La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, madame et messieurs les présidents de groupes, mesdames et messieurs les députés, chers collègues,
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
les députés de la nation viennent de rendre hommage à la mémoire de M. Samuel Paty, un professeur, un éclaireur de consciences, un citoyen qui avait appris l'histoire des hommes et la géographie de leurs sociétés, et qui en délivrait les clés à nos enfants.
Ce professeur a été assassiné. Assassiné parce qu'il développait l'esprit critique de futurs citoyens, dans une France respectueuse de toutes les convictions, de toutes les croyances, où l'expression est libre. Nous sommes unis, debout et résolus pour combattre les inspirateurs de son assassinat. Car en M. Samuel Paty, c'est la France républicaine et humaniste qui a été lâchement, atrocement agressée.
Lorsqu'est survenue l'effroyable nouvelle, chacun de nous, dans sa mémoire, a vu réapparaître les maîtres et maîtresses de l'enfance, les professeurs de l'adolescence. Nous sommes nous-mêmes ici parce que des Samuel Paty, partout en France, nous ont instruits, éveillés, nous ont ouvert les horizons infinis de la connaissance. Chacun sait ce qu'il doit à ceux qui lui ont appris. Chaque enfant, outre ce que lui apportent ses parents, se construit auprès de ses enseignants qui mettent toute leur énergie, leur talent et leur bienveillante autorité à transmettre leur savoir.
Tous, nous leur en sommes individuellement et collectivement reconnaissants. Mais voici que les esprits obscurs, ennemis revendiqués de la démocratie et de la raison, voudraient que la loi de la République se soumette à leurs injonctions, celles d'un islam politique qui nie les droits les plus élémentaires de la personne humaine et prétend s'imposer par la violence.
Dans le respect de l'état de droit, soyons lucides. Ces terroristes, quand ils sont Français, qu'ils soient punis et bannis de la société jusqu'à leur conversion sincère aux valeurs démocratiques ; quand ils sont étrangers, qu'ils soient chassés à jamais des territoires de la République. Ils n'éteindront jamais la voix de la liberté. Ils n'éteindront jamais les lumières de la connaissance qui répandent l'esprit républicain et forment des citoyens.
L'Assemblée nationale, qui rassemble sur tous ses bancs des enfants de la République, dont certains sont eux-mêmes devenus professeurs, l'Assemblée nationale n'oubliera jamais votre nom, ni le crime qui vous a ôté la vie, monsieur le professeur. Monsieur Paty, votre nom est désormais indissociable d'une page d'histoire que nous n'aurions jamais voulu voir s'écrire et que vos collègues enseigneront aux nouvelles générations, chaque fois, j'en suis sûr, avec une émotion particulière.
Car dans notre République laïque, il y a quelque chose de sacré. Oui, dans cet hémicycle où furent votées les lois Ferry, je dis que la vie d'un professeur est sacrée, la liberté de propager le savoir est sacrée. Dans cet hémicycle où fut adoptée la loi de 1881 sur la presse, je dis que la liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté des caricaturistes est absolue. Dans cet hémicycle, enfin, où s'élabora le grand consensus qui fit la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, je dis que le modèle de la laïcité à la française, condition de toute liberté, constitue un trésor national.
C'est pourquoi, dans cet hémicycle, en mémoire de M. Samuel Paty, je vous invite à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
La République s'est forgée dans l'épreuve et, souvent, elle a dû recourir à la force pour se protéger. La force d'une école qui enseigne la liberté, la force d'une démocratie qui la conforte, celle d'un État qui la défend.
Nous sommes à nouveau confrontés à l'exigence de l'histoire. Si la République a résisté à la réaction, aux impérialismes, aux totalitarismes, l'ennemi qu'elle doit nommer et combattre aujourd'hui, c'est l'islamisme.
Monsieur le Premier ministre, pas un jour ne doit passer sans frapper nos ennemis et tous ceux qui les arment ; pas un jour sans entraver ceux qui dérivent vers la violence en dévoyant leur religion – ils font honte aux musulmans de France ; pas un jour sans expulser les étrangers radicalisés et les imams qui prêchent la supériorité de la foi sur la loi ; pas un jour sans débusquer les mosquées où on ne se retrouve plus pour prier, mais pour s'isoler et pour fomenter.
Nous serons à vos côtés pour interdire les associations qui veillent pour victimiser, qui victimisent pour défier, qui manipulent pour intimider, déchaîner les réseaux sociaux et inspirer des meurtriers ; pour sanctionner aussi ces réseaux qui colportent les haines, pourvu que ça rapporte du flux. Car ceux qui prêchent et qui livrent les armes sont aussi coupables que celui qui les utilise.
Notre combat passera aussi par le réveil républicain de tous ceux qui, de syndicats étudiants à la dérive à associations sous faux pavillon antiraciste, relativisent les principes dont ils usent pour abuser la République.
Et nous l'emporterons si l'école est sanctuarisée, pour y enseigner inlassablement que des individus différents forment un peuple libre si la laïcité les unit.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM, Agir ens, LT, UDI-I, LR et SOC.
Monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement va-t-il amplifier ses efforts pour abattre ces nouvelles formes prises par les ennemis de la République, pour que, lorsqu'un hussard tombe – que son nom résonne ici, Samuel Paty – , mille autres hussards se dressent ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM, LT, UDI-I, LR, GDR et SOC.
Vendredi soir, dans la commune d'Éragny-sur-Oise, un professeur, Samuel Paty, a été sauvagement assassiné à quelques pas du collège de Conflans-Sainte-Honorine où il enseignait. Il a été martyrisé pour avoir fait son métier auprès de ses élèves, dans un cours d'éducation civique. Il voulait simplement éveiller leur conscience et les préparer à devenir des femmes et des hommes libres, des citoyennes et des citoyens éclairés.
Demain, en accord avec sa famille, un hommage national sera rendu à Samuel Paty par le Président de la République. Chacun de nous, d'un bout à l'autre de cet hémicycle et quel que soit le banc qu'il occupe, s'y associera et, avec nous, je le sais, la France tout entière.
Une fois encore, le terrorisme a frappé notre pays avec une sauvagerie inouïe. Oui, l'ennemi est là, clairement identifié, et je n'ai pas peur de le désigner pour ce qu'il est, car toute ambiguïté à son égard est déjà un début de renoncement. Cet ennemi, c'est l'islamisme radical.
C'est une menace permanente qui peut venir de l'extérieur, mais qui peut aussi, je le dis sans détour, recruter ses tueurs parmi nos propres compatriotes.
L'islam radical s'est infiltré au coeur même de notre société de tolérance et de liberté. Il se cache, agit dans l'ombre et avec lâcheté. Mais il ne peut en aucun cas être confondu avec ces millions d'hommes et de femmes, français ou étrangers, qui vivent dans notre pays en respectant les valeurs et les lois de la République.
Cet intégrisme criminel est porté par des hommes qui, sous couvert de religion, détournent la liberté de culte. Il se cache derrière des associations qui manipulent les consciences. Il utilise des réseaux sociaux qui aveuglent et cloisonnent notre société pour mieux attiser la haine.
Face à un tel drame, notre responsabilité est de ne tomber ni dans la naïveté ni dans la facilité. La République n'a pas attendu ce drame atroce pour agir depuis les attentats de 2015, et particulièrement depuis 2017 puisque cette majorité a adopté, dès les premiers mois de cette législature, en octobre 2017, une loi sur la lutte contre le terrorisme.
Cette loi a renforcé nos moyens juridiques pour mieux suivre les individus dangereux.
Près de 8 000 personnes font ainsi l'objet d'une surveillance permanente.
Cette loi a aussi donné à nos services les moyens d'agir dont ils étaient dépourvus.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En cinq ans, près de 2 000 postes ont été créés dans nos services de renseignement. À la seule direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – , les 1 260 recrutements auront permis d'augmenter les effectifs de 45 %.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR. – « Chut ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
S'il vous plaît, écoutez-moi. L'heure est grave, ayez un peu de respect.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens, UDI-I et LT ainsi que sur quelques bancs du groupe FI.
Je veux ici rendre hommage à l'action de ces services, car depuis mai 2017, trente-deux attentats – près d'un par mois – ont été déjoués, empêchés par l'intervention préventive de nos services de renseignement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je veux aussi saluer l'efficacité, la diligence et le courage de nos forces de sécurité intérieure qui ont neutralisé immédiatement l'auteur de ce crime barbare, comme elles avaient, le 25 septembre dernier, arrêté au bout d'une heure, l'auteur présumé de l'agression sauvage devant l'ancien siège de Charlie Hebdo.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Face au drame de vendredi, notre responsabilité première est d'organiser la riposte et d'amplifier encore notre action. L'enquête judiciaire, conduite sous l'autorité du parquet national antiterroriste, a déjà permis l'interpellation de seize personnes susceptibles d'avoir été directement impliquées.
Tous ceux, qui ont soutenu publiquement ce crime, font l'objet de visites domiciliaires sous le contrôle du juge. Cela a commencé dès hier, et cela se poursuivra dans les heures et les jours qui viennent. La mosquée de Pantin, qui a véhiculé ces messages de soutien, fera l'objet, d'ici à la fin de la semaine, d'un arrêté de fermeture.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Cet après-midi, le Président de la République, accompagné du ministre de l'intérieur, se rendra en Seine-Saint-Denis où quinze établissements – écoles, lieux de culte et salles de sport – ont été fermés à l'initiative de l'État depuis 2012.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
À cette riposte judiciaire immédiate, va aussitôt succéder une action administrative, de façon à prononcer la dissolution de toutes les associations dont la complicité avec l'islamisme radical peut être établie.
Mêmes mouvements.
De premières décisions seront prises en conseil des ministres dès la semaine prochaine.
Enfin, doit venir une réponse légale et politique qui s'inscrive dans la durée. Vous voyez, mesdames et messieurs les députés, combien était pertinente, l'annonce du Président de la République, le 2 octobre dernier aux Mureaux :
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR
la saisine du Parlement, dès la fin de cette année, d'un projet de loi destiné à renforcer notre arsenal juridique contre le séparatisme et sa forme la plus radicale et la plus manifeste, l'islamisme politique.
Ce texte comprendra des dispositions très concrètes sur le respect de la laïcité dans les services publics. Il s'attaquera aux nouvelles formes insidieuses que prend l'islamisme radical pour corrompre les esprits à travers des structures prétendument cultuelles, associatives ou éducatives. Il confortera l'école de la République actuellement visée au coeur, qui doit être défendue car, plus que tout autre service public, elle est l'incarnation des valeurs qui sont la cible du radicalisme. Défendre l'école, c'est défendre ses enseignants et leur enseignement, c'est aussi interdire les formes clandestines d'enseignement qui ne sont qu'un endoctrinement.
Enfin, nous ne pouvons plus nous résoudre à assister passivement au déchaînement de la haine sur les réseaux sociaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cette majorité en avait déjà la conviction quand elle a eu le courage, au travers de la proposition de loi de Mme Laetitia Avia, de mettre les plateformes devant leurs responsabilités de diffuseurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.
La censure du Conseil constitutionnel doit nous amener à reprendre ce sujet sous une autre forme, qui devra créer un délit de mise en danger par la publication de données personnelles. En même temps, j'ai décidé d'affecter sans délai des renforts aux services chargés de surveiller l'islamisme radical sur les réseaux sociaux. C'est bien parce qu'il a été nommément désigné par les réseaux sociaux, que Samuel Paty a été assassiné.
Dans le cadre de la discussion de ce texte, le Gouvernement étudiera toutes les propositions, d'où qu'elles viennent dans cet hémicycle, dès lors qu'elles seront constitutionnelles, efficaces et applicables.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est ensemble que nous devons répondre par l'action à une menace qui concerne tout le pays.
Pour ce faire, la République n'hésitera pas à user de la force et du droit pour se protéger, pour protéger tous ses concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Elle n'hésitera pas à poursuivre la bataille des esprits et des consciences contre tous ceux qui cherchent à combattre ses valeurs.
Ce faisant, la République ne se déjugera pas, elle ne se reniera pas. La République restera le grand projet collectif qui a construit la France depuis deux siècles.
Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, Dem, Agir ens et UDI-I se lèvent et applaudissent.
Je vous en prie, chers collègues ! Ce jour n'est pas un jour tout à fait comme les autres.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui, comme d'ailleurs en temps ordinaire, il serait bon de ne pas interrompre les orateurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Assassinat de Samuel Paty
Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier, l'horreur a encore frappé et la terreur a franchi un nouveau seuil. L'égorgement d'un professeur, orchestré et mis en scène sur les réseaux sociaux, est une méthode inédite, d'une barbarie sans nom. La communauté éducative et la nation tout entière sont sous le choc. Notre assemblée vient de rendre un hommage silencieux à Samuel Paty et je tiens, au nom du groupe Socialistes et apparentés, à saluer la mémoire de ce professeur d'histoire-géographie cruellement assassiné parce que, tout simplement, il faisait son métier, et parce qu'il remplissait sa mission, la plus belle de toutes, qui fonde notre pacte républicain : transmettre un savoir à la jeunesse, former des esprits critiques, permettre l'émancipation de toutes et de tous.
Face à ce crime odieux et barbare, nous avons toutes et tous une responsabilité, celle de faire bloc autour de nos enseignants et de la République. Les députés du groupe Socialistes et apparentés assument cette responsabilité car ils veulent défendre les libertés, au premier rang desquelles la liberté d'expression, mais aussi la laïcité, à laquelle nous sommes si attachés et qui permet aux individus de vivre ensemble dans la société.
Monsieur le Premier ministre, la République marche sur deux jambes. La première est celle de l'intransigeance sur l'application de nos principes, qui repose sur la défense continue de l'autorité de l'État. À cet égard, permettez-moi de saluer ici François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve pour leur action lors des tueries de 2015.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Il ne faut pas avoir la main qui tremble pour arrêter ceux qui combattent la République et pour protéger les enseignants. Les signalements de situations préoccupantes que ces derniers effectuent ne doivent pas être mis sous le tapis, mais au contraire être pris au sérieux et transmis à la justice. Le renforcement du renseignement territorial est également indispensable, tout comme celui des moyens de la plateforme Pharos, qui assure la surveillance des réseaux sociaux.
La seconde jambe de la République est l'exigence d'émancipation sociale : chaque citoyenne, chaque citoyen doit avoir sa chance. En 1904, Jean Jaurès parlait déjà de cette seconde jambe puisqu'il déclarait : « La République doit être laïque et sociale. Elle restera laïque si elle sait rester sociale. »
En un mot, monsieur le Premier ministre, nous devons être intransigeants sur nos principes et ambitieux dans nos politiques publiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi sur quelques bancs des groupes GDR, LaREM et Dem.
Je vous remercie, madame Rabault, pour le ton mesuré de vos propos, adapté aux circonstances exceptionnelles que traverse une nouvelle fois notre pays. Quand elle est confrontée à l'adversité, quand elle fait face à des adversaires qui ont pour seul objectif de la détruire, de la diviser et de semer la haine, une nation doit savoir se réunir, se fédérer, s'écouter.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem. , Agir ens, UDI-I et LT
Intransigeants, avez-vous dit ? Nous le sommes et nous le serons, mais nous le serons d'autant plus que nous serons unis et que nous afficherons, face aux adversaires de la République, le visage de la détermination et de la cohésion.
J'ai rappelé tout ce que nous avons déjà fait et toutes les mesures que nous allons amplifier dès aujourd'hui et dans les semaines à venir. J'ai souligné aussi le rôle du Parlement dans ce contexte : il ne manquera pas, dès qu'il sera saisi, de réagir à la menace que nous affrontons en préservant par tous les moyens la cohésion nationale, le meilleur rempart pour protéger les Français.
Je pourrais bien sûr revenir sur le passé et rappeler tous les moyens concrets et opérationnels que nous avons alloués et toutes les réorganisations de services auxquelles nous avons procédé quand ces moyens étaient à la baisse.
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous payons aussi, aujourd'hui, le prix d'un certain relâchement…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il aurait dû conseiller Nicolas Sarkozy ! Quel culot !
Mais l'heure est désormais à l'action.
Madame la présidente Rabault, la protection des personnels de l'éducation nationale, sur laquelle vous avez eu raison d'insister, figure parmi nos premières priorités. Rappelons cependant que de nombreuses actions ont été conduites depuis 2017, sous l'autorité du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports Jean-Michel Blanquer, pour préparer les personnels de l'éducation nationale, …
… pour renforcer leur protection et pour faire vivre la laïcité dans les établissements scolaires.
Oui, madame Rabault, nous serons les plus forts. Nous ne nous laisserons ni intimider, ni diviser par les ennemis de la République !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Agir ens et LT.
Assassinat de Samuel Paty
Monsieur le Premier ministre, il s'appelait Samuel Paty et son nom résonne aujourd'hui dans notre hémicycle comme celui d'un martyr de la République, mort d'avoir enseigné la liberté d'expression. N'oublions jamais ! N'oublions jamais pour ses proches, pour nos enseignants et pour la France.
Ne pas oublier, ce n'est pas seulement laisser couler les larmes de la République sous forme d'hommages et de rassemblements : c'est surtout ne pas oublier d'agir. Assez de renoncements, de résignation et de capitulations coupables. La République du « pas de vagues » est celle qui abdique et qui, finalement, laisse passer les islamistes…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les islamistes sont passés et, depuis trois ans, votre majorité a refusé systématiquement nos propositions contre l'islamisme radical.
Expulser de notre territoire national les étrangers fichés pour radicalisation et terrorisme ? Refusé.
Fermer les cent mosquées salafistes et les salles de prière radicalisées ? Refusé.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Garantir la rétention de sûreté pour les terroristes islamistes qui sortent de prison ? Refusé.
Réduire l'immigration grâce à une restriction du regroupement familial, du droit d'asile et du droit du sol ? Refusé.
Interdire les listes communautaristes aux élections ? Refusé !
Les députés du groupe LR scandent « refusé » en même temps que M. Damien Abad. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Rendre obligatoires les examens radiologiques osseux pour bénéficier du statut de mineur non accompagné ? Refusé !
Mêmes mouvements.
Mettre fin à l'attribution automatique aux étrangers d'une carte de résident valable dix ans ? Refusé !
Mêmes mouvements.
Interdire le retour des djihadistes sur le territoire national ? Refusé !
Mêmes mouvements.
Mêmes mouvements.
Si nous voulons vraiment que les islamistes ne passent plus, il est temps de passer des paroles aux actes. Et si pour cela nous devons modifier la Constitution, alors modifions-la !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, les Français veulent savoir : allez-vous répondre oui ou non à l'appel des députés du groupe Les Républicains pour que soient adoptées, avant la fin de l'année, la totalité des propositions qu'ils formulent depuis trois ans et que vous n'avez eu de cesse de refuser ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le président Abad, décidément, en cette période de crise, vous saisissez toutes les occasions pour nourrir la polémique et aligner les contre-vérités !
Mmes et MM. les députés du groupe LR tapent des pieds en guise de protestation. – Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et Dem ainsi que plusieurs députés du groupe Agir ens se lèvent et applaudissent longuement.
Dans les circonstances actuelles, une telle attitude n'est pas digne !
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'ai indiqué il y a quelques instants, alors que vous ne m'écoutiez pas, …
… l'ensemble des mesures et des dispositions opérationnelles que nous avons déjà prises, …
… ainsi que les résultats concrets que nous avons obtenus. J'ai indiqué aussi les mesures que nous allons renforcer pour lutter pied à pied contre l'islamisme radical.
Mêmes mouvements.
Face à cette situation, vous appelez de vos voeux une révision constitutionnelle. Eh bien voilà une disposition qui s'annonce rapide, efficace et qui apportera des solutions opérationnelles au problème auquel nous sommes confrontés !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Votre famille politique suggère même de réviser la Constitution afin d'y inscrire le principe de laïcité comme s'il n'y figurait pas déjà !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT.
Vous êtes dans l'incantation, nous sommes dans l'action.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT. – Huées sur les bancs du groupe LR.
Au nom de l'ensemble des collègues de mon groupe parlementaire, qui rassemble les députés UDI et indépendants, je tiens à adresser à mon tour toutes nos pensées aux proches du professeur Samuel Paty, assassiné vendredi, à ses collègues et à ses élèves du collège du Bois d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine. Je veux exprimer notre totale solidarité à l'ensemble des enseignants de notre pays et vous assurer, monsieur le Premier ministre, de tout notre soutien dans votre combat contre l'islamisme radical.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM, Dem et Agir ens.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux. J'ai eu l'honneur d'être l'auteur, avec notre ancien collègue Guy Geoffroy, de la loi du 9 juillet 2010, votée à l'unanimité dans l'Hémicycle, visant à faciliter la saisie et la confiscation des avoirs criminels.
Son principe est très simple : on ne peut sanctionner efficacement un délinquant si, parallèlement à la peine, on ne le prive pas de tous les biens et avoirs dont il a pu bénéficier grâce à ses infractions.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LT.
J'ajouterai même qu'il n'est pas admissible que dans certains secteurs de notre pays, des personnes jouissent d'un train de vie ostentatoire alimenté par le produit de leurs trafics et infractions.
Mme Agnès Thill applaudit.
Il faut reconnaître que nous n'avons jamais été aussi bons en la matière. En 2018, près de dix ans après le vote de la loi, 645 millions d'euros de biens ont été saisis, d'après des statistiques que j'ai consultées ce matin. Avec mon collègue Laurent Saint-Martin, député du Val-de-Marne, nous avons remis à votre ministère un rapport sur le sujet.
Monsieur le ministre, pouvez-vous, devant notre assemblée, prendre l'engagement, qui me semble nécessaire, de redynamiser la politique de saisie des avoirs criminels ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, Dem, LT et Agir ens.
Ma réponse est oui, incontestablement.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Vous l'avez dit, la confiscation des avoirs criminels est une procédure qui fonctionne bien mais qui doit fonctionner encore mieux. C'est l'un des moyens, parfois même le seul, d'atteindre un délinquant. Je pense notamment aux crimes commandités, pour lesquels le travail de la police judiciaire n'est pas aisé, avec un commanditaire qui dispose parfois de vingt-cinq témoins et des éléments probatoires difficiles à réunir. Mais cette méthode permet aussi de toucher des grands délinquants et même des terroristes.
C'est vrai qu'on ne voit que des trafiquants avec des grosses voitures dans les rues !
L'AGRASC, l'Agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, existe depuis dix ans. Ayant lu les travaux que vous avez rédigés avec le rapporteur général de la commission des finances, Laurent Saint-Martin, nous allons la renforcer, notamment en créant, dans les prochaines semaines, voire dans les prochains jours – le processus est en cours – , deux agences régionales de l'AGRASC. Je m'y engage.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous serons bien sûr extrêmement attentifs, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2021, à l'ensemble de vos recommandations sur toutes ces questions. Vos propos vont forcément dans le bon sens. La confiscation des avoirs permet en effet de toucher la délinquance en plein coeur car, sans argent, il n'y a pas de délinquance.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et UDI-I.
La figure de l'enseignant est indissociable de la République. Ce sont les enseignants qui, depuis près d'un siècle et demi, ont la responsabilité, belle et terrible à la fois, de former celles et ceux qui, demain, seront les citoyens de notre pays. Ce sont eux qui, partout dans le territoire, dans nos écoles, dans nos collèges, dans nos lycées, transmettent les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité que nous avons reçues en héritage.
C'est parce qu'il défendait ces valeurs – nos valeurs – que Samuel Paty a été assassiné. La vague d'indignation qui traverse notre pays depuis vendredi montre bien combien il est nécessaire de mener cette lutte – une bataille de tous les instants, vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre.
Le combat contre l'islamisme, qui mobilise tous les services de l'État, est long et difficile mais nous savons que nous pouvons compter sur l'ensemble des acteurs de l'État. Qu'ils sachent que nous sommes à leurs côtés car nous connaissons leur courage.
Nous avons été à leurs côtés depuis le début du quinquennat en renforçant les moyens humains et financiers alloués aux forces de sécurité mais aussi en dédoublant les classes dans les écoles des quartiers en difficulté. Nous l'avons encore été en votant la loi dite SILT, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, pour leur donner les moyens juridiques d'agir, et en instaurant, comme l'a fait le Gouvernement, qui assume une politique d'entrave, les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire.
