Intervention de Valérie Six

Séance en hémicycle du jeudi 8 octobre 2020 à 9h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six :

Face au sujet qui nous occupe aujourd'hui, l'interruption volontaire de grossesse, nous devons faire preuve d'humilité. Le droit à l'avortement, entériné par la loi Veil, fut le fruit d'un combat difficile, et nous devons rester vigilants sur son effectivité.

Depuis 1975, l'encadrement de l'interruption volontaire de grossesse a considérablement évolué. En 2001, la loi Aubry a allongé le délai de recours à l'IVG jusqu'à la fin de la douzième semaine de grossesse ; en 2013, l'IVG est devenue gratuite pour toutes les femmes ; en 2016 enfin, le délai minimal de réflexion d'une semaine a été supprimé.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, selon une étude de la DREES– direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – publiée le mois dernier, 232 200 interruptions volontaires de grossesse ont été enregistrées en France, en 2019.

Plus du quart des IVG sont réalisées hors établissements hospitaliers, dans un cabinet libéral, un centre de santé ou un centre de planification et d'éducation familiale. Les recours à l'IVG varient selon les régions, parce que les territoires ne sont pas équipés de la même façon. Nous constatons ces variations en raison d'un manque de structures adaptées et d'une prévention encore défaillante.

L'article 1er du texte vise à allonger de douze à quatorze semaines la durée légale de recours à l'interruption volontaire de grossesse. Cet allongement est motivé par le fait que chaque année, 3 000 à 4 000 femmes se rendent dans les pays autorisant un avortement après douze semaines. Le groupe UDI et Indépendants y est défavorable ; il proposera un amendement de suppression de l'article, considérant que ce n'est pas en repoussant les barrières légales qu'il sera mis fin à la démarche de ces milliers de femmes. Nous devons leur permettre de surmonter les difficultés d'accès à l'IVG, en nous interrogeant sur les causes du dépassement du délai légal. Celles-ci tiennent avant tout à une prévention défaillante ou aux difficultés qu'ont les femmes à trouver un praticien près de leur domicile. Nous nous opposerons aussi à cette prolongation parce que, compte tenu du développement du foetus, une IVG tardive peut faire courir des risques plus importants à la femme enceinte.

Lors de l'examen en commission, une disposition permettant aux sages-femmes de pratiquer une IVG chirurgicale jusqu'à la dixième semaine a été adoptée. Nous partageons l'analyse de la délégation aux droits des femmes, selon laquelle « un plus grand nombre de praticiens habilités à pratiquer l'IVG ne peut avoir que des effets bénéfiques sur l'effectivité de l'accès à l'IVG. » Cependant, nous insistons sur la nécessité d'apporter une clarification quant au statut et à la formation des sages-femmes, avant de leur confier cette nouvelle compétence et cette nouvelle responsabilité. C'est pourquoi nous vous proposerons d'adopter un amendement visant à supprimer cette disposition ou au moins un amendement de repli tendant à ce que cet acte chirurgical soit pratiqué dans un établissement de santé public ou privé, afin de garantir à la patiente une prise en charge de qualité, en toute sécurité.

Vous souhaitez supprimer la clause de conscience légale spécifique à l'IVG. L'argument avancé consiste à dire qu'il existe déjà une clause réglementaire et que l'existence de cette clause légale est vécue comme une humiliation par les femmes qui recourent à l'IVG. Rappelons que le code de déontologie médicale prévoit qu'une clause de conscience est applicable à tous les médecins pour l'ensemble des actes médicaux. Les médecins sont soumis à ce code de déontologie qui a force de loi. De plus, la déclaration de Genève, aussi appelée serment du médecin, prévoit que le médecin « exerce [sa] profession avec conscience et dignité, dans le respect des bonnes pratiques médicales ». Dans un souci de cohérence, nous souhaitons conserver la rédaction actuelle de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique. Le Conseil national de l'ordre des médecins définit la clause de conscience comme « le droit de refuser la réalisation d'un acte médical pourtant autorisé par la loi, mais que [le médecin] estimerait contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques. » L'IVG n'est ni un acte anodin ni un acte de soin ordinaire ; nous souhaitons conserver cette liberté pour le praticien.

Notre groupe partage votre volonté de rendre accessible de façon effective l'IVG, mais nous divergeons sur la méthode. Vous proposez des mesures de suppression pour fluidifier le parcours : à l'article 1er ter, vous supprimez le délai de réflexion de 48 heures. Mais cette disposition existe parce qu'elle est garante d'une procédure qui n'est pas anodine. Recourir à l'IVG n'est pas une décision facile à prendre ; c'est en cela qu'un délai de réflexion est nécessaire. Arrêtons de supprimer tous les délais qui garantissent une prise de décision réfléchie !

En conclusion, le groupe UDI et Indépendants considère que les outils présentés dans cette proposition de loi ne permettront pas d'améliorer l'accès à l'IVG. L'enjeu est celui d'une prévention effective et efficace. Nous vous proposerons un amendement en ce sens. Seules les politiques de santé publique en matière de prévention et d'information sur la contraception, ainsi que sur l'interruption volontaire de grossesse, permettront d'améliorer l'accessibilité à l'IVG.

1 commentaire :

Le 14/10/2020 à 11:24, Laïc1 a dit :

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Et pour relancer la natalité défaillante de la France, quelles sont vos propositions ?

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