et organisée par les industriels, impose une situation catastrophique aux producteurs de betteraves. Désormais, pour répondre à la demande des entreprises sucrières et obtenir une rémunération, ils doivent avoir des rendements maximums : toute perte, même marginale, devient impossible à supporter économiquement.
Prenons l'exemple de Tereos, coopérative implantée dans dix-huit pays, qui a racheté de nombreuses entreprises sucrières, notamment au Brésil et qui est le premier producteur mondial de sucre. Tereos bénéficie des avantages fiscaux des coopératives et elle est devenue le premier concurrent des producteurs français. Il y a deux ans, bien avant les effets de la jaunisse, Tereos a annoncé la fermeture de nouvelles usines, poursuivant la restructuration de la filière, afin de minimiser ses charges et de maximiser ses profits sur le dos des producteurs. La mécanique est parfaitement rodée : l'organisation de la surproduction à l'échelle mondiale assure à Tereos d'avoir toujours du sucre à disposition et à des prix très bas.
Approuver ce projet de loi, même pour une dérogation courte dans le temps et limitée à la betterave revient à soutenir la politique de produire toujours plus avec toutes les béquilles chimiques possibles. L'approuver, c'est répondre favorablement à l'injonction de la filière, donc des industriels qui la dirigent, et enfermer un peu plus les producteurs dans les griffes du marché de l'industrie sucrière.
M. Ugo Bernalicis et Mme Mathilde Panot applaudissent.
Comme cela a été indiqué, notamment par M. le ministre, l'article 2 vise à circonscrire la dérogation à la filière betteravière. Quoi qu'il en soit, vous ne pourrez pas justifier un refus de dérogation à d'autres cultures que celle de la betterave, car cet article ne suffit pas pour le faire.
Il est nécessaire de changer l'intégralité de notre modèle de production…
… et de l'orienter vers une agriculture paysanne et respectueuse de l'environnement. Pour ce faire, il faut apporter un soutien financier et faire en sorte que la recherche aide les agriculteurs. C'est là que doit intervenir la puissance publique, qui, garante de l'intérêt général, ne doit pas agir au service des lobbies en dérégulant les normes.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Même avis.
Madame Taurine, la confiance n'exclut pas le contrôle : le compte rendu qui paraîtra au Journal officiel fera état de mon engagement, pris en tant que ministre, de limiter cette dérogation à la betterave sucrière. Vous pourriez vous interroger sur ce qui se passera quand je ne serai plus ministre, …
Nous allons vous garder encore un peu !
… question à laquelle l'article 2 répond en précisant la limite de la dérogation. Le point le plus important est mon engagement à ce que cette dérogation ne concerne que la betterave.
Monsieur Fugit, nous allons élaborer un plan sur les pollinisateurs avant la fin de l'année : il est évident que je m'engage à ce nous le concevions ensemble. Des réunions sont d'ailleurs prévues avec plusieurs d'entre vous sur le sujet. L'une des questions essentielles est de trouver les moyens d'augmenter la quantité de nutrition entre le mois de mars et l'été.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 63
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 8
Contre 55
L'amendement no 52 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 18 .
M. le ministre a cité la Pologne ; par cet amendement, nous voulons exprimer notre refus des néonicotinoïdes pour la France, pour l'Europe et pour le monde. À l'échelle européenne, il est urgent que la France se mobilise pour que la Commission mette fin aux dérogations à l'interdiction des trois principaux néonicotinoïdes.
Défavorable également. Je suppose qu'il s'agit d'un amendement d'appel pour connaître la position de la France en Europe concernant les néonicotinoïdes. La programmation pluriannuelle des questions liées aux produits phytosanitaires est débattue au niveau des ministres de l'agriculture, en séance publique ; les comités d'experts sur le sujet sont publics également. Un rapport n'est donc sans doute pas nécessaire.
L'amendement no 18 n'est pas adopté.
En ce qui me concerne, je serais favorable à une durée d'un an de la dérogation à l'interdiction.
Quant à l'amendement, dans le même esprit que celui défendu par Mme Batho, il vise à demander un rapport d'étape avant octobre 2021 sur les actions conduites pour cesser dans les meilleurs délais l'utilisation des néonicotinoïdes, en France et en Europe. Il s'agit de donner à la France sur ce sujet un rôle moteur en Europe.
Je comprends que vous appelez le Gouvernement à oeuvrer au niveau européen en faveur de l'interdiction des néonicotinoïdes. S'agissant d'une demande de rapport, l'avis est défavorable, mais je suis favorable à l'idée de créer des conditions de concurrence loyales d'ici à 2023.
Pour les mêmes raisons que précédemment, il est défavorable.
L'amendement no 85 n'est pas adopté.
Il s'inscrit dans le cadre du « plan B », évoqué précédemment par Dominique Potier, et vise à éclairer notre assemblée sur les travaux menés depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, notamment par les établissements publics, sur les recherches de solutions de remplacements aux néonicotinoïdes. Ce rapport devra être remis au Parlement le 1er janvier 2021 au plus tard.