Nous sommes aussi à leurs côtés pour dénoncer les silences coupables, les non-dits, la lâcheté et les petites compromissions qui ont fait reculer la République depuis vingt ans au nom du respect, de la responsabilité ou de la lutte contre l'islamophobie : tragique erreur, lourde faute ! Oui, nous assumons de nommer cet ennemi qui veut diviser la République : c'est l'islamisme politique.
Monsieur le Premier ministre, Emmanuel Macron préside actuellement en Seine-Saint-Denis une séance de la cellule départementale de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire. Pourriez-vous dresser pour nous un premier bilan de cet outil et nous dire quelle est la place de l'éducation dans ce dispositif ? Monsieur le Premier ministre, ici-même, au coeur de la démocratie, les soldats de la République seront toujours à vos côtés pour vaincre l'hydre islamiste. Vive la République, vive la France !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, UDI-I et Agir ens.
Monsieur Castaner, vous avez bien raison de me donner l'occasion, à travers votre question, de m'exprimer à propos de l'Éducation nationale, ce grand service public qui a été la cible d'un attentat odieux. Derrière le professeur Paty, comme vous l'avez d'ailleurs magnifiquement rappelé au cours de votre intervention, ce sont nos valeurs de liberté, d'épanouissement et de progrès qui ont été visées.
L'Éducation nationale est notre bien le plus précieux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Cette majorité l'a particulièrement choyée et continuera à le faire. Elle est doublement impliquée dans la lutte contre ce fléau qu'est l'islamisme radical, et tout d'abord à travers le déploiement, depuis plusieurs années, de dispositifs très adaptés, sous l'autorité du ministre et grâce à une forte mobilisation de la communauté éducative.
Ils ont été mis en oeuvre au collège de Conflans-Sainte-Honorine. Et j'observe que l'ensemble des syndicats de l'éducation nationale, que le ministre et moi-même avons reçu dès samedi matin rue de Grenelle, l'ont unanimement souligné, faisant montre d'un sens des responsabilités que l'on aimerait volontiers voir partagé partout !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous allons continuer de protéger l'école, …
… qui éduque et donc qui prévient les comportements lâches et ignobles de la nature de celui que l'on a constaté. Il y avait déjà eu la loi Gatel sur le contrôle des établissements hors contrat – mais aussi sous contrat. Désormais, dans le cadre du projet de loi que j'évoquais tout à l'heure et qui sera bientôt soumis à votre assemblée, la scolarisation sera réellement obligatoire parce que nous savons que trop d'enfants, sous couvert d'enseignement à distance, échappent à l'école et sont pris dans les mailles du filet de l'obscurantisme !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Brahim Hammouche applaudit également.
Nous allons ensemble mettre un terme à ce scandale en protégeant davantage encore notre école républicaine !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Assassinat de Samuel Paty
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, j'y associe l'ensemble des députés de mon groupe Libertés et territoires, qui rendent hommage à l'action et à la mémoire de Samuel Paty, cet enseignant tombé au front de l'obscurantisme et de l'intolérance parce qu'il contribuait à former des esprits libres et éclairés.
Comme mon collègue Olivier Falorni, j'ai été enseignante, en l'occurrence pendant douze ans en zone d'éducation prioritaire près de Valenciennes, douze années enrichissantes mais également éprouvantes, au point d'avoir abandonné le métier dont j'avais rêvé pour me protéger des incivilités, ces violences ordinaires, physiques ou verbales, qui rongeaient mes collègues depuis trop longtemps et qui ne sont l'apanage d'aucun groupe. Dans une ville où plus de 60 % de la population est d'origine étrangère, nous emmenions, ma collègue professeur d'histoire-géographie et moi, nos élèves visiter le même jour Notre-Dame de Paris et la Grande Mosquée de Paris, et personne n'y trouvait à redire… Est-ce que ce serait encore le cas aujourd'hui ?
Dans le drame qui s'est noué vendredi soir, certains des maux de notre école, ce miroir de notre société, sont à la fois amplifiés et résumés. Était-il alors vraiment imprévisible ? Il y a l'héroïsme d'un enseignant accomplissant sa mission, mais aussi la crainte de sa hiérarchie de le défendre, de peur en peur, d'échelon en échelon jusqu'au plus haut – peut-être un peu trop éloigné du terrain – , avec en plus la haine criminelle de certains parents et la barbarie d'une minorité de fanatiques en guerre contre notre modèle de société… longue déliquescence, jusqu'au pire.
Après les manifestations de dimanche, le recueillement, l'hommage national demain et la remise de la Légion d'honneur, une fois l'effroi passé et l'émotion dissipée, qu'est-ce qui va changer concrètement pour les enseignants ? Monsieur le ministre, acceptez-vous, par exemple, de revoir la logique des statistiques qui pousse les chefs d'établissement comme les DASEN – les directeurs académiques des services du ministère de l'éducation nationale – à cacher les incivilités et les violences pour se prévaloir d'une bonne gestion, …
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Stéphane Peu applaudit également
… à révéler et à instruire ces faits, à accompagner et à protéger ceux qui servent nos idéaux républicains ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Vous me permettrez, puisque c'est la première fois que je prends la parole dans l'hémicycle depuis ce drame, d'exprimer mes pensées pour Samuel Paty et pour sa famille aussi, je pense à son fils de 5 ans qui sera désormais pupille de la nation et à qui nous devrons penser non seulement aujourd'hui mais aussi pendant toute les décennies qui viennent.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je suis d'accord avec ce qui inspire votre question, madame la députée. Le ministère de l'éducation nationale doit, en effet, être derrière chaque professeur, je l'ai dit depuis le premier jour où j'ai pris mes fonctions. Et nous avons bien sûr avancé sur le sujet. Vous me demandez si l'on doit arrêter la politique des statistiques, mais référez-vous à ce que j'ai dit et à ce que j'ai fait : c'est exactement ce que j'ai décidé dès le premier jour en indiquant à tous les chefs d'établissement de France qu'ils ne seraient plus évalués à partir des statistiques sur les violences mais aussi des statistiques sur les orientations. Le ministère a donc changé sur ces deux points, et il y a eu des résultats : les statistiques sur les orientations, par exemple, montrent plus de choix vers l'enseignement professionnel, tout simplement parce qu'il n'y a plus eu d'autocensure, de même que celles sur les violences montrent davantage de remontées du fait de la disparition de l'autocensure.
Maintenant regardons ce qui a été fait depuis : j'ai créé dès 2017 le conseil des sages de la laïcité à partir de rien, …
… grâce auquel nous disposons désormais d'un système de normes de référence qu'appliquent des équipes de la laïcité dans chaque rectorat de France. Une de ces équipes est venue en soutien à M. Paty en lui assurant, je le redis ici, un soutien institutionnel complet. Bien entendu, nous ne pouvions prévoir un assassinat politique, mais il a été évidemment soutenu vis-à-vis de la diffamation dont il était victime. Aujourd'hui, nous voyons bien que les violences ont des causes multiples, et le ministère les traite à la base et, depuis trois ans, nous avons fait évoluer les problèmes dont vous faites état.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Assassinat de Samuel Paty
Une nouvelle fois notre pays est mis à l'épreuve par un assassin se réclamant de l'Islam. À l'horreur politique que le groupe La France insoumise tient à stigmatiser, à la compassion affligée que nous exprimons à la famille de M. Samuel Paty, à ses élèves et à ses collègues, s'ajoute cette pensée que chacun d'entre nous conserve pour les proches qui ont marqué sa vie.
Nos enseignants ne font pas seulement un métier : ils portent la lumière républicaine que le savoir répand quand il se transmet. Et voilà bien ce que craignent les obscurantistes. Car il n'y a pas de liberté réelle pour l'ignorant, pas d'égalité ni de fraternité sans partage des savoirs.
Le meurtrier fait horreur, et il fait honte aussi à sa religion ! Mais ses buts politiques nous sont connus car l'islamisme politique et le terrorisme partout où celui-ci a tué, en France, en Tunisie, en Algérie, au Maroc et ailleurs dans le monde, ont eu les mêmes objectifs : faire peur et par là même commencer déjà à imposer leur loi.
Ils visent à diviser la société et à désorganiser l'État de droit en affolant les pouvoirs publics.
Chacun d'entre nous doit se sentir personnellement responsable pour mettre en échec ces deux objectifs en réservant ses coups à l'ennemi !
Car la paix civile est en jeu et chacun d'entre nous doit être le rempart contre la haine. La France insoumise prendra sa part au maintien de l'unité nationale, …
… sans la confondre avec la fin de son positionnement politique. Nous respecterons la durée du deuil national dans la façon de nous exprimer.
Ici et maintenant, nous, monsieur le Premier ministre, vos opposants, nous disons à vos côtés…
… aux ennemis de la patrie républicaine : nous n'avons pas peur et vous ne nous faites pas peur, vous ne nous diviserez pas, nous sommes la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI ainsi que sur quelques bancs des groupes GDR et SOC.
J'entends votre appel à l'unité et au soutien de l'action du Gouvernement.
« Pas de liberté réelle pour l'ignorant », avez-vous dit, et donc pour le manipulé. Il est vrai que l'islamisme radical a fait de l'ignorant et du manipulé sa cible principale. Et on voit bien que ces attaques transitent par des associations et par les réseaux sociaux, et que c'est ainsi que l'on fait naître des vocations de tueur.
C'est précisément notre objectif que de nous attaquer aux manipulateurs, aux transmetteurs, et à tous ceux qui atteignent ainsi leurs cibles pour les pousser vers le crime et l'abomination. Tel est bien l'un des objectifs que nous poursuivons. Nos services de renseignement, qui sont en première ligne sur ce sujet, ont été – j'insiste sur ce point – confortés et réorganisés comme jamais ils ne le furent auparavant.
Nous allons passer la vitesse supérieure en accordant, à nouveau, des moyens supplémentaires au ministre de l'intérieur.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
À ceux qui nous critiquent, nous pourrions rappeler comment les effectifs des forces de sécurité ont évolué durant les années précédentes !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous avez été conseiller de Nicolas Sarkozy ! Vous avez travaillé pour lui !
Il ne s'agit pas seulement du droit : il s'agit surtout des moyens qu'on consacre à le faire appliquer. Nous avons pris nos responsabilités opérationnelles et nous continuerons, dans le cadre de l'union nationale, à les exercer !
Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Assassinat de Samuel Paty
Vendredi a été commis un acte d'une barbarie inouïe : M. Samuel Paty a été décapité parce que l'enseignement qu'il dispensait dans l'école de la République ne convenait pas à quelques parents d'élèves et à un minable prédicateur – leurs dénonciations sont parvenues jusqu'à un individu qui, au nom d'une idéologie islamiste, a commis l'impensable. Nous voulons dire à la famille de M. Samuel Paty, à ses élèves et à tout le monde enseignant notre tristesse et notre entière solidarité dans l'épreuve, mais aussi notre colère.
Applaudissements sur de très nombreux bancs.
Les valeurs que Samuel Paty transmettait à ses élèves nous obligent à la dignité. Pour cela, notre nation doit être unie – unie au service de la paix et non de la haine ou de la vengeance aveugle ; unie sans instrumentalisation politique, mais avec lucidité.
Ces valeurs nous obligent à défendre la laïcité avec la plus grande ferveur et, au nom de ce principe avec lequel nous ne pouvons transiger, nous nous devons de respecter l'exercice de tous les cultes, dès lors qu'ils se conforment aux lois de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LaREM, Dem et Agir ens.
La mort de Samuel Paty nous oblige aussi après de tous les enseignants qui doivent pouvoir accomplir sans peur, mais avec les moyens nécessaires, la mission fondamentale que la nation leur a confiée : offrir à nos enfants l'émancipation par le savoir. Nous ne devons jamais accepter la moindre défaillance à cet égard, parce que partout où la République recule, l'obscurantisme progresse.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, SOC et LaREM.
Cette mort nous oblige enfin à endiguer l'emprise de l'islamisme politique, à éradiquer ce terrorisme abject, dans le respect des règles de l'État, mais sans concessions.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LaREM, Dem, SOC, FI, LT et Agir ens.
Le pire serait de tomber dans le piège de la division, d'affaiblir cette belle mission qu'est l'enseignement, mais aussi de laisser croire que nos concitoyens de confession musulmane s'accommodent du terrorisme islamiste. Si tel était le cas, celui qui a ôté Samuel Paty à sa famille et à notre pays aurait gagné.
Mmes et MM. les députés des groupes GDR, LaREM, Dem, SOC, FI, LT et Agir ens se lèvent et applaudissent.
Permettez-moi de vous féliciter pour vos propos, …
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens
… car je crois qu'ils sont tout simplement à la hauteur des circonstances que nous vivons. Je sais bien qu'il est toujours simple de polémiquer.
On polémique sans cesse : à propos de la crise sanitaire, à propos de la crise économique et à propos de la crise sécuritaire. Que cherche-t-on ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
À améliorer la situation de nos concitoyens ? À trouver les réponses les plus adaptées ? Ou à verser dans un électoralisme inadapté aux circonstances ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Notre majorité, elle, cherche à agir – et elle le fait. Je suis d'ailleurs certain, à vous écouter, que tous, sur ces bancs, vous voterez en faveur du projet de loi de lutte contre les séparatismes que nous vous soumettrons dans quelques semaines, en même temps que vous vous efforcerez de l'améliorer.
Vous avez raison, cher président Chassaigne : il est des moments où une nation doit se réunir.
M. Bruno Fuchs applaudit.
L'atteinte portée à son personnel enseignant en la personne du professeur Paty est une attaque contre la France, et la France tout entière doit se lever pour dire non.
Mmes Cendra Motin et Maud Petit applaudissent.
Le Gouvernement et l'État sont à la manoeuvre pour mener ce combat contre l'islamisme radical.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.
Vendredi dernier, un professeur d'histoire-géographie a été égorgé parce qu'il avait fait son travail, qui consistait à éveiller les consciences de nos enfants aux valeurs fondamentales de la République : la liberté d'expression, première de toutes les libertés, qui va de pair avec la laïcité, valeur constitutive de notre vivre ensemble, si honnie de tous les fondamentalistes.
Au nom du groupe Agir ensemble, permettez-moi de saluer la mémoire de Samuel Paty et son engagement au service de la République, et de dire notre profonde tristesse à sa famille, mais aussi à tous les enseignants dont le rôle est si essentiel pour que nos enfants deviennent des citoyens de la République française. Nous apportons aussi tout notre soutien à l'action du Gouvernement dans la lutte contre l'islamisme radical…
… et nous formulerons des propositions au cours des débats qui se tiendront sur cette question.
Les premiers éléments de l'enquête montrent une nouvelle fois le rôle joué par les réseaux sociaux dans la propagande de la haine et le manque de moyens des services de sécurité pour répondre aux signalements effectués à l'encontre du terroriste sur la plateforme Pharos.
Le cadre légal existant a permis aux enquêteurs d'avoir accès à toutes les données concernant les réseaux des personnes identifiées dans le champ de leurs investigations, qu'il s'agisse des numéros appelés, des adresses IP, des localisations, des dates et heures ou des sites consultés. Toutes ces données sont des mines d'informations absolument essentielles : sans elles, nos forces de sécurité seraient comme aveugles dans leurs enquêtes.
Or, le 6 octobre dernier, la Cour de justice de l'Union européenne – la CJUE – , saisie par le Conseil d'État, a jugé que notre loi devait être revue : notre champ de conservation des données serait trop large, seule une conservation ciblée pouvant être autorisée, et uniquement en matière de criminalité grave. La restriction du champ des données conservées serait pourtant catastrophique pour les services de police et de justice, mais aussi pour les services de renseignement, notamment dans l'exercice de leur mission de lutte contre le terrorisme.
Aussi souhaité-je savoir quelle action est actuellement entreprise par la France afin que nos policiers, nos services de renseignement et nos magistrats puissent continuer à enquêter en disposant des données de connexion des internautes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous avez raison : sans ces données, nous serions complètement impuissants. Je crois savoir que 60 % des affaires connaissent un épilogue judiciaire grâce à elles. Vous l'avez rappelé avec raison : dans l'affaire qui, malheureusement, nous bouleverse tous, les données et leur conservation ont joué un rôle essentiel.
La décision de la CJUE du 6 octobre dernier confirme sa jurisprudence dite Tele2 Sverige, par laquelle elle prohibe la conservation de données. Cependant, à y regarder de plus près, cette jurisprudence permet heureusement des exceptions, notamment en cas de menace grave contre la sécurité nationale. Ce champ peut naturellement être entendu comme incluant la lutte contre le terrorisme.
S'agissant de la délinquance de droit commun, je puis vous assurer de la totale détermination du Gouvernement à ne pas renoncer à l'utilisation de ces données, malgré la jurisprudence européenne.
Le travail est en cours en la matière et je reviendrai évidemment sur ce sujet pour vous faire part des évolutions. Nous avons bien sûr pleinement conscience que, sans ces données, notre police et notre justice sont totalement démunies sur le terrain probatoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je veux avant tout m'associer à l'hommage que nous rendons collectivement à Samuel Paty, victime de la barbarie.
Monsieur le Premier ministre, l'heure est grave. Un enseignant est un fonctionnaire, c'est un représentant de l'État, un pilier de notre République. En tant que chef du Gouvernement, vous vous devez de protéger tous les fonctionnaires de France dans l'exercice de leur métier.
Diffamé dans l'exercice de sa fonction, menacé de mort pour avoir fait son métier d'enseignant et victime d'une véritable cabale sur les réseaux sociaux, M. Paty aurait dû automatiquement bénéficier de la protection fonctionnelle des fonctionnaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill et M. Pascal Brindeau applaudissent également.
Il avait d'ailleurs prévenu sa hiérarchie et déposé plainte à la suite des menaces dont il faisait l'objet.
Monsieur le Premier ministre, dès lors que la diffamation le concernant était avérée et connue de sa hiérarchie, pourquoi l'État n'a-t-il pas pris immédiatement l'initiative de lui accorder sa protection fonctionnelle ?
Mêmes mouvements.
Pourquoi sa hiérarchie n'a-t-elle pas porté plainte au nom de l'État en même temps que lui ?
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Vos questions sont bien naturelles ; tout le monde se les pose quand se produit une affaire comme celle dont nous parlons.
Si vous ne m'interrompez pas et que vous souhaitez vraiment entendre mes réponses,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
je souhaite restituer ce que j'ai pu savoir de cette affaire en tant que ministre, sans empiéter, bien sûr, sur l'enquête judiciaire en cours, ni sur les conclusions de l'inspection générale.
Il y a d'abord une première affaire : celle du trouble causé par des parents d'élèves qui ont considéré que le cours de M. Paty posait un éventuel problème. Dès les premiers instants, la principale du collège a été totalement solidaire du professeur. Elle a fait appel aux équipes « Valeurs de la République » du rectorat, qui se sont rendues sur place. Un travail en commun a été effectué, et M. Paty lui-même a considéré qu'une bonne solution avait été trouvée grâce à l'appui de l'institution.
C'est très important de le dire, car il s'agit de la traduction concrète des dispositifs que nous avons mis en place.
Il y a ensuite une seconde affaire qui, se greffant sur la première, est de nature clairement violente et criminelle : elle implique des personnes qui ont cherché à attaquer l'école de la République en utilisant l'affaire précédente. Un parent d'élève a fait comme si sa fille était concernée, alors qu'elle n'assistait pas au cours. Parce qu'il était lui-même lié à ceux que nous connaissons maintenant, toute une logique de violence s'est mise en place pour arriver à ce qui a malheureusement eu lieu. Ils ont cherché une occasion de créer de la violence, et ils y sont parvenus. Bien sûr, M. Paty a également été soutenu dans cette épreuve : dès que la vidéo a été publiée, dès qu'il y a eu diffamation, la principale du collège s'est rendue avec lui au commissariat pour porter plainte. Bien entendu, s'il n'y avait pas eu d'assassinat, il aurait continué à être protégé par l'institution, et il aurait évidemment bénéficié de la protection fonctionnelle.
Vous savez très bien que c'est ce que nous avons mis en place, et que cela contraste avec ce qui existait auparavant.
Protestations sur les bancs des groupes LR et SOC.
Une protection a bien été assurée par l'éducation nationale. À l'avenir, nous en saurons davantage sur le rôle de cette dernière et sur celui de la police, mais nous devrions être unis derrière notre école plutôt que chercher de vaines polémiques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, j'entends vos réponses, mais la question est grave : faites-vous le nécessaire pour systématiquement protéger les enseignants en pareille situation ? Faites-vous le nécessaire pour les soutenir ? Ils se sentent abandonnés. Il y a des discours ; désormais, nous attendons des actes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-I.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, nous sommes sous le choc : un enseignant a été décapité pour avoir exercé son métier. La portée symbolique de cet acte terroriste touche l'ensemble des Français et affecte particulièrement enfants, parents et communauté éducative.
Après ce terrible événement, les témoignages des enseignants nous rappellent les conditions de travail difficiles auxquelles ils sont confrontés. Le groupe Socialistes et apparentés tient à leur exprimer sa profonde reconnaissance et à réaffirmer son soutien indéfectible.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
L'école, lieu d'accueil de tous, doit rester le sanctuaire de l'instruction et de l'apprentissage des codes communs, fondement de la vie en société. Pourtant, lors des minutes de silence organisées à la suite des attentats de janvier et novembre 2015, les professeurs ont témoigné de la difficulté, voire de l'impossibilité, à faire respecter ces moments de recueillement. Aujourd'hui, de nombreux enseignants avouent renoncer à enseigner comme ils le souhaiteraient et le devraient. La perte de repères s'est insidieusement installée au détriment des valeurs de laïcité, de liberté de pensée et d'expression, qui fondent notre socle républicain. Plus globalement, leurs propos révèlent que la peur limite de plus en plus leur libre champ d'action et leur créativité.
À cela s'ajoute un constat : ils n'ont pas la certitude d'être soutenus par leur hiérarchie face à diverses menaces. Les jours à venir vont être difficiles pour les enseignants et leurs élèves, épuisés par la crise sanitaire et désormais traumatisés par cet événement atroce.
Monsieur le ministre, quelles actions concrètes seront mises en place à la rentrée des vacances pour accompagner la communauté éducative et les enfants dans ce moment si difficile ? Quelles mesures à long terme comptez-vous prendre pour accompagner les enseignants…
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Madame la députée, je vous remercie pour la nature de votre question et la dignité de votre ton.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Je souscris à chacun des points évoqués. Vous avez raison : les enseignants ont très souvent le sentiment d'être un peu seuls lorsqu'ils sont confrontés à des incivilités ou à des contestations de la laïcité. C'est la raison pour laquelle nous avons pris les mesures que j'ai déjà évoquées : création du conseil des sages et des équipes « Valeurs de la République », recensement des problèmes… Depuis trois ans, je l'ai dit très clairement, tout professeur qui se retrouve dans une telle situation ne doit plus se sentir seul. Il existe en particulier une adresse dédiée qui lui permet de faire un signalement écrit. C'est comme cela, qu'entre septembre 2019 et mars 2020, 935 problèmes ont été signalés.
Bien sûr, la « culture de la peur » a pu parfois perdurer : des professeurs pensent encore que l'institution ne veut pas qu'ils signalent les problèmes. Mon message est pourtant très clair, et je le répète avec encore plus de force aujourd'hui : oui, il faut opérer des signalements car nous réagissons à chaque fois. Des centaines d'interventions ont ainsi eu lieu dans les établissements l'an dernier. Personne ne peut dire que nous n'avons pas agi sur ce sujet depuis trois ans.
Nous devons évidemment en faire davantage ; j'y suis prêt. J'ai souvent été très critiqué lorsque j'ai insisté sur la laïcité et la lutte contre le séparatisme. Ce que j'attends, en entendant la tonalité de votre question, que je salue une fois encore, c'est d'être soutenu à l'avenir par l'ensemble de l'hémicycle, chaque fois que nous irons plus loin pour défendre tous les professeurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Valeurs de la République à l'école
Je veux saluer un homme et exprimer notre douleur profonde à sa famille. Je veux dire que je m'incline avec un respect infini pour son courage dans l'exercice de son métier, celui de professeur d'histoire-géographie, d'enseignement moral et civique. Sa mort nous oblige.
