La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.
La crise sanitaire et économique que nous traversons depuis plusieurs mois a durement affecté les comptes de la branche vieillesse de la sécurité sociale qui, je le rappelle, représentent près de la moitié des dépenses de sécurité sociale, tous régimes obligatoires de base confondus. Même s'il faut rester très prudent sur les chiffres, le déficit de la branche atteindrait 9,6 milliards d'euros en 2020, dont 7,9 milliards au titre du régime général. Toutefois, si on prend en compte l'ensemble du système de retraite, ce déficit atteindrait, selon une note d'étape publiée la semaine dernière par le Conseil d'orientation des retraites – COR – , plus de 25 milliards d'euros. Ces déficits sont de toute façon sans commune mesure avec les soldes enregistrés ces dernières années. De même, le déficit du fonds de solidarité vieillesse – FSV – , qui assure le financement des dispositifs relevant de la solidarité nationale, notamment le minimum vieillesse, devrait atteindre 3,2 milliards d'euros, soit le double de celui de 2019.
Comment expliquer une telle situation ? Elle est due à l'évolution divergente des recettes et des dépenses de la branche : les premières, en particulier les cotisations sociales, ont fortement diminué – de 2,3 % – à cause du ralentissement de l'activité économique, tandis que les dépenses des caisses de retraite continuaient à progresser à un rythme soutenu – de 2,5 %. Notons que le transfert de la soulte du régime des industries électriques et gazières du Fonds de réserve pour les retraites – FRR – à la Caisse nationale d'assurance vieillesse – CNAV – pour un montant de 5 milliards, acté dans le cadre de la loi du 7 août dernier relative à la dette sociale et à l'autonomie, a toutefois permis de limiter la dégradation du solde de la branche.
En l'absence de mesures fortes pour maîtriser les dépenses, les comptes de la branche vieillesse devraient durablement rester dans le rouge. Alors que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – prévoit une hausse de l'ordre de 2 % des dépenses de retraite en 2021, le déficit annuel du régime général devrait rester supérieur à 7 milliards d'euros jusqu'en 2024. En raison du poids de la branche vieillesse dans les comptes de la sécurité sociale, qui sont durablement dégradés, il sera donc nécessaire, une fois la crise sanitaire maîtrisée, de réexaminer la situation financière de notre système de retraite et d'engager de nouvelles discussions avec les partenaires sociaux pour réguler les dépenses de retraite à moyen terme, et ce indépendamment de la réforme systémique de la retraite à points.
Malgré la dégradation pérenne du solde de la branche, le Gouvernement n'a pas souhaité cette année procéder à des mesures de maîtrise des dépenses de retraite comme il l'avait fait lors des dernières lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, en 2021, l'ensemble des pensions de retraite de base seront bien indexées sur l'inflation, estimée à 0,6 %. Dans l'attente d'une relance de la réforme des retraites, suspendue en mars dernier après son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a axé ce PLFSS sur les mesures issues des accords du Ségur de la santé, choisissant donc de n'introduire aucune mesure spécifique affectant l'assurance vieillesse.
Cependant, la branche vieillesse agit aussi pour prévenir la perte d'autonomie et, à l'heure de la création de cette cinquième branche de la sécurité sociale, j'ai souhaité m'intéresser plus particulièrement à une mission souvent méconnue des caisses de retraite : la prévention de la perte d'autonomie. La CNAV consacre chaque année un budget de 400 millions d'euros en activités de prévention de la perte d'autonomie. Ce montant, j'en conviens, est faible au regard des dépenses globales de la caisse, mais il contribue à la politique nationale de soutien à l'autonomie, et ce de manière concrète. Ces 400 millions sont à ajouter aux dépenses en ce domaine de l'AGIRC-ARRCO – l'Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés – ou encore la mutuelle sociale agricole – MSA. Les caisses de retraite accompagnent en effet les individus au moment de leur passage à la retraite, les aident à préserver leur santé et à rester vivre chez eux en finançant, par exemple, des programmes d'adaptation du logement, comme l'aménagement des salles de bains, ou des services de portage de repas à domicile ; en somme, elles favorisent le bien vieillir.
Il est intéressant de noter que si le chemin est encore long avant une éventuelle mise en place d'un système universel de retraite, les caisses des différents régimes développent ensemble chaque année, avec d'autres organismes sociaux, des actions transversales notamment pour prévenir la perte d'autonomie. La qualité des actions de prévention menées par les caisses de retraite doit inviter les concepteurs de la cinquième branche à préserver leur rôle et à capitaliser sur leur expérience. La récente collaboration de la CNAV avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – dans la mise en place d'un formulaire national unique de demande de prestation pour les personnes âgées vivant à domicile et ayant besoin d'une aide extérieure démontre que les caisses de retraite travaillent de manière constructive avec les principaux acteurs de l'autonomie pour développer de nouveaux services qui facilitent la vie de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.
C'est un honneur pour moi de m'exprimer comme rapporteur de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite « AT-MP ». Il s'agit, je le rappelle, du premier risque assuré historiquement sur le plan collectif, la première loi relative aux accidents du travail datant de 1898. La branche AT-MP est fortement touchée, comme les autres branches du régime général, par la crise sanitaire que nous traversons. Alors qu'elle était structurellement excédentaire depuis 2013, elle a vu ses recettes largement affectées par la crise, provoquant un déficit inédit de 290 millions d'euros. C'est la conséquence du rôle d'amortisseur social et économique que joue la sécurité sociale, notamment la branche AT-MP. Heureusement, celle-ci devrait rapidement renouer avec un solde excédentaire puisque l'augmentation de ses recettes est attendue à hauteur d'un milliard d'euros en 2021. Elle bénéficiera notamment de l'effet favorable du Ségur de la santé sur ses recettes de cotisations et de contributions sociales. La branche devrait ainsi dégager un excédent de 500 millions d'euros en 2021, lequel serait croissant jusqu'en 2024, ce dont je me réjouis. Il est en effet plus que jamais essentiel qu'elle poursuive et renforce ses missions de prévention et de réparation.
La branche AT-MP, on le sait, a joué un rôle important dans la réponse à la crise sanitaire. Elle a, par exemple, mis en place une subvention intitulée « Prévention COVID », qui prend en charge 50 % de l'investissement réalisé par les petites et moyennes entreprises pour instaurer des mesures barrières et des mesures d'hygiène. Il est essentiel de continuer à aider nos entreprises à protéger au mieux leurs salariés. La relance de l'économie doit en effet aller de pair avec un renforcement de la protection de tous ceux et celles qui y contribuent. La branche a également participé à la construction du dispositif de reconnaissance du covid-19 comme maladie professionnelle, une avancée indéniable pour les victimes même si le dispositif est jugé restrictif et imparfait par un certain nombre d'acteurs. Un premier bilan de celui-ci sera établi fin novembre ou début décembre 2020 ; il faudra alors en tirer toutes les conséquences.
Au-delà des actions de lutte contre l'épidémie, la branche est aujourd'hui confrontée à deux principaux enjeux : le renforcement de la prévention et l'amélioration de la reconnaissance des AT-MP de manière équitable sur l'ensemble du territoire. Des évolutions encourageantes sont intervenues au cours des dernières années, les politiques de promotion de la santé au travail et de réparation des risques professionnels portent leurs fruits, mais les AT-MP sont encore trop nombreux… Pour rappel, au titre du seul régime général, 1,1 million d'accidents du travail – y compris les accidents de trajet – ou de maladies professionnelles ont été reconnus en 2019, dont près des trois quarts ont donné lieu à un arrêt de travail. Il est nécessaire d'oeuvrer pour réduire encore leur fréquence et leur gravité.
À ce titre, je me félicite que le PLFSS 2021 contienne un article visant à améliorer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. En effet, l'article 34 prévoit, pour lutter contre la pénurie de médecins du travail, d'expérimenter dans quatre caisses de la MSA un élargissement des missions des infirmiers en santé au travail. Il s'agit du seul article du PLFSS sur le sujet car une réforme en profondeur de la santé au travail est engagée en parallèle, les négociations à ce sujet ayant commencé récemment entre les partenaires sociaux. J'espère que nous pourrons très prochainement débattre de cette réforme ici même, dans la lignée de la résolution que nous avons votée le 24 juin dernier, à l'initiative de nos collègues Charlotte Lecocq, Carole Granjean et Cendra Motin.
II est également essentiel d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles et l'équité de leur réparation. Vous savez que je suis particulièrement sensible au sujet de l'amiante, trop présente dans le Dunkerquois, ma circonscription. La nocivité de l'amiante est désormais connue, tout comme l'ampleur de la catastrophe sanitaire liée à son utilisation massive. Un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, a été créé pour assurer la réparation des préjudices subis par les victimes de l'amiante. Depuis sa création, il a adressé près de 250 000 offres d'indemnisation. Mais je m'inquiète que le PLFSS 2021 fixe la dotation de la branche AT-MP au FIVA à 220 millions d'euros l'an prochain alors que la commission des comptes de la sécurité sociale préconisait un maintien de la dotation au même niveau qu'en 2020, soit 260 millions d'euros, que la crise sanitaire a eu un très fort impact sur le fonctionnement du fonds et qu'il est urgent de réduire les délais de traitement des dossiers en instance.
À la lecture des amendements déposés, j'ai vu qu'un certain nombre d'entre vous sont attachés à ce que le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides soit mis en place le plus rapidement possible. La publication du décret d'application est annoncée pour les prochains jours, ce dont je me félicite. Nous discuterons cette semaine d'amendements visant à élargir, dès maintenant, le périmètre de ce fonds, même si cela me paraît prématuré en l'état des connaissances scientifiques.
Enfin, en tant que rapporteur de la branche, j'ai souhaité déposer un amendement tendant à simplifier les déclarations des arrêts de travail AT-MP et à développer la dématérialisation. Je pense que nous saurons nous rejoindre, monsieur le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, mes chers collègues, sur une telle proposition.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.
La parole est à Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Tester, alerter, protéger. Telle est la stratégie définie par le Président de la République avec le Gouvernement pour lutter contre le covid-19 qui, depuis huit mois, a plongé le monde entier dans une crise sanitaire, économique et sociale comme nous n'en avions jamais connue. Cette crise nous a imposé un choix difficile économiquement, socialement et psychologiquement : celui d'un confinement généralisé au printemps, et maintenant d'un couvre-feu dans plusieurs de nos métropoles. Alors que grâce à la politique menée par la majorité et le Gouvernement, l'objectif d'équilibre des comptes de la sécurité sociale n'avait jamais été aussi proche d'être atteint, avec un déficit de 1,9 milliard contre 5,4 milliards prévus initialement, nous avons décidé de protéger les Français, « quoi qu'il en coûte ».
Nous avons décidé de protéger des vies en testant massivement les Français et, malgré les polémiques, les chiffres sont là : plus de 13 millions de tests ont été réalisés en France et intégralement pris en charge par l'assurance maladie.
Plus de 15 milliards d'euros, toutes mesures confondues, ont déjà été dépensés pour répondre à la crise sanitaire.
Mais ce PLFSS va plus loin, en rendant plus accessibles les médicaments les plus innovants pour soigner tous ceux pour qui cela constitue plus qu'un espoir, en continuant le travail sur le reste à charge des patients à l'hôpital, le rationalisant et le baissant pour les personnes dont la santé est la plus fragile, en créant une nouvelle branche pour mieux accompagner le handicap et la perte d'autonomie, et en posant les bases d'une gouvernance qui restera à consolider dans les prochains mois par la grande loi, tant attendue par les Français, sur le grand âge et l'autonomie.
Nous avons décidé de protéger les emplois parce que cette crise économique inédite, c'est aussi nous qui l'avons créée en mettant notre économie sur pause pendant plusieurs mois pour protéger les plus fragiles. La décision a eu un effet immédiat sur les recettes de l'ensemble des régimes de sécurité sociale en provoquant une contraction de 6,9 % des salaires du privé en 2020 et une perte fiscale générant une dette de 44 milliards cette année.
Mais la clé de la reprise est entre nos mains, nous l'avons vu au troisième trimestre avec un rebond exceptionnel de notre économie. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi d'accompagner les entreprises via des allégements, des exonérations et des reports de charges massifs, à hauteur de 5 milliards en 2020, puis en 2021, intégralement compensés par le budget de l'État.
Nous avons décidé de protéger ceux qui nous soignent, qui ont été en première ligne et qui le sont toujours. Nous les avons applaudis tous les soirs pendant le confinement : il s'agit des médecins, des infirmiers, des aides-soignants, des auxiliaires de vie, des agents d'entretien, des coordinateurs, des agents administratifs et de tous ceux qui, dans les hôpitaux, dans les EHPAD et en ville, se sont mobilisés sans compter pour les malades.
L'hôpital, dont nous avions entendu la souffrance en 2019, a été un rempart héroïque face à l'épidémie. Après le vote d'un premier plan d'urgence en décembre 2019, l'assurance d'un engagement fort sur la progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM – et la confirmation de la reprise de 13 milliards d'euros de dette des établissements hospitaliers en juillet 2020, il était nécessaire de faire plus pour les hommes et les femmes qui ont à nouveau montré leur dévouement à leur mission.
À l'issue du Ségur de la santé, plus de 7 milliards d'euros seront mobilisés pour tenir les promesses qui ont été faites en matière de revalorisation des salaires. Dès le mois de décembre, une augmentation de 183 euros sera effective pour tous les personnels – soignants et non-soignants, titulaires et contractuels, travaillant en hôpital ou en EPHAD. Elle atteindra 160 euros pour ceux exerçant dans le secteur privé lucratif.
Mais le Ségur de la santé prépare aussi la santé de demain, dans la lignée de la stratégie « ma santé 2022 », dont le déploiement se poursuit cette année : 6 milliards seront investis pour financer des projets rapprochant ville et hôpital, pour favoriser l'essor du numérique en santé – qui est par exemple encouragé par la prolongation pour deux ans de la prise en charge intégrale des téléconsultations – et pour transformer et rénover les EHPAD.
Enfin, en consacrant, conjointement avec les départements, 80 millions d'euros au paiement d'une prime exceptionnelle aux salariés des services d'aide à domicile, l'État fait un geste de reconnaissance à tous ceux qui ont protégé nos aînés en leur permettant de rester chez eux. Mais nous devons faire plus et mieux pour ceux qui ont mérité d'être mieux reconnus par notre société, tant leur rôle est éminemment humain et essentiel pour des millions de familles.
Mes chers collègues, nombreux sont les superlatifs qui pourraient nous venir aux lèvres au vu des chiffres contenus dans ce PLFSS.
Pour ma part, je crois que ce texte est tout simplement à la hauteur : à la hauteur du choc que nous avons subi, des combats qui nous restent à mener et des enjeux de la société de demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
C'est dans un contexte très particulier de crises sanitaire, économique et sociale que nous nous apprêtons à examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Au vu de cette situation exceptionnelle, ce texte doit nous permettre de répondre à des défis majeurs en renforçant notre système de soins et notre système de protection sociale. Tel est en effet l'axe central du PLFSS pour 2021, qui fixe un objectif national de dépenses pour la sécurité sociale inédit, voire exceptionnel – pour reprendre le terme employé par le ministre Olivier Véran.
Face à ce constat, la commission des affaires sociales doit, plus que jamais, jouer un rôle moteur au sein de l'Assemblée nationale. À l'issue des réunions qui se sont tenues la semaine dernière dans le cadre de l'examen du texte en commission, je remercie les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux. Je songe en premier lieu à M. Thomas Mesnier, rapporteur général, ainsi qu'aux rapporteurs thématiques, Mme Caroline Janvier et Mme Monique Limon ainsi que M. Cyrille Isaac-Sibille et M. Paul Christophe. Je remercie bien évidemment l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales pour les échanges riches et intenses que nous avons eus, ainsi que les administrateurs de la commission, qui réalisent toujours un travail considérable et de qualité.
Les quelque dix-neuf heures de discussion en commission ont sans aucun doute permis de faire évoluer nos réflexions, dans le respect de chacun, et ce malgré les divergences d'opinions – il me paraissait important de le souligner. La tâche n'était pas simple, rappelons-le : sur les cinquante et un articles du projet de loi, 1 245 amendements ont été déposés et 528 ont été mis en discussion. La différence significative entre ces deux chiffres est, comme vous le savez, due à l'application rigoureuse des règles de recevabilité constitutionnelle et organique – règles très strictes, qui s'appliquent à l'ensemble des députés sur ces bancs : tous les groupes politiques, sans exception, sont concernés. Cependant, l'examen de ces 528 amendements a permis d'aborder un très grand nombre de thèmes et tous les membres de la commission ont, me semble-t-il, pu poser sans aucune restriction les questions qu'ils souhaitaient.