Défavorable ; les explications ont été claires sur les amendements précédents.
Défavorable. J'ai détaillé plus tôt la question des financements. Par la suite, les parlementaires seront directement associés au comité de suivi.
L'amendement no 118 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 129 et les suivants.
Monsieur le président, j'ai déposé trente-deux amendements sur cet article ; leur examen constituera la majeure partie de la discussion à venir. Nous nous sommes mis d'accord : pour donner de la fluidité au débat et gagner beaucoup de temps, je propose de les défendre tous conjointement, en dix ou quinze minutes, afin d'engager un dialogue avec le rapporteur et le ministre.
Nous pourrions avoir terminé la séance dans trois quarts d'heure. Mais le groupe Socialistes et apparentés a travaillé et s'est peu exprimé : je vous demande seulement d'avoir la patience d'écouter ce que nous avons à dire.
D'abord, j'ai été agacé par certains propos de la majorité – qui ne sont pas de votre fait, monsieur le ministre – qui dressaient un mauvais procès à vos prédécesseurs. Pour ma part, j'ai été chargé de la mission de révision du plan Écophyto pendant la précédente législature. J'ai succédé à Antoine Herth ; nous avons travaillé ensemble, et instauré une continuité en coopérant sur des sujets relatifs à la maîtrise des produits phyto. Je regrette que la présente majorité, censément ouverte, ni de droite ni de gauche, n'ait pas montré les mêmes aptitudes à travailler en commun sur les dossiers scientifiques, politiques ou techniques dont elle a eu la charge. Ce n'était qu'une remarque formelle en introduction, une leçon d'humilité pour l'Assemblée.
Nous avons ainsi mené un travail important, dans la continuité de ce qu'avait fait le groupe UMP avec Antoine Herth. À ceux qui affirment que nous avons « éteint la lumière » sans rien faire, je veux rappeler qu'à cette époque, nous avons veillé à la permanence du discours sur l'agroécologie ; les discours sont importants, car les paroles précèdent les actes et leur donnent du sens. Dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, nous avons aussi conçu les certificats d'économie de produits phytosanitaires, que le Gouvernement a supprimés par excès de pouvoir – aboutissant à une controverse au Conseil d'État.
Grâce à l'adoption d'un amendement que j'avais défendu, nous avons déplafonné le budget de l'ANSES pour lui permettre de répondre aux demandes nationales et internationales, ce que le manque d'effectifs ou de moyens lui interdisait. Nous avons créé un coupe-file pour le biocontrôle et développé un plan biocontrôle, qui a fourni des résultats. Nous nous sommes battus sur le terrain de l'antibiorésistance, et nous avons gagné. Nous avons surtout installé la phytopharmacovigilance, financée par une taxe sur les produits phyto, qui permet de surveiller les effets épidémiologiques et écosystémiques des produits après leur mise sur le marché. Il s'agissait d'une véritable innovation ; elle a abouti au retrait de produits dont la toxicité n'avait pas été mesurée en amont.
Nous avons donc adopté ces réformes et surtout établi un plan Écophyto II, dont je vais dresser une chronologie rapide. Il a été proposé en 2014 et adopté en 2015, à l'unanimité du conseil de surveillance, que je présidais avec Stéphane Le Foll. Ensuite, toutes sortes de lobbies sont entrés en jeu. Il a été cassé par le Conseil d'État – nous avons perdu six mois. Une période de contestation syndicale a entraîné six autres mois d'abandon. Puis sont venues les élections, et enfin les états généraux de l'alimentation, pendant lesquels on nous a promis un renforcement du plan.
Avec d'autres, j'ai participé corps et âmes à ces états généraux. Reprenez toutes nos conclusions : elles visaient au renforcement du plan Écophyto II, et notamment des mesures phares comme la démultiplication des fermes laboratoires, « living lab » de l'agriculture, pour rendre visibles les mille solutions qui prouvent sur le terrain que le dépassement de nos contradictions est possible – car les paysans sont les premiers innovateurs capables de résoudre le dilemme entre écologie et économie.
Je dois le dire en termes très simples : cela n'a pas été fait. Tout est au point mort. Si nous avons, selon votre expression, les pieds sur terre – dans les fonctions qui sont les miennes, j'estime que c'est mon cas, comme vous tous – nous devons constater, malgré quelques réussites ici et là – on peut toujours trouver quelques actions positives – que nous ne sommes pas du tout à la hauteur des enjeux. Or, c'est précisément cette incurie qui provoque, de crise en crise, de molécule en molécule, de culture en culture, le développement de l'agribashing et des tensions qui abolissent nos repères.
Mon premier plaidoyer sera donc en faveur d'une reprise d'une action publique volontariste, avec le démarrage d'un véritable plan Écophyto II+, malgré les résistances des lobbies. En effet, seule une telle politique, systémique et agroécologique, apportera des solutions durables. Le terrain en offre sans cesse la démonstration.