Elle nous oblige à l'unité autour de nos professeurs – unité des parents d'élèves, des syndicats, des partis politiques, qui doivent faire bloc autour de l'école de la République, de ses fonctionnaires et de ses programmes – et à l'unité qui fait que les femmes et les hommes de cette patrie, la France reconnaissante, quelles que soient la couleur de leur peau, leurs croyances ou leurs origines, se reconnaissent dans nos valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité, que nous ne renoncerons jamais à porter comme un message universel.
C'était le combat de sa vie ! Le combat de la vie de Samuel Paty !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.
Le combat discret, humble, admirable d'un hussard de la République.
Sa mort nous oblige à la tolérance zéro pour les ferments de l'intégrisme islamiste que sont la délinquance, la criminalité et bien entendu la misère scolaire, sociale et économique, avec une détermination multipliée au centuple.
Au-delà, sa mort nous oblige à la tolérance zéro dans nos compromissions coupables, sur lesquelles nos professeurs nous alertent depuis des années.
Tolérance zéro avec les parents qui portent atteinte à la laïcité sous couvert de certificats médicaux délivrés par des médecins complices, pour dispense de piscine ou de sport à l'école !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Tolérance zéro avec ceux qui portent atteinte à l'égalité entre les femmes et les hommes lorsqu'ils refusent de parler à un professeur qui ne serait pas du bon sexe.
Mêmes mouvements.
Tolérance zéro avec ceux qui refusent une minute de silence dans les classes pour tous ceux qui tombent parce qu'ils défendent l'art d'être Français.
Tolérance zéro avec ceux qui refusent le travail demandé par les professeurs lorsqu'on parle de théorie de l'évolution ou de reproduction.
Mêmes mouvements.
Sa mort nous oblige, mesdames et messieurs, à nous tenir debout et à mener ce combat sur tous les fronts pour dire à nos adversaires que, toujours, lorsqu'il s'agira de mettre les lois de la République en…
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens. – Mme Manuéla Kéclard-Mondésir applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Merci, monsieur le député Bruno Studer, pour votre intervention. Je souscris évidemment à chacun de vos mots, et ce ne sera pas la première fois que je dirai qu'il ne doit y avoir aucune compromission avec le radicalisme islamiste, que ce soit à l'école ou aux abords de l'école.
Je rappelle que nous avons pris différentes mesures en la matière. J'en citerai un exemple, dans la loi pour l'école de la confiance, avec l'interdiction de toute activité de prosélytisme aux abords des écoles. De la même façon, nous devons affirmer très clairement que le principe de laïcité ne souffre aucune compromission, aucune remise en question. C'est pourquoi nous avons inscrit le respect du professeur par les parents d'élèves dans l'article 1er de cette même loi, mesure dont la mise en oeuvre devra bien entendu être complète.
Derrière votre question, il y a aussi celle de savoir ce que nous allons faire le 2 novembre prochain. Je voudrais en appeler à l'ensemble de la représentation nationale : je souhaite que chacun des députés, comme chacun des sénateurs, et de façon générale les élus de la République, soient présents le 2 novembre dans les établissements auprès des professeurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Cette présence sera le signal du soutien de la nation à tous les professeurs.
Mêmes mouvements.
Ce que nous devons donner comme message à chaque professeur – et je m'adresse à tous les parents d'élèves et à tous les Français – , c'est que le professeur est central dans notre société et qu'il doit être respecté. Il incarne la République. Il n'y aura aucune concession sur les principes de la République, aucune concession sur la liberté d'expression, il n'y aura aucun angle mort de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ensemble.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Nous vivons un tournant tragique. Il a fallu l'assassinat d'un professeur exemplaire, Samuel Paty, pour que bien des yeux s'ouvrent enfin : les islamistes se sont infiltrés dans l'école. Ils menacent la France dans son essence même : la formation d'esprits libres. Les islamistes tiennent la main de certains parents, ils envahissent l'esprit des enfants, ils contraignent des enseignants à modifier leurs cours. « Pas de vagues », entendaient ces hussards de la République quand ils auraient voulu crier leur solitude.
Ceux qui combattent la radicalisation sont accusés d'islamophobie.
Ce chantage inspiré par les islamistes doit cesser. Ma question est la suivante : pourquoi avoir mis autant de temps pour ouvrir les yeux sur la guerre déclarée par les islamistes sur notre sol dans une école juive à Toulouse dès 2012 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits. – Mme Agnès Thill applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Madame la députée Annie Genevard, j'espère que vous me ferez le crédit de n'avoir jamais fermé les yeux sur les problèmes que vous mentionnez. Vous pouvez vous référer à ce que j'ai dit dans cet hémicycle, à ce que j'ai fait depuis trois ans et demi, et cela doit être comparé avec toutes les actions précédentes. Jamais il n'y a eu de la part de l'éducation nationale une telle faculté à nommer le problème et à agir sur le terrain.
Avons-nous pour autant résolu tous les problèmes ? Bien sûr que non. Il existe de nombreuses difficultés liées aussi aux conditions de notre société. Nous avons donc besoin non seulement de décisions ministérielles et d'actions à toutes les échelles de l'éducation nationale, mais aussi d'un sursaut de la part de la société française.
Les problèmes de parents d'élèves que nous évoquons sont des problèmes de la société qui viennent se greffer sur l'école, et on demande aujourd'hui beaucoup à l'école, aux professeurs et à tous les acteurs de l'éducation nationale. Nous ne devons donc pas nous diviser sur cette question, mais provoquer dans l'ensemble de la société le sursaut indispensable.
Quand on parle d'éducation, on parle aussi de sujets conceptuels, immatériels, qui ont trait aux idées. Dans cet assassinat, il y a un assassin matériel, mais derrière cet assassin matériel il y a aussi des assassins intellectuels, les gens qui ont inspiré cet homme, les gens qui, depuis des années, sous couvert d'accuser les autres d'islamophobie, en réalité préparent tout ce qui sape notre République.
M. Stanislas Guerini applaudit.
Je l'ai dit de manière très claire depuis que je suis ministre et j'ai reçu, pour cela, des critiques de la part de beaucoup de gens.
Nous devons être unis pour identifier les auteurs intellectuels de cet assassinat. Ils sont malheureusement nombreux, ils ont un projet politique, celui de l'islam politique.
« Voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous luttons contre cela par le biais du projet de loi contre le séparatisme et différentes mesures, ainsi que par ce que nous allons continuer à faire dès la rentrée de ces vacances.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre, plusieurs députés sur nos bancs vous ont appelé aux actes et vous ont demandé d'entendre nos propositions. En 2004, nous avons eu le courage d'interdire les signes religieux à l'école.
C'était une décision très difficile à prendre, qui a été très critiquée. Nous avons eu le courage, par la circulaire Chatel, de dire non au voile dans l'accompagnement des sorties scolaires.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons eu ce courage, et c'est à cela que nous vous invitons.
Il y a deux ans, je vous ai posé la question à la suite d'un rapport qui montrait la propagation de l'islamisme à l'école. Vous m'avez répondu de la même façon : vade-mecum de la laïcité, référents laïcité… Il faut aller plus loin, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Nous disons l'attachement à la patrie, l'amour de ce pays, parce que le discours victimaire, c'est celui qui engendre la haine, qui pousse certains à la vengeance. » Ce sont les mots d'Hassen Chalghoumi. Nous combattons aujourd'hui vingt ans de naïveté, de lâcheté, de compromis devenus autant de compromissions, de clientélisme, de confusions faisant le jeu des bourreaux et laissant seules les victimes.
Comme des millions de Français, je suis en colère. En colère que l'on n'ait pas suffisamment écouté Hassen Chalghoumi, Élisabeth Badinter, Caroline Fourest, Zineb El Rhazoui, Richard Malka, Philippe Val ou Riss, et tous les lanceurs d'alerte qui ont été et sont menacés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En colère face à ceux qui ont mis leurs pas dans ceux du CCIF, le Collectif contre l'islamophobie en France, …
… et des pires officines islamistes, leurs pas dans ceux des prédicateurs qui exècrent nos modes de vie et nos libertés, et qui ont marché soumis à leurs côtés. En colère qu'un soldat de la République ait été décapité. À tous ceux-là, aujourd'hui, nous disons qu'ils ont des comptes à rendre.
L'islam politique, le séparatisme islamiste sont des terreaux du terrorisme. Ils ont prospéré grâce à des complices. Ils ont prospéré sur la peur qui conduit à ne pas désigner les ennemis de la République. À tous ceux-là, nous le disons clairement, nous ne laissons et ne laisserons rien passer.
Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, avec le ministre de l'intérieur, vos mots et vos actions sont clairs et résolus.
Face au concours Lépine du référendum, je préfère l'expulsion des étrangers radicalisés et la dissolution des associations qui provoquent la haine de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous l'avez dit : nous sommes en guerre. Madame la ministre, comment garantir aux Français que nous allons, unis, avec tous les serviteurs de la République, nous donner les moyens de gagner cette guerre ?
Mêmes mouvements.
Avant de répondre à votre question, je tiens à dire que dans la période que nous traversons, il n'est plus possible de faire semblant de regarder à côté quand quelqu'un est menacé, …
… même à mots couverts, même sous prétexte de débat, même quand on feint de croire qu'il s'agit d'une bataille judiciaire.
Non, madame Bergé, je n'ai pas regardé à côté : j'ai vu que vous étiez la cible de menaces. Et je tiens à vous adresser le plein soutien du Gouvernement face à ces menaces dont vous faites l'objet pour avoir tenu un discours de laïcité, un discours républicain qui défend la liberté, l'égalité et la fraternité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Ce soutien est inconditionnel, et il vaut pour vous comme pour tous les élus de la nation, les intellectuels, les enseignants, les policiers – pour toutes les personnes qui sont en première ligne pour combattre, chaque jour, l'islamisme.
Il est temps de faire de la lutte contre l'islamisme une priorité collective.
Depuis 2017, c'est la priorité de la majorité et du Gouvernement : sans discontinuer, une action résolue est menée sous l'impulsion du Président de la République Emmanuel Macron. Nous avons recruté 12 000 personnes supplémentaires à la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – pour améliorer le travail de renseignement. Le ministre de l'intérieur lutte contre les associations qui se sont compromises dans la collaboration avec l'islamisme radical et les terroristes. Nous expulserons les étrangers radicalisés sans trembler et sans nous excuser – car, oui, il est temps d'arrêter de nous excuser de mener ce combat !
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Quelle remarque sexiste !
Je m'associe évidemment au salut de la mémoire de M. Samuel Paty et aux souffrances de sa famille.
Né dans le bassin minier du Pas-de-Calais, lequel fut décrété zone interdite par l'occupant – couvre-feu de vingt-deux heures à six heures et ausweis pour museler la Résistance – , je suis le fils d'un ouvrier, mineur de fond et résistant engagé dans la bataille du charbon et la lutte contre la Communauté européenne du charbon et de l'acier, liquidatrice d'une terre d'accueil et de travail. J'ai connu les tickets de rationnement, la pauvreté, mais jamais la misère. J'ai aussi connu l'État social du Conseil national de la Résistance et son ascenseur pour une réussite professionnelle.
Aujourd'hui, je vous citerai quatre exemples de la vie des gens ordinaires, croisés hier. Cette mère de famille, à la caisse, ne pouvant s'acquitter de onze euros pour des achats vitaux ; cette jeune femme ramassant, devant ma permanence, des mégots de cigarettes ; cette personne âgée qui, retirant ses lunettes embuées par son masque pour chercher sa monnaie, se voit infliger une amende de 135 euros ; cette femme à qui l'hôpital demande, alors qu'elle vient d'apprendre qu'elle a le cancer, si elle compte faire un don pour la recherche. Voilà le bassin minier : une terre de détresse où Lens, son centre, devient un désert bien avant vingt et une heures.
Monsieur le Premier ministre, je n'ai pas de question précise à vous poser, mais je vous lance une invitation : venez dans ma circonscription, hors de ces visites officielles qui ressemblent souvent à des villages Potemkine, pour constater de vos propres yeux, en élu de proximité, l'ampleur du désastre social et humain. Venez avec des solutions pour éradiquer cette misère !
MM. Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan applaudissent.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Vous disiez qu'il n'y avait pas de question dans votre intervention ; pourtant, nous avons une réponse.
En effet, nous partageons le constat que vous faites, celui de la pauvreté et de la précarité dans notre pays. Le problème, qui vient de loin, est évidemment aggravé par la crise sanitaire, économique et sociale que nous vivons. C'est la raison pour laquelle, en plus de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui a été annoncée par le Président de la République en 2018, nous avons prévu des mesures supplémentaires pour accompagner ceux que la crise a précipités dans la précarité.
Ainsi, au moment du confinement, une prime exceptionnelle a été versée à plus de 4 millions de foyers. Une prime a également été versée aux jeunes en difficulté. Une série de dispositifs sont renouvelés : comme l'a annoncé le Premier ministre, des primes seront versées d'ici à la fin de l'année et d'autres mesures seront prochainement détaillées par le Premier ministre – sans doute à la fin de la semaine.
C'est un combat difficile, mais nous le menons parce qu'il y va de la dignité de nos concitoyens. Jamais nous n'en ferons suffisamment dans ce domaine ; c'est pourquoi nous sommes résolus à poursuivre dans cette direction.
Vous nous avez invités à venir dans votre circonscription, à la rencontre de vos électeurs et des personnes que vous avez évoquées ; vous pouvez compter sur nous pour considérer cette invitation avec attention et pour continuer à travailler dans la direction que j'évoquais.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, l'assassinat barbare de Samuel Paty a soulevé une immense colère. La France est touchée car c'est aussi Marianne qu'on a voulu décapiter : ils sont venus égorger nos fils et nos compagnes ! Aujourd'hui, les mots ne suffisent plus ; ils coulent comme le sang, trop souvent versé. Les Français exigent désormais des actes, des engagements précis. Nous vous les demandons, je vous les demande, sur trois points précis.
D'abord, nous avions voté, à la quasi-unanimité, la loi Braun-Pivet permettant de mieux surveiller les 2 540 détenus islamistes sortis de prison depuis 2018, ou qui sortiront d'ici à 2022. Le Conseil constitutionnel, dans une incroyable naïveté, …
Comptez-vous proposer une réforme de la Constitution pour protéger notre nation de ces bombes humaines ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Deuxième question : lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, j'avais défendu un amendement visant à interdire à nouveau, comme c'était le cas sous la présidence de Nicolas Sarkozy, …
… le port du voile pour les parents accompagnant les élèves lors des sorties scolaires. Alors que M. Blanquer y était favorable, comme beaucoup de députés, vous avez cédé. Dans quelques jours, je défendrai à nouveau cet amendement ; cette fois, oui ou non, le soutiendrez-vous ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill et M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.
Enfin, êtes-vous prêt à stopper la délivrance de tout visa et de toute aide au développement aux pays qui refuseraient de reprendre leurs ressortissants expulsés de notre territoire, qu'ils soient clandestins, délinquants ou fichés S ?
Mêmes mouvements.
Murmures sur les bancs du groupe LR
Merci pour l'accueil chaleureux réservé à cette intervention !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vais tâcher de répondre à vos trois questions.
Pour ce qui est de la surveillance, je l'ai rappelé, 12 000 nouvelles personnes sont venues grossir les effectifs de la DGSI pour mener un travail fin et remarquable de surveillance.
Il y a quelques semaines, nous nous sommes rendus sur place avec Gérald Darmanin. La coopération est totale avec Éric Dupond-Moretti, qui mobilise pleinement le ministère de la justice, notamment sur la question des sorties de prison.
Cessez de m'interrompre et j'aurai le temps de répondre à vos trois questions !
Votre deuxième question me semble un peu hors sujet. La situation administrative de la famille Anzorov ne correspond pas aux situations que vous évoquiez. Lorsqu'il s'agit d'expulser les étrangers radicalisés, oui, nous le faisons :
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
Gérald Darmanin, le Premier ministre et moi-même l'avons dit. Gérald Darmanin a ordonné l'expulsion de 231 étrangers radicalisés, dès que possible.
Nous le faisons sans aucun problème. Mais cela ne correspond pas à la situation de l'assassin puisque celui-ci n'était pas fiché S, ni considéré comme radicalisé ; il n'était donc pas possible de l'expulser.
Enfin, s'agissant du voile dans les sorties scolaires, vous connaissez la position du Gouvernement : nous ne sommes pas favorables à son interdiction.
Le Conseil d'État s'est d'ailleurs déjà prononcé sur la question et le vade-mecum du ministère de l'éducation nationale est limpide sur ce point : …
… quand on collabore avec l'éducation nationale, on représente l'État ; on est donc soumis à l'obligation de neutralité et on ne doit exhiber aucun signe religieux. Mais les parents d'élèves sont libres de le faire : la loi de 1905 garantit la liberté de conscience et de culte, et cette liberté permet d'exercer pleinement sa religion dès lors qu'on ne porte pas atteinte aux valeurs de la République.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, ils servent nos repas, nettoient nos chambres d'hôtel, vident nos poubelles ; ils sont serveurs, plongeurs, cuisiniers, maîtres d'hôtel, femmes de chambre, réceptionnistes, équipiers, guides-conférenciers, agents de sécurité, livreurs ou fleuristes. Depuis que la crise sociale a frappé le pays en mars dernier, ceux qu'on appelle les « extras » sont les grands oubliés de la République.
Ces intermittents de l'emploi souffrent de la situation sanitaire et de ses conséquences économiques. Le couvre-feu va encore accroître leurs difficultés. Voilà des mois qu'ils vous alertent sur leur mort sociale et manifestent pour réclamer ce qu'ont obtenu les intermittents du spectacle, à savoir une année blanche, afin que leurs droits au chômage soient prolongés. En vain.
« Vous avez raison, cela me paraît être une mesure de bon sens », m'a répondu le Président de la République lorsque je lui ai fait part de cette idée au mois de juin dernier. Depuis lors, comme toujours, rien ne s'est passé.
Les intermittents de l'emploi représentent dans notre pays 2,2 millions de personnes, dont 60 % ont moins de 34 ans. Presque tous ces précaires de l'emploi se retrouvent aujourd'hui au RSA – revenu de solidarité active. Vous allez me répondre, comme toujours, que c'est la crise, qu'il y a 1 million de chômeurs supplémentaires, qu'il y a 10 millions de pauvres dans notre pays.
Pourtant, vos amis les riches, eux, ne connaissent pas la crise, bien au contraire : leur fortune a augmenté de 439 %.
Dès lors, allez chercher l'argent là où il se trouve : rétablissez l'impôt de solidarité sur la fortune et taxez les profiteurs de crise, qui se sont honteusement gavés pendant l'épidémie.
Monsieur le Premier ministre, les intermittents de l'emploi et les intérimaires nous appellent, vous et nous, à l'aide. Accordez-leur en urgence une année blanche, supprimez votre réforme indigne de l'assurance chômage et revalorisez les minima sociaux ! Il y va de l'honneur de notre République sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI, GDR et SOC.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Depuis le début de la crise, le Gouvernement est totalement mobilisé pour protéger nos entreprises et nos emplois. Nous avons instauré, je le rappelle, un dispositif d'activité partielle qui a permis à l'État de prendre à charge, au plus fort de la crise, la rémunération de près de 9 millions de salariés – ils étaient encore 1,3 million dans cette situation en août dernier.
Je peux vous assurer que nous sommes aux côtés des entreprises, grâce aux prêts garantis par l'État, aux aides du fonds de solidarité et aux dispositifs d'activité partielle. Dans les secteurs que vous avez mentionnés, madame Panot, nous avons pris l'engagement de maintenir jusqu'à la fin de l'année le mécanisme d'activité partielle en vigueur, avec une prise en charge à 100 % par l'État.
Nous avons renforcé tous les dispositifs qui visent à accompagner les entreprises. Nous avons notamment relevé le plafond des aides financées par le fonds de solidarité : elles peuvent désormais atteindre 10 000 euros par mois. Nous avons en outre prolongé le dispositif des prêts garantis par l'État. Nous sommes entièrement mobilisés pour protéger les emplois de tous les salariés et de tous les travailleurs.
S'agissant de l'assurance chômage, des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux. Nous avons demandé à Pôle emploi et à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – d'analyser les situations particulières qui pourraient être créées par la crise, afin que nous puissions adapter à ce contexte particulier nos dispositifs de protection des demandeurs d'emploi. Je tiens à rappeler que la France est sans doute le pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – qui a le mieux préservé le pouvoir d'achat.
Samedi dernier, le Premier ministre a confirmé que des mesures supplémentaires seraient prises en faveur des bénéficiaires du RSA, de ceux de l'allocation de solidarité spécifique et de tous les jeunes allocataires de l'aide personnalisée au logement ou boursiers. Nous prenons en considération la situation des personnes les plus fragilisées par la crise, et continuerons à le faire, comme le montreront les prochaines annonces du Premier ministre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Pardonnez-moi, madame la ministre, mais vous avez répondu complètement à côté ! Je parlais non pas de l'activité partielle, mais des extras et des intérimaires, que les entreprises événementielles, les hôtels et les restaurants ont cessé d'embaucher, du jour au lendemain, au début du confinement. Ils ne savent plus comment faire pour se loger et se nourrir, et vous appellent à l'aide depuis des mois !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, la fierté aurait dit que c'était impossible ; l'expérience, que c'était risqué ; la raison, que c'était sans issue. Le coeur a dit : « Essayons ! »
En cette période difficile, il y a parfois des rayons de soleil. En juillet dernier, notre assemblée a été à l'initiative d'un moment qui fera date dans l'histoire de la protection sociale : la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l'autonomie. Cette mesure est plus qu'un symbole : elle traduit notre volonté de reconnaître la perte d'autonomie comme un risque à part entière devant être supporté par la solidarité nationale.
Le Ségur de la santé a permis une revalorisation exceptionnelle des personnels des établissements hospitaliers et médico-sociaux, mais la reconnaissance concrète de l'engagement de ceux qui oeuvrent chaque jour à domicile auprès des personnes âgées tarde à venir.
Madame la ministre déléguée, vous le savez mieux que quiconque : le secteur de l'aide à domicile, pilier central du bien vieillir, est à bout de souffle. On pourrait énumérer des chiffres à l'infini ; je n'en citerai que deux : il faut parfois treize ans pour que la rémunération de ces professionnels atteigne le niveau du SMIC ; dans ce secteur, le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles est trois fois supérieur à la moyenne nationale, et dépasse d'un tiers ce qu'il est dans le bâtiment et les travaux publics !
Compte tenu du profond malaise exprimé par le secteur de l'aide à domicile, les premières mesures ne peuvent attendre la future grande et belle loi relative au grand âge. Notre assemblée s'apprête à examiner le budget de la sécurité sociale ; n'est-ce pas là le moment opportun pour faire un geste fort en faveur de ces professionnels ? De nombreux collègues de tous les groupes s'associent à moi, et nous vous disons d'avance merci pour eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je vous remercie, monsieur Isaac-Sibille, d'avoir évoqué dans cet hémicycle les aides à domicile, des centaines de milliers de femmes et d'hommes – pour une écrasante majorité, des femmes travaillant à temps partiel – qui oeuvrent au quotidien pour permettre à nos compatriotes en situation de perte d'autonomie liée à l'âge ou au handicap de faire des gestes simples, qui paraissent anodins lorsqu'on est pleinement autonome : se lever, faire sa toilette, accomplir des démarches administratives, préparer un repas. Pour les intéressés, ces gestes sont loin d'être anodins ; l'aide qui leur est apportée leur permet de vivre pleinement et dignement.
L'attractivité des métiers du grand âge est l'une des priorités, si ce n'est la priorité du Gouvernement pour faire face au défi démographique. En effet, les Français veulent vivre leur vieillesse à domicile. Cela suppose d'une part une amélioration des conditions de travail des aides à domicile, d'autre part une revalorisation de leur activité, tant sur la fiche de paie que dans le regard que porte notre société sur ces métiers porteurs de sens.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est pourquoi le Gouvernement a tenu à ce qu'une prime exceptionnelle…
… puisse leur être versée par les départements auxquels ils sont rattachés, en reconnaissance des efforts considérables qu'ils ont déployés pendant la crise sanitaire. Nous avons mobilisé 80 millions d'euros…
… pour cofinancer cette prime, à hauteur de l'engagement des conseils départementaux. À ce jour, plus de quatre-vingts départements se sont engagés à la verser avant Noël, alors qu'ils étaient moins de vingt à l'avoir fait en juillet dernier.
