Intervention de Cécile Muschotti

Séance en hémicycle du jeudi 8 octobre 2020 à 9h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Muschotti :

« J'ai beaucoup pleuré cette nuit-là. Assise sur un banc de l'hôpital, prostrée, anéantie, j'avais découvert l'oppression sous la forme la plus barbare. Un traumatisme. Mais je ne regrette rien. La biologie m'avait tendu un piège ; je l'avais déjoué. Je voulais vivre en harmonie avec mon corps, pas sous son diktat. » Derrière ce passage d'Une farouche liberté, de Gisèle Halimi, se dessine ce qu'encore aujourd'hui de trop nombreuses femmes vivent, lorsqu'elles pratiquent une interruption volontaire de grossesse.

L'IVG a beau avoir été dépénalisée et légalisée en France depuis plus de quarante-cinq ans, le maintien effectif de ce droit reste fragile. Le droit des femmes à disposer de leur corps, ce droit fondamental, consubstantiel à la notion même de liberté individuelle, paraît incomplet.

C'est pour garantir à l'ensemble des femmes vivant en France un égal droit d'accès à l'IVG que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes de notre assemblée a constitué une mission d'information sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse. Cette mission, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteure avec ma collègue Marie-Noëlle Battistel, a rendu ses travaux il y a moins d'un mois.

Après avoir entendu pendant des mois des dizaines de représentants d'associations oeuvrant dans tous les domaines concernés, après nous être déplacées en France et à l'étranger, nous en sommes arrivées à la conclusion que les conditions d'accès à l'IVG sont inégales sur le territoire national. Le parcours d'accès à l'IVG est encore semé de trop nombreux obstacles, qui pourraient pourtant être facilement levés. L'offre de soins est variable, et les difficultés d'accès se sont accrues en période de crise sanitaire. Les empêchements sont encore trop nombreux, les effectifs de praticiens diminuent. Des milliers de femmes doivent se rendre à l'étranger pour recourir à un avortement hors délai.

Si la liberté est le choix des contraintes, alors elle n'est pas complète lorsque les contraintes sont trop nombreuses et deviennent dirimantes.

Nous devons « améliorer les conditions concrètes d'accès à l'IVG et faire évoluer les mentalités », pour reprendre l'intitulé du titre II de notre rapport d'information.

Madame la rapporteure, nos constats rejoignent les vôtres. Les difficultés plongent les femmes dans un sentiment de solitude, de rejet et d'angoisse, alors même qu'elles devraient tout au contraire être accompagnées le plus efficacement possible vers un acte qui, même s'il est pratiqué de plein gré, reste grave.

« L'avortement de convenance » n'existe pas, disait déjà Simone Veil en 1974, et sous devons toujours trouver à ce problème une solution « réaliste, humaine et juste », pour reprendre les termes qu'elle employa ici même.

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