Ces nombreuses heures de discussion nous ont également conduits – c'est un point essentiel – à adopter trente-cinq amendements émanant de six groupes politiques différents.
Nous avons ainsi amélioré le texte en plusieurs points importants : les travaux en commission ont permis plusieurs avancées. Je songe notamment au renforcement de la transparence concernant les investissements publics dont les laboratoires pharmaceutiques bénéficient lors du développement d'un médicament, mais également au rétablissement du versement anticipé de la prime de naissance, qui avait été défendu par notre ancien collègue Gilles Lurton.
Par ailleurs, à travers plusieurs demandes de rapports, la commission a unanimement exprimé son intérêt pour la revalorisation des carrières et des métiers des secteurs social, médico-social et sanitaire.
Parmi les dispositions adoptées par la commission, n'oublions pas l'extension du tiers payant sur la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire aux frais relatifs à une interruption volontaire de grossesse – une mesure défendue par notre collègue Marie-Pierre Rixain à l'issue des travaux de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mentionnons également l'adoption d'amendements visant à renforcer l'arsenal de dispositifs permettant de lutter contre les fraudes, qui font suite aux travaux de la commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales.
Vous l'aurez compris, chers collègues, ces dix-neuf heures d'examen en commission furent denses et riches. Il nous revient désormais, en séance, de poursuivre cette dynamique afin d'améliorer, avec l'aide du Gouvernement, le PLFSS pour 2021. Je pense tout particulièrement aux professionnels des services d'accompagnement et d'aide à domicile, pour lesquels nous devons absolument agir. Tous les députés présents sur ces bancs sauront, je le sais, parvenir à un consensus pour répondre à l'urgence de leur situation.
Enfin, l'intégration des décisions prises dans le cadre du Ségur de la santé, la pérennisation et le développement des maisons de naissance, l'extension du congé de paternité, la mise en place progressive de la cinquième branche de la sécurité sociale, mais également la reprise de la dette des établissements de santé assurant le service public hospitalier, constituent autant d'engagements forts qu'il nous faut réaffirmer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai reçu de M. Damien Abad et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Door.
Changeons un peu de musique. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 traduit l'action du Gouvernement, qui tente de répondre aux crises sanitaire et économique. Il me revient, au nom de mon groupe, d'en défendre la motion de rejet préalable. Il s'agit là d'un exercice démocratique incontournable, non à cause des modalités d'examen du texte dans le contexte sanitaire actuel ni des mesures arrêtées dans le cadre du Ségur de la santé, mais en raison de la construction budgétaire du PLFSS, lequel trace une trajectoire financière qui ne laisse entrevoir nul retour à l'équilibre des comptes. Or nous faisons de ce dernier point notre totem.
La réponse tardive apportée par l'État au début de la pandémie n'a pas respecté l'organisation prévue par le plan « pandémie grippale » de 2011, lequel avait pourtant vocation à constituer une aide à la prise de décision pour l'ensemble des acteurs et à guider ces derniers dans leurs missions respectives. Au lieu d'anticiper afin de casser les chaînes de contamination, l'exécutif semble pris de court depuis février : il donne le sentiment d'être devancé par la propagation du covid-19, ce qui a conduit certains acteurs – y compris un ancien ministre de la santé – à estimer qu'il cumule mauvaise administration de l'événement et gestion de crise éloignée des principes fondamentaux.
En 2007, nous avions créé l'EPRUS – l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – , qui avait deux fonctions essentielles : la gestion de la réserve sanitaire et celle des stocks stratégiques de produits de santé. Ainsi, en décembre 2010, nous disposions d'un stock d'un milliard de masques chirurgicaux et de 723 millions de masques de protection FFP2 – pièce faciale filtrante de seconde classe. Dès lors, comment comprendre que le stock national de masques constitué par l'EPRUS ait fondu comme neige au soleil entre 2011 et 2019 ? Comment accepter que de nombreux masques aient pu être détruits à la veille de l'épidémie, voire au début de celle-ci ?
La lutte contre l'épidémie a été présentée aux Français comme une guerre. C'en est bien une. Or les soignants ont été envoyés au combat contre le covid-19 sans armes, sans masques et sans surblouses – je ne mentionnerai pas les pénuries de produits anesthésiants. Des milliers d'entre eux ont été contaminés à l'hôpital et dans les cabinets médicaux. Quarante-six médecins sont décédés. Merci à eux de nous avoir protégés et soignés.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Le Gouvernement a sous-estimé l'ampleur de la crise sanitaire et il a perdu la bataille des masques. Souvenez-vous des discours qui évoquaient un accessoire inutile, dont les Français ne sauraient pas se servir !
Le Gouvernement a échoué dans la mise en oeuvre de sa stratégie de dépistage. Il a aussi perdu la bataille des tests, quand d'autres pays ont su enrayer les contaminations. « Testez tous les cas suspects », recommandait l'OMS – l'Organisation mondiale de la santé – au moment où la direction générale de la santé – DGS – prétendait qu'« en circulation active, le test n'a pas beaucoup d'intérêt ».
Après trois PLFSS décevants, le budget de la sécurité sociale pour 2021 est-il à la hauteur de la crise sanitaire ? Vous dites qu'il s'agit d'un budget historique, mais ce qui est historique, c'est la dérive des finances sociales. Ce qui est historique, c'est de produire de la dette encore et toujours. Comment, d'ailleurs, construire un véritable budget sur la base d'hypothèses qui varient sans cesse ? Je rappelle que le précédent ministre chargé des comptes publics tablait en juin sur un déficit de la sécurité sociale de 52,2 milliards d'euros en 2020, estimation que vous avez depuis ramenée à 44,4 milliards d'euros. C'est sans aucun doute ce montant colossal qui constitue un record historique.
Nous sommes confrontés à une incertitude persistante quant aux conséquences sanitaires et économiques de l'épidémie. Le Gouvernement a déjà dû, au cours du deuxième trimestre 2020, modifier à trois reprises le cadrage macroéconomique de la loi de finances. À l'heure où le président du Haut Conseil des finances publiques souligne que « les perspectives de croissance de l'économie française sont entourées d'aléas extérieurs défavorables », qui peut prévoir, en toute conscience, l'avenir de l'épidémie et l'ampleur de la reprise économique ? Ni vous, ni nous.
On ne peut qu'être saisi de vertige par les déficits abyssaux de nos finances sociales : en 2020 : 30 milliards d'euros de déficit pour la branche maladie, 7,9 milliards pour la branche retraite et un ONDAM qui bondit à 7,6 % au lieu des 2,45 % initialement prévus dans la LFSS pour 2020. En 2021, il faudra dépenser 4,3 milliards d'euros pour continuer à gérer la crise, notamment pour acheter les masques, effectuer les tests et pour mener une éventuelle campagne de vaccination. Une dotation de 7,9 milliards d'euros est destinée à financer les accords du Ségur, dont la médecine de ville est la grande oubliée.
Si le Ségur de la santé aidera l'hôpital public, qui en a bien besoin, il ne prévoit en effet aucune mesure susceptible de rassurer la médecine libérale. La baisse de l'activité des soins de ville pendant le confinement a entraîné une réduction des dépenses de la sécurité sociale, à hauteur de 4,3 milliards d'euros. Aussi est-ce une faute politique que de ne pas aider, soutenir ni valoriser la médecine de ville. Ses représentants vous le font d'ailleurs savoir lorsqu'ils expliquent que l'article 33 du texte constitue pour eux un casus belli.
Au total, le Gouvernement prévoit, en 2021, un ONDAM en hausse de 3,5 % et un montant de dépenses de 224,6 milliards d'euros.
Dans un tel contexte, il faut s'attendre à ce que le déficit de l'assurance maladie atteigne 19 milliards d'euros et celui de l'assurance vieillesse, 7,3 milliards. Le perspective d'un retour à l'équilibre paraît bien chimérique. Aussi est-ce une présentation très étrange qui a été faite à la presse : alors que le déficit de la sécurité sociale devait pulvériser tous les records, le ministre de la santé n'en prétend pas moins être le ministre de l'équilibre des comptes sociaux.
Un petit rappel de la situation avant la crise du covid-19 s'impose : naguère, les mêmes nous promettaient, pour tout de suite, l'équilibre des comptes avant d'en rabattre et de finalement nous conduire vers une dette durable. Je vous avais précédemment mis en garde contre l'effet en trompe-l'oeil de la croissance qui n'aurait pas dû dispenser le Gouvernement d'entreprendre les nécessaires réformes structurelles. Celui-ci nous assurait que le redressement serait plus rapide que prévu. Souvenez-vous, il nous promettait même des comptes excédentaires. Or vous avez fait supporter indûment par la sécurité sociale la crise des gilets jaunes. Ainsi, avant la crise sanitaire, les comptes pour 2020 devaient encore être dans le rouge, puisque le budget était construit sur la base d'un déficit de 5,4 milliards d'euros pour la sécurité sociale. Les perspectives d'un retour à l'équilibre étaient déjà repoussées à 2024. Voilà la réalité !
Aujourd'hui, la crise sanitaire reste au coeur du chiffrage budgétaire. Les recettes de la sécurité sociale s'effondrent et accusent un manque à gagner lié à l'évolution des revenus d'activité et de la fiscalité. Ses ressources, déjà très sensibles aux variations de la conjoncture faute de réformes structurelles, restent évidemment tributaires de l'ampleur de la récession économique.
À vingt et une heures trente-cinq, M. Marc Le Fur remplace M. David Habib au fauteuil de la présidence.
Cet été, le Gouvernement a décidé, en faisant adopter les deux lois relatives à la dette sociale, d'ajouter 136 milliards d'euros de dettes au trou de la sécurité sociale. Ce montant est transféré à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale créée en 1996 pour apurer la dette de la sécurité sociale qui ne devait être que provisoire. Le remboursement serait aujourd'hui repoussé non plus à 2024, mais à 2033, sinon à une date ultérieure. Or le transfert couvre non seulement les déficits passés, mais encore des déficits sociaux prévisionnels liés à la crise actuelle ainsi que des investissements dans les établissements publics de santé décidés dans le cadre du Ségur de la santé. Il s'agit aussi d'une reprise de dette des hôpitaux qui n'est pas du ressort de la caisse d'assurance maladie mais relève exclusivement de la compétence de l'État. Autrement dit, la CADES vous sert de fourre-tout pour camoufler l'amortissement d'une partie de la dette publique. Je vous l'avais dit au mois de juillet dernier.
Monsieur le ministre délégué, nous demandons au moins le détail précis des transferts de dettes à la CADES.
Dans ces conditions, l'on ne peut qu'être sceptique sur la réalité de la cinquième branche, consacrée à la perte d'autonomie. L'ensemble des sources de financement n'est pas connu. Il ne s'agit en fait que d'un ripolinage maladroit de la CNSA, auquel vous comptez transférer en 2021 le versement de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé – AEEH – soit 1,2 milliard d'euros, alors que les acteurs de la branche famille sont vent debout, ainsi que celui des dépenses relatives aux EHPAD.
C'est une vingtaine de milliards d'euros de déficit qui sont à prévoir pour la sécurité sociale dans les années à venir, sans compter le mystère entretenu d'une future « loi grand âge » censée arriver « plus tard ». La précipitation éminemment politique de l'annonce de cette cinquième branche s'est imposée avant même qu'une vision n'ait été définie : vous signez des chèques en bois, ce qui n'est vraiment pas la marque d'une bonne politique financière.
Quel sera le sort de la réforme de l'assurance chômage, dont les finances sont ravagées par la crise ? Qu'en est-il de l'aide aux jeunes dans ce cafouillage au sommet de l'État ? Enfin la question du financement des retraites reste entière avec un solde financier accusant un déficit qui plonge cette année à plus de 25 milliards, et qui restera supérieur à 10 milliards par an jusqu'en 2024.
La dégradation de la situation financière menace d'ébranler des fondations qui sont creusées dans du sable. Combien faudra-t-il de budgets rectificatifs pour coller à la réalité mouvante des prochains mois ? Il est dès lors légitime, d'autant que la charge de l'intérêt semble la rendre plus facile, de s'interroger sur l'entrée dans un processus de dettes à perpétuité et sur ses répercussions sur la crédibilité économique et politique de notre pays. C'est à juste titre que la Cour des comptes s'inquiète de la soutenabilité de notre dette. Monsieur le ministre délégué, vous devriez écouter son Premier président qui juge impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur les rails de l'équilibre financier, alors que la dette sociale est aujourd'hui de près de 400 milliards d'euros – 396 milliards pour être précis. Écoutez aussi les complémentaires qui s'opposent à votre texte et à la taxation qui leur est imposée !
J'ai consacré une grande partie de ma vie à la médecine avec enthousiasme et bonheur. J'ai consacré mes mandats parlementaires à débattre, chaque année depuis vingt ans, des projets de loi de financement de la sécurité sociale. J'ai vu la situation se dégrader et la dette sociale exploser, fardeau qui reposera malheureusement sur les épaules de nos enfants et de nos petits-enfants. En attendant, on se soigne avec de la dette, mais j'affirme qu'un jour, mesdames et messieurs, il faudra rendre des comptes. Comme le disait Sun Tzu, on n'est frappé que par le destin que l'on n'a pas su maîtriser. C'est pour cela que je vous invite à voter la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par les groupes La République en marche et Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Valérie Rabault.
Vous avez innové depuis le début de cette législature en nommant un rapporteur général pour l'examen du PLFSS ; pour autant, nous ne disposons d'aucune consolidation claire des données chiffrées.
L'étude d'impact présentée par le Gouvernement évalue les articles du texte à partir de l'article 3. Autrement dit, elle ne porte pas sur les articles financiers, comme s'ils n'avaient pas d'importance. Monsieur le ministre délégué, vous qui êtes chargé du budget, vous devriez être sensible à cet argument. Vous présentez un PLFSS sans projections financières claires. Cette année plus qu'une autre, votre texte aurait mérité d'être accompagné d'un tableau de synthèse particulièrement lisible.
Le PLFSS pour 2021 comporte une hausse de dépenses de 10 milliards d'euros : tout le monde vous accorde qu'une part de cette augmentation est liée à des dépenses conjoncturelles dues à la crise sanitaire. Cela dit, je crois qu'il n'aurait pas été impossible de dresser un tableau indiquant clairement ce qui, dans les 224 milliards, était fléché, d'une part, vers le conjoncturel et la crise du covid-19, et, d'autre part, vers les budgets récurrents. Ce tableau n'existe pas.
On ne le trouve ni dans l'étude d'impact ni dans le rapport du rapporteur général. Pourtant, être rapporteur général, c'est faire des additions et des soustractions et avoir une vision claire.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je sais de quoi je parle ; j'ai moi-même été rapporteure générale lors de la précédente législature. Il s'agit de présenter une synthèse claire et lisible à destination de l'ensemble de ses collègues. Le budget de la sécurité sociale qui nous est soumis n'est pas présenté de manière claire et intelligible. Le Gouvernement a prévu 10 milliards supplémentaires, c'est tout à son honneur, mais, chers collègues, vous devriez avoir la curiosité de savoir s'ils iront à des dépenses récurrentes ou à des dépenses conjoncturelles. C'est un minimum.
En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité des fonds publics. L'exigence de clarté devrait nous guider, en tout cas pour la première appréciation.
J'en viens à un autre sujet : vous présentez un tableau proposant 4 milliards d'euros d'économies que vous intitulez : mesures de régulation en 2021. Même Bercy, qui ose beaucoup, n'aurait pas osé faire cela. En bon français, ce sont des mesures d'économies, tout simplement…
Il s'agit d'un langage nouveau, monsieur le président, et je souhaitais signaler cette innovation à l'ensemble de nos collègues. Le groupe Socialistes et apparentés votera la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LR.
En écoutant le début de l'intervention de M. Door, j'ai cru un instant que je m'étais trompée de débat et de salle, et qu'il s'agissait d'une réunion de la mission d'information sur le covid-19. Après Sun Tzu, j'ai envie de dire que maîtriser son destin, c'est débattre des textes qui nous sont soumis, en commission – nous l'avons fait durant dix-neuf heures – , et dans l'hémicycle.
Le PLFSS est un document annuel : le PLFSS pour 2021 nous est présenté, nous devons en débattre. Le groupe Agir ensemble votera donc contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne vais pas dire en quelques minutes ce que je compte expliquer en un quart d'heure dans la discussion générale. Cependant, je considère que, pour arrêter une position définitive sur un texte, il faut que les débats aient lieu. Or je suis très sceptique sur la tenue de celui-ci.