La prime est exceptionnelle, alors que le dévouement de ces professionnels est quotidien.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est pourquoi le Gouvernement tient à ce qu'une concertation s'ouvre avec les conseils départementaux et les partenaires sociaux, …
… afin que leurs salaires, notamment les plus bas d'entre eux, soient revalorisés d'ici au printemps 2021. L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale me donnera l'occasion d'ouvrir ces négociations avec un financement, par la nouvelle branche autonomie, de 200 millions d'euros en année pleine.
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.
L'État répond donc aux attentes légitimes du secteur de l'aide à domicile.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la représentation nationale a été profondément choquée, comme tous les Français, par le meurtre atroce et sauvage de Samuel Paty. Nous l'avons largement exprimé cet après-midi.
Plusieurs députés siégeant sur différents bancs de cet hémicycle sont enseignants de profession ; quelques-uns sont professeurs d'histoire-géographie et d'enseignement moral et civique. Pour ma part, j'enseignais encore il y a quelques semaines.
Nous pouvons enseigner sans difficulté et sans susciter de réactions et de remous l'histoire des croisades, de la colonisation, de l'esclavage, ou de la guerre d'Algérie, qui sont pourtant des événements douloureux de notre histoire. Il en va tout autrement du récit des génocides juif et arménien, de l'islamisme radical et de la liberté d'expression, pilier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ces sujets figurent dans nos programmes, doivent éveiller la conscience citoyenne de nos élèves, leur faire comprendre la chance qui est la leur de vivre dans notre démocratie, qui porte des valeurs et respecte les croyances de chacun.
Les enseignants ne doivent pas se livrer à une forme d'autocensure sur ces faits historiques par peur de réactions hostiles d'élèves, de parents ou d'autorités religieuses locales.
Les enseignements scientifiques doivent aborder la théorie de l'évolution. Et il n'est pas acceptable, monsieur le ministre, que certaines jeunes filles puissent être dispensées de cours de natation pour de prétendues allergies au chlore, afin de contourner la mixité.
L'école de la République ne doit pas reculer, et encore moins abdiquer. Les enseignants doivent être soutenus par toute leur hiérarchie, sachant que les difficultés liées à ces enseignements ne se limitent pas aux établissements situés dans les quartiers sensibles : la majorité des écoles sont concernées.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour assurer nos enseignants du soutien réel et concret de la nation et de la liberté d'enseigner les programmes de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Vous avez raison, en aucun cas nous ne saurions reculer en ce qui concerne le contenu des programmes. Exigeants et riches, ils sont l'un des atouts de la France. Nous sommes d'ailleurs allés dans le sens de cette exigence et de cette richesse avec la réforme des programmes du lycée. Et, bien entendu, nous n'avons pas reculé d'un pouce sur l'ensemble des enjeux que venez de mentionner, notamment sur cette culture scientifique que nous devons absolument donner à tous nos élèves, en ce qu'elle concourt à l'élévation de leurs connaissances et de leur conscience.
Cela étant, il nous faut être attentifs à ce que les professeurs d'histoire-géographie ne se retrouvent pas dans une situation comme celle que vous avez décrite. À cet égard, je recevrai dans les prochains jours les représentants de l'association des professeurs d'histoire-géographie pour aborder l'ensemble des enjeux et identifier les soutiens supplémentaires que nous pourrons leur apporter dans le futur. L'une des pistes est d'ailleurs qu'ils ne soient plus les seuls à enseigner l'éducation morale et civique, mais que cette tâche incombe à l'ensemble du corps professoral, qu'il s'agisse de la dimension théorique ou pratique de cet enseignement. Le même raisonnement vaut pour les sciences : nous ne devons laisser aucune discipline seule vis-à-vis des différentes contestations qui peuvent exister. Il convient non seulement de rappeler, au quotidien, les principes de la laïcité, mais aussi de ne jamais reculer sur le contenu des programmes.
Les organisations syndicales m'ont demandé, pour le 2 novembre, un document clair, net, fort et précis sur l'encadrement des pratiques dont nous parlons : je le fournirai bien volontiers. C'est pourquoi j'ai demandé au Conseil des sages de la laïcité, en lien avec le Conseil supérieur des programmes, de siéger de façon permanente pendant cette période pour recevoir toutes les parties prenantes, et éventuellement les élus de la nation qui le désirent, afin d'étudier l'ensemble des mesures que nous devons prendre pour aller plus loin, de manière qu'il n'y ait aucune compromission en ce qui concerne l'enseignement et les pratiques laïques de notre école républicaine.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
À mon tour, je veux rendre hommage au professeur Samuel Paty. Un homme est mort parce qu'il servait notre République et qu'il voulait transmettre ses valeurs. Il vivait à Érigny-sur-Oise, commune de ma circonscription, et c'est là qu'il a été sauvagement assassiné. Je pense à lui, à sa famille, à la communauté éducative dans son ensemble, ainsi qu'à tous les Éragniens, qui vivent si intensément ce traumatisme.
J'en profite également pour saluer le dévouement de ceux qui nous aident à vivre avec ce traumatisme : je pense aux élus locaux et au maire d'Érigny-sur-Oise, mais aussi à la cellule d'urgence médico-psychologique du Val-d'Oise et, bien sûr, aux forces de l'ordre. Un homme est mort, nous le pleurons, mais c'est grâce à ces personnes que nous relèverons la tête et que, demain, nous continuerons à vivre.
Je tenais à rendre cet hommage, mais ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Il nous faut évidemment savoir ce qui a pu favoriser cet acte barbare et nous savons bien le discours d'influence qui se tisse actuellement dans notre pays et ailleurs.
Cette influence se diffuse par des canaux bien connus. Je fais référence aux réseaux sociaux et à certains sites, lesquels, avec leur capacité infinie de désinformation, désinhibent trop souvent les comportements, en relativisant les lois de la République et en appelant virtuellement à la fatwa. Je pense aussi aux mosquées clandestines, à certaines associations souvent bien connues des services de police. Et je veux parler des écoles clandestines, parfois pudiquement qualifiées de « hors contrat », et qui constituent de véritables écoles de la radicalité islamiste.
Derrière tous ces vecteurs, on trouve des financements illégaux. Il peut s'agir de financements strictement occultes, mais aussi de détournements de l'argent des fidèles pour servir tout autre chose que l'exercice légitime d'une religion. Il peut également s'agir de l'argent d'une criminalité organisée qui finance le terrorisme ou, enfin, de financements internationaux, qui posent encore davantage de questions.
L'argent est le nerf de la guerre, mais aussi du terrorisme. Ma question sera donc simple, monsieur le ministre : que fait le Gouvernement pour couper ce nerf et empêcher les terroristes d'avoir les moyens de leur action ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Je crois que tout le monde, ici, l'a enfin compris : le terrorisme est un crime, l'islam politique est son idéologie et la nation française est sa cible. Ils ont tué des enfants, des gendarmes, des policiers, des militaires. Ils ont assassiné un prêtre et ils ont décapité un enseignant. Leur objectif est clair : ils veulent abattre la nation française, tout comme ils veulent abattre la République. Ils veulent en finir avec notre histoire, notre culture, notre mémoire, nos valeurs. Ils veulent en finir avec la liberté d'expression et avec la liberté tout court.
Ma responsabilité de ministre de l'économie et des finances est de faire en sorte de couper, à l'euro près, tous les financements en direction des associations cultuelles ou culturelles
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens
qui peuvent avoir le moindre lien non seulement avec le terrorisme, mais aussi avec l'islam politique, avec son idéologie, avec le salafisme et, plus généralement, avec tous ceux qui refusent les valeurs les plus fondamentales qui nous réunissent ici, la liberté, l'égalité et la fraternité.
Avec Olivier Dussopt, nous ferons des propositions très concrètes au Premier ministre et au Président de la République. Elles viseront d'abord à couper tout financement français ou étranger aux associations cultuelles qui prétendent défendre l'intérêt général et qui, en fait, financent le terrorisme. Elles viseront également à lutter contre l'anonymat des cryptomonnaies qui permet de lever des dizaines de milliers d'euros pour financer des actes terroristes.
Mêmes mouvements.
Je vous demande aussi de vous mobiliser tous pour placer, une bonne fois pour toutes, les plateformes numériques devant leurs responsabilités.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem, Agir ens et LR.
Elles diffusent des contenus qui peuvent menacer la liberté et la sécurité de nos compatriotes : elles doivent être mises, y compris financièrement, devant leurs responsabilités.
Mêmes mouvements.
Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l'intérieur vient d'annoncer l'expulsion prochaine de 231 étrangers identifiés par l'administration comme radicalisés. Or ces 231 étrangers ne représentent que 5,6 % des étrangers inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.
Pourquoi ? Pourquoi ne prenez-vous pas la décision d'expulser tous les étrangers radicalisés de notre territoire, comme les députés Les Républicains l'avaient proposé en 2018 par un amendement – rejeté par votre majorité – lors de l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ?
Pourquoi faites-vous courir ce risque insensé à nos concitoyens en gardant sur notre sol des ennemis de notre pays ?
Monsieur le Premier ministre, l'impuissance publique à agir tue. Elle tue dans nos écoles, dans la rue, dans les rédactions, devant les gares, dans les églises, sur les marchés de Noël, durant les feux d'artifices.
Allez-vous, comme Les Républicains vous le demandent, expulser définitivement les 4 111 étrangers fichés pour radicalisation, dont 851 se trouvent d'ailleurs en situation irrégulière ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin l'a effectivement annoncé, une vague d'expulsions d'étrangers radicalisés a été ordonnée.
Nous le disons très clairement : toute personne radicalisée est un ennemi de la République et tous les étrangers radicalisés ont vocation à quitter le territoire national.
M. Sylvain Maillard applaudit.
Oui, vocation, car nous sommes dans un État de droit, monsieur le député.
Nous respectons le droit et un travail de renseignement minutieux est mené. Dès lors qu'il est démontré qu'un étranger est en situation de radicalisation, il est expulsé.
Par ailleurs, ce travail de terrain est mené par les CLIR – cellules départementales de lutte contre la radicalisation – , département par département. C'est dans l'une d'elles que se trouvent en ce moment même le ministre de l'intérieur et le Président de la République. Emmanuel Macron préside actuellement une CLIR, l'une de ces unités que nous avons créées en 2017 dans différents quartiers afin de mener ce travail de renseignement territorial, en lien avec l'ensemble des service du ministère de l'intérieur, afin de repérer les signes de radicalisation.
Nous agissons à 360 degrés pour repérer, pour prévenir, mais aussi, oui, pour expulser !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre déléguée, 5 %, ce n'est pas une vague d'expulsions, c'est à peine un clapotis !
Approbations sur les bancs du groupe LR.
Expulser, c'est une question de volonté. En 1977, plus de 5 300 étrangers étaient expulsés pour trouble à l'ordre public. Et Nicolas Sarkozy expulsait deux fois plus que vous ne le faites !
Les Français ne peuvent plus tolérer que les pays d'origine de ces étrangers refusent de reprendre leurs ressortissants radicalisés, en ne délivrant pas les laissez-passer consulaires nécessaires à leur expulsion.
Seules 4 % des obligations de quitter le territoire français – OQTF – prononcées par la justice sont réellement exécutées pour l'Afghanistan, le Nigéria et le Mali, alors que nos soldats y meurent. C'est 0 % pour les territoires palestiniens, l'Irak et l'Iran, et 13 % pour les pays du Maghreb. Cela ne peut plus durer.
Êtes-vous prêts, madame la ministre déléguée, monsieur le Premier ministre, à forcer la main de ces pays en ne délivrant plus de visas pour les ressortissants des nations qui refusent de reprendre leurs radicalisés, …
… et en limitant fortement les 10 milliards d'euros annuels de l'aide publique au développement qui leur est allouée par la France ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous agissons, nous sommes à pied d'oeuvre ! L'exécution des OQTF, c'est un travail de diplomatie, sérieux, ferme, mené par Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et par Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, qui a commencé une tournée des pays du Maghreb – il se trouvait récemment au Maroc, et se rendra prochainement en Algérie pour mener ce travail très concret. Nous sommes dans l'action !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le message est répété inlassablement mais vous ne l'entendez pas : l'hôpital public est à l'agonie ! La situation dramatique subie par les soignants et les patients ne date pas d'hier. L'hôpital, fierté de notre service public, est condamné en raison du manque de moyens. Le personnel soignant est à bout ; il était d'ailleurs dans la rue pour vous rappeler les insuffisances du Ségur.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne couvre ni l'augmentation des charges hospitalières, ni les mesurettes du Ségur. En écartant les surcoûts liés à la pandémie, ce sont près de 10 milliards d'euros supplémentaires qui auraient dû être affectés à l'hôpital. Le compte n'y est pas : il manque au bas mot 2 milliards.
Les mensonges, par contre, s'accumulent.
L'activité hospitalière ne cesse d'exploser : en moins de dix ans, le nombre de séjours en hospitalisation complète ou partielle a augmenté de 834 380 ; pourtant, 3 400 lits ont été supprimés en 2019, et vous voulez encore économiser 1 milliard d'euros.
Monsieur le ministre, jeudi dernier, vous avez minimisé l'importance de la capacité hospitalière. Et vous avez empêché 100 000 professionnels libéraux de s'occuper de leurs patients covid, alors que des solutions vous sont apportées par les professionnels eux-mêmes, comme le collectif « Santé en danger ».
À quoi jouez-vous ? Renforcer le nombre de lits et recruter du personnel améliorerait le quotidien des soignants et des patients, vous le savez, et pourtant vous laissez mourir l'hôpital.
Dans le Grand Est, la situation est encore plus désastreuse : 39 lits de réanimation sur 534 ont été fermés en cinq ans. Cette détérioration est la plus importante en France métropolitaine. Ces lits ont cruellement manqué lorsque la première vague a meurtri cette région. Il a fallu rouvrir dans l'urgence des services qui venaient d'être fermés. Ces lits seront-ils pérennisés ?
Enfin, aucun projet ambitieux pour la psychiatrie n'est annoncé…
Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Alain Bruneel applaudit également.
Vous n'avez pas bien entendu, je pense, les annonces faites lors du Ségur de la santé.
Les négociations en cours sont d'une importance extraordinaire, et de telles mesures n'avaient pas été prises depuis des années !
Je vous les rappelle donc : 4 000 lits supplémentaires seront ouverts partout où cela est nécessaire ; 15 000 soignants seront formés et embauchés dans le secteur public. Avec le Ségur, nous avons mis fin à une spirale infernale de vingt ans, où l'on faisait toujours moins pour l'hôpital ! Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l'examen va débuter cet après-midi, traduit ces promesses en actes. Ce sont 8,2 milliards d'euros qui viendront reconnaître l'engagement de tous ceux qui font le système de santé : 7,6 milliards pour les personnels des établissements de santé et dans les EHPAD publics et privés, auxquels s'ajoutent 400 millions d'euros pour le personnel médical de l'hôpital public et 200 millions d'euros pour les étudiants et les internes en santé.
Plus largement, des sommes sans précédent sont mobilisées pour l'investissement dans tous les champs de la santé : hôpital, ville, médico-social, numérique.
La santé mentale, que vous évoquez, n'est pas en reste. Je salue les travaux parlementaires que vous aviez effectués sur ce sujet. Il y a deux ans, une réforme ambitieuse du secteur a été engagée, et le Gouvernement entend poursuivre dans cette voie. Le fonds d'innovation organisationnelle sera doublé, passant de 10 à 20 millions d'euros. Les agences régionales de santé, par le biais des projets territoriaux de santé mentale, pourront actualiser les projets au vu de l'expérience que nous avons désormais.
J'ajoute que celles et ceux qui d'ordinaire déjà font trop souvent face aux troubles psychiatriques, et pour qui les conséquences de ceux-ci sont encore plus lourdes – les migrants, les enfants de l'aide sociale à l'enfance, les personnes placées sous main de justice ou encore les prisonniers – ne seront pas oubliés.
C'est là un effort sans précédent qu'il conviendrait plutôt de saluer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
J'associe à ma question mes collègues Josette Manin et Manuéla Kéclard-Mondésir.
Si la situation de l'hôpital en Martinique est alarmante, celle du centre hospitalier de La Trinité est un véritable scandale : bâtiments dégradés, ne respectant aucune norme parasismique, étages entiers livrés aux chauves-souris et aux rats, équipements obsolètes, conditions d'accueil indignes d'un hôpital public d'un pays dit développé.
La reconstruction de l'hôpital a été votée en 2002 ; en 2009, l'État s'est engagé fermement à mener ces travaux, estimés à 65 millions d'euros, en prenant à sa charge 80 % de leur montant.
En 2013, dans le cadre de la fusion imposée aux hôpitaux martiniquais, l'importance de l'hôpital de La Trinité a été publiquement confirmée au vu de son implantation stratégique, cet établissement desservant tout le Nord Atlantique, soit plus d'un quart de la population martiniquaise.
Les 8 000 kilomètres qui nous séparent de Paris justifient-ils qu'à ce jour, après dix-huit ans d'attente, la première pierre n'ait toujours pas été posée ? Qui bloque ce dossier ? Compte tenu de la menace sismique, le non-respect des engagements de l'État constitue objectivement une non-assistance à patients et personnel en danger.
Par notre voix, c'est toute une communauté hospitalière et tout un peuple qui s'expriment, et qui attendent une réponse à cette question simple : quand débuteront enfin les travaux de reconstruction de l'hôpital de La Trinité ? À question claire et précise, réponse claire et précise.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Je vous demande d'excuser M. le ministre des solidarités et de la santé, qui ne peut être présent dans l'hémicycle.
Désolée.
Comme vous l'indiquez, l'hôpital de La Trinité est très vétuste, alors qu'il assure l'offre de soins du nord de la Martinique. Je vous répondrai de manière précise, comme vous l'avez demandé, sur l'état des lieux concernant cet hôpital.
La reconstruction du centre hospitalier a été présentée au début des années 2000 comme un investissement prioritaire et indispensable.
En mai 2008, …
… une étude de faisabilité de la reconstruction a été lancée. En 2009, ce projet a été inscrit au plan hôpital 2012, en vue de la reconstruction d'un établissement de 155 lits. Cependant, en 2011, des questions se sont posées sur la soutenabilité financière, la lisibilité et la transparence du projet, l'établissement ne communiquant pas sur ces perspectives. Les délégations de crédit accordées au titre du plan hôpital 2012 ont alors été suspendues.
Malgré deux décennies d'alertes, nous constatons que ce projet n'est pas pleinement conçu ; il n'existe qu'au stade d'ébauche. Le centre hospitalier universitaire de la Martinique, dont l'hôpital de La Trinité est l'un des sites, doit assurer cette phase d'étude et de conception, avec l'appui de l'Agence régionale de santé – ARS – , le Gouvernement assurant le suivi du projet.
Dans cette perspective, l'ARS a donné des consignes au directeur général du centre hospitalier, pour qu'il constitue un dossier complet, structuré, autour d'un projet médical détaillé, d'ici à la fin du mois de septembre prochain, permettant d'étayer les différentes demandes de financement.
Outre le nécessaire bouclage du plan de financement, l'ARS, en lien avec le centre hospitalier, a instauré cette année un comité de pilotage mensuel, pour suivre les projets d'investissements du CHU, afin notamment que la reconstruction du site de La Trinité aboutisse enfin, permettant d'offrir des soins de qualité à une population encore trop éloignée du système de santé.
Beaucoup y ont pensé. Pour notre part, nous allons le faire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Si j'apprécie la sincérité de votre réponse, nous sommes effarés d'apprendre qu'actuellement, il n'y a pas de dossier !
Vous rejetez la responsabilité sur la direction de l'établissement hospitalier. Il y a longtemps qu'elle aurait dû être sanctionnée ou relevée de ses fonctions !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.
Situation de l'entreprise FerroPem
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, il y a presque un an déjà, plusieurs de mes collègues élus dans les circonscriptions concernées – dont Émilie Bonnivard – et moi-même vous avions alerté sur la situation de FerroPem, filiale du groupe FerroAtlántica.
Cette entreprise hyper électro-intensive, spécialisée dans le silicium et les ferroalliages, est plus que jamais menacée, alors qu'elle est essentielle à notre pays.
La direction a annoncé récemment un plan de restructuration pouvant aller jusqu'à la fermeture, pour plusieurs années, de l'ensemble des fours de cuisson des sites. Cela représenterait la mort de ces usines, avec des conséquences sociales insupportables.
Il serait inexact de résumer les causes du problème à la seule baisse des cours du silicium et des autres ferroalliages ou encore à la crise de la covid-19. En effet, la maison mère, située en Espagne, connaît depuis de nombreuses années une situation fortement dégradée qui a fini par affecter sa filiale française.
Si FerroPem, qui bénéficie d'une tarification énergétique préférentielle, a pu avoir recours, pour passer la crise, au chômage partiel et aux prêts garantis par l'État – PGE – , il apparaît de plus en plus clairement aux salariés, sous-traitants et élus des territoires que son avenir se trouve en dehors du groupe FerroAtlántica, et qu'une cession de FerroPem à un investisseur extérieur est indispensable à sa survie.
Aussi, nous vous demandons de travailler sur cette hypothèse. Il y va de la survie professionnelle des centaines de salariés, qui font aussi le dynamisme de nos usines.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Vous avez rappelé la situation du groupe Ferroglobe, qui a succédé à FerroAtlántica, et de sa filiale française FerroPem.
Vous avez eu raison de souligner que les importantes difficultés rencontrées par le groupe – plutôt que par sa filiale française – , sont liées au marché du silicium et des alliages qu'il produit et qui en font une industrie dont l'usage d'électricité est hyperintensif.
Comme vous l'avez signalé, le groupe rencontre des difficultés depuis plusieurs mois. C'est vrai, et la diminution de 40 % de son chiffre d'affaires en deux ans montre qu'elles s'accroissent au fil du temps.
Comme vous le savez pour avoir échangé avec le cabinet de Mme Agnès Pannier-Runacher, nous avons conscience de l'incertitude que cette situation fait peser sur les cinq sites français du groupe, qui hébergent des fours, comme vous l'avez dit, et sont bien souvent implantés dans des vallées alpines, parfois difficiles d'accès – c'est là le fruit de l'histoire.
Cette incertitude, c'est aussi celle des salariés, des hommes et des femmes attachés à leurs compétences et à leur entreprise, où les membres de leurs familles se succèdent souvent de père en fils, de génération en génération.
Nous avons entendu la volonté des élus locaux de travailler avec l'État pour trouver des solutions. Vous évoquez la piste qui vous semble la plus opportune, celle d'une cession de la filiale française, considérant que celle-ci survivra et se développera mieux à l'extérieur du groupe FerroAtlántica. Mais, comme vous l'imaginez, je ne peux me prononcer à ce stade sur l'opportunité d'une telle évolution – ce serait me substituer aux responsables de l'entreprise.
Je sais que vous continuerez à travailler avec le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. Cette piste sera étudiée, comme c'est légitime.
Nous pouvons compter sur les élus locaux, sur un programme comme « Territoires d'industrie », sur des dispositifs de formation et d'accompagnement du personnel, mais aussi de soutien aux filières industrielles situées en France et aux industries stratégiques.
Nous avons la conviction que cette activité doit garder une empreinte géographique en France, que ce soit ou non au sein de FerroAtlántica. L'important est de sauver cette filière et de nous battre pour sa survie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la justice, garde des sceaux.
Vendredi la barbarie nous a touchés en ce que nous avons de plus cher, notre liberté d'expression, d'éducation, de conscience.
Elle a ôté à un homme une vie qu'il a dédiée à la transmission de nos valeurs. Depuis cette tragédie, beaucoup ont pointé du doigt la responsabilité des réseaux sociaux. Ne nous trompons pas d'ennemi : le responsable de cet assassinat est le terrorisme islamiste, contre lequel nous luttons avec fermeté.
Cela ne doit cependant pas nous empêcher de nous interroger sur le rôle des réseaux sociaux. Des vidéos ont été publiées sur Facebook, faisant de Samuel Paty une cible, parce que c'est ainsi que fonctionnent les réseaux sociaux : pour nuire à quelqu'un, il suffit de les utiliser et d'y relayer des messages. Le crime a d'ailleurs été revendiqué sur Twitter, avec des images abominables, que l'on peut encore retrouver sur certains sites.
Surtout, nous savons que c'est à travers internet et les réseaux sociaux que croît le radicalisme.