Notre « plan B » visait à trouver une alternative. Comme je l'ai dit dans la discussion générale, nous ne croyons pas une seconde que la majorité ait l'intention de réintroduire les néonicotinoïdes dans la durée et pour toutes les cultures. Il faut dire à notre crédit que le débat ne s'est pas enflammé ; nous n'avons pas opposé économie et écologie ; nous ne vous intentons pas un procès en sorcellerie. Toutefois, à la différence de vous, nous estimons qu'une autre solution que la réintroduction des néonicotinoïdes existe pour réussir la transition, qui durera de deux à trois ans selon les estimations de la recherche.
Il faut d'abord envisager la trajectoire commerciale – je crois beaucoup au mouvement entrepreneurial. On ne peut pas vouloir fabriquer le sucre comme avant. Puisque nous traversons une crise, c'est le moment de penser à le fabriquer différemment. Notre repère, c'est la loi EGALIM : il faudrait atteindre 50 % de la production sous signe d'identification de la qualité et de l'origine – SIQO – , qui peuvent se décliner en 30 % de produit à Haute valeur environnementale 3 – HVE – et 20 % de produit avec le label « Agriculture biologique » – AB. En dix ans, nous deviendrions leaders du marché européen du sucre avec nos betteraves sucrières aux côtés de la canne à sucre des outre-mer. Nous serions leaders sur les marchés de l'avenir, sans que notre souveraineté alimentaire soit atteinte. Les chiffres que je cite sont tous issus de la loi EGALIM et des états généraux de l'alimentation, adoptés à l'unanimité, y compris par les représentations syndicales majoritaires et le monde coopératif. Ils n'ont été contestés scientifiquement ni par les uns, ni par les autres. En dix ans, cela est possible.
Dans cet objectif, je propose que nous nous fixions comme horizon la production en 2023 d'une part significative de HVE 2 – nous aurions déjà parcouru une belle étape. Pour y parvenir, monsieur le ministre, je suggère d'engager dès maintenant une réforme du cahier des charges des certifications AB française – le délai n'est pas suffisant pour réformer la certification européenne – et HVE, afin d'intégrer les contraintes techniques objectives que les responsables des filières des grandes cultures nous signalent. Il devra également prendre en considération l'impact carbone et la question sociale. Le cahier des charges, établi en 2009, ignore ces questions, qui n'étaient pas alors prépondérantes.
Les questions économiques et sociales constituent d'ailleurs la deuxième piste de travail. Selon nous, trois grands déficits doivent être comblés. Selon une estimation médiane, plutôt haute d'après ce que j'ai entendu ce soir, il faudrait une centaine de millions pour compenser les 15 % de perte de rendement, ou peut-être 20 ou 22 % selon le rapporteur, que je veux bien croire. Avec 100 millions donc, nous pouvons les compenser intégralement. Nous estimons qu'il faut provisionner la même somme pour la filière de transformation, étroitement liée à la filière de production, car les charges fixes sont très élevées dans cette industrie au regard des charges opérationnelles, tous les experts en conviennent. Le troisième champ concerne l'attractivité de la culture. Vous avez appelé notre attention sur ce sujet, monsieur le ministre, comme les défenseurs du projet de loi. Il s'agit de maintenir l'ensemencement et notre position sur le marché mondial. Je souscris à cette intention, et propose donc une aide à l'investissement de 250 euros par hectare, ce qui représente également 100 millions d'euros. Cet investissement maintiendrait l'attractivité et permettrait d'envisager l'avenir, grâce à l'engagement dans la transition, avec de premières mesures écosystémiques. Voilà pour les mesures d'urgence.
Elles devront être financées à la fois par des fonds européens, dans les limites admises, et par une taxe sur l'agroalimentaire, qui a bénéficié de la réduction du prix du sucre comme matière première. Pour la dernière fois, je répète que les recettes liées à la seule augmentation de 50 % de la taxe sodas, instaurée pour des motifs de santé publique, soit quelques centimes pour une canette, suffiraient à compenser les pertes de rendement des acteurs et à préparer la transition vers l'avenir. Les mécanismes sont complexes, mais je ne doute pas une seconde qu'avec une contribution obligatoire de la profession et une réforme du Fonds national de régulation et de développement agricole et du Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale, nous financerons cette adaptation.
Concernant le moyen terme, je soutiens fermement Éric Andrieu, président de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen. Avec la quasi unanimité de ses collègues, il présentera une réforme de l'Organisation commune des marchés – OCM – intégrant le sucre. En effet, l'Europe ne peut pas jouer les idiots utiles du libéralisme et de la mondialisation, en demeurant une des seules à ne pas se protéger du dumping social et environnemental imposé par le sucre, contrairement à la Thaïlande ou à la Russie par exemple. Même le Royaume-Uni, le plus libéral des pays européens, impose des taxations à l'entrée du sucre, afin de garantir un prix minimal aux agriculteurs. Nous ne pouvons pas être la seule région du monde à accepter que son prix soit fixé par le barème brésilien ; nous devons organiser un système de protection qui repose sur une plus-value sociale et environnementale. La réforme de l'OCM y contribuerait, nous plaidons donc pour son adoption au niveau européen, avec une large majorité, telle que celle qui se dégage ici sur ces sujets.
