Les premières dispositions du texte ne posent pas de difficulté : les mesures en faveur de la protection des droits des consommateurs vont dans le bon sens ; les mesures de lutte contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire sont les bienvenues ; il en va de même de celles qui visent à lutter contre les fausses déclarations de l'origine douanière des marchandises ou à mieux contrôler les flux d'argent liquide.
Mais en regardant un peu dans la pile, on commence à découvrir des mesures plus que contestables. C'est le cas de la transposition des mesures visant à réduire les coûts et les obstacles auxquels sont confrontés les gestionnaires de fonds et les investisseurs dans l'espace européen, ou des dispositions relatives à la transparence des aides d'État à caractère fiscal. S'il est utile que les citoyens et les acteurs économiques soient informés de manière transparente de l'usage de l'argent public et des allégements de charges dont bénéficie telle ou telle entreprise, la directive en question poursuit en réalité un tout autre objectif : mieux identifier et contrôler les potentielles atteintes à la libre concurrence et les entraves aux échanges européens. Or cela risque de pénaliser très fortement le sauvetage d'entreprises industrielles en péril. Dans la période de reconstruction qui nous attend, un contrôle accru du respect des règles sacro-saintes de la concurrence nous semble hors de propos.
En soulevant la pile à d'autres endroits, nous découvrons des mesures relatives aux médicaments vétérinaires ou à la conservation et à la gestion des stocks stratégiques pétroliers.
Nous découvrons ensuite des dispositions concernant la prévention du blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui recueillent notre assentiment, quand d'autres nous laissent perplexes.
Il en est ainsi des dispositions relatives à la gestion du fonds européen agricole pour le développement rural : il nous est proposé d'habiliter le Gouvernement à modifier le régime de gestion, par l'État, des aides surfaciques de ce fonds pour la prochaine programmation budgétaire, ainsi que de modifier le régime de gestion, par les collectivités territoriales, des autres aides agricoles. Le Sénat a souligné la nécessité d'un débat approfondi à ce sujet, et nous partageons évidemment son point de vue.
Nous sommes également surpris de retrouver, dans le projet de loi, la transposition des deux directives européennes de 2019 relatives aux droits d'auteur et aux droits voisins, qui visent à mieux protéger les droits des auteurs liés à la diffusion de leurs oeuvres sur des plateformes. En responsabilisant les fournisseurs, ces textes leur confient un pouvoir de censure automatisé qui pose question. Le sujet mériterait, lui aussi, un débat approfondi.
Malheureusement, le format démesuré de ce texte, sans cesse amendé par le Gouvernement, ne permet pas à notre assemblée de débattre et d'exercer pleinement sa fonction législative. Nous voilà réduits de manière caricaturale au statut de chambre d'enregistrement. Ce n'est pas acceptable, d'autant qu'à de nombreux égards, le projet de loi va au-delà de simples aménagements techniques. Pour ce motif, et parce que certaines de ses dispositions soulèvent beaucoup d'interrogations, nous nous prononcerons contre ce texte.