La grande majorité des amendements du groupe UDI et indépendants ont été déclarés irrecevables…
… sur des fondements juridiques très contestables et parfois inexistants, ce qui nous condamne à un débat parcellaire sur un texte pourtant fondamental. L'article 40 de la Constitution et la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale sont interprétés de façon très restrictive. Il faut rappeler que le droit d'amender est également un droit constitutionnellement garanti.
Nous pesons donc les « pour » et les « contre » de ce texte. En l'état, avant la tenue des débats, il contient de réelles avancées : la concrétisation des annonces faites lors du Ségur de la santé, l'allongement du congé de paternité, la prise en charge complète des téléconsultations par l'assurance maladie. Toutefois, il comporte quelques manques, je dirais même beaucoup de manques : il n'y a rien sur la psychiatrie, rien sur la prévention, rien sur la décentralisation de notre système de santé, si peu sur les soins à domicile, et rien sur la perte d'autonomie, ce que nous regrettons sincèrement.
La création d'une branche de sécurité sociale dédiée à la perte d'autonomie est une attente très profonde de nos concitoyens, mais vous renvoyez toutes les mesures relatives à ce sujet à l'examen d'un projet de loi dédié, au premier semestre 2021 – ce qui signifie que le financement figurera dans le PLFSS pour 2022. Cela explique qu'en l'état, la cinquième branche reste une coquille vide.
Concernant la décentralisation de notre système de santé, le groupe UDI et indépendants défend une meilleure répartition de l'offre de soins sur le territoire par la régionalisation du budget de la santé. Cela permettrait de mieux affecter chaque dépense là où les territoires en ont le plus besoin.
Nous défendons également une baisse drastique des prélèvements obligatoires, car le coût du travail en France est prohibitif.
Beaucoup d'entreprises bénéficieront d'une exonération de charges, mais qu'en sera-t-il à long terme ? Nous ne renouerons pas avec la croissance sans décider de mesures chocs. C'est pourquoi je vous exhorte, mes chers collègues…
Votre temps de parole est écoulé. Vous pourrez de nouveau intervenir dans la discussion générale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Boris Vallaud applaudit également.
Nous attendions beaucoup du PLFSS pour 2021 parce que les personnels soignants ont manifesté leur désarroi face aux difficultés qu'ils rencontrent. Nous en attendions aussi beaucoup parce qu'il y a un mois et demi était créé un cadre budgétaire permettant d'imaginer la création de la cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à la perte d'autonomie.
Ce PLFSS devait donc donner les moyens de lutter contre l'épidémie et d'engager les réformes tant attendues de notre système de protection sociale. Notre déception est bien grande.
S'agissant de la lutte contre l'épidémie, les moyens matériels et humains proposés ne suffiront pas. Le Haut Conseil aux finances publiques estime lui-même que la dotation de 4,3 milliards d'euros dans l'ONDAM 2021 pour les masques, les tests et les vaccins ne répondra pas aux besoins. Pour ce qui est des moyens humains, il est peu de dire que les soignants sont épuisés et trop peu nombreux pour faire face aux nouvelles admissions à l'hôpital. Nous attendons toujours les recrutements annoncés lors du Ségur de la santé, et nous ne voyons pas venir le grand plan nécessaire pour embaucher et former des infirmières, des aides-soignantes… Aujourd'hui, la grande difficulté des établissements de santé reste de trouver du personnel.
Sur la partie relative à l'autonomie, notre déception est encore plus grande. Nous avions dénoncé le défaut de gouvernance, le manque de précision en matière de financement, le périmètre : eh bien, ce PLFSS confirme nos inquiétudes.
Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe Libertés et territoires votera cette motion de rejet.
On l'a dit, le débat a duré dix-neuf heures en commission, mais dix-neuf heures de débat sur quoi ? Beaucoup ont été frustrés de ne pouvoir s'exprimer sur des sujets importants parce que des amendements ont été déclarés irrecevables d'abord en commission, puis en séance publique.
Nous sommes présents, nous allons discuter, mais de nombreux sujets ne seront pas abordés.
Avec tout le respect dû à M. Dussopt, nous sommes en train de parler sans le ministre des solidarités et de la santé.
J'ai écrit mon intervention pour la discussion générale en son honneur et je me dis qu'il sera drôlement triste de ne pas l'entendre,
Sourires sur les bancs du groupe LaREM
même si je sais que, tous ici, vous serez heureux de l'écouter. Est-ce que c'est ça, maintenant, le débat à l'Assemblée nationale ? L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est si important que le ministre des solidarités et de la santé n'est même pas là.
Je ne vous étonnerai pas, au bout de vingt mois de manifestations avec mes collègues soignantes et soignants, qui étaient encore dans la rue jeudi dernier, en vous disant que je ne peux que voter la motion de rejet présentée par le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
C'est la première fois, pendant la crise, depuis le mois de mars, que nous avons l'occasion de discuter de la situation sanitaire et des dispositifs à mettre en place. À cet égard, rien n'a été fait.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Je partage l'opinion de mes collègues qui voteront la motion de rejet préalable, et le groupe GDR la votera également…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
… pour plusieurs raisons.
Nous allons la voter car nous nous retrouvons sur le constat du manque de moyens humains et matériels dans les hôpitaux. Vous pouvez consulter tous les personnels hospitaliers, à commencer par les aides-soignants : ils disent qu'ils manquent de moyens et qu'ils sont moins nombreux pour affronter la deuxième vague qu'ils ne l'étaient lors de la première. C'est cela qui ne va pas. On n'a pas pris le temps d'embaucher.
M. Boris Vallaud et M. Julien Dive applaudissent.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est exceptionnel. Intervenant dans un contexte tout à fait exceptionnel, il constitue à la fois une réponse à une crise sanitaire inédite et une anticipation. Avant la crise, la trajectoire budgétaire s'inscrivait dans un retour à l'équilibre des comptes sociaux, en vue d'un remboursement de la dette sociale à l'échéance de 2024. Les mesures prises en réponse à de fortes et légitimes attentes ont lourdement pesé sur la sécurité sociale, qui a pleinement assuré sa mission en pourvoyant à chaque situation.
Avec un déficit de plus de 44 milliards induit par la crise, nous aurions pu craindre un PLFSS d'austérité.
Or force est de constater que le PLFSS 2021 est tourné vers l'avenir et qu'il comporte des mesures fortes et bienveillantes. Je n'en citerai que quelques-unes, emblématiques de ce texte : un ONDAM inédit en progression de 6 %, la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale abondée de 31 milliards, témoin de la volonté du Gouvernement de mener une politique de soutien à l'autonomie des personnes âgées et en situation de handicap, le Ségur de la santé avec des revalorisations historiques…
… – d'ailleurs, qui sur ces bancs, professionnel de santé, peut témoigner avoir connu de telles revalorisations ? – le doublement du congé paternité pour que les hommes puissent consacrer davantage de temps à leur enfant dans les premiers jours.
Chers collègues, si la motion de rejet était acceptée, nous dirions non à près de 10 milliards de dépenses d'assurance maladie supplémentaires indispensables, non à une politique dynamique de l'autonomie, non à la revalorisation pour les professionnels des secteurs de la santé et du médico-social toujours au rendez-vous avec les Français et non au doublement du congé paternité.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche votera contre cette motion de rejet, car nous sommes pour ce PLFSS exceptionnel et pour le débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre délégué, où est votre collègue ministre des solidarités et de la santé ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous ne déniez même pas répondre. Quel mépris pour la représentation nationale !
Après avoir rappelé la mauvaise gestion de la crise sanitaire par votre gouvernement, …
Mêmes mouvements
… mon collègue Jean-Pierre Door vient fort judicieusement de vous demander de revoir votre copie pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
En effet, les oubliés et les déçus sont nombreux. Monsieur le rapporteur général, où est le budget présenté comme inédit, historique,
Mêmes mouvements
extraordinaire pour les professionnels de santé libéraux dans nos territoires ? Au contraire, vous reportez aux calendes grecques la revalorisation tant attendue. La médecine libérale est oubliée.
Où sont les réformes présentées comme les plus ambitieuses de cette année ? Rien sur les répartiteurs pharmaceutiques, dont le déficit s'accroît depuis le début du quinquennat, ce qui met en danger la chaîne du médicament dans nos territoires. Vous affirmez, monsieur le ministre délégué, ne pas reporter les déséquilibres sur les générations futures : or c'est bien ce que vous faites, avec de la dette encore et toujours ! En vérité, vous mettez en péril notre système de protection sociale.
Plus inquiétant, les prévisions budgétaires se fondent sur une absence de rebond de l'épidémie et sur une bonne reprise de l'activité économique dès 2021. Vous dites ne pas augmenter les impôts, mais vous allez augmenter les taxes qui pèsent sur les Français.
Où sont les perspectives nouvelles annoncées pour notre système de santé ? Vous semblez déconnectés des territoires.
Vous avez créé une branche autonomie qui n'en a que le nom. Par un tour de passe-passe budgétaire, vous prenez à la branche famille l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. C'est un bien mauvais départ que cette branche sous-financée et mal financée.
Vous prévoyez le doublement de la durée du congé de paternité. C'est l'arbre qui cache la forêt car les familles sont les grandes oubliées de ce quinquennat.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Telles sont les raisons pour lesquelles Les Républicains vous demandent, monsieur le ministre délégué, de revoir votre copie !
Protestations véhémentes et claquements de pupitres sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Alors que nous traversons la pire crise sanitaire de notre histoire moderne, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale doit permettre d'actionner tous les leviers nécessaires pour protéger l'ensemble de nos concitoyens. Certes, il propose une augmentation substantielle des dépenses de la sécurité sociale et dévoile un déficit très important, mais dans ces temps troublés quelle autre réponse la puissance publique peut-elle apporter ? Nos concitoyens doivent plus que jamais avoir confiance dans le bouclier que représente notre système de protection sociale.
Que dire des avancées historiques issues du Ségur de la santé, qui sont balayées d'un revers de main par le dépôt de cette motion ? Nos collègues du groupe Les Républicains devront expliquer aux milliers de soignants remarquables de courage et d'abnégation qu'ils refusent de voir leurs salaires augmenter.
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Tiens, c'est la dame qui parlait l'autre jour de l'attentat à la télévision…
Bien sûr, comme chaque année, l'ensemble des groupes, y compris le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, ont des points de vigilance à faire valoir et la volonté de modifier certaines dispositions du texte, mais cela passe par la discussion, le débat, la défense d'amendements et non par des postures politiciennes.
Notre groupe s'oppose fermement au recours à une motion de rejet et votera contre celle-ci.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l'adoption 60
Contre 123
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics souhaite prendre la parole.
J'ai passé cinquante ou soixante heures en séance depuis lundi dernier sur le projet de loi de finances et je dois dire – n'y voyez aucun jugement de valeur – que pendant tout ce temps, malgré des débats animés, à aucun moment je n'ai vécu ce que nous venons de vivre à l'instant. Je trouve donc utile, monsieur le président, de solliciter cinq minutes de suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures cinq.
Dans la discussion générale, que nous commençons dans une ambiance apaisée, la parole est à M. Joël Aviragnet.
Nous abordons cette année l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans un contexte de crise sanitaire d'une ampleur mondiale. À ce jour, notre pays compte 33 623 décès dus à l'épidémie de covid-19. Aussi, je tiens à exprimer ma solidarité à toutes les familles victimes de ce virus, ainsi qu'aux soignants qui lui font face tous les jours.
Le coronavirus a endeuillé notre pays et l'humanité tout entière ; mais il a également révélé au grand jour les défaillances de notre système de santé. La mauvaise gestion de la pénurie des masques, dès mars 2020, conjuguée aux errements de stratégie en matière de tests, a clairement aggravé la situation sanitaire, et par conséquent dégradé les comptes sociaux de notre pays – sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Je l'ai dit, le contexte dans lequel nous examinons ce PLFSS n'est pas anodin. Nous sommes face à l'une des pires crises sanitaires de notre histoire et les comptes sociaux qui nous sont présentés aujourd'hui en portent tous les stigmates. Pour 2020, le déficit de la sécurité sociale atteint 46,1 milliards d'euros ; pour 2021, il devrait s'établir à 26,4 milliards. Mais les incertitudes sont telles qu'il nous est impossible de savoir si nous serons en mesure de réduire ce déficit ou si celui-ci sera aggravé. En effet, dans vos projections, vous tablez sur un rebond de l'économie française après une récession due au confinement, mais avec le couvre-feu décidé par le Président de la République la semaine dernière, l'ensemble de votre texte est soudainement devenu très hypothétique.
Nous ne savons pas quelles seront les conséquences économiques du couvre-feu : nous ignorons sa durée complète, son impact sur l'emploi et sur les chiffres du chômage, et enfin son effet sur les recettes de la sécurité sociale. Nous sommes donc invités à nous prononcer à l'aveugle sur la situation des comptes sociaux. Je ne vous en fais pas le procès, mais pour l'information claire du Parlement, un PLFSS rectificatif sera nécessaire une fois le couvre-feu terminé.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé – absent ! – , vous défendez un texte qui présente la plus forte hausse de l'ONDAM des trente dernières années, mais aucun député sur ces bancs ne peut réellement s'en féliciter puisque cette hausse du budget de l'assurance maladie vise à répondre ponctuellement à la crise sanitaire. Chacun sait aussi qu'elle n'est pas destinée à de nouveaux recrutements à l'hôpital ni à de nouvelles ouvertures de lits. C'est pourtant le manque de lits et de personnel qui vous conduit à instaurer le couvre-feu et de nouvelles mesures restrictives de nos libertés – un non-sens absolu.
La réponse à la crise nécessite des efforts financiers, cela va de soi ; cependant, si nous voulons nous doter d'un système hospitalier capable d'affronter les crises sanitaires à venir, il faudrait changer de politique en matière de santé : mettre fin à l'austérité budgétaire réservée à nos hôpitaux et investir dans la société du soin – la société du care.
Ce PLFSS ne va pas répondre durablement aux problèmes de la sécurité sociale, et encore moins des hôpitaux. Néanmoins je salue la traduction dans ce texte des mesures du Ségur de la santé. Les soignants ont été en première ligne face au virus, et les hausses de salaires et les primes sont attendues de longue date ; aussi, je voterai pour ces mesures. J'approuve également volontiers le progrès que constituera l'allongement du congé de paternité et d'accueil de l'enfant, prévu dans le projet de loi.
Mais ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux. Alors qu'on fait face à une crise sanitaire d'une violence inouïe, nous continuons à fermer des lits dans les hôpitaux. En outre, vous proposez la création d'un forfait aux urgences pour tous, là où de nombreux Français étaient exonérés de ticket modérateur – je pense bien sûr aux femmes enceintes et aux personnes souffrant d'affections de longue durée.
La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a permis de créer la cinquième branche de la sécurité sociale, qui doit permettre un meilleur accompagnement de la perte d'autonomie. Mais comment ne pas s'inquiéter de l'absence d'un financement pérenne de cette branche ? De nouvelles recettes sont nécessaires : les besoins des EHPAD comme des services d'aide à domicile sont immenses, et l'urgence est là.
Pour conclure, je rappelle que, si la dette de la sécurité sociale est en hausse à cause de la crise sanitaire, nous n'oublions pas que vous avez largement affaibli notre système de protection sociale depuis trois ans. En votant des exonérations de cotisations non compensées, en faisant supporter par la sécurité sociale les mesures décidées lors de la crise des gilets jaunes ou, aujourd'hui, en faisant peser sur les comptes sociaux la réponse à la crise sanitaire, vous avez fragilisé notre protection sociale durablement.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé – toujours absent ! – , si, comme moi, vous êtes attaché à la sécurité sociale, refusez que l'État se serve dans ses caisses à chaque fois qu'une situation de crise se présente ; sans quoi nous condamnons notre sécurité sociale à des décennies d'austérité mortifère. La sécurité sociale, c'est notre trésor national, ne la sacrifions pas sur l'autel d'un capitalisme devenu malade !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous abordons cette année l'examen des comptes sociaux de la nation dans des conditions inédites, avec une crise sanitaire d'ampleur mondiale et la prise de conscience croissante qu'il va falloir vivre, peut-être longtemps, avec le virus. Au-delà même de l'aspect sanitaire, nous vivons une crise multifactorielle qui affectera durablement le monde. Celle-ci sera globale et nous obligera tous à des adaptations dont certaines transformeront nos modes de vie : réflexions sur les méthodes de travail, les modes de déplacements, nos façons de consommer… Nous devons faire confiance à l'humain et à ses capacités d'adaptation pour que cet « après » que nous sommes en train de construire soit porteur d'espoir et d'améliorations. Mais pour cela, le soutien de l'État et, plus largement, de la nation est indispensable ; il se traduit notamment, mais pas seulement, dans le budget que nous allons examiner.