Enfin, comme Éric Andrieu et beaucoup de professionnels et de syndicalistes, je crois fermement qu'il faut réformer l'offre, en développant une organisation unique des producteurs privés et en coopératives pour les quatre grandes régions productrices. Cette organisation fixera des prix planchers, conformément à l'esprit de la loi EGALIM. Tel est le sens des appellations d'origine protégées – AOP – que Jean-Baptiste Moreau et moi avons défendues, avec des députés appartenant à un large éventail politique. Elle doit également, et c'est là une innovation de gauche que je veux promouvoir, organiser la maîtrise des volumes, sans laquelle il est illusoire de vouloir discuter des prix. Si nous le voulons ensemble, monsieur le ministre, nous régulerons demain les marchés, au sein d'une AOP. La politique agricole commune le permet. À court et moyen termes, ces mécanismes rehausseront les prix.
Faisons un rapide inventaire des solutions agroécologiques : les efforts en génétique végétale et en traitements par des produits de biocontrôle ; l'augmentation de la présence des prédateurs naturels de pucerons et des cultures de service ; l'amélioration du conseil agricole, avec les outils d'aide à la décision – OAD – dont nous avons peu parlé, les kits de diagnostic et le diagnostic viral à grande échelle ; l'adaptation des dates de semis et des doses d'azote ; l'écologie chimique, par l'introduction d'espèces végétales sous forme de méteil – sans vouloir répéter le couplet sur la fétuque des prés et l'avoine ; enfin, la création d'une mosaïque paysagère. Cette dernière appartient certainement à l'avenir, qu'elle soit dessinée en carrés, rectangles ou losanges. Je crois que les paysans travaillent plutôt en longueur, quand les conditions le permettent, et ils ont bien raison car c'est la solution la plus pratique pour l'utilisation du matériel. Toutes ces mesures combinées, j'en suis persuadé, peuvent mener au succès en deux ou trois ans.
Je vous parle avec l'expérience de fermes de polyculture-élevage. Elles n'étaient pas très riches à l'origine, il y a vingt, trente ou quarante ans, mais elles ont eu l'audace de s'engager, avec une dizaine de cultures et parfois deux ou trois élevages, dans la conversion vers l'agriculture biologique. Je vous assure que c'est une démarche un peu plus compliquée que celle que doit désormais engager le secteur de la betterave, et que nous devrions donc pouvoir y arriver dans ce délai de deux ou trois ans.
Pour des tas de raisons, nous sommes focalisés sur la betterave sucrière. Je voudrais que les solutions de solidarité et d'innovation combinées que nous inventons soient adaptables à d'autres secteurs. Les betteraviers ne sont pas seuls dans le monde agricole. Je peux témoigner que dans les secteurs de l'élevage allaitant et du lait, comme pour les dépenses d'exploitation de nombreux domaines, des paysans connaissent des difficultés et souffrent. Je refuse que chaque obstacle rencontré nous entraîne dans une course à l'armement chimique qui nous éloigne des objectifs que nous voulons poursuivre.
À l'extérieur, nous devons inventer de nouveaux mécanismes de régulation des marchés ; à l'intérieur, la marche en avant de l'innovation publique et privée ne doit pas s'arrêter. Ces solutions sont bien plus intelligentes que ce que nous faisons aujourd'hui : elles nous permettent de prendre rendez-vous avec l'avenir, de respecter à la fois la dignité de chaque travailleur de la terre, la biodiversité et le capital France en matière agronomique, agricole et alimentaire, fierté de notre nation, dont elle doit porter haut les couleurs partout dans le monde. C'est possible !
Malheureusement, cette autorisation des néonicotinoïdes est un retour en arrière, quand nous aurions pu aller de l'avant, comme je l'ai exposé. Ce sont là pour nous des convictions profondes, et nous espérons qu'elles sauront vous faire évoluer. Il faut surtout éviter que cette possible dérogation ne devienne une véritable autorisation.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EDS et quelques bancs des groupes FI et GDR.
Merci, vraiment, de ce travail de pédagogie. Parmi les demandes de rapport que vous formulez, beaucoup sont déjà satisfaites : ainsi, l'ANSES a publié le 7 novembre 2017 un avis sur l'impact des néonicotinoïdes sur la santé des agriculteurs. Quant à l'information sur l'état des recherches, ce sera l'une des missions du conseil de surveillance que nous venons d'inscrire dans la loi, et dont nous avons renforcé les pouvoirs. Ce rapport se penchera également sur les modes de contractualisation et les leviers d'accélération qui permettront de déployer massivement les alternatives aux néonicotinoïdes. Tous les ans, son rapport sera voté et rendu public. J'espère ainsi vous avoir rassuré.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable. Je vous invite à mettre toute l'énergie que vous avez montrée ce soir à nous faire partager votre expérience et votre maîtrise de ces sujets au sein du conseil de surveillance.