Ces lieux qui étaient censés servir l'ouverture, la communication et le partage deviennent ainsi des vecteurs de diffusion pour l'obscurantisme et les actes terroristes, où la liberté d'expression est chaque jour mise à l'épreuve – chacun craignant, s'il l'exerce, d'en subir les conséquences.
Oui, il faut réguler les réseaux sociaux pour qu'ils soient à la hauteur de leur promesse initiale, pour que les hébergeurs déploient tous les moyens nécessaires à la lutte contre ces dérives et soient responsabilisés autour d'un socle commun de règles. Les pouvoirs publics doivent aussi être au rendez-vous pour lutter contre chacun de ceux qui déversent cette haine, pour les identifier, les poursuivre et les sanctionner.
Le parquet numérique, dont nous avons voté la création récemment, doit être mobilisé. Il y va de la protection de tous, de notre ordre républicain et de notre société.
La majorité est déterminée dans ce combat, et nous sommes prêts. Ma question, monsieur le ministre, est simple : serez-vous au rendez-vous ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame Avia, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur cette question. Vous avez raison, les réseaux sociaux ont beaucoup évolué depuis vingt ans. Tout à l'heure, j'ai entendu certains fixer à 2012 le début du terrorisme dans notre pays. Certains sont amnésiques : il est là depuis bien plus longtemps !
Les réseaux sociaux ont beaucoup changé. À l'évidence, ils sont à la fois le merveilleux instrument d'une démocratie participative et une poubelle à ciel ouvert. Nous devons donc intervenir, et le faire sérieusement.
Nous savons tous que, dans le drame qui nous bouleverse, ils ont été d'une très grande importance, avant ce crime absolument atroce mais aussi après, puisque certains s'y sont félicités qu'il ait été commis.
Madame la députée, le Gouvernement est bien sûr à vos côtés. Si des réponses judiciaires existent déjà, comme vous le savez, je voudrais que nous allions plus loin, en accélérant l'identification et le blocage des sites et des comptes haineux, en accentuant la réponse pénale et en la professionnalisant par un traitement centralisé. Oui, le parquet numérique spécialisé sera installé d'ici la fin de l'année.
Par ailleurs, comme l'a indiqué tout à l'heure M. le Premier ministre, nous étudions très sérieusement la création d'un délit de mise en danger de la vie d'autrui sur les réseaux sociaux.
Enfin, quelques ajustements doivent être apportés au niveau européen, relativement à plusieurs directives et notamment à celle qui, comme vous le savez, date de 2000. J'y travaille, et suis en contact permanent avec mes homologues européens afin d'accélérer des discussions qui se poursuivent depuis 2018.
J'ai entendu, à droite de l'hémicycle, certains de vos collègues pousser des « Oh ! » et des « Ah ! ». J'espère que la famille de Samuel Paty n'aura retenu de cet après-midi que notre minute de silence.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, conséquence directe de la crise sanitaire et sociale, le nombre de demandes d'aides sociales, dont le RSA, a bondi depuis le confinement.
Dans le champ social, tous les voyants sont au rouge. Un enfant sur cinq – soit près de 3 millions d'enfants – vit sous le seuil de pauvreté. Plus spécifiquement, celle-ci touche majoritairement les enfants de moins de 3 ans, et ceux qui ont entre 15 et 18 ans. Il nous faut donc réagir.
La situation actuelle inquiète particulièrement les associations, les départements, les élus locaux et, bien sûr et tout d'abord, les familles concernées.
En août, les dépenses des départements liées au RSA ont augmenté de 9,2 % par rapport à la même période en 2019 ; elles ont crû de 16 % en Corrèze et de plus de 15 % dans le Val-de-Marne, et on nous annonce que le nombre de pauvres augmentera de 1 million.
Les départements votent tous des crédits supplémentaires pour accompagner la population et faire face à cette période si difficile. D'ailleurs, une lettre vous a été adressée par les départements, pour vous appeler à l'urgence sociale et vous demander une compensation financière à la hauteur des enjeux.
Derrière les chiffres, monsieur le Premier ministre, il y a cependant des familles et des jeunes, parmi lesquels ceux qui ne sont pas éligibles aux aides régulièrement annoncées. Les 18-25 ans constituent une classe d'âge plurielle : on y trouve aussi les plus fragiles, ceux qui n'entrent dans les critères d'aucune des aides, y compris celles annoncées récemment.
Avec les grandes associations nationales – mais pas seulement – , nous demandons donc tous l'instauration d'un RSA jeune, permettant d'ouvrir des droits…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Madame la députée, vous êtes revenue sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté que le Gouvernement déploie depuis deux ans et demi, et sur les plans d'aides qu'il convient d'apporter face à la crise économique et sanitaire.
Oui, le Gouvernement refuse que les jeunes soient les sacrifiés de cette crise sociale et économique. Aussi a-t-il débloqué, comme vous le savez, une aide de 150 euros par élève boursier ; des repas à 1 euro sont en outre proposés dans les cantines, nouvelle mesure dont se sont réjouis de nombreux jeunes.
Vous avez évoqué le RSA jeune. Il convient selon moi de favoriser l'émancipation sociale des jeunes, de mener une action libératrice en les accompagnant mieux – ce que nous faisons, notamment en renforçant le dispositif des contrats d'insertion.
Toutes les mesures que nous avons adoptées, pour les jeunes, en matière d'apprentissage, de formation – notamment professionnelle – ou de service civique…
… sont autant de moyens de permettre leur émancipation sociale.
Cette génération ne doit pas être sacrifiée. Permettez-moi de vous le dire : cela fait trente ans que je travaille dans le secteur social.
J'ai suivi des familles entières, dont je reçois aujourd'hui les enfants et les petits-enfants. Nous voulons qu'ils s'en sortent par l'émancipation, grâce au travail, à l'insertion, à la formation et à une aide alimentaire, mais digne et de qualité – volet que nous renforcerons également.
Comme vous le voyez, nous sommes particulièrement sensibles à cette question. Notre stratégie consiste à promouvoir l'émancipation d'abord.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente.
La responsabilité qui nous incombe – aujourd'hui avec ce vote sur le budget 2021 et demain avec sa mise en oeuvre – est immense. Elle est immense, parce que notre pays et nos concitoyens souffrent comme jamais depuis un demi-siècle. Nous traversons depuis mars une crise sanitaire mondiale et majeure dont les effets secondaires, tout aussi graves, sont une dépression économique quasi généralisée et susceptible de muter rapidement en crise sociale brutale.
Ne nous fourvoyons pas ; ne nous perdons pas dans des débats stériles et dépassés : l'urgence nous impose de secourir notre économie, tout en protégeant nos concitoyens.
Au travers du budget sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer, nous avons la chance d'opposer à la vague épidémique et à la déferlante des difficultés économiques une digue, celle d'une relance inégalée, celle d'un volontarisme forcené, celle de l'esprit de résilience qui définit notre république depuis trois siècles.
Cette crise touche tous les Français, les jeunes et les personnes âgées, les salariés, les étudiants, les personnes en recherche d'emploi et les retraités, les familles, les personnes seules, les urbains, les ruraux. Chaque jour, les Français se lèvent avec, pour réveil, la crainte de voir un proche touché par la maladie, la peur d'être confronté au chômage, au crédit que l'on n'arrive plus à rembourser, au glissement progressif dans la précarité.
Cette épreuve que nous traversons collectivement est inédite par son ampleur, et ses conséquences sont innombrables, pour notre pays. À circonstances exceptionnelles, budget historique. Ce budget que nous nous apprêtons à voter est d'abord un budget de mobilisation générale visant à redresser durablement notre économie.
En engageant dès maintenant la relance, nous soutenons l'investissement de nos entreprises, cet investissement qui crée des emplois, qui paye les salaires et prépare notre société aux grands défis du XXIe siècle – je pense en particulier au changement climatique.
Dès mars, le Gouvernement et le Parlement se sont mobilisés pour apporter des réponses d'urgence à nos TPE-PME, et 110 milliards d'euros ont été déployés entre mars et juillet pour sauver notre économie et protéger les plus fragiles : prêt garanti par l'État, fonds de solidarité, report de charges sociales et fiscales, chômage partiel.
Le temps est venu d'inscrire ce soutien de l'État dans un horizon plus long pour en assurer la pérennisation. Dès le 1er janvier, ce budget baissera les impôts de production de 10 milliards d'euros pour 290 000 entreprises.
En effet, les impôts de production pèsent sur les salaires, sur les investissements, donc sur les emplois de demain. C'est pourquoi, au travers de cette baisse, nous créons les conditions de la relocalisation industrielle que chacun ici appelle de ses voeux. Nous favorisons la création d'emplois sur le territoire national, nous préservons nos PME, nos ETI et nos grandes entreprises frappées de plein fouet par la crise.
Au-delà du soutien à l'emploi, nous nous devons d'accompagner tous nos concitoyens dans ce moment difficile. Les jeunes, premières victimes de la crise, bénéficieront, grâce à ce budget, de mesures dédiées visant à faciliter leur intégration sur le marché du travail. Le plan de relance permet ainsi de proposer 300 000 parcours d'insertion supplémentaires vers l'emploi. Nous faisons également le choix de renforcer les dispositifs existants, comme les garanties jeunes, le pacte d'ambition sur l'activité économique ou les parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie. Le Premier ministre l'a affirmé, et je le redis haut et fort : il n'y aura pas de génération covid-19 sacrifiée.
Nous ne devons pas sous-estimer la violence psychologique et sociale insupportable que la crise pourrait infliger aux plus fragiles d'entre nous. C'est pourquoi ce budget est également celui des plus modestes. 100 millions d'euros supplémentaires seront ainsi mobilisés pour renforcer les mesures d'hébergement d'urgence qui permettront aux plus démunis de se loger décemment. Les associations de lutte contre la pauvreté bénéficieront également d'une aide de 100 millions d'euros sur deux ans.
Ce budget, enfin, est également un budget de proximité. Les services publics les plus essentiels pour nos concitoyens – l'éducation, la justice, la police – verront tous une augmentation sensible de leurs moyens. Nous voulons une justice de proximité efficace ; nous lui procurons ici les moyens de remplir cet objectif. Nous voulons soutenir nos hussards noirs, ciment de notre république, a fortiori lorsqu'ils sont frappés dans leur chair, comme cela vient d'être le cas ; ce budget y contribuera.
L'année 2020 n'aura pas été comme les autres. Elle restera, pour nous et pour le reste du monde, un moment charnière, justifiant une remise à plat des dogmes et des certitudes. Aujourd'hui, c'est avec fierté que la majorité prendra ses responsabilités et votera ce texte, accompagnant ainsi notre pays et nos concitoyens dans ce moment charnière.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
« Nous sommes en guerre » a dit le Président de la République. Les chiffres lui donnent raison : 800 000 emplois supprimés en quelques mois, 80 % de faillites supplémentaires attendues en 2020 selon l'Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – , déjà 80 % de plans sociaux en plus par rapport à 2019, une chute de 10 % du PIB, 130 000 nouveaux allocataires du RSA, une hausse de 30 % des demandes d'aide alimentaire et une jeunesse désemparée… Les chiffres donnent le vertige.
Le budget pour 2021 est donc l'un des plus importants depuis la crise de 2008 – ou plutôt il devrait l'être, au vu de la gravité de la situation.
Ce budget devrait être porteur d'espoir ; après examen, il n'inspire que de la déception : le Gouvernement et sa majorité inflexible sont restés enfermés dans leur dogmatisme, avec le risque de voir échouer un plan de relance qui pourrait créer davantage d'injustice qu'il n'en résorbe.
Je pense notamment à votre obstination concernant la baisse des impôts de production. En la faisant porter principalement sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – , vous en faites essentiellement bénéficier les grandes entreprises et non les TPE et PME, qui sont pourtant celles qui rencontrent les plus grandes difficultés de trésorerie et dont la survie est directement menacée par la crise économique.
Diminuer de la sorte les impôts de production ne saurait constituer une mesure de relance efficace, mais cet entêtement n'est pas une surprise. Cela fait plus de deux ans que vous militez en ce sens, et la crise sanitaire a donc bon dos ! Elle vous permet de mettre en oeuvre cette vieille lubie, qui ressemble davantage à un cheval de Troie néolibéral caché au sein du plan de relance qu'à une mesure empreinte d'efficacité et de justice.
En vous obstinant aussi dans l'absence de contreparties sociales et écologiques à ces baisses d'impôts, comme le proposait le groupe Socialistes et apparenté, vous refusez de mettre le pays sur la voie d'une croissance soutenable, juste et responsable.
En matière de non-conditionnalité, nous avons eu le CICE, ou crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : on a payé pour voir, et on n'a presque rien vu ! Pourquoi réitérer nos erreurs ? Aucune contrepartie n'est demandée à cette baisse pérenne de 10 milliards d'euros. Vous aidez les entreprises les yeux fermés, sans conditions de sauvegarde de l'emploi, sans condition de non-redistribution des dividendes, sans vous assurer que les entreprises ne placent pas cet argent dans les paradis fiscaux.
Mme Muriel Ressiguier applaudit.
En vous obstinant encore sur la voie d'une recentralisation qui ne dit pas son nom, vous touchez les collectivités territoriales, qui perdent une nouvelle fois en autonomie fiscale, au moment où l'investissement public doit pallier la baisse de l'investissement privé.
Bientôt nos collectivités n'auront plus besoin d'élus mais seulement de fonctionnaires – ce contrepouvoir en moins, remarquez, fera peut-être votre affaire.
Vous persistez à oublier la demande, dans un plan de relance conçu quasi exclusivement comme un soutien à l'offre, au détriment des ménages et de la consommation. Dans cette première partie du projet de loi de finances, une seule mesure est destinée aux ménages : un crédit d'impôt plafonné à 300 euros pour les particuliers qui veulent installer une borne électrique – encore faut-il pouvoir acheter une voiture électrique et disposer d'une place de parking pour installer la borne…
Bref, pas de quoi redonner confiance aux ménages et inciter ceux qui ont pu épargner à consommer.
Que dire enfin de l'aide que nous réclamons pour les plus modestes, et notamment pour tous ces jeunes confrontés au mur du chômage, qui ne trouvent pas de travail, pas de contrat d'apprentissage, pas de contrat d'alternance et ont perdu les petits jobs grâce auxquels ils finançaient leurs études ? Allons-nous sacrifier une génération ?
Vous vous entêtez enfin à poursuivre sur la voie d'une politique fiscale qui favorise toujours les mêmes. Le constat de l'INSEE et de France Stratégie, qui ont analysé les effets de votre politique fiscale depuis 2018, est clair : la politique que vous menez depuis trois ans a fortement accru les inégalités. Mais, en refusant nos propositions visant à réajuster notre système fiscal dans le sens d'une plus grande justice et en vous entêtant dans la défense des intérêts des très riches, vous ignorez les rapports d'organismes indépendants qui se succèdent et qui portent tous un regard extrêmement critique sur votre action.
Pourtant, la situation exceptionnelle du pays nécessiterait un effort exceptionnel des plus hauts revenus et des plus hauts patrimoines, ainsi que nous vous le proposions. Il n'en sera malheureusement rien. Pour toutes ces raisons, et face à l'obstination du Gouvernement et de sa majorité, le groupe Socialistes et apparentés votera contre la première partie de ce projet de loi de finances.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Le groupe Agir ensemble votera la première partie de ce projet de loi de finances pour 2021, car il l'estime à la hauteur des enjeux.
Mesure phare de cette première partie, la baisse des impôts de production pour 10 milliards d'euros en 2021 et 10 milliards d'euros en 2022 est une bonne mesure, qui redonnera des marges de manoeuvre à nos entreprises, notamment dans l'industrie.
Cette mesure, si elle a un impact bénéfique pour les entreprises, aura cependant des conséquences sur les finances des collectivités locales ; mais je crois que, sur ce point, nous sommes parvenus à une solution convenable en matière de compensation des pertes induites pour les collectivités territoriales.
Toutefois, nous devons nous poser dès à présent la question du financement de cette baisse pérenne de la fiscalité au-delà de 2022. Le groupe Agir ensemble est convaincu que nous ne pourrons faire l'économie d'une réforme de notre fiscalité locale, d'une part, et du fonctionnement de notre État, d'autre part, si nous voulons que l'endettement public reste soutenable.
Parmi les autres mesures contenues dans la première partie de ce PLF pour 2021, nous soulignerons également les dispositions de soutien à la trésorerie et aux fonds propres des entreprises.
Enfin la rationalisation de notre fiscalité, avec la suppression des taxes à faible rendement et des dispositions fiscales inefficaces, est un travail fastidieux mais nécessaire.
Pendant les longs débats que nous avons eus la semaine passée, et hier encore, notre groupe a présenté des amendements sur des sujets aussi importants que la fiscalité des collectivités territoriales et le logement. Nous nous félicitons de la possibilité donnée aux porteurs de projets de demander la prorogation du délai de quatre ans qui leur est imparti pour construire des logements dans le cadre de la cession de biens immobiliers en zone tendue.
De la même façon, la prorogation pour deux ans de l'application d'un taux réduit d'impôt sur les sociétés à 19 %, lorsqu'une personne morale qui y est assujettie cède un bien immobilier, terrain ou local, en vue de la réalisation de logements, est une mesure de bon sens qui maintiendra le soutien au secteur de l'immobilier.
Notre groupe a donc présenté, voire fait adopter, des amendements visant à rationaliser le droit fiscal en vigueur. Notre amendement visant à mettre le droit fiscal en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le traitement fiscal des prestations compensatoires versées en cas de divorce et sur la déductibilité de la contribution aux charges du mariage permettra ainsi de sécuriser le droit en vigueur. De la même façon, un autre amendement a permis de clarifier la rédaction de l'article 220 octies du code général des impôts relatif au crédit d'impôt en faveur de la production phonographique.
Enfin, le groupe Agir ensemble salue le consensus trouvé au sujet des ressources fiscales affectées aux CCI – chambres de commerce et d'industrie – , qui jouent et continueront à jouer un rôle central auprès des entreprises dans nos territoires. Le Gouvernement a su se montrer à l'écoute des signaux envoyés par tous les bancs de l'hémicycle pour trouver une solution de compromis.
Notre groupe se félicite également du renoncement à l'augmentation de la fiscalité sur l'E10. Ma collègue Lise Magnier a déjà eu l'occasion de dire que cela constituait une demande très forte de notre part, et nous saluons la position du Gouvernement, qui a su entendre nos vives réserves. Nous sommes en effet persuadés que l'augmentation de la fiscalité sur l'essence préférée des Français n'aurait pas été comprise par nos concitoyens.
C'est dans la même optique que nous avons demandé la remise par le Gouvernement d'un rapport sur l'évaluation de la fiscalité automobile française, qui fait l'objet de bouleversements majeurs depuis plusieurs années. Pour notre part, nous pensons que la fiscalité punitive ne doit pas être le seul levier du verdissement du parc automobile français. C'est pourquoi nous saluons les dispositifs d'accompagnement des ménages prévus dans le projet de loi de finances, notamment les aides prévues pour la pose de systèmes de recharge pour les véhicules électriques.
Le groupe Agir ensemble votera donc la première partie du projet de loi de finances pour 2021 et il continuera d'être force de proposition pour l'examen de la seconde partie. Nous aurons l'occasion de poursuivre les débats et de défendre nos convictions, notamment sur l'efficacité de MaPrimeRénov', dont nous pensons qu'elle peut être améliorée.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe Dem.
Le budget 2021 s'inscrit dans un contexte national exceptionnel. Il s'agit de savoir dans quelle mesure ce budget peut répondre aux enjeux essentiels de notre pays, à l'heure où nous nous retrouvons percutés par une deuxième vague.
Alors que les recettes de l'État, celles des entreprises mais aussi celles des collectivités locales vont encore se dégrader dans les semaines à venir, nous sommes obligés de voter des dépenses de relance absolument nécessaires, auxquelles nous apportons, encore une fois, tout notre soutien. Il est de notre devoir de limiter les conséquences de cette crise par le soutien, l'accompagnement et le renforcement de notre tissu productif et industriel, lequel est fondamental pour préserver notre économie et surtout l'emploi.
Ce soutien massif entraîne de fait un accroissement tout aussi massif de la dette. Pour le groupe UDI et indépendants, c'est une préoccupation majeure. Nous concevons qu'il n'y ait pas d'autre choix, mais il est nécessaire que le Gouvernement pense dès à présent aux économies de fonctionnement à effectuer dans les années à venir, afin de revenir au niveau de déficit d'avant la crise.
Je ne peux pas m'empêcher de penser que, si nous nous étions attaqués au déficit budgétaire bien avant cette crise, nous ne serions actuellement pas dans une situation aussi fragile. Soyons lucides : le retour de la croissance ne suffira pas, à lui seul, à résoudre le problème de la dette, et son cantonnement n'est pas une solution miracle.
L'un des points principaux de la première partie du projet de loi de finances est la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production. Nous soutenons cette baisse, qui contribue à l'allégement de la pression fiscale dont notre pays est encore champion. Je m'étonne de ceux qui considèrent que la diminuer n'est pas une priorité : comment imaginer mener une politique de relance sans améliorer la compétitivité des entreprises ? Sans chercher à attirer des entreprises sur le sol français ? Sans dégager des marges de manoeuvre pour leur permettre d'embaucher, même dans une année 2021 qui s'annonce difficile ?
Avec cette baisse se pose toutefois la question de la compensation financière à verser aux collectivités territoriales, pour assurer leur autonomie fiscale. Comme nous l'avons vu, la compensation de l'État aux communes et aux intercommunalités tiendra compte de l'évolution des valeurs locatives. Il est important que le Gouvernement ait rappelé que les communes et intercommunalités garderont la liberté de fixation des taux. Mais nous devons continuer de veiller à ce que le dispositif de neutralisation garantisse une compensation financière dynamique, intégrale et pérenne, qui tienne compte de l'évolution des bases et des taux votés par les élus. La navette parlementaire doit permettre d'améliorer cette compensation, qui n'est pas optimale à ce stade et ne nous satisfait pas complètement.
Par ailleurs, notre groupe continue de penser que la relance doit être complétée par des mesures de soutien plus offensives, par exemple pour les secteurs de l'hôtellerie, de la culture, du tourisme et de la restauration, dont les fermetures administratives ont anéanti la trésorerie et le chiffre d'affaire, en particulier dans les métropoles concernées par le couvre-feu. Nous continuerons de défendre une TVA à 5,5 % pour l'ensemble des activités de ces secteurs jusqu'à la fin de l'année 2021. Cette mesure facile à mettre en oeuvre, si elle avait été entendue, aurait pu booster la rentabilité de ces entreprises à court terme et sauver des milliers d'emplois.
De même, nous avions proposé par amendement de casser les chaînes de contamination économique en supprimant les privilèges des créanciers publics – Trésor et organismes sociaux – dans l'ordre de paiement des créanciers, afin que ceux-ci ne soient pas payés avant les fournisseurs. Cette proposition de notre groupe – avec laquelle les salaires des employés auraient continué, évidemment, à être payés en priorité – aurait permis d'améliorer le niveau de remboursement des autres créanciers.
Enfin, il est important d'intégrer des mesures de justice sociale permettant une meilleure répartition des richesses tout en répondant à un besoin urgent de financement dans de nombreux domaines. Je pense ici à la taxe sur les transactions financières, dont l'assiette mériterait d'être repensée pour aboutir à un meilleur rendement.
Parce qu'il contient des mesures de relance dont nous ne pouvons nous passer, la majorité du groupe UDI et indépendants votera pour ce budget, tout en gardant à l'esprit le fait qu'il doit encore évoluer en fonction de la situation.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe Dem.
Le groupe Libertés et territoires votera contre la première partie du projet de loi de finances pour 2021 pour quatre raisons. La première d'entre elles est l'absence de respect de l'Assemblée nationale par le Gouvernement.
En effet, le délai de dépôt des amendements en commission des finances était initialement de deux jours, avant d'être, grâce à un courrier envoyé par le président Éric Woerth, porté à quatre jours. C'est inédit. Les conditions de travail sont inacceptables, monsieur le ministre délégué aux comptes publics.
