« Nous sommes en guerre » a dit le Président de la République. Les chiffres lui donnent raison : 800 000 emplois supprimés en quelques mois, 80 % de faillites supplémentaires attendues en 2020 selon l'Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – , déjà 80 % de plans sociaux en plus par rapport à 2019, une chute de 10 % du PIB, 130 000 nouveaux allocataires du RSA, une hausse de 30 % des demandes d'aide alimentaire et une jeunesse désemparée… Les chiffres donnent le vertige.
Le budget pour 2021 est donc l'un des plus importants depuis la crise de 2008 – ou plutôt il devrait l'être, au vu de la gravité de la situation.
Ce budget devrait être porteur d'espoir ; après examen, il n'inspire que de la déception : le Gouvernement et sa majorité inflexible sont restés enfermés dans leur dogmatisme, avec le risque de voir échouer un plan de relance qui pourrait créer davantage d'injustice qu'il n'en résorbe.
Je pense notamment à votre obstination concernant la baisse des impôts de production. En la faisant porter principalement sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – , vous en faites essentiellement bénéficier les grandes entreprises et non les TPE et PME, qui sont pourtant celles qui rencontrent les plus grandes difficultés de trésorerie et dont la survie est directement menacée par la crise économique.
Diminuer de la sorte les impôts de production ne saurait constituer une mesure de relance efficace, mais cet entêtement n'est pas une surprise. Cela fait plus de deux ans que vous militez en ce sens, et la crise sanitaire a donc bon dos ! Elle vous permet de mettre en oeuvre cette vieille lubie, qui ressemble davantage à un cheval de Troie néolibéral caché au sein du plan de relance qu'à une mesure empreinte d'efficacité et de justice.
En vous obstinant aussi dans l'absence de contreparties sociales et écologiques à ces baisses d'impôts, comme le proposait le groupe Socialistes et apparenté, vous refusez de mettre le pays sur la voie d'une croissance soutenable, juste et responsable.
En matière de non-conditionnalité, nous avons eu le CICE, ou crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : on a payé pour voir, et on n'a presque rien vu ! Pourquoi réitérer nos erreurs ? Aucune contrepartie n'est demandée à cette baisse pérenne de 10 milliards d'euros. Vous aidez les entreprises les yeux fermés, sans conditions de sauvegarde de l'emploi, sans condition de non-redistribution des dividendes, sans vous assurer que les entreprises ne placent pas cet argent dans les paradis fiscaux.