Même avis.
Merci, monsieur Potier ; c'est ainsi que nous ferons avancer le débat. J'ai lu avec attention votre « plan B comme betterave ».
Vous avez commencé par évoquer le travail déjà réalisé. Le gouvernement précédent a en effet énormément travaillé sur l'agroécologie, et je veux ici rendre hommage à son action, et en particulier à Stéphane Le Foll. Les concepts ont beaucoup évolué : il y a vingt ans, j'ai pour ma part été formé à l'agriculture « raisonnée »… C'est une idée qui a complètement disparu des radars. Quinze ans après, on parle d'agroécologie.
Le plan Écophyto était tout à fait nécessaire. Mais ensuite, nous avons fait des choix. Je prends l'exemple des certificats d'économie de produits phytosanitaires. Stéphane Travert, ici présent, dont je salue le travail comme ministre de l'agriculture, a pris une décision, dont nous ne saurons que plus tard si elle était erronée ou pas : celle de séparer la vente et le conseil. La grande difficulté, c'est que cela ne va pas avec les certificats d'économie : on ne peut pas associer les deux. Il ne s'agit pas de détricoter le plan Écophyto, mais de tirer les conséquences de ce choix politique, que nous assumons. Les arrêtés de dissociation seront d'ailleurs bientôt prêts, après la mise en consultation.
Nous avons une différence d'appréciation sur un autre point. Je ne voudrais vraiment pas relancer le débat, ou heurter qui que ce soit, mais pour moi l'agroécologie est un moyen, et la souveraineté est la finalité. Nous devons construire cette agriculture forte sans laquelle il n'y a pas de civilisation. L'agroécologie est immensément importante parce que c'est l'un des moyens d'atteindre cette souveraineté, en dépendant moins des intrants et des produits phytosanitaires, et en assurant la pérennité de notre agriculture. Ce qui nous réunit, ce n'est pas au fond le débat sur l'agroécologie – et, vous l'avez dit vous-même, il est inutile d'opposer écologie et économie ; ce qui nous réunit, c'est l'organisation de la transition avec la filière.
Vous parlez du futur, et je vous en remercie, car exposer notre vision d'avenir pour la filière sucrière et betteravière française est essentiel.
C'est un secteur qui a déjà tellement évolué ! Il y a vingt ou vingt-cinq ans, on était à 100 % betteravier, et c'était d'ailleurs une des limites du système des quotas. Or – et je sais que nous partageons la même passion pour le sol – quand on est à 100 % betteraviers, c'est à la fin le sol qui en pâtit le plus. C'est pourtant lui que l'on chérit, en agriculture. Aujourd'hui, on a plutôt 10 à 15 % de betteraves par cultures.
Les défis sont énormes : seulement 0,5 % de betteraves sucrières sont produites en bio, dans notre pays. Le bio ne résoudra pas le problème de la jaunisse, parce qu'il est aussi touché. Mais c'est un problème général de modèle de production que nous avons.
Par ailleurs, je crois énormément au modèle de production HVE, mais les consommateurs ne le connaissent pas du tout. Ce qui tue HVE, c'est d'ailleurs peut-être ce nom assez abscons…
Mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut accompagner ce mouvement. Vous avez oeuvré en ce sens, et c'était l'un des éléments du plan Écophyto. Dans le cadre du plan de relance, nous avons annoncé la mise en place d'un crédit d'impôt HVE. Ce sont des débats qui ne seront pas simples : HVE 2 ou HVE 3 ? Dans le cadre de l'éco-schéma européen et de la conditionnalité renforcée, rendrons-nous directement applicable le volet HVE comme un critère écologique ?
J'y suis favorable, car je crois que nous créerons ainsi un cercle vertueux.
Votre « plan B » dresse un constat sur lequel nous ne sommes pas d'accord. Vous proposez de financer le tout, le temps de trouver des solutions. Mais c'est une impasse : les règles, qui sont sans doute critiquables mais qui sont ce qu'elles sont, ne nous permettent pas d'indemniser à 100 %. C'est pourquoi nous ne pourrons nous passer de néonicotinoïdes qu'à terme. Il faut faire la transition, mais elle prendra forcément du temps – et quelle que soit la source du financement, d'ailleurs. Je le redis, si nous avions pu indemniser à 100 %, l'État l'aurait fait. Mais les règles européennes nous l'interdisent.