Il faut le redire et les en remercier encore : durant de longs mois, c'est l'ensemble des personnels de santé et notre système de soins tout entier qui ont été mis à rude épreuve et qui ont tenu bon face au virus. C'est aussi la force de notre protection sociale que d'avoir permis d'amortir ce choc et d'avoir constitué un filet de sécurité sans équivalent. Le programme du Conseil national de la Résistance – CNR – , qui portait en germe la sécurité sociale, s'intitulait « Les jours heureux ». Je ne sais si la période que nous vivons mérite cette qualification, mais ce qui est certain, c'est que, sans cette ambition des résistants, sans leur volonté de créer la sécurité sociale, il y a soixante-quinze ans, les jours actuels seraient beaucoup moins heureux. Alors il est de notre devoir de résister à notre tour, plus modestement, mais avec autant d'ambition pour conserver notre protection sociale qui est si nécessaire en période de crise.
La crise a évidemment des conséquences sur l'équilibre de la sécurité sociale : elle creuse des déficits sans précédents – 44 milliards d'euros cette année, 27 milliards l'an prochain – , mettant en péril la viabilité de notre protection sociale. Il fallait agir vite et prendre toute la mesure de la situation. Le Gouvernement a choisi, de façon responsable, d'en faire porter une partie sur la CADES et de reporter ainsi sa date d'extinction à 2033. Nous avons eu un débat riche à ce sujet cet été ; il se prolongera lors de l'examen de ce PLFSS de rupture, qui prend toute la mesure de cet environnement nouveau.
Le texte comprend des progrès majeurs. Il met d'abord en oeuvre les engagements forts du Ségur de la santé vis-à-vis des personnels des hôpitaux et des EHPAD, soit un effort immédiat de 8,2 milliards d'euros pour reconnaître l'investissement de ceux qui portent notre système de santé à bout de bras. En pratique, ce sont deux fois 90 euros net par mois supplémentaires qui seront versés en deux temps, soit 183 euros l'année prochaine sur la fiche de paie des personnels soignants. Cette avancée sans précédent met fin aux décennies durant lesquelles nous avons voté des ONDAM inférieurs aux besoins, et négligé nos hôpitaux et nos personnels. Nous nous félicitons de cette mesure très attendue par les soignants, qui représente une vraie rupture avec les pratiques du passé.
Le groupe Agir ensemble souligne cependant qu'il est fondamental d'assurer une équité de traitement dans la mise en oeuvre de ces revalorisations historiques. En l'état, plusieurs milliers de soignants en sont exclus, car de nombreuses structures médico-sociales pourtant rattachées à des établissements publics ne font pas partie du champ du décret du 19 septembre dernier. Cette différence de traitement, incomprise des personnels, risque d'entraîner de leur part une désaffection à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux, et des départs vers les EHPAD relevant de la fonction publique hospitalière.
L'absence de revalorisation des carrières des personnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile risque d'avoir les mêmes effets : une fuite vers les EHPAD ou un découragement des soignants concernés, déjà très éprouvés par la crise du covid-19. Nous considérons qu'il est impératif de donner des gages pour rassurer l'ensemble des personnels soignants et de nous engager sur une trajectoire de revalorisation qui ne laisse personne sur le bord de la route.
Je suis convaincue que le Ségur de la santé a été un succès, à tout point de vue, pour l'hôpital public, que les politiques publiques successives avaient laissé à l'abandon depuis trop longtemps. Les accords du Ségur permettront de revaloriser les métiers de la santé tout en réformant l'organisation d'un hôpital public à bout de souffle. La reprise de 13 milliards d'euros de dette hospitalière est une excellente mesure, saluée par les acteurs, qui permettra de relancer l'investissement courant dans les hôpitaux et d'assainir leur situation financière.
Permettez-moi néanmoins une remarque : le Ségur de la santé a laissé de côté la médecine libérale, qui est la grande oubliée de ces accords. Nous considérons qu'il est indispensable d'organiser sans tarder un Ségur de la santé libérale, sur le modèle du Ségur de la santé qui s'est conclu en juillet dernier. L'ensemble des députés du groupe Agir ensemble avaient formulé cette exigence dans le cadre de leurs propositions au Gouvernement pour le plan de relance.
Nous avons besoin d'un nouveau contrat entre la société et les professionnels de santé libéraux, qui n'ont pas démérité durant la crise. Au moment où nous faisons face à une deuxième vague de l'épidémie, le report de la négociation conventionnelle à 2023 a sa pertinence, mais il laisse en suspens la question de la revalorisation des actes, essentielle pour ces professionnels.
Lors de l'examen du texte en commission, tous les groupes, dont le nôtre, se sont émus de l'absence de mesures fortes en faveur des services d'aide et d'accompagnement à domicile – SAAD – , eux aussi absents du Ségur de la santé et de ce PLFSS. Il est pourtant urgent d'agir, car le secteur connaît une grande pénurie de vocations, encore accentuée par la crise sanitaire.
C'est pourquoi notre groupe regrette la suppression des 50 millions d'euros prévus pour l'expérimentation d'un nouveau modèle de financement des SAAD. La somme a été réaffectée au financement d'une prime exceptionnelle accordée aux agents de ces services, l'État accompagnant à hauteur de 80 millions d'euros l'effort des départements à cette fin. Il convient de saluer l'attribution de cette prime, mesure de justice que notre groupe avait demandée. Il s'agit d'une bonne cause, mais il est dommage de revenir sur l'engagement de mener à bien l'expérimentation que j'ai mentionnée, certains SAAD ayant conclu un contrat pour deux ans dans ce cadre. Au demeurant, les décrets d'application relatifs à l'expérimentation avaient été publiés trop tard au cours de l'année 2019, ce qui avait rendu illusoire une mise une oeuvre rapide.
Néanmoins, le Gouvernement, dont je salue l'écoute, a déposé en séance publique un amendement visant à renforcer l'attractivité des métiers du secteur de l'aide à domicile : 150 millions d'euros sont prévus à ce titre pour 2021, et 200 millions pour 2022. C'est une avancée significative, même s'il faudra faire bien davantage – je sais que le Gouvernement est pleinement mobilisé à ce sujet.
Nous avons besoin non seulement d'un Ségur de la médecine libérale, mais aussi d'un Laroque de l'autonomie, lequel se tiendra prochainement. La création, qui était très attendue, d'une nouvelle branche de la sécurité sociale permettra enfin de prendre à bras-le-corps le défi de la prise en charge de l'autonomie. C'est une avancée historique vient compléter le champ des protections offert par notre sécurité sociale. Quinze ans après la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, nous faisons un nouveau pas en avant.
Cependant, de nombreuses questions restent en suspens. L'inclusion de l'AEEH dans la branche famille a sa légitimité et constituera une simplification pour les personnes handicapées. Mais, outre qu'il est un peu unilatéral, ce transfert signifie-t-il qu'il est également prévu d'inclure l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, dans la nouvelle branche ? Une discussion approfondie avec l'ensemble des acteurs concernés est nécessaire, en amont de la future loi relative au grand âge. En outre, la création de la branche autonomie devra être concrétisée très rapidement par l'adossement de financements nouveaux.
J'en viens à la branche famille. L'allongement du congé paternité constitue une réforme sociétale historique, qui correspond aux aspirations profondes de nos concitoyens quant à une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. C'est une bonne initiative, qui tend à défendre notre politique familiale tout en favorisant l'égalité entre les hommes et les femmes. Il pourrait être pertinent de porter de quatre à six mois le délai dans lequel doit débuter le congé paternité, afin de permettre son fractionnement, au plus près des besoins des familles. C'était l'objet de l'un de nos amendements, qui n'a pas franchi, hélas, la barrière de l'article 40 de la Constitution, pas plus d'ailleurs que près de 120 autres de nos amendements…
Je me réjouis en outre que la commission des affaires sociales ait voté à l'unanimité le versement de la prime de naissance avant la naissance de l'enfant. Cette mesure, défendue par notre groupe lors de l'examen de précédents PLFSS, avait fait l'objet d'une proposition de loi de notre collègue Gilles Lurton, adoptée en juin dernier. Elle a toute sa place dans ce PLFSS et sera ainsi effective pour les familles dès mars 2021.
Concernant la chaîne du médicament, ce PLFSS amorce une petite rupture, bienvenue, avec la politique d'économies menée depuis dix ans : l'effort demandé aux industries du médicament sera limité à 600 millions d'euros. Ce revirement était nécessaire.
Lors de l'examen du PLFSS pour 2020, nous avions soutenu le renforcement du dispositif de lutte contre les ruptures de stock de médicaments. Néanmoins, il n'était pas cohérent de persister dans le même temps dans une politique de régulation décourageant l'innovation et propice aux délocalisations. Nous proposons de donner à l'ensemble de la chaîne du médicament et des produits de santé davantage de visibilité sur les objectifs d'économie demandés, en les rendant pluriannuels. Un tel dispositif, demandé de manière récurrente par les acteurs du secteur, serait particulièrement bénéfique à l'ensemble de la chaîne et pourrait favoriser la politique de réimplantation de l'activité en France.
Au-delà des enjeux de soutenabilité de la dépense, il est urgent de prendre en considération l'attractivité de notre pays en matière de recherche en santé. Pourquoi ne pas créer, au sein de l'ONDAM, une sous-enveloppe relative au médicament, ce qui permettrait de porter un regard sur la régulation spécifique de ce secteur ?
Notre groupe souhaite également vous alerter sur les difficultés récurrentes rencontrées par les grossistes-répartiteurs, maillon essentiel de la chaîne du médicament. Il est plus que temps de trouver une solution pérenne en la matière. De même, il est essentiel de garder à l'esprit que le dispositif médical est un écosystème particulier composé majoritairement de petites entreprises et qu'il est fortement pénalisé par les mesures d'économie demandées. Or le pénaliser de manière excessive revient à freiner l'innovation et le virage ambulatoire. Nous défendrons plusieurs amendements à ce sujet.
Enfin, notre groupe souhaite appeler l'attention sur la situation des praticiens à diplôme hors Union européenne, les PADHUE, personnels très précieux pour nos hôpitaux. Depuis l'adoption de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, qu'avait défendue Agnès Buzyn, un processus de régularisation des PADHUE a été engagé. Il doit se poursuivre à l'automne avec l'ouverture du délai de régularisation des dossiers.
Des solutions sont donc en cours d'élaboration pour les PADHUE qui exercent illégalement dans le secteur hospitalier ou les EHPAD. Toutefois, aucune solution ne serait proposée aux PADHUE français qui ne sont pas en exercice. Il y a là une inégalité de traitement regrettable. Notre groupe souhaite la mise en oeuvre d'un plan global en faveur de l'ensemble des PADHUE, qui concilierait cette exigence de justice et l'impératif d'excellence de nos soignants, auquel il ne saurait être question de déroger.
Fidèle à sa démarche constructive, le groupe Agir ensemble aborde l'examen des comptes de la sécurité sociale dans un esprit d'ouverture, même si je regrette, comme nombre de mes collègues, que près de 120 amendements déposés par le groupe aient été déclarés irrecevables. Nous soutiendrons pleinement les mesures fortes prévues par le texte, et serons force de proposition pour l'améliorer.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Je tiens tout d'abord à rappeler que nous avons célébré au début du mois les soixante-quinze ans de l'ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale. La sécurité sociale est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ; elle est le socle sur lequel est bâti le modèle social français.
Bien évidemment, le contexte politique, social et économique a beaucoup changé depuis 1945 : évolution du monde du travail ; transition démographique marquée par le vieillissement général de la population ; transformation des modèles familiaux ; mutation du modèle économique, désormais mondialisé. Toutefois, la crise sanitaire que nous traversons, peut-être la plus grave depuis la grippe espagnole de 1918, a révélé une nouvelle fois l'importance d'un système collectif de protection sociale assurant contre les risques de la vie et jouant le rôle d'amortisseur économique. La sécurité sociale a servi de rempart protégeant non seulement les malades et leurs familles, mais aussi la société tout entière.
Derrière cette institution et à ses côtés, il y a des femmes et des hommes, auxquels nous rendons tous hommage. Dans la tourmente, ils ont su s'organiser et affronter au mieux des difficultés extrêmes, malgré des demandes d'adaptation incessantes et parfois contradictoires. En dépit de leurs efforts, les faiblesses de notre système de santé ont été révélées par la crise. Celle-ci a donc été l'occasion d'une prise de conscience qui a amené de nombreux Français à relativiser la conviction collective selon laquelle notre système de santé serait l'un des plus enviés de la planète.
Par conséquent, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être au coeur de nos préoccupations. Le PLFSS est toujours un acte fort, qui traduit en chiffres et en dispositions concrètes les orientations politiques du Gouvernement. Celui que nous examinons cette année est d'autant plus important que nous affrontons la crise sanitaire. Autre particularité : à la suite des annonces faites par le Président de la République, le Gouvernement nous invitera en séance publique à y intégrer de nouvelles mesures qui engagent fortement les finances publiques. Si nous pouvions envisager l'année dernière un retour prochain à l'équilibre, le déficit de la sécurité sociale pourrait désormais s'élever à 44,4 milliards d'euros en 2020, niveau jamais atteint depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Non seulement on a procédé à des dépenses exceptionnelles, pour assurer l'accueil dans les hôpitaux, acheter des tests et soigner les malades, mais les recettes ont été considérablement amoindries par la baisse de l'activité. En effet, les comptes de la sécurité sociale sont alimentés notamment par des cotisations assises sur les salaires. En outre, le coût du travail étant un réel enjeu de compétitivité dans notre pays, l'une des premières mesures prises pour sauvegarder notre tissu économique a été une exonération massive de charges sociales.
À la perte de recettes due aux exonérations de charges et au ralentissement brutal de l'activité s'ajoutent donc des dépenses accrues. Le présent texte prévoit de majorer l'ONDAM pour 2020 de 10,1 milliards d'euros, soit une progression de 7,6 % par rapport à 2019. L'ONDAM s'élèvera ainsi à 215 milliards cette année. En 2021, les dépenses continueront à progresser, mais avec une moindre intensité : l'ONDAM pour 2021 est estimé à 224,6 milliards.
Les conséquences du « quoi qu'il en coûte » imposent d'aborder ce PLFSS en toute lucidité, de façon parfaitement réaliste. Le texte suscite légitimement des attentes et de nombreuses questions. Va-t-on tirer toutes les conséquences des constats dressés pendant la crise sanitaire et rompre fondamentalement avec les politiques antérieures ? Va-t-on transformer profondément le système, en cessant de faire peser intégralement la protection sociale sur le travail ? Les mesures proposées m'inspirent, je vous l'avoue, des sentiments partagés.
Premier constat : on n'envisage guère, dans ce PLFSS, la nécessité de rendre le système français de protection sociale soutenable pour les générations futures. Comment ferons-nous pour retrouver un financement pérenne de notre système de santé ? Je pense ici à ce que devront assumer mes enfants et mes petits-enfants. Je regrette que, lors de l'examen du projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie, le Gouvernement n'ait pas accepté d'introduire le mécanisme de la règle d'or proposé par nos collègues sénateurs. Pourquoi Bruno Le Maire essaie-t-il avec insistance de faire croire aux Français que les impôts n'augmenteront pas, alors que nous finançons en partie la sécurité sociale par la dette ? La dette d'aujourd'hui, ce sont les impôts de demain !
Second constat : la crise consécutive à la première vague de covid-19 a mis en lumière l'extraordinaire force de nos soignants. Avec l'arrivée du virus, les couloirs de l'hôpital public ont été forcés de se transformer ; certains blocages administratifs ont été levés ; des services se sont mués en unités covid ; des infirmiers et des aides-soignants travaillant d'ordinaire en libéral sont venus renforcer les rangs des hôpitaux les plus touchés. Cependant, dans la perspective d'un retour à une activité plus habituelle, il y a trop de papiers, trop de procédures à l'hôpital ; tous les professionnels s'en plaignent.
Il est absolument crucial de rééquilibrer la balance entre le temps médical et le temps administratif. C'est le principal levier disponible pour optimiser le travail des soignants, revaloriser leur salaire et rendre leur métier plus attractif. Osons faire confiance aux soignants…
… en leur rendant le pouvoir de décision au quotidien.
Les personnels de santé ont montré une nouvelle fois leur utilité sociale et leur engagement professionnel, déjà constatés bien avant la crise sanitaire. Les conclusions du Ségur de la santé ont enfin permis le versement d'un complément de traitement, de 183 euros net par mois, à tous les personnels des établissements hospitaliers et des EHPAD. Toutefois, le décret du 19 septembre 2020 relatif au versement de ce complément a exclu certains secteurs pourtant gérés par les hôpitaux publics. Par exemple, au centre hospitalier de Roubaix, dans ma circonscription, les agents du centre d'action médico-sociale précoce et ceux du centre d'éducation et de prévention en santé, qui sont placés sur les mêmes grilles indiciaires que leurs collègues et dépendent des mêmes commissions administratives paritaires, ne bénéficient pas de cette revalorisation. Une telle inégalité de traitement est incompréhensible.
