Après trois PLFSS décevants, le budget de la sécurité sociale pour 2021 est-il à la hauteur de la crise sanitaire ? Vous dites qu'il s'agit d'un budget historique, mais ce qui est historique, c'est la dérive des finances sociales. Ce qui est historique, c'est de produire de la dette encore et toujours. Comment, d'ailleurs, construire un véritable budget sur la base d'hypothèses qui varient sans cesse ? Je rappelle que le précédent ministre chargé des comptes publics tablait en juin sur un déficit de la sécurité sociale de 52,2 milliards d'euros en 2020, estimation que vous avez depuis ramenée à 44,4 milliards d'euros. C'est sans aucun doute ce montant colossal qui constitue un record historique.
Nous sommes confrontés à une incertitude persistante quant aux conséquences sanitaires et économiques de l'épidémie. Le Gouvernement a déjà dû, au cours du deuxième trimestre 2020, modifier à trois reprises le cadrage macroéconomique de la loi de finances. À l'heure où le président du Haut Conseil des finances publiques souligne que « les perspectives de croissance de l'économie française sont entourées d'aléas extérieurs défavorables », qui peut prévoir, en toute conscience, l'avenir de l'épidémie et l'ampleur de la reprise économique ? Ni vous, ni nous.
On ne peut qu'être saisi de vertige par les déficits abyssaux de nos finances sociales : en 2020 : 30 milliards d'euros de déficit pour la branche maladie, 7,9 milliards pour la branche retraite et un ONDAM qui bondit à 7,6 % au lieu des 2,45 % initialement prévus dans la LFSS pour 2020. En 2021, il faudra dépenser 4,3 milliards d'euros pour continuer à gérer la crise, notamment pour acheter les masques, effectuer les tests et pour mener une éventuelle campagne de vaccination. Une dotation de 7,9 milliards d'euros est destinée à financer les accords du Ségur, dont la médecine de ville est la grande oubliée.
Si le Ségur de la santé aidera l'hôpital public, qui en a bien besoin, il ne prévoit en effet aucune mesure susceptible de rassurer la médecine libérale. La baisse de l'activité des soins de ville pendant le confinement a entraîné une réduction des dépenses de la sécurité sociale, à hauteur de 4,3 milliards d'euros. Aussi est-ce une faute politique que de ne pas aider, soutenir ni valoriser la médecine de ville. Ses représentants vous le font d'ailleurs savoir lorsqu'ils expliquent que l'article 33 du texte constitue pour eux un casus belli.
Au total, le Gouvernement prévoit, en 2021, un ONDAM en hausse de 3,5 % et un montant de dépenses de 224,6 milliards d'euros.
Dans un tel contexte, il faut s'attendre à ce que le déficit de l'assurance maladie atteigne 19 milliards d'euros et celui de l'assurance vieillesse, 7,3 milliards. Le perspective d'un retour à l'équilibre paraît bien chimérique. Aussi est-ce une présentation très étrange qui a été faite à la presse : alors que le déficit de la sécurité sociale devait pulvériser tous les records, le ministre de la santé n'en prétend pas moins être le ministre de l'équilibre des comptes sociaux.
Un petit rappel de la situation avant la crise du covid-19 s'impose : naguère, les mêmes nous promettaient, pour tout de suite, l'équilibre des comptes avant d'en rabattre et de finalement nous conduire vers une dette durable. Je vous avais précédemment mis en garde contre l'effet en trompe-l'oeil de la croissance qui n'aurait pas dû dispenser le Gouvernement d'entreprendre les nécessaires réformes structurelles. Celui-ci nous assurait que le redressement serait plus rapide que prévu. Souvenez-vous, il nous promettait même des comptes excédentaires. Or vous avez fait supporter indûment par la sécurité sociale la crise des gilets jaunes. Ainsi, avant la crise sanitaire, les comptes pour 2020 devaient encore être dans le rouge, puisque le budget était construit sur la base d'un déficit de 5,4 milliards d'euros pour la sécurité sociale. Les perspectives d'un retour à l'équilibre étaient déjà repoussées à 2024. Voilà la réalité !
Aujourd'hui, la crise sanitaire reste au coeur du chiffrage budgétaire. Les recettes de la sécurité sociale s'effondrent et accusent un manque à gagner lié à l'évolution des revenus d'activité et de la fiscalité. Ses ressources, déjà très sensibles aux variations de la conjoncture faute de réformes structurelles, restent évidemment tributaires de l'ampleur de la récession économique.