Il est vrai que, dans l'hémicycle, nous avons des débats riches, et que nous y trouvons des accords qui s'expriment parfois par des votes contre l'avis du rapporteur général, contre celui du Gouvernement, ou les deux à la fois. Il est insupportable pour les parlementaires que le Gouvernement puisse alors, à deux heures du matin, demander des secondes délibérations.
« Bravo ! » sur les bancs du groupe LR.
D'autant qu'en l'occurrence, il s'agissait de décisions mineures. Je pense notamment à l'inénarrable taux réduit de TVA pour la réparation des vélos et des habits. Le nouveau monde fait siens les pires travers de l'ancien. Comment pouvons-nous travailler correctement dans ces conditions ?
À tout cela s'ajoute le dépôt d'amendements du Gouvernement à la dernière minute – il est vrai que vous n'êtes pas le premier à le faire – , empêchant leur examen par la commission des finances. Vous pourriez au moins essayer de respecter la représentation nationale.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.
La seconde raison est que le budget pour 2021 présente un article, non pas d'équilibre, mais de déséquilibre, avec – tenez-vous bien, mes chers collègues – 125 milliards d'euros de déficit de fonctionnement.
Pour rééquilibrer la section de fonctionnement, il faudrait augmenter les impôts de 45 % ou baisser les dépenses de fonctionnement de 30 %. Il ne reste plus que 25 milliards de dépenses d'investissement, dont la moitié sont des crédits militaires. Voilà la situation dans laquelle nous sommes.
Finalement, cette crise révèle nos faiblesses. Le déficit structurel, stabilisé entre 2017 et 2020, s'établira à 3,6 points de PIB en 2021, selon le Gouvernement. On voit bien que vous avez fait le choix de ne pas le réduire depuis 2018, en période de beau temps économique, de sorte que nous nous retrouvons aujourd'hui sans marge de manoeuvre. Pour paraphraser Jean de La Fontaine dans « La cigale et la fourmi » : la cigale, ayant chanté tout l'été, se trouva fort dépourvue quand la covid fut venue !
Le Gouvernement ne parle plus d'économies. Aujourd'hui, c'est open bar ! On perçoit bien que vous avez en ligne de mire les prochaines élections présidentielles, en espérant que tout tienne jusque-là.
Nous devons nous préparer à des lendemains qui déchantent. Comme notre groupe le disait la semaine dernière lors de la discussion générale, l'incertitude est grande quant à l'évolution de la crise sanitaire. La preuve en est que, dans la foulée de nos travaux, le Gouvernement a décidé l'instauration d'un couvre-feu dans neuf métropoles françaises.
Quant à l'argument avancé par le Gouvernement, qui veut financer la relance, et donc la dette, par la croissance, il ne tient pas. Car, lorsque les investissements des entreprises baissent à hauteur de 7 %, comme c'est le cas cette année, le taux de croissance, déjà fragile, est appelé à se réduire. Arrêtez donc de vouloir jouer avec le feu et menez de front une politique de soutien et de relance, combinée à des économies structurelles : voilà la voie de la sagesse.
La troisième raison est que la première partie du texte affaiblit la démocratie locale. Je veux le rappeler ici : il n'y a pas de démocratie locale sans autonomie fiscale des collectivités territoriales. Si ces dernières vivent uniquement sur des dotations de l'État – un État en faillite – sur quels critères les citoyens contribuables peuvent-ils juger leurs élus locaux ?
Après la suppression de la taxe d'habitation pour 80 %, puis 100 % des Français, vous réduisez de moitié la CVAE et baissez la taxe foncière sur les propriétés bâties et la cotisation foncière des entreprises, en les compensant par des prélèvements sur des recettes fiscales de l'État, c'est-à-dire par des dotations et non par des impôts à base territoriale. Or, s'il est une leçon à tirer des différentes crises que le pays a connues ces deux dernières années, c'est bien l'échec de la pratique verticale du pouvoir. Les collectivités territoriales ne sont pas de simples gestionnaires des dotations de l'État.
Enfin, la quatrième et dernière raison de notre vote négatif est l'absence de politique sociale vigoureuse. Vous faites un one-shot en 2020 avec le versement d'une prime de 150 euros aux bénéficiaires du RSA, étendue aux étudiants boursiers et aux jeunes touchant des aides personnalisées au logement, …
… mais rien n'est prévu pour 2021. Vous réagissez en permanence sous la pression. Notre groupe regrette que les personnes à l'emploi précaire – en intérim ou en CDD – dont l'activité a été interrompue par la crise et qui se sont retrouvées au chômage alors qu'elles n'avaient parfois pas suffisamment cotisé pour bénéficier d'une allocation significative, soient totalement écartées des mesures sociales.
Vous comprendrez donc aisément, chers collègues, que, compte tenu de ces quatre critiques, le groupe Libertés et territoires ne puisse pas voter en faveur du projet de loi de finances pour 2021. La quasi-totalité de ses membres votera contre le texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Quand la France, sixième puissance mondiale, abrite 10 millions de pauvres, soit 25 % de plus qu'il y a dix ans, et que 500 milliards sont entre les mains de 100 familles, j'ai tendance à faire mienne cette phrase de Gandhi : « Les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l'air d'être vivants et pourtant il leur manque la vie de l'être en chair et en os. » Quand nous rappelons ces terribles chiffres,. Camilles ils semblent ici aussi désincarnés ; et vous de nous répondre, ad nauseam, profits, investissements, compétitivité, emploi.
Voici pourtant trente ans qu'on soulage les entreprises de la pression fiscale, et même sociale, avec les allégements Balladur, les allégements Fillon et le CICE de MM. Macron et Hollande, que vous avez pérennisé. Depuis que le marché mondial est devenu le souk des multinationales, je constate, comme par l'effet de vases communicants, l'augmentation de la pauvreté et de la précarité, la dégradation de notre environnement et des services publics, la perte de sens d'un horizon qui s'obscurcit. Voilà donc ce qu'est une saine économie selon vous ?
Depuis 1971, on nous parle de crise chaque année. Mais de crise en crise, ne saisissez-vous donc pas qu'il s'agit d'un défaut du système, qui dans son emballement entraîne tout le monde dans la tourmente, du salarié au petit entrepreneur ? La crise sanitaire n'est-elle pas le révélateur de cette folie ? Même Adam Smith, économiste libéral de référence s'il en est, doit se retourner dans sa tombe en voyant un tel chaos, lui qui demandait déjà la régulation des banques et de la finance, lui qui s'opposait aux monopoles, empêchant le prétendu libre marché. Vous devriez a minima revenir à vos sources et les ajuster au contexte.
Pourtant, malgré ces évidences, vous remettez – permettez-moi l'expression – 10 balles dans la machine. Cet économiste, également moraliste des Lumières, dirait que cela relève du mensonge à soi-même, à propos de ceux qui ont le pouvoir et l'argent – ou vice versa.
En l'occurrence, les 10 balles dans la machine, ce sont les 10 milliards de nouveaux cadeaux aux entreprises, c'est-à-dire la suppression des impôts de production inscrite dans le budget. « Compétitivité mondiale oblige », répétez-vous en boucle. Nous constatons surtout qu'elle est synonyme de nouvelles formes d'esclavage et de précarité, plus que d'investissements. « Investissements », dites-vous malgré tout. Mais nous n'en voyons pas la trace, d'après les rapports de vos propres officines.
Compétitivité et investissements sont les mots magiques de vos vaines justifications à toutes nos interventions : là pour rejeter nos amendements relatifs à l'impôt sur la fortune et à la suppression de la flat tax ou du crédit d'impôt recherche ; ici pour repousser aux calendes grecques la suppression des niches favorables aux secteurs polluants des transports ou de l'agriculture ; là encore pour refuser la taxation des transactions financières, des GAFAM – Google Amazon Facebook Apple Microsoft – et autres goinfres du CAC40. Cela représente des centaines de milliards, qui pourraient revenir dans les caisses de l'État sans déstabiliser l'économie réelle, sauf à frapper quelques profiteurs de crise. Autant de milliards en moins pour des services et des métiers immédiatement indispensables pour chacun et pour tous, indispensables pour faire société aujourd'hui et demain. Je pense bien sûr à la santé, à l'éducation, à la recherche, à la sécurité et à l'écologie, dont vous augmentez timidement les budgets eu égard aux réelles nécessités.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Alors oui, vous versez une obole de 100 euros par-ci par-là : un État charitable en lieu et place d'un système solidaire. Même baisser la TVA sur les produits de première nécessité, comme l'Allemagne l'a fait, vous le rejetez.
Monsieur le ministre délégué, chers collègues, quelles leçons tirez-vous de cette énième crise, plus grave que celle d'avant et déjà moins grave que celle à venir ? Qui tient le gouvernail, vous, ou bien l'Europe et ses lobbies ? François Ruffin a défendu des amendements pour stopper ce que nous appelons le grand déménagement du monde et ses conséquences en matière d'environnement et d'emplois, grâce au protectionnisme solidaire. Monsieur le rapporteur et la majorité à sa suite ont trouvé cela passéiste : trop Amish, probablement.
Si votre heureux futur consiste à dépendre de tel ou tel pays pour se fournir en médicaments, de tel autre pour des sur-blouses, de celui-là pour de la viande et de tel autre pour un nouveau gadget, permettez-moi de vous dire que vous êtes restés coincés dans un futur antérieur, loin, très loin des aspirations des gens d'aujourd'hui. Autrement dit, votre monde d'après, c'est celui d'avant-hier. C'est la raison pour laquelle le groupe La France insoumise ne votera pas en faveur de la première partie du budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Mes chers collègues, je vous demande de veiller à conserver un siège vide entre chacune et chacun d'entre vous. Nous serions attristés que l'un ou l'autre d'entre nous tombe malade.
Sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances, le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
Après une semaine d'examen, nous devons nous prononcer sur la première partie du projet de loi de finances. Cette partie, qui concerne les recettes de l'État, est évidemment essentielle : c'est elle qui détermine les moyens dont il disposera dans les mois qui viennent pour relever les défis de la crise sanitaire, économique et écologique.
Durant les débats, vous n'avez cessé de vous féliciter de la baisse continue des prélèvements obligatoires depuis 2017, comme si elle pouvait constituer un projet politique. À l'heure où la puissance publique est pleinement mobilisée, faut-il rappeler que les impôts et les taxes ne sont pas un fardeau, une ponction qui pèse sur les Français ? Ils constituent le préalable indispensable à une politique d'investissement public ambitieuse, au soutien des plus précaires et au financement des services publics du quotidien, à condition bien sûr qu'ils soient justement répartis.
Dès lors, lorsque vous baissez de manière aveugle la fiscalité pour toutes les entreprises, comme vous le faites avec les impôts de production ; quand vous faites cadeau sur cadeau aux plus riches, comme vous l'avez fait depuis le début de la législature, vous mettez à mal l'État social, vous affaiblissez la solidarité nationale et détruisez les services publics. Le nombre de pauvres a augmenté d'un million. En réalité, dans ce pays, plus on a les fesses au chaud et plus on a le coeur froid !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Muriel Ressiguier applaudit également.
Personne n'est dupe : vous baissez les impôts et créez sciemment du déficit public pour pouvoir réduire, d'ici un an ou deux, les dépenses utiles au pays, au nom du rétablissement des comptes publics. Vous avez, de fait, refusé toutes nos propositions, toutes les propositions de la gauche pour financer la relance économique, répondre aux difficultés des plus fragiles et conduire une authentique politique de transition écologique. Plongés dans un profond sommeil dogmatique, vous refusez tout retour critique sur votre action ; vous êtes désormais bien seuls à croire à l'effet bénéfique des réformes fiscales en faveur des plus riches. Même France Stratégie, institution directement rattachée à Matignon, conclut de manière lapidaire dans son rapport qu'elle n'est pas capable de trouver un effet de votre réforme sur l'investissement des entreprises.
Vous avez refusé de taxer les dividendes et les GAFAM, et de supprimer les niches fiscales des grandes entreprises, au motif qu'il leur fallait de la stabilité fiscale. Cette stabilité vous importe bien moins lorsqu'il s'agit de baisser les impôts des grands groupes. Vous dites qu'il faudra que les Français remboursent la dette publique accumulée à l'occasion de la crise sanitaire. Mais lorsqu'il s'agit de dépenser pour les grandes entreprises ou pour les plus riches, sans contrôle et sans contreparties, la dette n'est soudainement plus un problème.
Elle en redeviendra un à coup sûr, dans quelques années – quelques mois peut-être – lorsqu'il vous faudra justifier les nouvelles mesures antisociales que vous gardez sous le coude.
Le projet de loi de finances passe complètement à côté de son sujet. Alors qu'il nous faut d'urgence faire en sorte que l'État et les collectivités locales disposent de moyens renouvelés pour faire face aux enjeux sociaux et environnementaux, votre priorité est une nouvelle fois d'affaiblir l'État. Vous renoncez à soutenir les territoires et les secteurs qui en ont le plus besoin, pour déverser à flot l'argent public dans un tonneau des Danaïdes qui ne ruissellera malheureusement pas sur nos concitoyens dans la difficulté ou sur les plus petites entreprises.
Monsieur le ministre délégué, vous ne proposez pas le retour aux jours heureux ; vous proposez aux Français de rembourser, petit à petit, la dette publique issue de la crise du covid-19, une fois celle-ci cantonnée. Grâce au cantonnement – votre nouvelle trouvaille – chaque Français pourra suivre, au fur et à mesure de ses sacrifices, combien il lui en reste encore à réaliser. Quel bel horizon vous nous tracez ! Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui a vu l'ensemble de ses demandes insatisfaites, votera contre cette première partie du budget.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI sur quelques bancs du groupe SOC.
Le contexte dans lequel s'inscrit le plan de relance a de quoi donner le vertige : un décrochage du produit intérieur brut estimé à 10 %, soit la pire récession que le pays ait eue à connaître depuis la seconde guerre mondiale ; un déficit public de 10 % ; une dette publique qui doit atteindre117 points de PIB.
Nous saluons l'extraordinaire réactivité du Gouvernement et de l'administration depuis le printemps, qui a permis d'amortir le choc. Des millions de salariés ont vu leur emploi et leur pouvoir d'achat préservés grâce à l'activité partielle. Des centaines de milliers d'entreprises parmi les plus petites ont pu bénéficier de prêts garantis par l'État. Plus de 1,5 million d'indépendants ont bénéficié du fonds de solidarité. Le patrimoine entrepreneurial a ainsi été préservé.
Après le sauvetage vient le temps de la relance. Le plan France relance est un bouclier anti-licenciements et anti-faillites. Une fois voté le projet de loi de finances, les entreprises pourront s'appuyer sur la baisse des impôts de production, sur les aides au renforcement des fonds propres et sur les primes à l'embauche pour investir, recruter et relocaliser. France relance est aussi un grand pas en avant vers une économie plus verte et plus durable, avec des crédits massifs ouverts pour la rénovation énergétique, pour la décarbonation des transports, pour le développement d'une agriculture plus vertueuse et d'une alimentation plus saine.
L'examen de la première partie du projet de loi de finances a permis à l'Assemblée nationale d'enrichir le texte du Gouvernement en faveur des secteurs et des ménages les plus fragilisés par la crise sanitaire, économique et sociale. Je pense notamment à l'élargissement de la dotation pour épargne de précaution aux aquaculteurs et aux centres équestres ; à la création d'un crédit d'impôt pour le spectacle vivant ; ou encore à l'amendement que nous avons défendu, avec d'autres groupes, sur la dispense de prélèvement forfaitaire unique des produits de plan d'épargne retraite pour les ménages les plus modestes.
Cet examen a aussi été l'occasion d'oeuvrer concrètement à la transition écologique. Je voudrais saluer à ce titre les nombreux amendements adoptés en matière de lutte contre l'artificialisation des sols, en encourageant le bâti sur le bâti, à l'instar de celui de Jean-Luc Lagleize sur la fiscalité des plus-values de surélévation. Je voudrais remercier le Gouvernement, en particulier M. le ministre délégué chargé des comptes publics, d'avoir entendu la voix des parlementaires, notamment celle de Jean-Paul Mattei sur les CCI ou celle de Bruno Duvergé sur la fiscalité du carburant sans plomb 95-E10. Je forme le voeu que cette discussion se poursuivra en seconde partie, que ce soit sur l'application du plan de relance, la conditionnalité des aides ou l'élargissement de la participation salariale.
Malheureusement, tous nos efforts seront vains si la confiance ne revient pas. L'incertitude est un anesthésiant puissant qui paralyse la reprise. Pour que la confiance progresse, il faut que le virus régresse. Ni les grands discours à la tribune, ni les articles de ce texte, ni même les amendements n'y suffiront ; il en va de la responsabilité de chacun. Respecter les gestes barrières, la distanciation et les consignes sanitaires : chaque citoyen détient les clés de la réussite de France relance.
Au-delà du vote de la première partie du PLF, nous serons vigilants sur trois points. Le premier est l'exécution du plan de relance. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de perdre la relance dans des méandres bureaucratiques. France relance doit être administré au plus près du terrain ; afin que les parlementaires en soient les courroies de transmission, il faut les informer et les associer à l'ouverture des crédits. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés souhaite que le Gouvernement donne instruction aux préfets d'y veiller très attentivement.
Le deuxième point est l'évaluation du plan de relance. L'augmentation de la dette et du déficit n'a de sens que si l'argent public ainsi mobilisé est bien utilisé. Nous saluons le premier budget vert : nous vérifierons désormais, année après année, que l'évolution des finances publiques est conforme à nos engagements environnementaux.
Enfin, nous serons attentifs à ce que France relance ne laisse personne sur le bord du chemin. Malgré la reprise de la consommation et malgré les milliards d'euros accumulés sur les comptes en banque, les Français les plus modestes subissent un décrochage : non seulement ils ont réduit leur consommation, mais ils ont pioché dans leurs réserves. Pour les indépendants qui pointent, pour la première fois, au RSA et pour les étudiants qui ne trouvent pas de petit boulot, nous devrons trouver des solutions. Les annonces du Président de la République et du Premier ministre sont évidemment les bienvenues.
Voilà, mes chers collègues, ce en quoi les députés Mouvement démocrate et démocrates apparentés croient, et ce pourquoi nous voterons cette première partie du projet de loi de finances pour 2021.
Applaudissements sur le banc du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes Agir ens et LaREM.
Nous sommes heureux de retrouver au banc M. le président de la commission des finances.
Le budget 2021, considérablement bouleversé par la violence de la crise, aurait dû être celui d'une relance ambitieuse, cohérente et efficace.
Or, au plan de relance totalement financé à crédit, s'ajoutent des hausses de taxes insidieuses et des mesures incompréhensibles, que nous ne pouvons cautionner.
La relance était indispensable : nous ne contestons ni sa nécessité, ni l'ampleur des efforts qu'elle demande. Dès le début de la crise, les députés du groupe Les Républicains vous ont alertés sur l'impératif d'éteindre l'incendie avec une citerne à eau plutôt qu'avec un arrosoir. Malheureusement, vous n'avez pas voulu nous écouter, et vous avez préféré attendre l'automne. Que de temps perdu ! Ensuite et surtout, la dynamique de reprise est désormais fortement compromise par l'émergence d'une seconde vague, qui vient percuter vos prévisions. Elle rend visible la légèreté de votre Gouvernement : vous auriez dû présenter deux scénarios de budget, l'un fondé sur un arrêt de la crise, comme c'est le cas dans votre prévision, l'autre sur sa poursuite, voire son amplification. Or jamais, jamais, dans ce budget, le Gouvernement ne prévoit l'hypothèse que la crise sanitaire perdure hélas en 2021.
En réalité, depuis l'annonce de dépenses supplémentaires, à hauteur d'au moins 1 milliard d'euros, pour faire face aux conséquences du couvre-feu, votre budget est déjà caduc, et vous le savez.
Par ailleurs, votre plan de relance souffre de ne jamais présenter le début du commencement d'un bout de plan de financement. Hélas, il ne s'agit pas d'argent magique. Tous ces milliards nous font perdre le sens des réalités, mais la vérité est que notre pays croule sous la dette, qui atteindra presque 117 % du PIB en 2021, à tel point que le surendettement menace désormais notre souveraineté budgétaire et la pérennité de notre modèle social. Cela nous oblige à emprunter encore 260 milliards d'euros sur les marchés cette année.
De plus, nous avons abordé cette crise en situation de grande faiblesse par rapport à nos voisins. Avant la crise, la France était déjà championne d'Europe des dépenses publiques, qui se montaient à 54 % du PIB ; notre déficit était déjà trois fois supérieur au déficit moyen de la zone euro, à 3 % du PIB ; notre dette atteignait déjà les 100 % du PIB. Sortir le carnet de chèques au détriment des générations futures…
… vous permet de vous décharger de toute responsabilité et de renoncer à toute réforme structurelle ou transformation du pays. Je pense en particulier au recul indispensable de l'âge légal de départ à la retraite.
Vous prétendez que les impôts n'augmenteront pas, la réalité est malheureusement très différente. En prolongeant la CRDS, qui devait s'arrêter en 2024, au moins jusqu'en 2033, vous augmentez déjà mécaniquement les impôts des Français. En durcissant très violemment le malus automobile, vous augmentez les taxes qui pèsent sur beaucoup de ruraux qui n'ont pas d'alternative à la voiture.
Le malus sera multiplié par quatre en un an, et par huit en deux ans. Il sera appliqué aux véhicules populaires et familiaux
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR
comme la Dacia Sandero ou la Peugeot 3008 : c'est l'exemple même de l'écologie purement punitive que nous dénonçons. Pire, le prétexte de l'écologie vous permet en réalité de faire les poches des Français, puisque le malus ne sert plus seulement à financer le bonus, mais aussi à alimenter les caisses de l'État : désormais il rapportera 500 millions d'euros de plus que le montant des crédits consacrés au bonus.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Au rayon des rares satisfactions, nous notons quand même la réduction des impôts de production, que les députés Les Républicains réclamaient sans discontinuer depuis 2017, et que vous nous aviez toujours refusée. Nous avons également eu gain de cause sur le soutien aux chambres de commerce. Le Gouvernement voulait initialement les ponctionner à hauteur de 100 millions d'euros, ce qui était totalement inexplicable ; notre mobilisation collective a porté ses fruits et l'a ramené à la raison. Enfin, nous avons évité une hausse de la fiscalité de l'essence SP95-E10, que vous vouliez appliquer en catimini, et qui aurait été incompréhensible pour nos compatriotes. Mais ces quelques avancées sont hélas bien insuffisantes pour corriger les manques d'un budget illisible, irresponsable et désormais largement caduc.
En outre, vous nous avez fait une nouvelle fois le coup d'un vote en seconde délibération, un lundi, à deux heures du matin, pour revenir sur un des rares amendements que notre groupe avait fait adopter. Où est le respect du Parlement ? Votre nouveau monde est décidément pire que l'ancien. Les députés du groupe Les Républicains ne peuvent partager ses orientations ; ils voteront contre la première partie du projet de loi de finances pour 2021.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2021.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 558
Nombre de suffrages exprimés 548
Majorité absolue 275
Pour l'adoption 349
Contre 199
L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe Agir ens.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures quarante.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – dont nous allons débattre est exceptionnel.
Avec ce texte, l'État s'engage, l'État prend ses responsabilités, l'État se montre à la hauteur d'un défi historique en accompagnant toutes les forces de la nation, en soutenant l'activité économique, en donnant des perspectives nouvelles à notre système de santé et, surtout, en ne laissant personne – personne ! – au bord du chemin.
Il y a encore quelques mois, les chiffres que nous présentons ici seraient passés pour de la science-fiction.
Mais il n'y a ni création de l'esprit, ni illusion d'optique : alors que nous étions sur le point de retrouver l'équilibre tant attendu des comptes de la sécurité sociale, une crise sanitaire mondiale a conduit la puissance publique à engager des dépenses considérables et inégalées. Il le fallait. Je conçois ce qu'il peut y avoir de frustrant, voire de rageant après tant d'efforts consentis, mais ne laissons pas l'amertume dominer et n'oublions pas que ces dépenses exceptionnelles n'ont pas été engagées à la légère, mais parce qu'elles étaient nécessaires.
La crise sanitaire a été un révélateur, un électrochoc : une crise comme celle que nous traversons est une épreuve de vérité, qui nous contraint à faire des choix et à savoir quelles valeurs nous plaçons au coeur de notre pacte social. Parmi ces valeurs, la solidarité et la santé sont passées avant toutes les autres. Faire preuve de rigueur et tenir aveuglément un cap budgétaire quand des vies sont en jeu, ce n'est pas être responsable, c'est oublier que les chiffres considérés en eux-mêmes n'ont que peu de sens.