Par ailleurs, la pandémie de covid-19 a révélé les fractures territoriales ainsi qu'une superposition d'inégalités sociales.
Une récente étude de la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – , en croisant données sociales et données épidémiologiques, a montré que les premières personnes touchées par le virus appartiennent aux populations les plus fragiles, habitent en zone urbaine ou périurbaine et ne peuvent recourir au télétravail. Les inégalités d'exposition se cumulent souvent quand on exerce un emploi en lien avec le public ou une activité qui a été maintenue sur site, notamment dans les secteurs de la santé, de l'action sociale, de l'industrie agroalimentaire, du commerce ou de l'industrie. Au-delà du facteur lié à l'âge, certaines pathologies aggravent les symptômes liés au covid-19 : obésité, hypertension artérielle, diabète. Ces pathologies, identifiées comme des comorbidités aggravantes, sont inégalement réparties sur le territoire : les Hauts-de-France, la Normandie, le Grand Est, La Réunion et la Corse sont les régions où les 45 à 65 ans sont encore plus susceptibles qu'ailleurs de développer une forme grave de coronavirus.
J'insisterai donc sur le fait qu'en dépit d'un niveau de dépenses de santé élevé, les inégalités territoriales restent profondément inscrites dans la réalité sanitaire de notre pays. Notre groupe politique rappelle cette problématique de façon constante, en particulier lors de l'examen de chaque PLFSS. Les moyens consacrés pour corriger ces inégalités sont insuffisants. Il reste donc encore à notre système de santé à se doter des outils nécessaires pour combler le retard accusé par plusieurs de nos régions. Il nous faut également inscrire dans la loi les indices tenant compte de cette situation sanitaire régionale pour la répartition du fonds d'intervention régional, le FIR.
Reste enfin une grande absente : la prévention, qui n'est pas assez identifiée, structurée, reconnue, alors qu'elle pourrait être véritablement efficace à l'échelon territorial.
Nous l'avons déjà affirmé, le projet de loi ne traduit pas la volonté d'un choc de décentralisation.
Il ne représente pas non plus une rupture avec les budgets de la sécurité sociale précédents, puisque les mesures d'économie reposent, une fois de plus, sur le secteur du médicament et des dispositifs médicaux. Certes, on lui en demande moins, mais toujours trop. Et cela soulève la question suivante : comment relancer et relocaliser le secteur du médicament tout en lui demandant une nouvelle fois des efforts de baisses de prix ? Nous prenons cependant acte de la décision de fixer le taux M – l'objectif de dépenses de médicaments – en valeur et non plus en taux, ce qui va améliorer la lisibilité des mécanismes de régulation.
Ce texte contient néanmoins des mesures à saluer, autant d'avancées concrètes : l'ouverture d'expérimentations intéressantes, notamment concernant le modèle mixte de financement des activités de médecine ; la taxe sur les complémentaires santé ; le prolongement du dispositif d'exonération de charges patronales pour l'emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi dans le secteur agricole ; quelques mesures de simplification des démarches déclaratives.
Pendant la crise, le recours à la téléconsultation médicale s'est considérablement accéléré, c'est une bonne chose. Cette expérience doit contribuer à la réflexion sur la solution complémentaire d'accès au parcours de soins qu'offre ce dispositif dans le monde médical de demain. Nous soutiendrons la poursuite d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie des téléconsultations, mais nous pensons également qu'une participation des complémentaires santé pourrait être étudiée.
L'allongement du congé de paternité est une évolution équilibrée. Comme il ne passe que de onze à vingt-cinq jours, cela ne pèsera pas trop lourdement sur les finances publiques. Cependant, avec une période obligatoire pour répondre aux distinctions sociales, l'incitation à y recourir se trouve fortement renforcée, ce qui permettra à tous de bénéficier de cette avancée sociale allant, selon moi, dans le sens des droits de l'enfant.
Pour conclure mon propos, je souhaite aborder un sujet attendu de longue date et qui trouve désormais un cadre avec le PLFSS : la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l'autonomie. Celle-ci, quoique attendue pour faire face au défi démographique, était repoussée depuis plusieurs années par les gouvernements successifs. Elle figure désormais dans le projet de loi, nous nous en réjouissons.
Toutefois, le projet de loi relatif au grand âge et l'autonomie n'est pas encore à l'ordre du jour, alors qu'il sera indispensable afin de définir le modèle que nous souhaitons instaurer pour prendre soin des personnes handicapées et de nos aînés. Surtout, annoncer une nouvelle branche de la sécurité sociale dédiée à l'autonomie sans prévoir la moindre mesure pour lutter contre la dépendance et pour accompagner les personnes en situation de handicap, revient à accroître encore davantage la frustration des personnes à qui on entend venir en aide. De plus, la branche autonomie sera financée par l'octroi de 1,9 point de CSG – contribution sociale généralisée – , qui, par un jeu de lignes budgétaires, fera en réalité reposer l'ensemble des financements nouveaux sur la dette.
Enfin, nous regrettons que le Gouvernement ait manqué une occasion en ne saisissant pas des recommandations du rapport de la commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Notre groupe souhaitait vous proposer de nombreux amendements issus de ces recommandations mais ils semblent considérés comme des cavaliers législatifs, quand ils ne sont pas simplement censurés sans fondement juridique. Notre groupe se désole que les recommandations exposées par le rapport n'aient pu être intégrées au projet de loi. Comment justifier que la lutte contre les fraudes aux prestations sociales n'ait aucun rapport avec le budget de la sécurité sociale ? C'est incompréhensible.
Vous le voyez, beaucoup reste à accomplir, et ce PLFSS ne nous semble pas contenir l'ensemble des dispositions qu'il serait urgent d'engager. Alors que les prochaines semaines seront critiques face à l'augmentation du nombre d'hospitalisations, le grand point d'interrogation reste la durée de la crise et la trajectoire de reprise de l'économie, de laquelle dépendra l'essentiel des recettes de la sécurité sociale. C'est donc en fonction des débats et des précisions apportées que le groupe UDI-I déterminera son vote final sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
L'année dernière, alors que débutaient nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, je déplorais un texte timide et insuffisant pour mener les réformes d'ampleur nécessaires à la pérennité et à l'amélioration de notre système de protection sociale. Avec l'épidémie de covid-19, cette inquiétude s'est décuplée, et s'y ajoute désormais l'incertitude.
L'objectif de retour à l'équilibre, poursuivi par le Gouvernement depuis le début du quinquennat, avait déjà été mis à mal l'an dernier par la non-compensation des mesures d'urgence liées au mouvement des gilets jaunes. Désormais, la trajectoire vers l'équilibre semble définitivement interrompue. Le déficit du régime général et du FSV – fonds de solidarité vieillesse – devrait finalement atteindre 44,4 milliards d'euros en 2020, au lieu des 5,1 milliards d'euros prévus dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Et les prévisions pour les quatre années à venir conduisent à penser que les déficits se maintiendront entre 20 milliards et 25 milliards d'euros. En réalité, ces prévisions dépendront de l'évolution de la situation sanitaire ; or il est impossible de savoir ce qu'il en sera d'ici un mois ou un an. Les nouvelles restrictions décidées la semaine dernière dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire nous invitent d'ores et déjà à anticiper une dégradation encore plus importante des comptes sociaux.
Dans un tel contexte, le Gouvernement a décidé d'imposer aux organismes de complémentaire santé une contribution exceptionnelle en 2020 et en 2021. Si nous comprenons qu'un effort puisse être demandé à tous les acteurs en cette période exceptionnelle, nous nous inquiétons des conséquences d'une telle mesure : il ne faudrait pas que celle-ci se fasse au détriment des assurés, qui pourraient voir les tarifs de complémentaire santé augmenter.
En dépit de ces prévisions de déficit, notre responsabilité est de nous assurer que notre système de sécurité sociale puisse continuer à jouer son rôle de protection, comme il le fait avec encore plus de vigueur depuis le début de la crise. Or nos marges de manoeuvre pour mener à bien des réformes tant attendues se trouvent encore plus limitées, alors même que les défis sont immenses. Je m'attarderai particulièrement sur deux d'entre elles : les difficultés grandissantes d'accès aux soins dans notre système de santé ; l'insuffisance du soutien à l'autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap.
La crise sanitaire a révélé, voire aggravé, les défaillances persistantes de notre système de soins. Ces lacunes, nous ne les connaissons que trop bien. Elles sont le résultat d'une politique poursuivie depuis de trop nombreuses années, qui a conduit à faire prévaloir des logiques de restrictions budgétaires dans les établissements de santé.
À l'hôpital, la tarification à l'activité et la faible attractivité des carrières ont entraîné des fermetures de services, des fermetures de lits et une pénurie de personnels. Plus que jamais, il est temps de renouveler notre vision ; cette crise doit être l'occasion d'un véritable bouleversement.
Au minimum, un moratoire sur la fermeture des lits et des services s'impose. La tarification à l'activité doit également être remise en question. À cet égard, nous saluons l'expérimentation relative aux activités de médecine prévue dans le texte. Mais il y a urgence : nous encourageons à aller plus vite afin que le financement des établissements reflète réellement les besoins de santé.
Il faut en finir avec le concept d'hôpital entreprise, qui fait de l'équilibre budgétaire l'élément de pilotage de l'hôpital et de la qualité du soin une variable d'ajustement.
Dans un contexte de crise sanitaire, nous nous interrogeons sur l'effort dit « de régulation », que le texte établit à 4 milliards d'euros.
Par ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que l'enveloppe de 4,3 milliards d'euros destinée à l'achat de masques, de tests et de vaccins sera insuffisante, ce qui met en doute notre capacité à lutter contre l'épidémie.
Surtout, monsieur le ministre délégué, j'insiste sur ce point : l'urgence, ce sont les personnels.
Nous devons enfin créer les conditions qui garantissent une réponse à la hauteur des besoins en matière de recrutement, de rémunération et de conditions de travail. Or il y a fort à craindre que ce PLFSS n'y parvienne pas. Certes les revalorisations de salaires issues du Ségur de la santé sont à saluer, mais les établissements de santé nous alertent sur leurs difficultés de trésorerie et leur manque de visibilité pour les réaliser.
Le complément de traitement indiciaire de 183 euros par mois, qui, en définitive, se traduira par une NBI – nouvelle bonification indiciaire – , est une bonne chose, mais ce n'est pas ce qu'attendent l'ensemble des personnels. Ils attendent une véritable revalorisation des grilles indiciaires de la fonction publique hospitalière et territoriale ; pour l'instant, nous n'y sommes pas. Les mesures annoncées ne sont qu'une première étape de rattrapage. Nous restons loin de la moyenne des pays de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques. Surtout, beaucoup de personnels ont été oubliés, en particulier dans les secteurs du médico-social et du handicap. Il convient d'y remédier rapidement car cela crée des distorsions, entraînant des demandes de mutation de service dans un contexte déjà très tendu.
Enfin, nous craignons que l'objectif de recrutement de 15 000 personnels ne soit pas atteint. Les établissements demeurent dans l'attente de directives claires en la matière et connaissent déjà des difficultés de recrutement car ces métiers sont en forte tension.
Au-delà de l'hôpital, la crise sanitaire a renforcé les dysfonctionnements de notre système d'accompagnement des personnes âgées en situation de handicap, que sont le manque d'effectifs en EHPAD, la non-reconnaissance des aides à domicile, le besoin de repli des aidants familiaux ou encore la coordination difficile entre les champs sanitaire et médico-social.
Il est évident que l'insuffisance des moyens alloués au secteur médico-social a eu une incidence sur le drame qui s'est déroulé dans nos EHPAD. Alors que le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie est sans cesse repoussé depuis le début du quinquennat, la crise sanitaire nous prouve qu'il y a urgence à légiférer sur ce sujet. Une fois encore, la priorité doit être donnée aux métiers. Les établissements médico-sociaux et les EHPAD ne parviennent plus à recruter et déplorent le départ de leurs personnels.
Des financements nouveaux à destination du secteur médico-social sont certes prévus dans le texte, en particulier pour les compléments de revalorisation salariale et les investissements. Il s'agit d'un premier effort, mais il nous faut l'amplifier et le poursuivre. La création d'une cinquième branche relative au soutien et à l'autonomie sera vaine si elle ne s'accompagne pas d'une politique globale et ambitieuse. Il ne s'agit pas seulement d'apporter de l'aide physique à des personnes en situation de dépendance qui ne peuvent réaliser seules les actes de la vie quotidienne. La réflexion doit être plus large car il s'agit en réalité de créer les conditions garantissant à chacun de pouvoir décider pour lui-même, quel que soit son âge, son lieu de résidence ou son état de santé ; voilà ce qu'est l'autonomie.
Or, en l'état actuel du texte, nous ne créons pas de droit universel à l'autonomie. Nous reprenons telles quelles les missions actuellement dévolues à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, avec un léger changement de périmètre du fait de l'intégration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Je le répète, il manque une réelle réflexion sur ce que l'autonomie signifie et implique.
La création d'une branche consacrée à l'autonomie doit notamment nous amener à sortir du fonctionnement prévalant depuis les années 1990, qui a abouti à deux types d'allocation : la prestation de compensation du handicap d'une part, destinée aux personnes en situation en handicap, et l'allocation personnalisée d'autonomie d'autre part, destinée aux personnes âgées. Cette barrière d'âge, nous devons la faire sauter !
Enfin, il faut doter cette branche de financements nouveaux, ce que le texte ne fait pas. L'affectation, décidée en août dernier, d'une fraction de la CSG à hauteur de 0,15 point à partir de 2024 ne suffira pas, alors que les personnes âgées en situation de dépendance vont, à elles seules, voir leur nombre augmenter de 20 000 personnes par an, avec une accélération à partir de 2030.
Nous ne ferons pas mieux qu'hier avec les méthodes et les recettes de la veille. Un réel changement de logiciel est nécessaire. Je ne nie pas les avancées comprises dans ce texte ni l'engagement financier du Gouvernement, mais la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve notre pays doit nous inviter à voter un budget exceptionnel de la sécurité sociale, à la hauteur des enjeux. En l'état actuel, le groupe Liberté et territoires ne pourra donc pas apporter son soutien au texte. Nous attendons des inflexions positives pour le système de soins et le secteur médico-social.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, SOC et GDR.
Sans vous manquer de respect, monsieur le ministre délégué, j'ai écrit mon discours en pensant à votre collègue Véran. Vous lui raconterez ou vous lui direz de regarder la vidéo.
Historique, exceptionnelle : on manque de qualificatifs pour dépeindre notre période. Et pourtant, comme ne pas ressentir du dégoût et de la colère à la lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ? C'est souvent face à l'imprévu que les masques tombent ; ce texte, c'est comme un zoom pour examiner la politique inique que vous menez depuis le début de la législature. Il s'agit de l'un des plus importants textes de l'année puisque nous y discutons des hôpitaux, du remboursement des médicaments, des allocations chômage et familiales, des pensions de retraite et des autres droits socialisés, acquis juste après la Seconde Guerre mondiale.
Justement, la situation actuelle me rappelle – même si la comparaison a ses limites – l'état critique dans lequel se trouvait la France après-guerre. Bien que le pays fût à terre financièrement, Ambroise Croizat,
« Ah ! » sur les bancs des groupes SOC et GDR
dans son premier discours en tant que ministre devant l'Assemblée nationale, faisait de la sécurité sociale la priorité du Gouvernement : « Il faut en finir avec la souffrance, l'indignité, l'exclusion. Désormais, nous mettrons l'homme à l'abri du besoin. » Quel visage aurait la France si, après-guerre, Ambroise Croizat avait déclaré que, pour relancer la machine économique, il fallait procéder à des coupes supplémentaires dans notre système social et distribuer des exonérations en pagaille ?
C'est grâce à l'assurance maladie que les malades de la covid-19 ont pu se faire soigner sans s'endetter.
Mais cette crise a aussi révélé les fragilités de notre système social. Durant l'année 2020, les inégalités ont explosé, à cause du confinement, mais pas uniquement.
Un récent rapport de France stratégie est à nouveau venu attester de la politique favorable aux ultra-riches que vous menez : il montre que les réformes de l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – et de la flat tax ont fait exploser les revenus des 0,1 % de Français les plus aisés et des actionnaires. La conclusion est sans appel : plus les personnes sont riches, plus leurs revenus ont augmenté rapidement. Dans le même temps, l'extrême pauvreté et le nombre des personnes au chômage ou au RSA – revenu de solidarité active – ont très fortement progressé. Avec cette crise, le pays compte 1 million de pauvres supplémentaires. Rien ne peut endiguer le délitement de la société, qui conduit au pire, si ce n'est la solidarité nationale.
Alors que nous allons voter un nouveau budget pour la sécurité sociale, une politique de redistribution devrait apparaître clairement. Mais c'est le vide total, le néant absolu.
La situation financière de la sécurité sociale est désastreuse, et vous ne faites que l'empirer. « Quoi qu'il en coûte », disait Emmanuel Macron en mars dernier, évoquant même les « Jours heureux » – en bon professionnel de la communication, il n'avait visiblement aucune idée de ce que contenait le programme de l'après-guerre. En réalité, votre politique continue d'affaiblir la sécurité sociale. Pour la première fois de l'histoire, son financement proviendra cette année davantage de l'impôt que des cotisations sociales.
Les économies que vous entendez faire en 2021 sur l'assurance maladie témoignent par ailleurs du fait que vous n'avez tiré aucune leçon de la crise. En effet, si l'on écarte les dépenses directement liées à la covid-19 et à la revalorisation des salaires des soignants, vous entendez économiser 4 milliards d'euros en 2021 ! Eh oui, 4 milliards : comment osez-vous, monsieur Véran ? Chaque année, depuis trois ans, en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous avez obligé l'hôpital public à économiser près de 1 milliard d'euros, malgré l'engorgement des services et la fuite du personnel. Comment osez-vous poursuivre cette logique infernale cette année ?
Certes, fin 2019, le Gouvernement annonçait qu'en trois ans, l'État allait reprendre un tiers de la dette hospitalière. Mais cela n'aura même pas rapporté 100 millions d'euros en 2020 aux établissements de santé, selon la Fédération hospitalière de France. On est très loin des milliards qui leur sont demandés. Et c'est sans compter que seuls les hôpitaux procédant à des licenciements et à des fermetures de services pourront bénéficier de cette reprise de dette.
Cette politique est une privatisation rampante de la santé, qui a d'ailleurs déjà largement commencé : le secteur privé lucratif est en fort développement puisqu'en dix ans, sa part est passée de 25 à 35 % de l'offre de soins. Mais votre souci est ailleurs : libéraliser le secteur du soin et développer la médecine ambulatoire, comme toujours. C'est ainsi que votre projet de loi de financement fait la part belle aux hôtels hospitaliers : les patients se verront ainsi baladés de l'hôpital à leur chambre d'hôtel, et vice versa, compliquant encore davantage la gestion des flux et des lits dans le labyrinthe des couloirs de nos établissements.
Comble de l'indécence, vous communiquez sur une cinquième branche, dédiée à l'autonomie, alors qu'elle ne recevra en réalité que des crédits déjà existants et qu'aucune augmentation n'est prévue pour les personnes âgées ou handicapées.
Les personnes âgées sont encore une fois les grandes oubliées de ce projet de loi : tous mes amendements déposés pour améliorer leur sort ont été censurés au titre de l'article 45 de la Constitution, sous prétexte qu'ils n'avaient pas de rapport avec le texte.
Le personnel des EHPAD continuera sa course infernale d'une chambre à l'autre pour faire les toilettes en cinq minutes chrono sur des corps souvent meurtris. Voici le sort réservé à nos personnes âgées placées en établissement. Détourner le regard comme vous le faites vous rend complice de ces souffrances.
Venons-en, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, à votre gestion calamiteuse de la crise de la covid-19. La liste est longue de vos manquements en cette période ; les exemples d'incohérence foisonnent.
Vous n'avez toujours pas décidé de suspendre des jours de carence : pour ne pas perdre d'argent, des salariés sont ainsi incités à se rendre au travail, même s'ils sont porteurs du virus et donc contagieux.
Autre aberration : notre assemblée avait voté l'an dernier que les industriels auraient l'obligation de constituer des stocks de quatre mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Mais qu'apprenait-on le mois dernier ? Vous refusez de mettre en application cette mesure de santé publique ! Les pénuries de médicaments se poursuivent et vous continuez de vous plier aux desiderata des industries pharmaceutiques, pourtant contraires à l'intérêt général.
Aux quatre coins du monde, ces industriels mènent une course effrénée pour trouver un vaccin contre la covid-19 et le commercialiser : cette frénésie devrait inciter les pouvoirs publics à contrôler étroitement les recherches menées et à s'assurer que la population ne sera pas mise en danger par des essais cliniques bâclés et que les prix seront encadrés. C'est l'objet d'une série d'amendements que nous avons déposés mais que votre majorité a rejetés en commission.
Vous pratiquez la politique du laisser-faire, piétinant les engagements que vous aviez pris devant l'Organisation mondiale de la santé en matière de transparence et vous laissant piétiner par les actionnaires de Sanofi et compagnie. Dans la bonne logique libérale, vous vous contentez d'incitations financières totalement inefficaces.
Poursuivons l'examen de votre gestion calamiteuse de la crise. Vous continuez de refuser le remboursement des masques par l'assurance maladie, obligeant ainsi les familles à payer pour se protéger et protéger les autres.
Et que dire des soignants, qui devraient, selon nous, être la priorité de ce projet de loi ? Ils ne veulent plus retourner au front pour soigner les malades de la covid-19 car ils sont épuisés. Ce n'est pas avec un chèque de 183 euros que les choses changeront et que les soignants accepteront de sacrifier leur vie en endossant des responsabilités et un stress énormes. Cette revalorisation salariale, même si elle est à souligner, compensera tout juste le gel des rémunérations des dix années précédentes, sans faire malheureusement le poids devant la baisse des moyens alloués aux hôpitaux, qui se poursuit. Les grèves et les manifestations se multiplient d'ailleurs contre votre Ségur.
Vous avez beau affirmer que nous avons suffisamment de lits, vous savez pertinemment que c'est faux. Pour ouvrir de nouveaux lits, il faut des soignants. Seront-ils au rendez-vous, alors que beaucoup se sont sentis méprisés après la première vague ? Je pense notamment à tous ceux à qui vous avez refusé la prime covid parce qu'ils n'avaient pas le bon statut.
Monsieur le ministre, oui ou non, comptez-vous rembourser 10 milliards de dette des hôpitaux mais seulement en échange d'objectifs de suppressions de lits ? Oui ou non, nos personnels soignants démissionnent-ils de nos EHPAD et de nos hôpitaux ? Oui ou non, gère-t-on en flux tendu des équipements de protection individuelle, notamment les gants ? Oui ou non, nos soignants continuent-ils de porter des surblouses en sacs-poubelle ?
Oui ou non, vous apprêtez-vous à faire former des aides-soignants en quinze jours ? Méprisez-vous à ce point mon métier que vous jugez inutiles les 195 jours restants de ma formation ? Oui ou non, allons-nous droit dans le mur ? Si vous répondez « non », monsieur le ministre, assumez et prononcez un serment d'hypocrite.
C'est lamentable !
Si vous admettez que ce que j'ai dit est vrai, serez-vous d'accord avec moi pour dire que ce projet de loi n'est absolument pas à la hauteur de la priorité du moment ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Vos propos sont lamentables !
À l'heure où l'on fête les 75 ans de la sécurité sociale, le PLFSS pour 2021 qui nous est présenté est un budget de crise. Il montre que le Gouvernement a été pendant un temps rattrapé par le réel, car jusqu'à présent vous aviez refusé d'ouvrir les yeux sur l'ampleur de la colère hospitalière.
Le personnel soignant avait déjà tiré la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois avant que l'épidémie ne frappe notre pays. La souffrance était à son comble et la moitié des services d'urgences étaient en grève en septembre 2019 pour réclamer des embauches, des hausses de salaires et des ouvertures de lits. Quatre plans ont été annoncés entre 2018 et 2019 sans que les moyens ne soient jamais à la hauteur des revendications du monde de la santé. Pendant trop longtemps, l'exécutif leur a opposé la même réponse : ce n'est pas un problème de moyens financiers, mais un problème d'organisation.
C'est cette logique qui a guidé votre réforme « ma santé 2022 », qui prévoit notamment la refonte de la carte hospitalière et une réorganisation du système de soins, sans accroître les financements. C'est encore ce discours qui était tenu par le Président de la République aux infirmières de l'hôpital Rothschild, en octobre : « On ne va pas créer des postes et des lits parce que le covid arrive ; c'est impossible ».
Cette crise sanitaire vous a rattrapés brutalement ; elle vous rappelle vos propres turpitudes et rend caducs les choix opérés lors des exercices précédents, promettant des coupes aveugles dans les dépenses de santé et les prestations sociales. Elle vient invalider les attaques menées depuis trente ans contre le service public hospitalier. Ces politiques, vous les avez prolongées depuis votre arrivée aux responsabilités : depuis 2017, 7 600 lits d'hospitalisation ont été fermés et 4 milliards d'économies ont été demandées aux hôpitaux pour rétablir les comptes sociaux à marche forcée.
Il faut en finir avec ces orientations mortifères qui abîment notre système de santé et créent de la souffrance chez les soignants. Il faut en finir avec le pilotage comptable et managérial de l'hôpital public. Il faut en finir avec la course à l'activité et à la marchandisation des soins.
Au moins pour un temps, les luttes des personnels soignants et la crise sanitaire vous ont obligés à revoir votre doctrine sur le plafonnement des dépenses de santé, devant les pénuries constatées dans les hôpitaux en matière d'équipements et face au manque criant de personnels hospitaliers et de lits. Forcés par les circonstances, vous vous êtes résolus à dégager des moyens supplémentaires pour revaloriser les rémunérations des personnels des hôpitaux et des EHPAD, dans le cadre du Ségur de la santé.
Ces revalorisations salariales sont bienvenues mais ne compensent pas totalement dix années de gel du point d'indice dans la fonction publique hospitalière : nous passons seulement de la vingt-deuxième à la dix-huitième place pour les salaires infirmiers parmi les pays européens, d'après l'OCDE. C'est mieux, mais cela reste insuffisant : 30 % des postes restent vacants à l'hôpital public car les conditions de rémunération et de travail ne sont pas assez attractives par rapport à celles du secteur privé.
Malgré les engagements du Gouvernement, le Ségur de la santé fait des oubliés parmi les personnels soignants. Je pense notamment aux sages-femmes mais aussi aux personnels des établissements médico-sociaux, hors EHPAD, et aux infirmières de bloc opératoire diplômées d'État.
Ce projet de budget pour 2021, loin d'être historique, est selon nous celui des occasions manquées. Les moyens ne sont toujours pas à la hauteur concernant les embauches d'agents hospitaliers et les ouvertures de lits. Seulement 15 000 recrutements et l'ouverture de 4 000 lits à la demande ont été annoncés dans le cadre du Ségur. Or, pour disposer de 12 000 lits de réanimation afin de faire face à la recrudescence de l'épidémie, il nous faudrait déployer 24 000 infirmiers et 10 500 aides-soignants !
Devant l'urgence sanitaire, nous devons dès aujourd'hui engager un grand plan d'emploi et de formation…
L'orateur s'interrompt pour boire un verre d'eau.
Le verre est à moitié vide, maintenant, monsieur le rapporteur général !
Devant l'urgence sanitaire, disais-je, nous devons dès aujourd'hui engager un grand plan d'emploi et de formation pour les métiers de la santé, permettant de financer le recrutement de 100 000 personnels à l'hôpital et de 200 000 personnels dans le secteur médico-social. C'est pourquoi nous avons proposé d'adopter une loi de programmation pour l'hôpital public et les EHPAD, qui nous permettrait de planifier les besoins pour les prochaines années.
Par ailleurs, l'organisation des dépenses liées au covid-19 et aux revalorisations salariales n'empêche pas un plan d'économie de 4 milliards d'euros sur les dépenses d'assurance maladie, dont 800 millions d'euros sur les dépenses de fonctionnement de l'hôpital public, afin d'entrer dans les clous de l'ONDAM. Ce que vous donnez d'un côté, vous le reprenez de l'autre.
Dans le même registre, la reprise de 13 milliards d'euros de dette hospitalière pour favoriser les investissements est subordonnée à des engagements d'économie sur les dépenses courantes des hôpitaux, contrôlées par les agences régionales de santé. Derrière une bonne mesure, vous recyclez la logique de pilotage comptable des soins, qui est l'une des causes du malaise hospitalier.
Nous sommes absolument opposés à la création d'un forfait de passage aux urgences de 18 euros, à la charge des patients qui ne se font pas hospitaliser. Ce n'est pas à eux de payer l'engorgement des urgences hospitalières ; ce n'est pas à eux de payer de payer l'insuffisance du nombre de médecins de villes disponible.
Enfin, s'agissant de la création de la branche autonomie, nos craintes se confirment : les financements ne sont pas au rendez-vous pour faire face à l'enjeu de la perte d'autonomie ; l'ambition doit être renforcée pour améliorer les prestations sociales pour les personnes dépendantes ou handicapées, et permettre de réduire le reste à charge qui pèse sur les familles en matière d'hébergement.
Nous devons aussi aller beaucoup plus loin pour revaloriser les conditions de travail des métiers du secteur médico-social et de l'aide à domicile. Malgré les occasions manquées, nous notons quelques mesures positives, comme l'allongement du congé paternité ou la réduction de la place de la tarification à l'activité dans le financement des hôpitaux. Les prestations sociales sont aussi préservées dans le projet de budget pour 2021, après trois années de désindexation.
Désormais, avec la crise sanitaire, se pose la question du financement de la protection sociale pour faire face aux défis à venir : qui paiera la facture ?
Le déficit de la sécurité sociale atteindra 44 milliards d'euros en 2020 puis 27 milliards en 2021. Cette dégradation des comptes s'explique autant par l'augmentation des dépenses de santé que par une chute des recettes liée à la baisse de l'emploi et au recours à l'activité partielle.
Il est urgent de trouver de nouvelles ressources pour financer les besoins sanitaires et sociaux qui croîtront, à la faveur de la crise sanitaire et du choc économique. En commission des affaires sociales, nous avons mis des propositions sur la table, par exemple la révision des exonérations de cotisations sociales injustifiées. Nous devrions au moins exiger que les 68 milliards d'euros de l'enveloppe des aides publiques aux entreprises soient subordonnés à des critères d'emplois et de relocalisations ainsi qu'à des engagements écologiques. Mais toutes nos propositions ont été refusées, au motif qu'il ne faudrait pas augmenter les impôts.
Pourtant, dans le même temps, vous vous privez de ressources pérennes en affectant 18 milliards d'euros de CSG et de CRDS – contribution au remboursement de la dette sociale – au remboursement d'une dette sociale qui résulte des choix du Gouvernement pour gérer la crise sanitaire et économique. Avec ce transfert de dette à la CADES, on se prive chaque année de l'équivalent d'un Ségur de la santé. Plutôt que de faire supporter par l'État la dette liée au covid-19, vous préférez jouer la montre, en laissant le déficit de la sécurité sociale se creuser sans proposer de ressource pérenne. Il y a fort à parier que vous reviendrez bientôt devant nous pour exiger de nouvelles mesures d'économie sur la protection sociale et les assurés.
Dans ces circonstances, le groupe GDR craint que le budget de la sécurité sociale pour 2021 ne soit qu'une parenthèse avant le retour à l'austérité.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Depuis sa création, en 1945, jamais la sécurité sociale n'avait connu une crise aussi grave. Et pourtant, le présent texte est sans précédent : jamais la puissance publique n'aura déployé autant de moyens au service du « prendre soin ». La crise sanitaire que nous traversons a permis d'accélérer sur le sujet essentiel de la reconnaissance salariale des soignants. Depuis longtemps, beaucoup, sur les bancs de cette assemblée, l'appelaient de leurs voeux, mais, pour autant, aucun n'en avait eu le courage. Je suis fière d'appartenir à une majorité qui soutient de cette manière les soldats du soin.
Je tiens également à souligner le caractère responsable du projet de budget présenté par le Gouvernement. Il anticipe en effet la durée de la crise sanitaire, en provisionnant plus de 4,3 milliards spécifiquement pour le financement d'équipements de protection individuelle et des futurs vaccins, ou encore le renforcement des ressources humaines de Santé publique France, dont je tiens ici à saluer les équipes, qui travaillent sans relâche depuis mars dernier.
Nous devons agir et unir nos forces pour que la crise sanitaire ne se transforme pas en une crise économique majeure. C'est pourquoi, dès le mois de mars, le Gouvernement a instauré des mesures pour soutenir les entreprises et les salariés, quoi qu'il en coûte, en majorant la progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour la porter à plus de 7,6 % pour 2020. Ces mesures affectent l'équilibre de notre budget mais elles sont nécessaires pour la hausse des recettes à venir.
Préserver les emplois est une mesure non seulement économique, mais aussi sociale. Préserver les emplois, c'est lutter contre la pauvreté et la précarité. Préserver les emplois, c'est préserver les recettes de la sécurité sociale.
Le retour à l'équilibre, à moyen terme, de notre système de protection sociale dépendra de notre capacité à sortir par le haut de la crise que nous traversons. Il nécessitera un pilotage financier sur mesure. Il nous faudra rénover l'ONDAM dans les prochains PLFSS. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez commandé un rapport spécifique sur le sujet au HCAAM – le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
Il faut aussi souligner le caractère intégral – j'insiste, intégral – de la compensation des mesures d'exonération des charges sociales décidées par le Gouvernement pour l'année 2021, ce qui coûtera 5 milliards d'euros. Cette mesure juste permettra de ne pas faire peser sur la sécurité sociale le poids de ces exonérations et de prévoir un ONDAM à 6 % pour l'exercice 2021.
Le Gouvernement propose un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui va de l'avant. Vous relancez l'économie tant affectée de notre pays tout en protégeant les plus fragiles.
Là où d'autres avaient reculé, après la crise de 2008, repoussant la création de la cinquième branche, appelée à l'époque « branche dépendance », pour notre part, nous avons acté, au printemps dernier, la création de la branche autonomie, tout simplement parce que nous savons que ce sont dans les périodes les plus difficiles que les plus vulnérables ont besoin d'un système de protection sociale fort.
La politique de l'aide à l'autonomie pour les personnes âgées était cloisonnée et rattachée uniquement aux problématiques de santé, véhiculant l'idée que le vieillissement serait une maladie. Il faut que la nouvelle branche autonomie se place à l'avant-garde du renforcement des droits de la personne âgée dans notre société, pour lutter contre l'âgisme et le dénoncer. Pour cela, il nous faut développer des politiques agiles, transversales.
Le groupe La République en marche a réaffirmé son souhait de soutenir le secteur des prestations à domicile. Nous saluons l'engagement pris par le Gouvernement de financer de façon pérenne les revalorisations salariales des aides à domicile, à hauteur de 200 millions d'euros par an.
Je soutiens, avec l'ensemble des collègues de mon groupe, ce projet de budget ambitieux et pertinent, dans une conjoncture économique inédite. Les mesures prises par le Gouvernement depuis 2017 dans le champ de la sécurité sociale ont rassuré les marchés financiers, nous permettant, même au plus dur de la crise, d'assurer le financement de nos prestations sociales.
Cette confiance des marchés financiers dans l'émission de la dette sociale de la France montre que seule une politique humaniste, tournée vers nos concitoyens, a une réelle valeur pour notre société.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, qu'il me soit permis de vous dire que, pour votre premier PLFSS, nous avons particulièrement apprécié l'autorité teintée d'humour avec laquelle vous avez su mener nos débats ; soyez-en félicitée et remerciée.
Je remercie également le nouveau rapporteur général, qui a su se glisser dans ce rôle difficile, souvent aux confins du marteau et de l'enclume, avec beaucoup de sérieux et de bonhomie. Il y manque parfois un petit grain d'audace à l'égard du Gouvernement, mais je suis sûr que cela viendra avec le temps, lorsque le verre sera rempli.
Et aucun mot sympa à mon égard ?
Ainsi donc, monsieur le ministre, votre PLFSS serait historique. Comme à chaque fois, vous n'avez pu vous empêcher de faire un usage immodéré de cet adjectif, qui, depuis 2017 qualifie la moindre de vos entreprises. Ce serait donc votre marque de fabrique que la moindre de vos paroles ou le moindre de vos actes devienne une sorte d'onction, conférant à toute chose un caractère historique.
C'en serait risible si ce n'était si pathétique. Car, voyez-vous, l'histoire se construit avec le temps, et son jugement n'intervient souvent que bien longtemps après les faits. À trop courir après le temps, vous en grillez les étapes et prenez le risque d'être jugé sévèrement. Monsieur le ministre, n'oubliez pas que l'an passé, à la même époque, dans cet hémicycle, vous souteniez, en votre qualité de rapporteur général, en première lecture du PLFSS, un recul de l'ONDAM hospitalier à 2,1 %, alors que nous étions en pleine crise des urgences.
Était-ce aussi un acte historique ?
Au milieu d'une crise sanitaire qui, elle, entrera dans l'histoire, croyez-vous que la cacophonie sur les masques, les tests, les ouvertures et les fermetures des bars et restaurants revêt un caractère historique ?
Vous voyez combien le caractère prétendument historique de votre PLFSS est relatif. Prenez donc garde, à force de maltraiter l'histoire, que son tribunal ne vous condamne de manière précipitée, et l'opinion publique avec lui.
Ainsi donc, au coeur de la crise sanitaire, les personnels de santé font savoir qu'ils n'en peuvent plus, et vous réagissez promptement en leur accordant des revalorisations salariales bien méritées. Elles seraient donc historiques, alors que, depuis trois ans, ils les réclamaient à cor et à cri, sans jamais avoir été entendus par votre prédécesseure, …
… pas d'avantage que par vous, qui disposiez déjà de la faculté d'influencer les décisions.
Au coeur de la crise, vous décidez de créer une cinquième branche de la sécurité sociale, censée financer la dépendance, ce qui serait bien sûr historique. Mais ce que l'histoire retiendra, c'est votre incapacité à mobiliser, pour cette importante question, des recettes viables et pérennes, celles de la CRDS étant désormais indisponibles jusqu'en 2033 et même sûrement 2043.
Égrener ainsi ce qui serait historique et ce qui ne le serait pas ne présente, vous le voyez bien, aucun intérêt ; pour juger de l'histoire, il faut prendre du recul et travailler sur du temps long. Sortez donc de votre enfermement et dites-nous plutôt ce qu'est votre vision pour la santé : comment vous voyez les évolutions incontournables et nécessaires de notre système de santé dans les cinq ou les dix prochaines années ? quelles sont les adaptations qu'il nous faut anticiper ? comment pérennisera-t-on le financement de cet ensemble à rebâtir ? Voilà quelques questions qui, si elles avaient trouvé des réponses dans vos discours et un commencement d'exécution dans votre PLFSS, auraient peut-être pu vous faire entrer dans l'histoire comme étant l'un des rares ministres de la santé depuis vingt-cinq ans à vous les être posées.
Je vais vous faire un aveu : pas plus que vous, je ne crois, en matière de santé, à quelque vérité révélée que ce soit. La matière est trop complexe et les enjeux trop importants pour que quiconque se déclare détenteur de toutes les solutions. La santé doit redevenir le premier des sujets politiques, parce qu'elle est, plus que jamais, la première préoccupation des Français.
Alors, sur la question de l'avenir de notre système de santé et de son financement, ouvrez un vrai débat politique, pas un débat de techniciens ! Invitez tous ceux qui réfléchissent à cette question à y contribuer ! Proposez – soyons fous – que le commissariat général au plan s'en saisisse et recueille des propositions !
Le président Obama avait coutume de dire qu'il ne faut pas gâcher une crise, au sens où il faut en tirer les meilleures leçons. Convenez avec moi que c'est le bon moment pour cela et qu'il est plus que temps de sortir de la logique comptable dans laquelle est enfermé depuis des lustres tout débat sur la santé.
Regardez-le avec objectivité, monsieur le ministre, hors des mesures conjoncturelles, en quoi votre PLFSS diffère-t-il des vingt-cinq qui l'ont précédé ? La Cour des comptes, en pleine crise sanitaire, à contretemps, estime encore que la santé des Français coûte trop cher et qu'il faut continuer à faire entrer notre système de santé dans un entonnoir budgétaire dont chacun sait combien il est mortifère.
Que proposez-vous de différent ? Les économies demandées aux filières du médicament et du dispositif médical sont certes moins importantes que les années précédentes, mais croyez-vous sincèrement qu'elles permettront de ramener vers la France, les productions de médicaments parties en Asie du Sud-Est ou qu'elles favoriseront l'innovation thérapeutique au bénéfice des patients français ?
Vous prévoyez une reprise de la dette des hôpitaux, et je vous rejoins sur l'analyse selon laquelle redonner de l'air aux finances hospitalières présente de l'intérêt. Néanmoins, outre que cette reprise va s'effectuer sur un temps, cette fois, excessivement long et ne créera donc pas la dynamique attendue, c'est une mesure qui ne prendra toute sa force que si les ONDAM futurs sont suffisamment élevés pour ne pas pousser à nouveau les hôpitaux vers un endettement excessif. Or, et c'est là que le bât blesse, faute d'engager une vraie réflexion sur l'avenir de la santé, vous prenez le risque d'annihiler, dès l'entrée en vigueur de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, les effets de cette bonne idée de reprise de la dette, et vous ne pourrez qu'être d'accord avec moi pour admettre que les efforts budgétaires consentis dans le présent PLFSS ne vaudront que pour une année, la dette de l'assurance maladie nous contraignant ensuite à une disette sévère et durable.
Monsieur le ministre, chacun le sait sur ces bancs, vous rêviez depuis longtemps de ce portefeuille, et vous n'êtes pas parvenu à l'obtenir dans les meilleures circonstances, c'est le moins que l'on puisse dire. C'est la raison pour laquelle je ne joindrai pas ma voix à toutes celles qui, depuis des mois, s'improvisent expertes et dispensent, à longueur d'interviews ou de discours, des conseils sur la gestion de la crise, le plus souvent mal avisés. Je n'hésite d'ailleurs pas à affirmer ici que la gestion de la crise serait sans nul doute plus sereine, pour vous comme pour les Français, si tous les médecins qui défilent sur les plateaux de télévision retournaient dans leur service et se consacraient exclusivement à leurs patients.
Pour certains, ce n'est pas recommandé…
Sourires.
Cela étant dit, pourquoi négliger, oublier et mépriser, dans votre PLFSS, des acteurs de santé de proximité qui, partout sur le territoire, se sont battus aux côtés de l'hôpital public avec une grande disponibilité ? Pourquoi renvoyer à la négociation conventionnelle des libéraux à 2023, c'est-à-dire aux calendes grecques, quand bon nombre de professionnels de santé, publics ou privés, vont voir rapidement leur rémunération augmenter ? Pourquoi oublier les personnels des centres de santé municipaux ou associatifs ? Pourquoi négliger les personnels des cabinets libéraux ?
Je sais combien votre administration a du mal à se départir de ce vieil « hospitalocentrisme » qui la guide et la mène depuis des années. Cependant, compte tenu de la nécessaire reconnaissance que la nation doit à chacune et à chacun de ses soignants, vous ne pouvez pas tenir les professionnels libéraux et leurs collaborateurs à l'écart. Là où il n'y a plus d'hôpital, là où, même au coeur de la crise, on continue de fermer des services et des lits, les professionnels libéraux sont souvent ceux qui prennent le relais, assurent la permanence des prises en charge et, ce faisant, ils ne contribuent pas peu au service public de la santé. Les tenir à l'écart de toute revalorisation tarifaire pour encore plusieurs années serait une faute qu'il vous est encore possible d'éviter.
Vous ne gagnerez rien à opposer les professionnels de santé les uns aux autres. Au coeur de la crise sanitaire, toutes les compétences, toutes les énergies doivent être mobilisées, et c'est votre responsabilité que d'y veiller ; je veux croire que vous ne pourrez rester sourd à cet appel.
Pourquoi, à moins que ce ne soit l'aveu de votre incapacité à tenir vos engagements budgétaires, être allé solliciter les organismes complémentaires, à hauteur de 1,5 milliard d'euros ? Vous tentez de nous expliquer qu'il s'agirait d'une contribution volontaire et spontanée. Mais voyez-vous, en droit, une contribution volontaire et spontanée, ça s'appelle un don, pas une taxe. Vous la justifiez en raison du report des nombreuses interventions chirurgicales, mais elles finiront bien par avoir lieu, et il faudra bien que les OCAM – les organismes complémentaires d'assurance maladie – y contribuent : comment, dès lors, les empêcherez-vous d'augmenter les cotisations de leurs adhérents ?
Enfin, s'il est vrai que la qualité d'une société s'apprécie aux efforts qu'elle consent pour les plus faibles d'entre les siens, comment qualifier celle que vous nous offrez, où la maladie mentale est foulée aux pieds ? Où sont les mesures fortes pour la psychiatrie dans le Ségur de la santé ou dans votre PLFSS pour 2021 ?
Mme Martine Wonner applaudit.
Comment comptez-vous faire assurer la prise en charge de ces milliers de Français qui, pendant le confinement ou à sa suite, ont glissé, décompensé, sombré dans la dépression ou dans des pathologies psychiatriques au long cours ?
Monsieur le ministre, vous en conviendrez avec moi, l'heure d'entrer dans l'histoire n'a pas encore sonné. Pour le temps présent, vous n'en serez pas surpris, le groupe Les Républicains ne pourra pas soutenir votre texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Martine Wonner applaudit également.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est particulier à plus d'un titre. Il comporte une concrétisation, un chiffrage, une ambition et des promesses. Ces promesses sont le fruit de longues attentes et la conséquence d'une crise de notre système de santé, crise dont nous connaissons les tenants et les aboutissants mais dont on a trop longtemps minimisé les effets.
Si notre système de santé connaît des difficultés structurelles, il peut compter sur l'abnégation sans faille et l'engagement de l'ensemble des personnels soignants. À l'heure où nous entamons nos débats sur le texte qui, chaque année, les concerne directement, je tiens, au nom de mon groupe, à leur rendre l'hommage qu'ils méritent.
Notre assemblée va, dans les jours à venir, examiner un budget de la sécurité sociale inédit à bien des égards. Il est évident que nous ne pourrons pas pallier trente ans de carences de notre système de santé : le manque criant de médecins ; des services hospitaliers qui ferment ; une médecine à deux vitesses, avec des malades des villes et des malades des champs. Toutefois, il engage une dynamique de dépenses certes coûteuse mais absolument nécessaire, ne serait-ce que pour reconnaître la qualité des ressources humaines qui en constituent le pilier.
Ainsi ce projet de budget, par son ampleur et par la prise de conscience qu'il traduit, est-il exceptionnel à plus d'un titre. Vous avez, monsieur le ministre, tiré les enseignements de cette crise en convoquant le Ségur de la santé, retranscrit les lignes budgétaires de ce projet de loi de financement. Même si preuve d'argent n'est pas preuve d'amour, il convient de donner aux femmes et aux hommes qui soignent la nation, les moyens d'agir et une reconnaissance accrue.
Concrètement, ce texte met en oeuvre des politiques publiques maintes fois souhaitées et maintes fois repoussées. Je pense évidemment aux progressions salariales pour les infirmiers et les personnels des EHPAD. Rappelons qu'il est question de près de 2 200 euros de salaire en plus chaque année. Il s'agit d'un signal fort dont notre groupe ne peut que se réjouir.
Nous espérons également que les discussions en cours sur la revalorisation des salaires des personnels oeuvrant dans les établissements du secteur privé pourront aboutir rapidement à un accord équivalent à celui du public et se verront traduites dans les tarifs les liant à l'assurance maladie. En effet, bien que souvent critiquées, les structures privées opèrent un maillage territorial essentiel. Les cliniques ont également joué un rôle crucial, au plus fort de la crise du printemps dernier, en déprogrammant leurs opérations, en mobilisant leurs services de réanimation quand c'était nécessaire et en permettant à leur personnel de venir en renfort dans les hôpitaux publics ; il convient de le garder en tête.
Nous l'avons dit, les indicateurs de dépenses de ce budget sont en hausse. Cela représente une augmentation de 2,5 % de l'ONDAM à périmètre constant, à laquelle il faut ajouter les engagements du Ségur et l'effet covid, soit une hausse globale de l'ONDAM de 11,7 milliards d'euros.
Cet indicateur est précieux puisqu'il permet de dégager une tendance. Pour autant, le suivi de l'ONDAM doit pouvoir être optimisé, notamment au moment où vous annoncez sa rénovation. Lors de l'examen du texte en commission, notre groupe a fait savoir qu'il serait particulièrement vigilant sur ce point. Si nous disposons de l'annexe 7, spécifiquement dédiée à son analyse, il nous semble qu'il faut aller plus loin dans le détail de ce suivi, à l'image du dispositif mis en oeuvre dans le cadre des projets de loi de finances et des rapports annuels de performances. Il s'agit non seulement de la transparence des comptes de la sécurité sociale, mais aussi de l'information des parlementaires et de tous les Français. Cet éclairage sur l'utilisation du budget de la sécurité sociale est nécessaire pour en faire un réel outil de gouvernance. Il s'agit pour nous de pouvoir mesurer pleinement la diffusion sur le terrain des mesures que nous votons chaque année pour des milliards d'euros.