Vous parlez enfin de la réforme des OCM, c'est-à-dire des opérations de marché. Dans beaucoup de vos territoires, mesdames et messieurs les députés, vous y avez été confrontés. Dans le secteur vini-viticole, par exemple, des mesures de stockage et de distillation ont été prises pendant le confinement. C'est possible selon des règles européennes, et nous constatons aujourd'hui qu'il faut aller plus loin. J'ai d'ailleurs insisté, dès mon arrivée au ministère, pour que ces discussions se tiennent au niveau ministériel. Ce sont des discussions politiques, je vous rejoins sur ce point.
Je vous rejoins également sur la question des organisations de producteurs.
Puisque vous évoquez des pistes, je crois pour ma part que nous en arriverons à un triptyque : produits de biocontrôle, solutions agronomiques, recherches sur les variétés. Tout cela nous permettra de trouver des solutions dans les deux à trois ans à venir, j'ai peu de doutes sur ce point.
Prenons rendez-vous avec l'avenir, comme vous le dites. Mais pour cela, j'ai besoin de passer le présent : c'est l'objet de ce projet de loi. Cette filière a un avenir, notre agriculture a un avenir ; elles doivent être accompagnées, jamais pointées du doigt, et les défis doivent être relevés sans jamais verser dans la démagogie. Il faut sortir des positions, des postures, et avancer. Oui, c'est compliqué ; oui, c'est difficile ; mais le monde agricole, qui est une part de notre identité, change depuis quarante ans, et il a un bel avenir devant lui.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-I.
Le bilan du plan Écophyto dressé par M. Potier me paraît un tantinet sombre. Je suis très fier que l'ensemble des agriculteurs se soient formés. Je suis fier de ce que j'ai vu sur le terrain, notamment dans le cadre du plan végétal environnement, mais aussi de la quantification des volumes, de la progression des certifications environnementales.
Nous avons quelques beaux rendez-vous européens devant nous : M. le ministre a évoqué la politique agricole commune, mais je pense aussi à la volonté d'instauration de mécanismes de correction carbone aux frontières. Cela va dans le sens de nos demandes.
Nous pouvons avancer à trois conditions. Tout d'abord, le Parlement doit se mobiliser, à bon escient, c'est-à-dire sans tenter de se substituer à l'exécutif ; nous sommes là pour fixer la loi et pour contrôler l'action du Gouvernement, pas pour légiférer dans le détail – ce que l'on voit trop souvent. Ensuite, nous devons respecter les agriculteurs, qui sont prêts à changer à condition que l'on valorise leurs initiatives : beaucoup de solutions viennent du terrain plutôt que du haut. Enfin, nous devons accepter de travailler sur une durée plus longue que celle d'un mandat de parlementaire, sur quinze ou vingt ans : le flambeau doit être transmis de majorité en majorité, en conservant le même horizon, celui de la transition écologique dans l'agriculture, et d'un mieux-disant environnemental pour les consommateurs.
M. Vincent Thiébaut applaudit.
Je voudrais réagir à des propos tenus par M. Potier, et que j'avais déjà entendus chez M. Juanico. D'après vous, en deux ou trois ans, on peut trouver des solutions ; il me semble que nous devons nous montrer beaucoup plus modestes sur notre capacité à faire bouger les choses. Mon propre système d'exploitation a quinze cultures différentes aujourd'hui : il a fallu quinze ans pour le mettre en place.
M. le ministre a raison, nous arriverons à dépasser les néonicotinoïdes, non pas en trouvant d'autres traitements, car ce n'est à l'évidence pas le chemin qu'il faut prendre, mais en atteignant un équilibre entre différentes solutions : il y a des prédateurs de pucerons, pour lesquels il faut installer des haies ou des bandes enherbées où ils trouvent refuge, des plantes que les pucerons préfèrent à la betterave… Tout cela marche en laboratoire et sous serre. Mais en plein champ, la météo sera souvent plus fraîche, ce qui empêchera les ravageurs de se développer, ou bien plus sèche, ce qui empêchera les plantes destinées à attirer les pucerons de pousser… Certaines années, ces solutions fonctionneront, d'autres pas.
J'écoutais Cédric Villani : si en mathématiques un et un font toujours deux, ce n'est pas le cas en agronomie, car il y a un ensemble de facteurs qui interviennent. Montrons donc beaucoup de modestie. Il faut s'engager sur cette voie et mettre beaucoup d'argent dans la recherche, mais rester humbles sur les résultats que l'on peut espérer à très court terme.
Une réaction courte à ce qui vient d'être dit : je n'ai jamais prétendu que les choses étaient simples et immédiates. C'est le contraire ! Les auditions nous l'ont montré, en particulier celle des représentants de l'INRAE.
Attention : on ne peut jamais imposer à la recherche d'obtenir un résultat en un temps donné. Ainsi, lorsqu'on affirme que trois ans suffiront pour trouver une solution, la réalité est qu'on ne sait jamais !