Pour autant, dans la tempête, nous ne perdons pas de vue certains principes, parce que si la situation exige à l'évidence des dépenses exceptionnelles, nous savons qu'il faudra refonder demain notre système de régulation en inventant de nouveaux outils. Vous conviendrez avec moi qu'on ne peut pas revenir aux méthodes d'hier sans les remettre en question.
La situation des comptes sociaux ne me satisfait pas – elle ne peut d'ailleurs satisfaire personne. Je suis lucide et n'ai perdu ni mes réflexes, ni mes convictions d'ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Nous avons pris nos responsabilités à chaque instant depuis le début de cette crise ; mais prendre ses responsabilités, c'est aussi préparer l'avenir sereinement, en ne faisant pas reposer sur nos enfants les déséquilibres d'aujourd'hui.
J'ai confié au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie une mission importante sur la rénovation de l'ONDAM – objectif national des dépenses d'assurance maladie – , parce que l'évolution de nos outils donnera de la force et de la crédibilité à nos objectifs de bonne gestion. La conférence sociale qui s'ouvre doit être le lieu du débat sur l'avenir des finances sociales. Dans les discussions qui s'engagent, il ne faudra nous interdire aucun sujet ni aucune solution, parce que la pérennité de notre système social ne sera pas assurée sans un retour durable à l'équilibre financier. À cet égard, le Haut Conseil du financement de la protection sociale devra jouer son rôle de conseil et de proposition, tout comme le Parlement, dont le rôle sera décisif.
L'équilibre des finances sociales doit demeurer notre objectif, car il est un gage de sécurité pour nos concitoyens, de pérennité pour nos enfants et d'unité pour notre société. À cet égard ce texte est responsable, car il repose sur une contribution proportionnée des organismes complémentaires, tenant compte des économies qu'ils ont réalisées, notamment grâce à la prise en charge accrue de dépenses par la puissance publique. Le Gouvernement a ainsi fait le choix que toutes les dépenses de télésanté soient prises en charge à 100 % par l'assurance maladie, avec un tiers payant intégral, qui nous a permis de passer, en l'espace d'une semaine, de quelque 10 000 actes de télémédecine à plus de 1 million par semaine tout au long de la crise.
Il est d'usage, lors de la présentation du projet, que les membres du Gouvernement détaillent, de manière de plus ou moins précise, les dispositions du texte, chacun sachant de quoi il est question et sur quoi les débats se porteront. Il en ira différemment aujourd'hui.
Le texte initial du PLFSS qui vous a été transmis prévoit déjà une augmentation de 10 milliards d'euros de l'ONDAM par rapport au niveau que vous avez voté l'année dernière. Ce montant, sans précédent, résulte des surcoûts exceptionnels liés à la première vague de la crise du covid-19 et de l'effort que nous consentons pour soutenir les personnels soignants. Afin de répondre à la mobilisation massive des personnels de santé, en première ligne dans cette crise, le Gouvernement a décidé d'avancer à décembre 2020 les revalorisations du Ségur de la santé, dont l'entrée en vigueur était initialement prévue en mars 2021.
Les soignants qui, pour faire front, seront amenés à renoncer à des jours de congé et à faire des heures supplémentaires bénéficieront d'une compensation financière. Plus de 300 millions d'euros seront débloqués dans cette optique en 2020 ; ils seront complétés par 840 millions au titre de l'ONDAM 2021. Ainsi, pour une infirmière capée, l'heure supplémentaire réalisée pour aider dans la période de crise passerait de 20 euros net à 30 euros.
Pour une aide-soignante, elle passerait de 12 à 20 euros.
Nous faisons désormais face à une seconde vague qui touche l'ensemble de notre territoire. Son impact financier est difficile à estimer, mais il ne sera pas soutenable dans le cadre de l'ONDAM à son niveau actuel. C'est la raison pour laquelle je peux vous annoncer que, par amendement, nous allons introduire une provision prudentielle de 2 milliards d'euros supplémentaires, qui va être ajoutée au PLFSS afin de nous assurer que les établissements de santé pourront couvrir les surcoûts et les pertes de recettes subies dans les prochaines semaines.
M. le rapporteur général applaudit.
Cette enveloppe sera déléguée en plusieurs temps et sera placée sous la responsabilité des agences régionales de santé – ARS – , qui l'alloueront au plus près de la situation des établissements. Elle comprend les mesures annoncées par le Premier ministre pour soutenir les agents engagés auprès des patients et des personnes accompagnées dans les établissements médico-sociaux pour les semaines qui viennent : survalorisation des heures supplémentaires, indemnisation des jours de congé non pris, et dispositions prises pour accompagner les agences régionales et les établissements dans la mobilisation des ressources humaines, afin de répondre aux besoins de la gestion de crise.
Ces 2 milliards supplémentaires intégreront 100 millions d'euros destinés à permettre aux ARS de financer les mesures exceptionnelles qu'elles ont prises, et 50 millions pour ouvrir 4 000 lits à la demande dès 2020 dans nos hôpitaux.
Ce sont ainsi près de 2,5 milliards d'euros supplémentaires que je vous proposerai d'ajouter, par amendement gouvernemental, à la hausse de 10 milliards déjà prévue par le texte initial.
Nous avons pris l'engagement de poursuivre, pour le temps de la crise, la couverture des surcoûts liés à la crise sanitaire dans les établissements médico-sociaux tarifés par l'assurance maladie et, demain, par la branche autonomie, notamment les EHPAD. Pendant la crise, aucun établissement ne doit se priver d'un renfort en ressources humaines.
De même, la médecine de ville a été particulièrement mobilisée – j'y inclus les kinésithérapeutes et les infirmières libérales. Sa situation plus éclatée nécessite un travail accru, afin de s'assurer que l'ensemble des besoins auront été couverts. Je vous rappelle que des négociations conventionnelles ont été entamées à ces fins entre les partenaires sociaux et l'assurance maladie.
Je tiens également à saluer ici l'engagement de Santé publique France, dont l'action est précieuse dans cette crise.
Au-delà des effets liés à la crise, ce PLFSS engage dans des proportions historiques la reconstruction de notre système de santé. Le Ségur de la santé était attendu depuis longtemps, très longtemps, et il apporte aujourd'hui aux soignants une reconnaissance très concrète. Dès son ouverture, j'ai parlé sans fausse pudeur de la case en bas à droite de la fiche de paie. Pendant toute la durée du confinement, les soignants ont été applaudis, parce que les Français les aiment et parce qu'ils savent tout ce qu'ils leur doivent. Ces applaudissements devaient être suivis d'engagements susceptibles de transformer leur quotidien.
Je vous rappelle ce dont nous parlons : les salaires des soignants non médicaux en établissements de santé et médico-sociaux ont d'ores et déjà connu une hausse de 90 euros net, et une deuxième hausse de 93 euros sera perçue au plus tard en décembre, portant ainsi la revalorisation de tous les salaires, pour plus d'1,5 million de salariés des hôpitaux et des EHPAD, à 183 euros net par mois. S'y ajoutera la revalorisation liée au travail sur les grilles salariales indiciaires, s'élevant en moyenne à 35 euros net par mois, ce qui porte à 220 euros net mensuels la hausse pour les soignants non médicaux.
Pour les médecins, nous aurons l'occasion d'en parler, nous avons décidé d'anticiper l'augmentation de l'indemnité d'engagement de service public. Toutes ces mesures vont participer à l'attractivité des professions médicales.
Il était indispensable d'agir sur la fiche de paie. Il l'est tout autant d'investir pour construire et pour rénover, afin de redonner du souffle à des établissements de santé qui, bien souvent, suffoquent sous le poids de la dette, et pour sortir du tout T2A – tarification à l'activité – , comme le Président de la République en a pris l'engagement.
Les sommes déployées pour la mise en oeuvre immédiate du Ségur de la santé sont à ce titre également exceptionnelles : 6 milliards d'euros sont consacrés à l'investissement, et 13 milliards à la reprise de dette, ce qui permettra également aux établissements d'investir davantage.
Les soignants réclamaient légitimement des moyens ; ils ont été entendus, et ce PLFSS doit traduire dans les faits les engagements pris devant eux.
Au-delà de la crise, les engagements se portent aussi sur la proximité, l'ordinaire : vous vous en souvenez, 150 millions d'euros avaient été alloués par Agnès Buzyn à l'investissement du quotidien dans les hôpitaux, qui permet de rendre les lieux de soins plus accueillants pour les équipes comme pour les patients. Il peut s'agir de l'achat de matériel, de brancards, de moniteurs, ou de la rénovation d'une unité hospitalière devenue trop vieille.
Nous allons renouveler cette opération dès le début de l'année 2021, et nous y ajoutons une enveloppe de 500 millions d'euros, de manière à ce que chaque soignant et chaque patient puisse constater au plus près la réalité du soutien public à l'hôpital.
Ainsi, au lieu de 150 millions d'euros, ce sont 650 millions que les hôpitaux auront à consacrer aux dépenses du quotidien ; ils pourront commencer à le faire à partir du mois de janvier.
Applaudissements sur les bancs de la commission et quelques bancs du groupe LaREM.
Dans les prochains jours et les prochaines semaines, l'ensemble des hôpitaux se verront attribuer une portion de cette somme. Évidemment, les parlementaires que vous êtes en seront informés, de manière à suivre les évolutions dues à ces investissements, qui sont très bien accueillis par les soignants, comme j'ai pu le constater au cours de mes nombreux déplacements.
C'est dans ce même état d'esprit d'attention à la vie quotidienne, qui ne doit pas disparaître derrière la crise actuelle, que nous poursuivons notre engagement vers une médecine de proximité, au service de nos concitoyens. Ce PLFSS prévoit ainsi de soutenir le développement des hôtels hospitaliers – vous savez que c'est un sujet qui me tient à coeur. Cela permettra de proposer aux patients et à leurs proches une offre de logement adaptée, quand la personne n'a pas besoin de dormir à l'hôpital mais seulement de s'en rapprocher, pour des raisons de sécurité, alors qu'elle habite loin. Éviter l'hôpital, quand on peut être hébergé dans d'autres conditions, c'est un gain pour la qualité de vie des patients mais aussi pour l'assurance maladie.
Nous vous proposons, comme cela a été souhaité par plusieurs parlementaires sur ces bancs l'année dernière, de pérenniser le modèle des maisons de naissance ; nous tirerons ainsi les conséquences d'une expérimentation réussie, avec une extension de l'offre au regard des besoins locaux. Nous allons passer de huit à vingt maisons de naissance sur l'ensemble du territoire national.
Au chapitre des grands défis qui se présentent à notre système de sécurité sociale, je ne peux pas ne pas évoquer la création d'une cinquième branche, parce que nous faisons face à un mur démographique auquel il faut se préparer, et parce que nous nous devons collectivement de soutenir mieux et de façon plus équitable sur le territoire nos concitoyens en perte d'autonomie – quelles qu'en soient les raisons, l'âge ou le handicap.
La crise sanitaire et le confinement ont notamment révélé les lacunes de notre système d'accompagnement des personnes âgées, en confirmant la nécessité de repenser le maintien à domicile autant que l'accueil dans les EHPAD. Le grand âge et l'autonomie ont déjà trop attendu ; il faut construire dès aujourd'hui. Brigitte Bourguignon vous proposera ainsi, par amendement, de financer dès avril 2021 une aide de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – aux départements pour soutenir l'attractivité des métiers du domicile, dont on sait le rôle majeur auprès des personnes âgées et handicapées.
Cette enveloppe pérenne de 150 millions d'euros sera portée à 200 millions à partir de 2022. C'est un pas décisif vers une étape plus ambitieuse encore, qui viendra avec la loi sur l'autonomie.
Enfin, le Gouvernement s'est engagé depuis bientôt deux ans dans une approche radicalement nouvelle de la petite enfance et de l'aide à la parentalité. L'extension à vingt-huit jours du congé paternité, portée avec ardeur par Adrien Taquet, doit aussi permettre aux parents de mieux accueillir l'enfant – et nous savons combien les premiers jours et les premières semaines sont cruciaux. Cette extension permet à la France d'occuper une position médiane dans le classement européen en la matière ; vingt-huit jours, pour qui a vécu ce bouleversement qu'est l'arrivée d'un enfant, constituent une durée à la fois nécessaire et équilibrée.
Pour qu'il soit bien accessible à tous les salariés, indépendamment de la durée ou du statut de leur contrat de travail, nous proposons de rendre sept jours de ce congé obligatoires. L'obligation est en réalité une protection : pendant cette durée, l'employeur aura interdiction d'employer son salarié.
Nous vous proposons également, par amendement, de porter de dix à seize semaines le congé d'adoption, afin de laisser plus de temps aux parents adoptants pour tisser un lien durable avec leur enfant.
Enfin, nous serons favorables à l'avancement du versement de la prime de naissance, afin de mieux accompagner financièrement l'accueil de l'enfant à naître. Je sais que cette mesure était proposée sur tous les bancs ; je suis heureux de l'accompagner aujourd'hui au nom du Gouvernement.
Mesdames et messieurs les députés, vous l'avez vu, c'est un PLFSS exceptionnel ; un PLFSS d'engagement, de combat. Il rappelle à tous ceux qui en doutaient que l'État est là, et bien là. Nous célébrons cette année les 75 ans de la sécurité sociale : dans une société trop souvent divisée, parfois inquiète, dominée par la peur de l'avenir, notre protection sociale est un repère solide derrière lequel tous les Français, sans exception, peuvent se rassembler.
Les défis sont nombreux ; ils ne sont pas insurmontables. Parmi eux, le ministre des solidarités n'oublie pas le défi que constitue une société qui donne parfois l'impression de se fragmenter. « Inventer la fraternité anonyme, voilà le rêve laïque », écrivait Bernard Maris en septembre 2013 dans un numéro spécial de Charlie Hebdo consacré à la laïcité. Alors oui, contre les haines, contre les divisions, contre le communautarisme, contre le repli sur soi, notre protection sociale est une arme puissante. Ce n'est pas la seule, évidemment, mais c'en est une, parce qu'elle nous rassemble.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale fait vivre cette protection sociale en lui donnant de la force et des ambitions. Il donne sa pleine consistance à ce beau rêve laïque de fraternité anonyme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem.
Je suis heureux de vous retrouver pour la présentation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, même si, comme l'a dit Olivier Véran, personne parmi nous n'aurait pu imaginer, il y a un an, un tel projet de loi, avec de tels chiffres, profondément marqué par la crise sanitaire.
Gouverner n'est pas seulement prévoir : c'est aussi, face à l'imprévisible, savoir s'adapter aux circonstances exceptionnelles, quand la situation l'exige, et reconstruire de nouveaux repères pour le futur. C'est ce que nous proposons par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La crise sans précédent que nous avons traversée et que nous affrontons encore a montré à quel point la sécurité sociale, par la protection qu'elle offre aux Français face aux différents risques auxquels ils sont confrontés, constitue un des biens communs les plus précieux de notre pays. Il faut par tous les moyens continuer de la préserver pour lui permettre d'affronter les orages qui s'annoncent encore.
Protéger nos acquis, construire l'avenir : c'est l'ambition de ce PLFSS. Je voudrais d'abord, avant d'évoquer trois points, indiquer qu'avant d'être percutés par la crise, nous étions résolument inscrits dans une trajectoire de retour à l'équilibre. Il est important de rappeler que jusqu'à ce que la crise survienne, nous nous trouvions dans cette trajectoire inédite ; il n'est pas question pour nous d'être nostalgiques d'un passé qui n'est plus, cela ne servirait à rien, mais simplement de souligner les résultats obtenus par le Gouvernement et par ses prédécesseurs.
Le fameux « trou de la sécu » était sur le point de disparaître. L'échéance était toute proche, puisque l'amélioration du solde de la sécurité sociale permettait d'envisager un retour à l'équilibre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à l'horizon 2023. Aucun gouvernement avant le nôtre ne s'était autant approché de cet objectif, et cette trajectoire positive a été permise par un effort important de maîtrise des dépenses, entrepris depuis longtemps, notamment s'agissant des dépenses d'assurance maladie, puisqu'il faut souligner que l'ONDAM a été respecté pendant dix ans.
En même temps que nous consolidions cette trajectoire de retour à l'équilibre, nous n'avions pas renoncé à améliorer la protection sociale des Français. Nous avons su, au cours des trois dernières années, concilier préoccupations sociales et préoccupations économiques, contrairement à ceux qui cherchent systématiquement et vainement à les opposer – il est pourtant évident que dans la durée, elles sont complémentaires et indispensables l'une à l'autre.
Ainsi, la réforme majeure du 100 % santé se poursuit ; elle permet aux Français de ne plus avoir à payer lorsqu'ils ont besoin de lunettes, d'appareils auditifs ou de soins chez le dentiste.
Moi, j'ai payé mes lunettes 500 euros ! Avec la mutuelle de l'Assemblée, qui n'est pas la pire !
Tout le monde connaît quelqu'un qui, un jour, a dû renoncer à une nouvelle paire de lunettes, à se faire poser des prothèses dentaires, ou encore à acheter des appareils auditifs pourtant nécessaires. Ce ne sera plus le cas désormais, car la lutte contre le renoncement aux soins est un des marqueurs de la politique du Gouvernement.
Nous avons également revalorisé le minimum vieillesse et l'allocation aux adultes handicapés de 100 euros par mois depuis 2018. L'augmentation de ces prestations est à un niveau historique : depuis le début du quinquennat, le minimum vieillesse a augmenté de 12,5 %, contre 4,2 % les cinq années précédentes.
En matière de prélèvements sociaux, comme dans tous les domaines, nous avons conduit une politique d'amélioration du pouvoir d'achat des actifs et de soutien à l'emploi. Cette politique s'est traduite par trois grandes mesures.
Tout d'abord, nous avons reporté sur la CSG – contribution sociale généralisée – , dont l'assiette est beaucoup plus large, le poids de cotisations chômage salariales qui ne pesaient que sur les actifs. Cette première mesure s'est traduite par un gain de pouvoir d'achat annuel de près de 270 euros par an pour une personne rémunérée au SMIC.
Nous avons aussi exonéré les heures supplémentaires de cotisations sociales salariales et d'impôt sur le revenu. Cette seule exonération de cotisations, qui bénéficiera en priorité aux ménages modestes, pourra se traduire par un gain supplémentaire moyen par salarié de 138 euros par an sur la base de 78 heures supplémentaires.
Enfin, nous avons transformé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – en réduction pérenne de cotisations sociales, afin de renforcer la lisibilité du dispositif pour les entreprises et maximiser son impact sur l'emploi.
Nous avons aussi procédé à l'adossement du régime social des indépendants au régime général dès 2018. C'était une demande forte des travailleurs indépendants de notre pays. Ce transfert s'est opéré avec succès puisqu'il a permis d'offrir aux travailleurs indépendants un service meilleur, plus simple et plus sûr.
Deuxième point : le Gouvernement a réagi rapidement et fortement à une crise sanitaire et économique qui a révélé nos capacités d'adaptation collective, alors qu'elle aurait pu faire apparaître un point de rupture.
Cette crise nous conduit à revoir nos convictions et nos certitudes, et peut-être à remettre en question nos points de repère. Elle a aussi révélé notre résilience collective. Je voudrais ici saluer la très grande capacité d'adaptation de notre système de sécurité sociale, mais aussi celle des soignants qui ont dû, dans un temps record et des conditions de travail parfois difficiles, trouver les ressources pour affronter l'épidémie. Personne n'oublie ce que nous leur devons et leur engagement exemplaire.
Les accords du Ségur de la santé, qui trouvent une traduction concrète dans ce PLFSS, font progresser la rémunération dans des proportions inédites. Un plan massif de revalorisation de l'hôpital a été construit par le Gouvernement, en particulier par Olivier Véran. Ces accords tendent à améliorer dès maintenant la rémunération de 1,8 million professionnels. Tous les personnels paramédicaux des hôpitaux et des EHPAD, en particulier, bénéficieront d'une hausse de salaire de plus de 200 euros par mois.
Cet investissement sans précédent doit permettre aux établissements de négocier et d'aménager le temps de travail – par exemple, en relevant le plafond des heures supplémentaires ou en renforçant l'annualisation – afin de poursuivre les réorganisations nécessaires à la modernisation des hôpitaux.
Je pense aussi aux services de l'État, à ceux des organismes de sécurité sociale, qui ont fait preuve d'une extrême réactivité tout au long de ces derniers mois : ils ont adapté les règles, créé les marges de manoeuvre nécessaires, fait vite et beaucoup, dans l'urgence, pour apporter une réponse cohérente et rapide.
En quelques semaines, le Gouvernement a su organiser, avec l'aide du réseau des agences régionales de santé et des caisses d'assurance maladie, une opération de dépistage massif de la population. Nous avons également permis aux plus précaires ou aux plus vulnérables d'avoir accès à des masques, et assuré le versement d'indemnités journalières en cas d'arrêt de travail ou de nécessité de rester à domicile pour garder ses enfants.
En 2020, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, tel que présenté au début de la discussion sur ce PLFSS, augmente ainsi de 7,5 %, ce qui représente une dépense supplémentaire nette de 10,4 milliards d'euros. Toutefois, comme l'a indiqué le ministre des solidarités et de la santé, ce chiffre va être revu par voie d'amendement, afin de tenir compte des dernières annonces et des besoins auxquels nous avons répondu.
Je souhaite aussi saluer la mobilisation des caisses d'allocations familiales, qui ont réussi à assurer la continuité du versement de toutes les prestations sociales dans des conditions difficiles, et qui ont concrétisé, dans des délais très restreints, la mesure d'aide exceptionnelle que le Gouvernement a décidée en juin dernier, ainsi que la revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire de 100 euros en août dernier.
Cette mobilisation va se poursuivre puisque, comme le Président de la République s'y est engagé, nous allons octroyer une nouvelle aide exceptionnelle de 150 euros aux bénéficiaires de minima sociaux ou d'aide au logement.
Je voudrais enfin souligner la mobilisation du réseau des URSSAF – Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales – dans l'accompagnement des entreprises pendant cette période de crise.
Nous avons d'abord élaboré un ensemble de mesures pour aider les entreprises et les travailleurs indépendants. Nous avons instauré un premier dispositif massif de report de cotisations – reports qui ont atteint jusqu'à 25,9 milliards d'euros au mois de juin. Par la loi de finances rectificative du 30 juillet dernier, nous avons ensuite adopté un dispositif d'exonérations et d'aides au paiement des cotisations sociales. Cet effort, représentant 5,2 milliards d'euros, est entièrement compensé et assumé par le budget de l'État. Enfin, les URSSAF vont proposer des plans d'étalement des dettes pour les échéances reportées. Modulée selon les entreprises, la durée de ces plans pourra aller jusqu'à trente-six mois et inclure, dans certains cas, une remise partielle de dettes.
Cette crise sanitaire n'est malheureusement pas terminée. En écho aux nouvelles mesures de restrictions sanitaires annoncées par le Président de la République et le Premier ministre, nous allons proposer par voie d'amendement, dans ce projet de loi, un dispositif complémentaire d'exonérations destiné à accompagner les entreprises dont l'activité est empêchée ou restreinte par le couvre-feu.
Plus que jamais, notre souci est d'écarter toute augmentation des prélèvements obligatoires, ce qui renchérirait le coût du travail et dégraderait la compétitivité des entreprises. Au cours de nos débats, nous serons amenés à discuter du devenir des dispositifs d'allégements généraux des cotisations familiales ou des cotisations maladie. Malgré l'intérêt que peuvent avoir ces débats, comprenez que le Gouvernement sera défavorable à la remise en cause de ces allégements pour les raisons que j'ai évoquées.
Mme Cendra Motin applaudit.
Troisième point : ce projet de loi n'est pas qu'une réponse à la crise, il construit également le futur, grâce à des mesures dont je citerai les plus emblématiques.
La première mesure consiste à assurer l'avenir du système de soins par le biais d'un plan massif de financement du secteur hospitalier : 13 milliards d'euros de reprise de dette ; 6 milliards d'euros complémentaires issus du plan de relance en soutien à l'investissement dans les hôpitaux et dans les établissements sociaux et médico-sociaux, afin notamment d'accélérer le virage numérique que doit prendre notre système de soins.
Nous voulons aussi construire l'avenir de la famille avec le congé paternité évoqué par Olivier Véran, je n'y reviens pas, et préparer le choc démographique à venir avec la concrétisation de la branche autonomie dont la création a été annoncée dans la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie du 7 août dernier. Ce PLFSS donne vie à la branche autonomie : plus de 31 milliards d'euros seront consacrés à son financement en 2021, ce qui traduit l'effort financier de la nation en faveur de la lutte contre la dépendance et pour l'autonomie.
En outre, à compter de 2024, la fraction de CSG qui finance la branche sera augmentée de 0,15 point supplémentaire, puisque nous avons conscience des enjeux à venir. Je peux témoigner de vos débats riches et nourris en commission sur ce sujet. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Au-delà de la traduction dans ce PLFSS des engagements du Ségur de la santé et de la mise en place d'un volet parentalité, additionnel à la prestation de compensation du handicap, d'autres missions seront confiées à la branche. Nous en discuterons dans les mois à venir, dans le cadre du projet de loi grand âge et autonomie.
Malgré les bouleversements liés à la crise, notre ambition de transformation demeure donc intacte. Nous ne renoncerons pas non plus à des ambitions de modernisation et de transformation de la protection sociale. C'est le dernier point que je souhaite aborder.
La crise sanitaire a engendré une dégradation inédite des comptes de la sécurité sociale : le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse devraient enregistrer un déficit combiné de 44,4 milliards d'euros en 2020 et de 27,1 milliards en 2021. La sécurité sociale subira, de façon pérenne, des déficits élevés – près de 20 milliards par an – si nous ne faisons rien.
Cette dégradation s'explique avant tout par la diminution de l'activité économique, qui a entraîné une baisse massive des prélèvements sociaux et des recettes fiscales perçues par la sécurité sociale. En outre, les mesures de restriction prises pour lutter contre l'épidémie ont conduit de nombreuses entreprises à placer leurs salariés en activité partielle, dont l'indemnité est exonérée de cotisations sociales et soumise, comme les allocations de chômage, en tant que revenu de remplacement, à un taux de CSG réduit qui a bien évidemment joué sur les recettes de la sécurité sociale.
La dégradation s'explique également par les dépenses supplémentaires précédemment évoquées.
Afin d'éviter tout risque de tension inutile de trésorerie, le Gouvernement avait organisé, dès juillet, un transfert progressif de la dette à hauteur de 136 milliards d'euros vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES. Cette indispensable opération de transfert signifie que les Français devront continuer à payer la CRDS – contribution pour le remboursement de la dette sociale – pendant dix ans de plus.
Nous devons donc faire en sorte que ces mesures d'urgence aillent de pair avec un retour progressif à l'équilibre des comptes sociaux, afin de ne pas faire peser durablement le poids des déséquilibres financiers actuels sur les jeunes générations. Nous ne considérons, en aucun cas, que la crise serait une excuse pour ne pas avancer ; vous ne nous trouverez pas du côté de ceux qui baissent les bras ou qui renoncent.
Dès ce PLFSS, des premières mesures ont été intégrées à la construction de l'ONDAM pour 2021. Elles ont été définies de manière à poursuivre les actions d'efficience du système de santé sans peser sur la réponse à la crise ni sur les besoins de transformation des acteurs de santé.
Nous savons que nous allons devoir repenser nos outils de régulation traditionnels. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a engagé une mission sur l'ONDAM, dont nous tirerons les enseignements nécessaires peut-être dès le prochain PLFSS. Nous allons aussi prendre appui sur la démarche de rénovation de la gestion du risque maladie et la recherche d'une plus grande pertinence de la dépense, afin d'améliorer durablement l'efficience du système de soins.
En matière de retraites, le Gouvernement a préféré laisser le temps au Conseil d'orientation des retraites de réaliser le diagnostic actualisé de la situation financière du système, dont le Premier ministre l'a chargé dans sa saisine du 14 août. En conséquence, nous ne proposons pas de mesures dans ce PLFSS, ce qui ne remet évidemment pas en cause la nécessité d'en prévoir, en temps voulu, afin de rétablir l'équilibre du système de retraite et de conforter son existence et sa pérennité.
Au-delà de ces réflexions, les travaux de fond que nous avons engagés pour moderniser les organisations et la gestion des prestations se poursuivent.
Je pense, par exemple, au chantier de l'unification du recouvrement, qui se traduira par le transfert des prélèvements sociaux autour de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS. C'est ainsi que le recouvrement de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse – CIPAV – sera transféré à l'ACOSS en 2023. Avec les autres ministres compétents, j'aurai très certainement l'occasion de saisir la direction de la CIPAV afin que les travaux techniques puissent commencer sans délai.
Ces travaux prépareront notamment la mesure de transfert qui sera intégrée dans la loi de financement de la sécurité sociale de l'an prochain. L'unification du recouvrement se traduira par la création d'un portail commun du recouvrement pour tous les prélèvements fiscaux et sociaux. Ce portail vient d'être sélectionné pour un financement du Fonds pour la transformation de l'action publique.
Je pense aussi à l'évolution de nos infrastructures informatiques et numériques, notamment à la base de ressources mensuelles que nous avons créée, qui permettra de calculer les prestations sous conditions de ressources à partir de données de revenu fiables et actualisées. Cette base sera utilisée pour la première fois l'an prochain pour le calcul des aides au logement, mais son usage sera généralisé à l'avenir.
Je pense enfin aux projets de simplification. Certains font l'objet de mesures dès cette année : la fusion des déclarations sociales et fiscales des revenus des exploitants agricoles ; la création d'une nouvelle modalité déclarative pour les activités annexes d'un très faible montant.
D'autres mesures, qui ne figurent pas dans le texte cette année, sont tout aussi structurantes.
Je pense à l'expérimentation de la contemporanéisation du crédit d'impôt pour services à la personne, que vous avez adoptée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et qui a commencé dans les deux départements sélectionnés. Cette expérimentation doit permettre un dispositif pleinement opérationnel et généralisé à compter de 2022. Je pense aussi à la lutte contre la fraude, qui a progressé à un rythme pouvant encore être accéléré. Nous sommes ouverts aux propositions et prêts à accompagner les travaux des différentes caisses en la matière.
Le PLFSS que nous vous présentons, Olivier Véran et moi-même, fait apparaître des chiffres exceptionnels et une situation financière dégradée avec des perspectives de rétablissement à moyen et long terme. Il offre surtout la possibilité d'offrir de nouveaux droits aux assurés sociaux et aux Français, tout en continuant à moderniser profondément l'organisation de notre système de protection sociale. Je ne doute pas que nos travaux permettront de l'enrichir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
C'est avec un mélange très particulier de fierté, de gravité et d'humilité que j'aborde l'exercice de cette année, en tant que rapporteur général, dans un contexte dont chacun s'accordera à considérer qu'il est inédit, historique, sans précédent, exceptionnel.
Ce sentiment de fierté résulte probablement du fait qu'il ne s'agit pas d'une loi de financement de la sécurité sociale comme les autres. Les lois de financement de la sécurité sociale ont été créées, il y a presque quinze ans, pour donner au Parlement une vision complète et transparente des comptes sociaux, mais aussi, et à mon sens avant tout, pour donner une occasion annuelle à la représentation nationale de débattre collectivement de l'avenir que nous voulons donner à notre sécurité sociale.
Je comprends parfaitement, et j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, les frustrations qu'occasionne cet exercice contraint en termes de calendrier, de champ et de procédure. Nous en avons brièvement débattu en commission lors de l'examen du texte. Il faudra sans doute envisager d'en débattre à nouveau, afin que nous puissions, mieux encore que nous le faisons aujourd'hui, nous approprier ce moment PLFSS.
Cette année, le moment PLFSS se conjugue avec un épisode historique inédit. Alors qu'elle nous a frappés de plein fouet, la crise sanitaire a également servi de catalyseur à des évolutions que nous avions déjà très largement engagées depuis 2017. Il en a souvent été ainsi dans l'histoire de notre protection sociale, lorsque des circonstances ont rencontré une volonté politique déterminée. Or, nous avons la volonté de redonner du souffle à notre système de santé.
Tout d'abord, nous voulons lui redonner du souffle afin qu'il puisse faire face à la crise, et ce, quoi qu'il en coûte, selon la formule désormais célèbre du Président de la République, qui a beaucoup plané sur nos débats en commission.
Je constate qu'elle s'est bel et bien traduite dans le déploiement de moyens financiers inédits – M. le ministre en a annoncé de nouveaux – à l'image de cette crise tout aussi inédite. Quelque 15 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles ont été engagées pour faire face à la crise : achat de masques et de matériels ; paiement des heures supplémentaires ; versement des primes ; prise en charge à 100 % des tests, des consultations des personnes vulnérables, des téléconsultations.
Nous voulons aussi lui redonner du souffle pour qu'il puisse se projeter à plus long terme. C'est évidemment le sens de la transposition des engagements du Ségur de la santé, qu'il s'agisse de la rémunération des personnels ou des investissements massifs dans les hôpitaux et les EHPAD au cours des années à venir.
Une grande partie des mesures que nous proposons était appelée de leurs voeux par celles et ceux qui nous disent maintenant que c'est insuffisant. Dans cette discussion générale, chacun pourra déceler derrière certaines expressions de déception, le syndrome du verre à moitié vide. Pour ma part, je vois un verre qui se remplit.
Les hôpitaux disaient avoir trop de dettes pour pouvoir investir. Nous avons acté et précisé dans ce PLFSS les conditions de reprise d'un tiers de cette dette.
Certains estimaient que les primes nombreuses et significatives annoncées n'étaient pas suffisantes, et qu'il fallait des hausses de salaire pour les soignants et les non-soignants. Nous proposons ici des hausses de salaire et de traitement, avec un plancher d'environ 183 euros nets par mois pour tous les personnels de l'hôpital et des EHPAD.
Nous nous demandions il y a quelques mois comment réformer en profondeur notre hôpital sans investir dans sa rénovation, notamment numérique. Ce PLFSS pour 2021 permet d'engager un plan pluriannuel d'investissement massif en plus des mesures concernant la dette.
Il restera encore beaucoup à faire, bien entendu, pour mettre fin au tout T2A, ou en matière de prévention et de gouvernance, …
… mais ce PLFSS pour 2021 apporte une pierre essentielle à la refondation de notre système de santé, ce que de nombreux acteurs du secteur de la santé ont parfaitement compris.
Le volontarisme de ce texte n'est d'ailleurs pas réductible aux seules questions sanitaires. Mes collègues rapporteurs pour les différentes branches auront l'occasion d'y revenir, mais il n'est pas anodin que nous ayons fait le choix, en pleine crise, de créer une cinquième branche du régime général de la sécurité sociale. C'est la première fois que nous créons une nouvelle branche depuis 1945. Cette création maintes fois promises a été maintes fois repoussée par les majorités successives – la mesure était donc bien moins facile à prendre qu'on ne le disait…
En tranchant cette question par la loi, nous avons fait un choix hautement politique : celui d'un modèle fondé sur l'équité territoriale, sur un haut niveau de protection socialisée de ce risque et sur un pilotage clair, ancré de manière plus nette dans notre histoire sociale. Nous étions attendus sur la gouvernance, le financement et les contours de la nouvelle branche. Ce PLFSS pour 2021 affine l'architecture d'ensemble.
La gouvernance est confiée à la CNSA, érigée en caisse nationale de sécurité sociale. Si j'en crois les discussions qui ont déjà eu lieu sur l'article 16 du PLFSS pour 2021, le sujet n'a rien d'anodin, contrairement à ce qui a été affirmé parfois avec légèreté.
Le financement reposera sur la CSG, avec un transfert important de la branche maladie vers la CNSA, auquel s'ajoutera une fraction supplémentaire en 2024. Ce financement est conforme à la vocation universelle de la branche, qui fait contribuer toutes les formes de revenu, y compris le capital, lequel participera notamment à la revalorisation des métiers de l'aide à domicile.
Les contours, enfin, se précisent, avec un périmètre qui s'étend, tout en laissant la place à de nouveaux élargissements concertés dans les années à venir.
Avec ce PLFSS pour 2021, nous engageons aussi une avancée sociale en décidant l'allongement du congé paternité à vingt-huit jours, dont sept obligatoires. Cette mesure attendue de longue date montre que ni notre volonté d'égalité entre les femmes et les hommes, ni notre attention particulière envers le développement de l'enfant n'ont été détournées par la crise.
J'ai parlé, en introduction, de ma fierté face aux avancées considérables contenues dans le texte, mais nous devons aussi l'aborder avec gravité et humilité : les circonstances nous l'imposent. Le volet sanitaire de la crise n'est pas refermé. La récession de l'année 2020 sera l'une des plus fortes jamais enregistrées dans notre pays. Une incertitude inhabituelle pèse sur les comptes qui vous sont présentés et rend leur lecture difficile.
Dans ces conditions, c'est à notre sens des responsabilités qu'il faut faire appel au moment d'examiner ce texte aux enjeux financiers sans équivalent. La solidité du système sur lequel nous avons pu compter dans les moments difficiles repose aussi sur sa crédibilité financière.
La sécurité sociale, les liens de solidarité qu'elle nourrit, ne peuvent fonctionner qu'à une condition : que chacun ait confiance dans la possibilité d'y recourir en cas de besoin. De ce point de vue, il ne serait pas raisonnable de confondre la priorité que nous avons légitimement donnée à la relance et à la consolidation de notre système de santé avec une forme de renoncement à un modèle durablement financé.
Aussi, de manière ponctuelle, nous sollicitons financièrement les organismes complémentaires d'assurance maladie en 2020 et 2021 pour compenser les effets inattendus de la crise sur la consommation de soins. Nous l'assumons. Il y a eu, et il y aura, besoin de mesures spécifiques d'exonération et d'aide au paiement des cotisations et des contributions pour les secteurs les plus touchés par la crise. Nous l'assumons également.
Pour le reste, il ne saurait y avoir, dans la période que je viens de décrire, ni baisse de recettes mal ciblée, à l'efficacité contestable, ni hausse unilatérale des prélèvements, qui achèverait de casser la reprise. Car nous espérons tous la reprise, pour les Français et pour rétablir les comptes de la sécurité sociale.
Plus encore que d'une énumération de mesures de court terme, c'est d'une réflexion d'ensemble sur le financement de notre protection sociale que nous avons besoin. Celui-ci semble pour l'heure durablement plongé dans une nouvelle séquence de déficit, alors qu'il était tout proche de l'équilibre il y a peu de temps. Je salue l'inscription à l'agenda social de ce sujet par le Gouvernement. Je souhaite que le Parlement prenne toute sa part à la discussion. Nous avons, en effet, une occasion unique de nous interroger sur les grands choix qui détermineront les dix ou quinze ans à venir.
Comme souvent au sujet de la sécurité sociale, nous nous trouvons à la fois face à un livre d'histoire, à un journal des aléas du temps présent et à de belles pages blanches pour écrire l'avenir de notre société. Gageons que ce PLFSS pour 2021 réussira à être un peu de tout cela à la fois.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Caroline Janvier, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l'autonomie et le secteur médico-social.
Soixante-quinze ans après la création de la sécurité sociale, lors de l'examen l'été dernier des projets de loi sur la dette sociale et l'autonomie, notre assemblée a décidé la création d'une cinquième branche dédiée au soutien de l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
Le PLFSS pour 2021 entérine la création de cette cinquième branche, réclamée par les associations depuis plus de vingt ans. Son article 50 prévoit un objectif de dépenses de 31,2 milliards d'euros pour 2021. La branche autonomie sera ainsi la quatrième branche de la sécurité sociale en volume de dépenses. Ce périmètre ne comprend pas, néanmoins, toutes les dépenses consacrées à l'autonomie. En effet, l'effort national de soutien à l'autonomie, qui inclut les dépenses de l'État, des collectivités territoriales et d'autres organismes, s'est élevé à 73 milliards d'euros en 2019. L'ensemble de ces dépenses sont retracées dans la nouvelle annexe 10 du PLFSS pour 2021, qui donne désormais une vision globale des dépenses du secteur de l'autonomie.
Malgré un contexte budgétaire dégradé, l'équilibre de la nouvelle branche témoigne de l'ambition de la majorité de soutenir nos concitoyens en perte d'autonomie. Afin d'assurer cet équilibre, il est prévu d'augmenter les ressources propres de la CNSA : 26 milliards d'euros supplémentaires de CSG assise sur les revenus d'activité et de remplacement et sur les revenus du capital seront affectés à la nouvelle caisse de sécurité sociale pour couvrir les dépenses des établissements et des services médico-sociaux pour personnes âgées et personnes handicapées.
Ces financements seront d'autant plus nécessaires que le périmètre de la cinquième branche a vocation à s'étendre afin de rassembler les dispositifs propres à l'autonomie. Le PLFSS pour 2021 engage ce processus en transférant l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé – AEEH – de la branche famille à la branche autonomie. Je sais que ce transfert suscite des craintes. J'espère que nos débats permettront de rassurer toutes celles et tous ceux qui appréhendent ce changement.
Je voudrais néanmoins leur dire dès maintenant que cette évolution permettra de relancer un travail de fond, sous l'égide de la CNSA, avec les associations, pour simplifier l'articulation de l'AEEH et de la prestation de compensation du handicap – PCH – bénéficiant aux enfants.
En tout état de cause, il ne s'agit pas de réduire les droits des familles des enfants en situation de handicap, mais de simplifier le dispositif actuel, particulièrement complexe. Le PLFSS engage également un travail d'adaptation du cadre juridique et financier en transposant le patrimoine commun de la sécurité sociale à la CNSA.
Dans le prolongement des recommandations du rapport de l'inspecteur général des finances Laurent Vachey, l'article 16 présente les missions de la CNSA telles que définies par la loi. À l'instar des autres caisses nationales de sécurité sociale, la CNSA sera chargée de veiller à l'équilibre financier de la branche, d'établir ses comptes et de gérer le risque. Chef d'orchestre de la politique de soutien à l'autonomie, elle pilotera et coordonnera les acteurs nationaux et locaux y participant, en les fédérant et en veillant à l'équité territoriale, à l'efficience et à la qualité de l'accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées. Afin de favoriser l'accès de ces personnes à leurs droits, la CNSA contribuera à développer les canaux d'information, en lien avec les acteurs locaux. Si les outils numériques sont devenus incontournables, nos échanges en commission ont rappelé la nécessité de maintenir des points d'information de proximité.
De nombreuses questions doivent encore faire l'objet d'une concertation avec l'ensemble des acteurs du secteur. Le Laroque de l'autonomie aura précisément cette fonction et permettra d'élaborer le projet de loi grand âge et autonomie, annoncé pour le premier semestre 2021.
La structuration de l'offre devra être renforcée, à commencer par les services à domicile, qui jouent un rôle crucial dans l'accompagnement des personnes handicapées et de nos aînés, lesquels manifestent très majoritairement leur volonté de vivre chez eux aussi longtemps que possible. Il nous faudra apporter rapidement un soutien financier significatif à ces métiers pour les revaloriser et pour répondre aux défis posés par le vieillissement de la société. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille.
L'année 2020 a mis en exergue la place de la famille au sein de la société. Pour bon nombre d'entre nous, la famille a été un socle permettant de surmonter les difficultés engendrées par la crise sanitaire. Néanmoins, pour les familles vulnérables et les familles monoparentales, cette période a été éprouvante : elles ont dû assumer seules un surcroît de charges.
L'exercice budgétaire pour l'année 2020 est marqué par notre reconnaissance envers les familles. Cette reconnaissance s'est déjà exprimée à travers la décision du Gouvernement, le 15 mai dernier, de verser une prime exceptionnelle à l'ensemble des familles précaires : 4,1 millions de foyers et 5 millions d'enfants ont reçu au total près de 1 milliard d'euros. À ce premier effort exceptionnel s'est ajoutée une prime versée aux jeunes bénéficiaires des aides personnalisées au logement – APL – , à hauteur de 200 euros par foyer, dont ont bénéficié 550 000 jeunes.
En outre, comme vient de l'annoncer le Président de la République, l'aide exceptionnelle est reconduite. Une prime de 150 euros, avec 100 euros supplémentaires par enfant, sera versée en novembre aux bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l'allocation de solidarité spécifique. Les étudiants boursiers ou bénéficiaires des APL la toucheront également. Cette prime permettra de compenser quelque peu les conséquences sociales de l'épidémie. Au total, 2 milliards d'euros auront été versés par l'État en 2020 aux familles les plus modestes, témoignant de la solidarité de la nation tout entière à leur égard.
Mais cet exercice budgétaire est loin de s'en tenir aux seules conséquences de l'épidémie. La commission des 1 000 premiers jours, présidée par Boris Cyrulnik, a fait état de la nécessité de renforcer le congé paternité afin de favoriser la création de liens d'attachement durables entre le père ou le second parent et l'enfant, et d'accompagner ainsi son développement. Nous allons donc porter le congé de paternité et d'accueil de l'enfant, ainsi que le congé d'adoption, de onze jours à vingt-cinq jours calendaires – plus du double.
Longtemps attendue par les citoyens, cette mesure constitue un beau progrès de société, dont nous pouvons collectivement être fiers. Les parents disposeront désormais d'un temps consacré à leur enfant après sa naissance. Cette mesure a bien sûr un coût – près de 1,5 milliard d'euros en année pleine – mais elle comporte surtout des bénéfices pour le père ou second parent, pour la mère et pour le nouveau-né.
Aujourd'hui, sept pères sur dix prennent un congé paternité : c'est bien trop peu. Et l'accès au dispositif est encore trop inégal. De nos jours, lorsqu'on est un homme, il est encore difficile de s'absenter de son travail pour s'occuper de son nouveau-né – on ne peut que le regretter. Avant que la décision de prendre un congé paternité soit naturelle, la société aura encore besoin d'évoluer.
Nous avons décidé de rendre les sept premiers jours du congé paternité obligatoires. Pour ne pas pénaliser les entreprises, en particulier les TPE-PME, une organisation précise a été prévue : le père ou le second parent préviendra son employeur en amont de la date prévisible de l'accouchement et l'informera des modalités de son congé.
Avec cette décision, nous prenons acte de la présence du père ou du second parent auprès de la mère, dans un moment où elle peut être physiquement et moralement fragilisée. Avec cette décision, nous donnons la possibilité aux pères de développer leur lien avec leurs enfants. Avec cette décision, nous affirmons l'importance de l'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat, dans les tâches du quotidien comme dans le développement de la carrière professionnelle.
Nous assurons l'effectivité de ces droits pour les salariés, pour les travailleurs indépendants et pour les exploitants agricoles. L'extension du congé de paternité est bel et bien une mesure universelle.
Le congé d'adoption est lui aussi prolongé. À cet égard, je me réjouis que le Gouvernement ait déposé, comme l'a rappelé le ministre de la santé, un amendement permettant d'étendre ce congé de dix à seize semaines, indépendamment du congé supplémentaire de vingt-cinq jours que pourront se partager les parents adoptants. Je suis particulièrement sensible à l'amélioration de la situation des familles adoptantes. Ce congé d'accueil de l'enfant adopté est une mesure essentielle à l'établissement des liens entre les parents adoptants et leur enfant.
Les amendements déposés sur tous les bancs pour anticiper la prime de naissance démontrent le bien-fondé de cette disposition. Ce versement, qui interviendra deux mois avant la naissance, est une mesure de bon sens. Je veux saluer ici l'engagement sans faille de Gilles Lurton et de Nathalie Élimas en direction des politiques familiales.
L'amendement que nous avons voté en commission va plus loin en prenant en considération la détresse des familles qui connaissent la douleur de perdre un enfant et la situation de celles qui voient naître un grand prématuré. La prime sera attribuée aux foyers dans lesquels la grossesse a atteint six, sept, huit ou neuf mois. L'ensemble de ces situations seront donc couvertes.
Pour conclure, je souhaite réaffirmer ma fierté de défendre, en tant que rapporteure pour la famille, les engagements financiers qui viennent soutenir les familles les plus vulnérables et la mesure emblématique que constitue le prolongement du congé de paternité et d'accueil de l'enfant, lequel permettra, j'en suis sûre, de donner à notre jeunesse l'assise affective dont elle a besoin pour s'épanouir et réussir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra