Troisième point : ce projet de loi n'est pas qu'une réponse à la crise, il construit également le futur, grâce à des mesures dont je citerai les plus emblématiques.
La première mesure consiste à assurer l'avenir du système de soins par le biais d'un plan massif de financement du secteur hospitalier : 13 milliards d'euros de reprise de dette ; 6 milliards d'euros complémentaires issus du plan de relance en soutien à l'investissement dans les hôpitaux et dans les établissements sociaux et médico-sociaux, afin notamment d'accélérer le virage numérique que doit prendre notre système de soins.
Nous voulons aussi construire l'avenir de la famille avec le congé paternité évoqué par Olivier Véran, je n'y reviens pas, et préparer le choc démographique à venir avec la concrétisation de la branche autonomie dont la création a été annoncée dans la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie du 7 août dernier. Ce PLFSS donne vie à la branche autonomie : plus de 31 milliards d'euros seront consacrés à son financement en 2021, ce qui traduit l'effort financier de la nation en faveur de la lutte contre la dépendance et pour l'autonomie.
En outre, à compter de 2024, la fraction de CSG qui finance la branche sera augmentée de 0,15 point supplémentaire, puisque nous avons conscience des enjeux à venir. Je peux témoigner de vos débats riches et nourris en commission sur ce sujet. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Au-delà de la traduction dans ce PLFSS des engagements du Ségur de la santé et de la mise en place d'un volet parentalité, additionnel à la prestation de compensation du handicap, d'autres missions seront confiées à la branche. Nous en discuterons dans les mois à venir, dans le cadre du projet de loi grand âge et autonomie.
Malgré les bouleversements liés à la crise, notre ambition de transformation demeure donc intacte. Nous ne renoncerons pas non plus à des ambitions de modernisation et de transformation de la protection sociale. C'est le dernier point que je souhaite aborder.
La crise sanitaire a engendré une dégradation inédite des comptes de la sécurité sociale : le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse devraient enregistrer un déficit combiné de 44,4 milliards d'euros en 2020 et de 27,1 milliards en 2021. La sécurité sociale subira, de façon pérenne, des déficits élevés – près de 20 milliards par an – si nous ne faisons rien.
Cette dégradation s'explique avant tout par la diminution de l'activité économique, qui a entraîné une baisse massive des prélèvements sociaux et des recettes fiscales perçues par la sécurité sociale. En outre, les mesures de restriction prises pour lutter contre l'épidémie ont conduit de nombreuses entreprises à placer leurs salariés en activité partielle, dont l'indemnité est exonérée de cotisations sociales et soumise, comme les allocations de chômage, en tant que revenu de remplacement, à un taux de CSG réduit qui a bien évidemment joué sur les recettes de la sécurité sociale.
La dégradation s'explique également par les dépenses supplémentaires précédemment évoquées.
Afin d'éviter tout risque de tension inutile de trésorerie, le Gouvernement avait organisé, dès juillet, un transfert progressif de la dette à hauteur de 136 milliards d'euros vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES. Cette indispensable opération de transfert signifie que les Français devront continuer à payer la CRDS – contribution pour le remboursement de la dette sociale – pendant dix ans de plus.
Nous devons donc faire en sorte que ces mesures d'urgence aillent de pair avec un retour progressif à l'équilibre des comptes sociaux, afin de ne pas faire peser durablement le poids des déséquilibres financiers actuels sur les jeunes générations. Nous ne considérons, en aucun cas, que la crise serait une excuse pour ne pas avancer ; vous ne nous trouverez pas du côté de ceux qui baissent les bras ou qui renoncent.
Dès ce PLFSS, des premières mesures ont été intégrées à la construction de l'ONDAM pour 2021. Elles ont été définies de manière à poursuivre les actions d'efficience du système de santé sans peser sur la réponse à la crise ni sur les besoins de transformation des acteurs de santé.
Nous savons que nous allons devoir repenser nos outils de régulation traditionnels. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a engagé une mission sur l'ONDAM, dont nous tirerons les enseignements nécessaires peut-être dès le prochain PLFSS. Nous allons aussi prendre appui sur la démarche de rénovation de la gestion du risque maladie et la recherche d'une plus grande pertinence de la dépense, afin d'améliorer durablement l'efficience du système de soins.
En matière de retraites, le Gouvernement a préféré laisser le temps au Conseil d'orientation des retraites de réaliser le diagnostic actualisé de la situation financière du système, dont le Premier ministre l'a chargé dans sa saisine du 14 août. En conséquence, nous ne proposons pas de mesures dans ce PLFSS, ce qui ne remet évidemment pas en cause la nécessité d'en prévoir, en temps voulu, afin de rétablir l'équilibre du système de retraite et de conforter son existence et sa pérennité.
Au-delà de ces réflexions, les travaux de fond que nous avons engagés pour moderniser les organisations et la gestion des prestations se poursuivent.
Je pense, par exemple, au chantier de l'unification du recouvrement, qui se traduira par le transfert des prélèvements sociaux autour de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS. C'est ainsi que le recouvrement de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse – CIPAV – sera transféré à l'ACOSS en 2023. Avec les autres ministres compétents, j'aurai très certainement l'occasion de saisir la direction de la CIPAV afin que les travaux techniques puissent commencer sans délai.
Ces travaux prépareront notamment la mesure de transfert qui sera intégrée dans la loi de financement de la sécurité sociale de l'an prochain. L'unification du recouvrement se traduira par la création d'un portail commun du recouvrement pour tous les prélèvements fiscaux et sociaux. Ce portail vient d'être sélectionné pour un financement du Fonds pour la transformation de l'action publique.
Je pense aussi à l'évolution de nos infrastructures informatiques et numériques, notamment à la base de ressources mensuelles que nous avons créée, qui permettra de calculer les prestations sous conditions de ressources à partir de données de revenu fiables et actualisées. Cette base sera utilisée pour la première fois l'an prochain pour le calcul des aides au logement, mais son usage sera généralisé à l'avenir.
Je pense enfin aux projets de simplification. Certains font l'objet de mesures dès cette année : la fusion des déclarations sociales et fiscales des revenus des exploitants agricoles ; la création d'une nouvelle modalité déclarative pour les activités annexes d'un très faible montant.
D'autres mesures, qui ne figurent pas dans le texte cette année, sont tout aussi structurantes.
Je pense à l'expérimentation de la contemporanéisation du crédit d'impôt pour services à la personne, que vous avez adoptée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et qui a commencé dans les deux départements sélectionnés. Cette expérimentation doit permettre un dispositif pleinement opérationnel et généralisé à compter de 2022. Je pense aussi à la lutte contre la fraude, qui a progressé à un rythme pouvant encore être accéléré. Nous sommes ouverts aux propositions et prêts à accompagner les travaux des différentes caisses en la matière.
Le PLFSS que nous vous présentons, Olivier Véran et moi-même, fait apparaître des chiffres exceptionnels et une situation financière dégradée avec des perspectives de rétablissement à moyen et long terme. Il offre surtout la possibilité d'offrir de nouveaux droits aux assurés sociaux et aux Français, tout en continuant à moderniser profondément l'organisation de notre système de protection sociale. Je ne doute pas que nos travaux permettront de l'enrichir.