Le représentant de l'INRAE que nous avons auditionné nous le disait également, le programme AKER, dont parlait M. le ministre, a été développé pendant huit ans. Il était nécessaire de le réaliser, car la betterave n'a pas une grande variabilité génétique. Il a fallu recenser l'ensemble des ressources génétiques existantes, travailler sur les variétés, ou encore prendre en compte les quatre ou cinq différents types de jaunisse pour être en mesure de sélectionner les espèces ; c'est un travail de longue haleine.
Bref, la recherche ne donne jamais des résultats de manière certaine, qu'il s'agisse des betteraves ou, d'ailleurs, des mathématiques !
Sourires. – M. le ministre applaudit.
J'ajouterai au débat que s'il y a une chose que prouve la recherche scientifique en agroécologie, c'est que nous avons besoin des pollinisateurs. La qualité de la discussion qui vient d'avoir lieu démontre que le Gouvernement aurait pu répondre tout autrement aux difficultés liées à la jaunisse, et que l'on aurait pu rechercher ensemble d'autres solutions.
Comme d'autres au sein de l'hémicycle, le groupe Écologie démocratie solidarité prône la création d'un système d'assurance collective pour les agriculteurs. Ils ne seraient ainsi plus incités à utiliser, comme c'est le cas aujourd'hui, certains produits et notamment les néonicotinoïdes même en l'absence de ravageurs, comme un filet de sécurité pour garantir la valeur des récoltes.
Le présent amendement vise donc à affirmer qu'il existe d'autres solutions que d'autoriser un poison.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.
L'amendement no 68 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vous avez la parole, monsieur Potier, pour soutenir votre dernier amendement, no 96 .
Je vous remercie de m'avoir laissé l'occasion de m'exprimer et d'obtenir une réponse. Nous avons joué le jeu, c'est une bonne chose.
Il reste un dernier regret, que je présenterai en peu de mots. Vous souhaitez créer un conseil de surveillance pour une filière qui représente 400 000 hectares. Or, au total, 28 millions d'hectares sont cultivés en France et il existe des difficultés et des enjeux dans tous les secteurs. J'ai calculé, cela représente soixante-dix conseils de surveillance : comptez-vous les créer aussi ? Je vous invite vraiment à renoncer à cette folie au cours de la navette parlementaire et à établir plutôt un plan Écophyto collégial, démocratique et efficace, qui prenne en charge la question des néonicotinoïdes…
L'amendement no 96 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à préciser dans le titre du projet de loi que celui-ci est bien relatif « à la prolongation de l'usage des néonicotinoïdes ». En effet, au cours des débats, vous n'avez cessé de dire que vous souhaitiez mettre fin à l'usage des néonicotinoïdes, et que ceux qui sont opposés à ces substances devaient voter ce texte qui pourtant les réintroduit. Pour que les choses soient bien claires, il est donc important de préciser dans le titre que c'est bien d'une prolongation qu'il s'agit.
Je rappelle que plusieurs garde-fous factices ont prétendument été créés depuis le début du quinquennat. En l'espèce, il s'agit du conseil de surveillance, qui s'apparente à un comité Théodule, et du fait que les dérogations soient circonscrites à la betterave, ce qui suscite une incertitude juridique. Lors des débats sur l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, vous invoquiez le fameux veto climatique, qui n'existe pas. Bref, vous avez usé de cette technique à de multiples reprises, comme quand Emmanuel Macron, dans un tweet de 2017, a assuré qu'il n'y aurait plus de glyphosate d'ici trois ans. Non seulement le glyphosate est encore utilisé, mais malheureusement les néonicotinoïdes vont s'y ajouter.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cela fera plaisir à certains : nous terminons l'examen de ce texte en évoquant les lobbies.
Le groupe de La France insoumise souhaite modifier le titre en substituant aux mots « en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières » les mots « sur demande des lobbies ». Les choses seraient tout de même un peu plus claires ainsi.
Il faut en effet savoir que le premier néonicotinoïde ayant été autorisé en France, en 1991, était précisément destiné à la betterave à sucre. Cette filière, au mode de culture industriel intensif, a toujours milité activement pour l'autorisation de ces produits. À cet égard, dans une vidéo de promotion de sa pétition en faveur du retour des néonicotinoïdes, la Confédération générale des planteurs de betteraves expliquait déjà en 2018 – année où les dérogations devaient prendre fin – avoir besoin de deux années supplémentaires pour développer des solutions de remplacement.
Il aura donc fallu un peu plus de temps avant que le lobbying de la filière ne parvienne finalement jusqu'à cet hémicycle.
Clarifier les choses dans le titre serait donc préférable. Vous utilisez une méthode éprouvée, qui a fonctionné par exemple pour le glyphosate. Combien d'autres facéties de cette nature le Gouvernement nous réserve-t-il en matière écologique, environnementale et sanitaire, pour reprendre les trois domaines mis sur la table avec ce texte relatif à la betterave ?
Il conviendra à l'avenir de nous prémunir contre le succès de ces activités de lobbying au sein du Gouvernement, notamment en matière agricole. Nous voyons bien que les arbitrages entre agriculture, d'une part, et environnement et écologie d'autre part tournent systématiquement en la défaveur des seconds. Constituer un seul et même ministère pour ces trois domaines permettrait peut-être de résoudre cette équation… Ne désespérons pas que l'écologie politique devienne un jour la véritable boussole guidant le Gouvernement dans la défense de l'intérêt général et de notre beau pays qu'est la France.
Je profiterai d'avoir la parole pour vous remercier, monsieur le ministre, pour la qualité et la précision de vos propos.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Que dire hormis que vous connaissez parfaitement le sujet – je crois que personne ne pourra le nier.
Je souhaite également vous remercier, monsieur le président, pour la qualité de notre discussion et la flexibilité dont vous avez su faire preuve.
Mêmes mouvements.
Je remercie bien évidemment le président de la commission des affaires économiques, ainsi que l'ensemble – j'insiste sur ce mot – des parlementaires présents dans cet hémicycle, qui ont su faire preuve de bon sens et, souvent, d'une grande logique.
Je remercie enfin les services de l'Assemblée nationale et en particulier les administrateurs et administratrices qui m'ont accompagné sur ce texte depuis le premier jour.
Quant à cet amendement, je lui donne bien évidemment un avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est également défavorable, et je souhaiterais surtout, mesdames et messieurs les députés, profiter de cette dernière prise de parole pour vous remercier très sincèrement. Ce texte n'avait rien d'une évidence, il était même difficile et parfois même très complexe. Il imposait également d'avoir un certain courage. J'ai eu l'occasion de le dire, le courage en politique, c'est d'affronter le temps. Dans le domaine de la nature, nous savons bien que le temps est ce qu'il y a de plus compliqué : on le subit et on ne peut rien y faire. Le sol, on le chérit, le temps, on le subit. En politique, notre force est de pouvoir affronter le temps. Il faut que nous y parvenions pour préparer l'avenir sans créer de difficultés dans le présent. Voilà ce que nous essayons de faire.
Je félicite donc toutes celles et tous ceux qui défendent cela avec courage. Je le répète, la question n'est pas du tout de savoir si nous sommes pour ou contre les néonicotinoïdes : …
… elle est de savoir si nous souhaitons réaliser la transition agroécologique avec la filière française. Ce n'est pas une question d'écologie ou d'économie, encore moins une opposition : c'est une question de souveraineté.
À mon tour, je souhaiterais remercier M. le président, l'ancienne et la nouvelle présidente de la commission du développement durable, M. le rapporteur, Mme la rapporteure pour avis, M. le président de la commission des affaires économiques, ainsi que tous les parlementaires qui, à cette heure très tardive un lundi soir, étaient présents pour ce débat important. Il me semble qu'il a été à la hauteur de cet enjeu crucial pour nos territoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens, UDI-I et LR.
À toutes celles et tous ceux qui ont cru qu'en votant une modification de notre règlement ils écouteraient nos débats, nous avons donc fait la démonstration de l'inverse. Dans le respect de ce règlement, je donne la parole à M. Ugo Bernalicis.
Pour ma part, compte tenu de ce que nous nous apprêtons à voter, je ne profiterai pas de cette dernière intervention pour remercier le Gouvernement.
S'il y a une chose enrobée, ce ne sont pas les graines de betterave, mais votre discours, monsieur le ministre. Vous nous expliquez les mille et une vertus, contraintes et difficultés de la filière, lesquelles, à vous écouter, sont nombreuses et très très très complexes. Il n'en demeure pas moins que vous êtes du côté des néonicotinoïdes, tout en affirmant y être opposé, ce qui est tout de même une prouesse assez extraordinaire que vous accomplissez ici à deux heures quinze du matin.
Pour cet exploit, je ne vous félicite pas, monsieur le ministre, pas plus que je ne félicite mes collègues de la majorité. Je crois que les Français vous le rendront bien dans les urnes ; du moins je le souhaite.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Céder à la pression des plus récalcitrants au changement, cela ne s'appelle pas du courage, mais du conservatisme. La décision que chaque député sera amené à prendre demain aura des conséquences graves sur le vivant en France. Chacun de nous se souvient certainement – c'était il y a des années, nous étions peut-être encore enfants – des sauterelles ou des papillons qui n'existent plus aujourd'hui. Voilà de quoi il s'agit.
Ce vote comportera aussi des conséquences pour l'image de la France dans le monde…
… et pour sa crédibilité alors que s'annonce la prochaine convention internationale sur la diversité biologique.
Comme chacun a eu son mot de conclusion, voilà celui du groupe Écologie démocratie et solidarité, en attendant le vote de demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes EDS et FI.
L'amendement no 67 n'est pas adopté.
Nous avons achevé la discussion des articles du projet de loi. Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public auront lieu cet après-midi à la suite des questions au Gouvernement.
Prochaine séance à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire ;
Vote par scrutin public sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique ;
Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne ;
Discussion du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 6 octobre 2020 à deux heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra