2020 aura été une année charnière pour l'Union européenne. La crise sans précédent que nous traversons nous a montré combien nos pays étaient devenus interdépendants et à quel point nos concitoyens vivaient désormais dans une Europe intégrée, sans frontières.
Pourtant, dans ce continent qui tend à ne faire plus qu'un, les réponses hasardeuses et non coordonnées, aux premières heures de la crise sanitaire, ont montré la faiblesse de l'Europe politique, que nous appelons pourtant de nos voeux depuis longtemps. Les dirigeants européens ont surtout raté l'occasion, notamment lorsque nos voisins italiens ont appelé à l'aide, de prouver que la solidarité européenne pourrait être effective, même dans les situations les plus dures.
Si la suite des événements a montré une bien meilleure image, cette première impression restera encore longtemps. Jean Monnet disait : « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes. » Lorsqu'on voit l'âpreté des négociations qui ont eu lieu à Bruxelles, au mois de juillet, et les rabais obtenus par certains pays, on songe que le chemin à parcourir pour nous unir réellement ensemble est encore bien long.
Cette cacophonie institutionnelle européenne n'a pas été à la hauteur des enjeux de la crise. Si nous voulons une Europe efficace et équitable, la simplification et la réactivité du processus de décision, que l'on obtiendra en abandonnant l'unanimité dans de nombreux domaines, sont la priorité absolue à laquelle il faut s'atteler.
Mais tout n'est pas noir dans l'Europe des années 2020. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez longtemps été le proche collaborateur du Président de la République sur les questions européennes et, à ce titre, vous avez été au coeur des négociations sur le plan de relance européen. Notre groupe avait salué l'initiative lancée par le Président Macron et la Chancelière Merkel ; je profite de la présente occasion pour saluer cette fois le plan de relance continental décidé en juillet.
Nous savons que les 40 milliards d'euros obtenus par la France sont une part essentielle du plan de relance national, car c'est bien l'Europe qui le finance à 40 %, qu'on se le dise !
L'année 2020 aura été particulière pour l'Europe, car elle signe également les derniers moments avec nos camarades britanniques. L'avenir nous dira si nous devons le regretter, mais nous devons nous montrer intransigeants dans les négociations, ne serait-ce que pour l'exemple.
On ne peut pas quitter l'Europe et obtenir le beurre et l'argent du beurre. On ne peut pas demander un accès complet à notre marché et gaver des entreprises d'aides interdites chez nous. On ne peut pas demander l'accès à nos ports pour prendre ses poissons tout en fermant ses eaux à nos pêcheurs. À nos yeux, il vaut donc mieux l'absence d'accord qu'un accord « cheval de Troie », qui détruirait l'ensemble de l'édifice. Je ne sais pas comment les négociations avec les Britanniques vont se terminer, mais nous demandons qu'un débat sur le thème du Brexit se tienne dans l'hémicycle avant la fin de l'année.
Quoi qu'il en soit, les premières conséquences de ce départ se font sentir pour notre pays au travers de la contribution française au budget de l'Union européenne, qui augmente de quelque 5 milliards d'euros par rapport à l'année dernière. C'est considérable.
Le nouveau budget, qui couvrira la période 2021-2027, s'annonce hautement stratégique à bien des titres, avec des enjeux climatiques, numériques ou encore géopolitiques. L'Union européenne doit profiter de la période qui vient pour ouvrir les yeux, apprendre à se protéger, mais surtout apprendre à reconstruire son indépendance et devenir une véritable puissance.
Cette Europe puissance devrait être une union qui comprend la nécessité de devenir souveraine dans les domaines alimentaire, sanitaire, énergétique et numérique. Mais pour cela, il nous faut réguler la mondialisation.
Le groupe UDI et indépendants tient à saluer les premières avancées concrètes d'une future taxe sur les services numériques, dite taxe GAFA, à l'échelle de l'Organisation de coopération et de développement économiques, celle imaginée par le Gouvernement à l'échelle nationale n'ayant aucun sens. Elles constituent la première pierre dans la lutte contre la concurrence déloyale que livrent ces géants à nos entreprises européennes.
Cependant, nous appelons à la vigilance pour qu'une telle taxe ne se répercute pas sur les entreprises qui paient pour bénéficier des services de ces plateformes numériques. Leur juste taxation doit aussi s'accompagner d'un respect de notre droit de la concurrence, ce qui, malheureusement, n'est pas toujours le cas.
Nous devons donc encourager l'émergence de nouveaux acteurs européens, capables de respecter nos règles, nos finances et nos vies privées. Ce dernier point est vital, n'en doutez pas, car nos données sont l'or noir d'aujourd'hui. Leur utilisation deviendra l'une des grandes questions de la prochaine décennie. La création d'un droit de propriété des données est donc indispensable.
Une interrogation toutefois : monsieur le secrétaire d'État, nous ne partageons pas l'emballement général sur le maintien du budget de la PAC, et ce pour une raison simple : ce budget ne se maintient pas vraiment. En effet, 380 milliards en 2028 devraient logiquement avoir moins de valeur que 380 milliards en 2020 ! Cela s'appelle l'inflation, et jouer sur cette notion pour tromper nos agriculteurs ne nous semble pas correct. Nous souhaiterions un budget fondé sur l'hypothèse d'une inflation comprise entre 1 % et 2 %, et si celle-ci n'existait pas dans les prochaines années, cette augmentation permettrait d'accélérer la transition environnementale de nos agricultures.
Enfin, j'en viens à la question des ressources propres. Voilà de nombreuses années que nous plaidons pour l'instauration d'une taxe carbone aux frontières et d'une taxe sur les transactions financières au niveau continental. La taxe plastique que Bruxelles devrait prochainement instaurer est une bonne chose, même si, il faut l'avouer, elle coûtera très cher à la France et que, pour le bien de notre planète, nous espérons qu'elle disparaîtra le plus vite possible.
Les ressources propres sont vitales pour l'avenir de notre Union. En effet, nous ne pourrons pas justifier éternellement une augmentation de notre contribution au budget continental. Mais ce n'est pas tout : faire reposer le remboursement de l'emprunt européen sur l'établissement de ces nouvelles ressources est un énorme risque. En effet, si nous ne parvenons pas à les mettre en place, la France devra débourser jusqu'à 2,5 milliards d'euros par an pour éponger sa dette. Sachez que les ennemis de l'Europe n'attendent que cela et que nous ne pouvons pas leur donner satisfaction.
Simone Veil disait : « L'Europe, c'est le grand dessein du XXIè siècle. » Notre groupe s'inscrit naturellement dans ses paroles : l'Europe est notre avenir, et cet avenir se prépare dès maintenant. Alors sachons trouver les points qui nous unissent, sachons construire la puissance européenne dont nous avons besoin, et sachons trouver le modèle de vie que nous souhaitons pour avancer ensemble.
Notre groupe soutiendra la proposition de contribution annuelle française au budget européen, en souhaitant que cet argent investi dans l'Union rapporte en réalité bien plus à notre économie.