Cela m'amène assez naturellement à la question de la démocratie sanitaire. La crise du printemps dernier a démontré que le dialogue entre les élus et les agences régionales de santé pouvait se dérouler parfaitement mais qu'elle pouvait aussi être très difficile, voire inexistante. Il apparaît dès lors fondamental que les échanges entre ces deux entités s'institutionnalisent et se normalisent. La situation sanitaire actuelle nous montre chaque jour l'importance de la remontée d'informations et de la concertation en amont de la prise de décision.
Il est donc essentiel de donner un second souffle, une nouvelle impulsion à la démocratie sanitaire. Il faut que les élus nationaux comme locaux puissent participer pleinement au déploiement de la politique publique de la santé. Dans cette perspective, notre groupe présentera plusieurs amendements pour que la démocratie sanitaire ne soit pas qu'un concept mais une réalité quotidienne.
Ce texte concrétise également une mesure d'envergure : la reprise de la dette des établissements de santé à hauteur de 13 milliards d'euros, qui doit donner les moyens à nos établissements d'investir à nouveau et d'assainir leur situation financière. À ce titre, nous souhaitons que l'attribution des financements soit la plus juste et la plus équilibrée possible, qu'ils ne profitent pas qu'aux grosses structures les plus déficitaires, au détriment d'établissements à la gestion plus saine et plus responsable, donc moins endettés ; cet argent doit être attribué à ceux qui en ont le plus besoin plutôt qu'aux moins-disants, nous comptons sur vous pour qu'il en soit ainsi, monsieur le ministre.
Ce PLFSS permet également d'avancer sur la reconnaissance des métiers de l'aide à domicile. Nous nous réjouissons que le Gouvernement et les départements soient parvenus à un accord permettant le financement d'une prime pour ces personnels. Si cette mesure est bien inscrite dans le texte, beaucoup d'entre nous se sont inquiétés de ne pas voir apparaître un dispositif plus pérenne pour permettre une véritable montée en charge de ce secteur. Il semble que le Gouvernement ait entendu cet appel puisqu'il proposera, par voie d'amendement, une mesure concrète et substantielle, cela a été annoncé tout à l'heure ; c'est une très bonne nouvelle.
Si cet engagement a de quoi nous réjouir, nous souhaitons évoquer avec vous la situation de celles et ceux qui ont oeuvré pendant la crise de la covid-19, non seulement dans le champ de l'autonomie et du handicap, mais aussi aux côtés des enfants sous protection, dans les foyers de l'enfance et les différentes structures de l'aide sociale à l'enfance. Nous ne devons pas oublier ces éducateurs, ces familles d'accueil et tous les personnels qui ont accompagné les enfants sous protection.
La reconnaissance des médecins libéraux est l'un des autres sujets sur lequel nous souhaitons insister. Le report des négociations de la convention libérale ne semble pas à la hauteur de l'engagement des médecins libéraux, qui furent souvent en première ligne durant la crise sanitaire. Il serait nécessaire de faire aboutir ces négociations avant mars 2023, d'une part pour reconnaître l'engagement et le travail des médecins de ville, d'autre part pour donner une attractivité nouvelle au métier.
La question du sport santé nous préoccupe également. On le sait, la sédentarité de nos sociétés entraîne des affections coûteuses pour la sécurité sociale. La comorbidité associée au covid-19 illustre les maux de notre mode de vie : hypertension, obésité, diabète, autant de facteurs que nous pourrions éliminer si nous investissions plus dans le sport santé, si la population prenait conscience du problème et si les pouvoirs publics étaient plus incitatifs. Il serait pertinent de transformer nos schémas de pensée en la matière.
Notre groupe ne saurait ne pas évoquer enfin la politique familiale. Le Gouvernement propose cette année une mesure très forte qui consiste à doubler la durée du congé paternité et à le rendre pour partie obligatoire. Il s'agit d'une avancée historique, qui répond aux attentes de nos concitoyens et contribuera au renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre société.
Pour renforcer encore la politique familiale, notre groupe, comme chaque année depuis le début de la législature, proposera un amendement visant à rendre effectif le versement de la prime de naissance et à dispenser de son remboursement en cas de décès de l'enfant. Depuis le PLFSS de l'an dernier, il semble que ces idées aient fait leur chemin, puisque notre Assemblée les a adoptées par le biais de plusieurs propositions de loi. Afin d'éviter de conditionner l'entrée en vigueur de ces mesures de justice sociale à l'aboutissement de la navette parlementaire, il nous semble opportun de les inscrire dès à présent de manière définitive dans la législation.
C'est pour la même raison que nous proposions de permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales. J'emploie le passé car les méandres de la recevabilité des amendements – tantôt recevables en commission, tantôt irrecevables en séance – ne nous permettront pas d'aborder le sujet par amendement. Aussi, monsieur le ministre, nous vous demandons d'avancer ensemble par un autre biais qu'un amendement parlementaire.
Pour finir, nous tenons à saluer la prolongation d'une année du dispositif TODE – travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi – , au vu des conséquences économiques de la crise sanitaire pour les agriculteurs. La prolongation de cette transition doit nous permettre d'évoluer vers un dispositif viable et pérenne.
Voilà, en quelques minutes, l'état des lieux et les perspectives dressés par notre groupe sur le PLFSS pour 2021. Ne nous y trompons pas : le projet de loi de financement de la sécurité sociale est prometteur et ambitieux, et le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés aborde son examen dans un état d'esprit constructif. Il proposera de l'enrichir et de le densifier à travers plusieurs amendements auxquels je vous demande par avance de donner un avis favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le projet de loi de financement que nous examinons là est singulier, car plusieurs des mesures qui y figurent s'inscrivent dans un contexte lui-même singulier. Il est inédit, dites-vous ; c'est vrai, car il aura fallu une situation inédite : la crise de la covid-19 et l'engagement des soignants au péril de leur vie pour qu'un certain nombre de sujets trouvent un commencement de réponse. Nous avions d'ailleurs nous-mêmes suggéré certaines de ces mesures dans notre plan d'urgence pour l'hôpital, il y a un an, mais nos propositions s'étaient alors heurtées à votre indifférence.
J'évoquerai plusieurs points qui, dans le débat qui va nous occuper, me paraissent nécessiter un éclairage supplémentaire.
Le premier est le niveau de l'ONDAM, lequel, conséquences du covid-19 et du Ségur de la santé comprises, est tout à fait inédit. Je m'interroge tout d'abord sur les critères qui ont présidé à son élaboration ; je pense évidemment aux prévisions économiques, qui ont évolué depuis le moment de la construction du projet, mais aussi aux hypothèses d'évolution de la pandémie, de mise au point des traitements, d'arrivée du vaccin, de reprogrammation des soins, autant d'anticipations qui ne nous paraissent pas prises en compte, au vu de la façon dont vous gérez l'épidémie.
Je m'interroge par ailleurs sur le niveau réel de l'ONDAM hospitalier, hors covid-19 et hors Ségur de la santé. En effet, quand l'on y regarde de près, il paraît aller à rebours de ce que commande la situation, puisque sont à nouveau demandées à l'hôpital des économies de l'ordre de 800 millions d'euros. Par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses, ce sont même 2 milliards d'euros d'économies qui lui sont demandées.
Enfin, comme l'année dernière, nous regrettons que la représentation nationale n'ait pas engagé au préalable une réforme de l'ONDAM. En effet, comme l'année dernière, nous voilà bien incapables de savoir si les Français bénéficieront de plus ou de moins de soins, si la charge de travail individuelle du personnel soignant sera accrue ou réduite, si le niveau d'investissement dans l'équipement hospitalier sera suffisant pour atteindre les objectifs assignés aux soignants. Vous avez engagé une réflexion ; ne vous contentez pas de réflexions, mais réformez l'ONDAM en urgence.
Je voudrais également évoquer la question des moyens de l'hôpital et me faire le relais des personnels soignants, qui abordent la seconde vague de l'épidémie en s'interrogeant sur ce que le Gouvernement a fait pour y préparer l'hôpital.
Ils nous disent que les moyens humains continuent de manquer, que les conditions de travail des soignants continuent d'être épouvantables et que nombre d'entre eux songent à quitter un métier qu'ils aiment. Pouvez-vous nous dire combien de créations de postes le Gouvernement a inscrites au budget cette année et pour les années qui viennent ? Combien d'emplois sont actuellement vacants ? Les ratios, comme le fameux « un pour quinze » – un infirmier diplômé d'État ou une aide-soignante pour quinze lits – , ont été abandonnés ? Quelle est la doctrine du Gouvernement s'agissant de l'ouverture ou de la fermeture de lits ? Au fond, en regardant les choses de près, il y a lieu de se demander si votre ONDAM est aussi extraordinaire que vous le prétendez.
Le troisième sujet que je voudrais aborder est la réforme de la tarification, qui, depuis plusieurs années, polarise les critiques. Je souhaiterais que le débat nous éclaire sur les parts respectives de la dotation socle et de la T2A – tarification à l'activité. En décidant d'en déterminer la répartition par décret, vous privez la représentation nationale d'un débat important, car ce partage est déterminant. Nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement et comprendre comment le dispositif va fonctionner sur plusieurs années. On peut imaginer que, la première année, les établissements dont l'activité aura crû fortement resteront à la T2A et que ceux dont l'activité aura stagné ou décru passeront à la dotation socle. Mais comment cela se passera-t-il les années suivantes ? Comment imaginez-vous l'évolution de la T2A ? Comment imaginez-vous qu'évoluera le taux des dotations socles ?
S'agit-il d'une vraie réforme ou simplement d'un effet d'annonce ? D'ailleurs, qu'y aura-t-il dans les fameux contrats qui lieront les établissements à leur ARS, leur agence régionale de santé ? Nous pouvons nous demander si l'expérimentation prévue de cinq ans ne serait pas, au fond, destinée à ne pas prendre de décision.
Par ailleurs, votre expérimentation prévoit une dotation populationnelle. Nous aimerions en savoir plus : quelle population ? La population d'un territoire ? Mais, le plus souvent, il y a plusieurs établissements sur un même territoire. La population en file active ? Mais comment la dénombrer en tenant compte des mobilités et de l'évolution de son état de santé ? Comment établir une répartition par tête ? La dotation populationnelle, oui, mais comment ? En rattachant les gens à un établissement, comme pour les médecins référents ? Comment prendre en compte d'autres considérations, comme les critères sociaux ? Vos propositions font défaut.
Enfin, le pilotage par la qualité est illusoire car les indicateurs de qualité sont trop sommaires pour que l'on prétende rémunérer les établissements sur cette base.
Monsieur le ministre, au fond, voici la vraie question : avez-vous engagé les réformes structurelles que l'hôpital public attend ? Pour notre part, nous en doutons sérieusement.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Depuis le début de l'épidémie de covid-19 dans notre pays, soit depuis début janvier, les recommandations du Gouvernement en matière de recours aux soins sont totalement surréalistes.
Plus de 100 000 professionnels de santé libéraux ont été tenus à l'écart par le fameux adage : « Restez confinés, bonnes gens, et attendez l'aggravation des symptômes pour composer le 15. »
Je n'ai pas bien compris. Il y a une deuxième vague ou pas, finalement ?
Il a été suivi aux dépens d'un hôpital public déjà moribond, qui a vu des patients toujours plus nombreux passer les portes et dont les services de réanimation cachectiques ont été saturés. C'est tout notre système de santé qui a été sur-sollicité et qui a dû relever le défi d'une crise sanitaire à laquelle personne, encore moins le ministre des solidarités et de la santé, n'était préparé.
Pourtant, ces dysfonctionnements ne sont pas nouveaux et le Parlement s'était déjà saisi de ces questions à de multiples reprises. D'année en année, il réitère des constats mettant en avant les limites d'un système de santé encore trop cloisonné et dont la gouvernance territoriale est étouffée par une administration pléthorique et inadaptée. Je parle ici, bien sûr, des agences régionales de santé.
Désertification médicale, soignants trop peu nombreux, services d'urgence plus que saturés, lits d'aval carencés… Les transferts de patients d'une région à l'autre ont étonné, mais j'aimerais rappeler qu'ils sont effectués chaque hiver depuis plusieurs années.
Ainsi, rien de nouveau sous la covid. Le plan « ma santé 2022 », destiné à améliorer la coopération entre l'hôpital et la médecine de ville, a été amorcé, mais il a été mis à mal dès l'apparition du premier patient atteint par la covid-19.
Le déficit des hôpitaux publics a atteint 620 millions d'euros en 2018. Tous alertent sur leur besoin d'investissement, de ressources et de visibilité pluriannuelle. Il est vrai que le PLFSS, ce n'est pas seulement la santé et le risque maladie, mais comment ne pas insister sur la situation catastrophique de notre système de santé, mis à rude épreuve en pleine épidémie ? Comment ne pas évoquer la situation des soignants, qui ne comptent pas leurs heures, qui, pour certains, ont été malades, et, pour d'autres, n'ont pas pu prendre leurs congés ? Jusqu'à présent, les réponses apportées à leurs revendications se sont révélées insuffisantes.
Le PLFSS pour 2021 devait être la traduction des mesures issues du Ségur de la santé. Or celles-ci ont été insuffisantes et inacceptables. À quand un Ségur 2 digne, qui réponde aux attentes réelles ? Sans parler du secteur médico-social, de celui du handicap et de certains professionnels de santé totalement oubliés, et notamment des infirmiers salariés des SSIAD – services de soins infirmiers à domicile – , pour ne citer qu'eux ?
Beaucoup d'infirmiers et d'aides-soignants s'interrogent sur leur avenir au sein de l'hôpital. Certains songent à une reconversion professionnelle ; d'autres sont déjà partis, totalement épuisés, en burn out. Ils ne trouvent plus de sens dans leur métier. En six ans, 17 500 lits ont été fermés, 3 500 environ rien qu'en 2019. Derrière ces chiffres, il y a la dure réalité d'un service public de moindre qualité, imposant des conditions de travail insupportables pour les professionnels de santé. Quel sens donner à son métier quand l'activité principale des praticiens consiste à passer des heures à chercher des lits pour accueillir des patients toujours plus nombreux ? La question se pose encore davantage en période de crise sanitaire.
Notre réponse doit être à la hauteur de leur épuisement et de leur dévouement. Je ne crois pas que la création d'un forfait patient urgences soit à même de répondre à la saturation desdits services. Ce n'est pas aux patients, en particulier aux plus précaires d'entre eux, dont certains ne possèdent pas de complémentaire santé, de subir encore la désorganisation territoriale du système de soins et son incurie.
Enfin, je veux avoir un mot pour un champ trop souvent oublié de notre système de soins : la santé mentale. Il y a un paradoxe à considérer ce secteur comme le parent pauvre de la médecine, alors que les crédits qui lui sont consacrés sont très élevés. La réalité, mise en évidence dans le rapport que j'ai coécrit avec ma collègue Fiat en 2019, est que la psychiatrie hospitalière souffre à la fois d'un sous-financement et d'un « mal-financement », lesquels ne permettent pas l'adéquation de l'offre aux besoins. Il était nécessaire de réformer ce financement, ce que nous avions entamé après tant d'années de concertation et d'attente. Dès lors, nous ne pouvons que regretter que soit repoussée la réforme du ticket modérateur en psychiatrie.
Je conclus, monsieur le président. Par ailleurs, le groupe Libertés et territoires proposera plusieurs amendements afin de revenir sur certaines dispositions de l'article 42 du texte relatif à la contention et à l'isolement. Ces techniques ne doivent être utilisées qu'en dernier recours. Nous devons veiller, dans toutes les circonstances, au respect des droits des personnes et favoriser au maximum le libre choix du patient.
Les conséquences économiques de la gestion aberrante de la crise de la covid-19 auront des répercussions sociales insoupçonnées. La psychiatrie devra faire face, mais comment ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et parmi les députés non inscrits.
Désormais, tous les patients passant aux urgences devront payer un forfait de 18 euros, réduit à 8 euros dans certains cas, y compris les invalides, les cancéreux, les diabétiques, les malades épileptiques et les femmes enceintes – heureusement, un amendement du rapporteur général est prévu pour retirer ces dernières de la liste. Les seules exceptions sont les malades du covid-19 et les victimes du terrorisme. Chacun devra payer 18 euros s'il est établi, au terme de son passage aux urgences, que son état ne nécessite pas une hospitalisation.
Je ne parlerai que d'un seul et unique thème : notre opposition à la création du forfait patient urgences. Je ne sais pas si tous mes collègues ont remarqué cette nouveauté ; quoi qu'il en soit, je voudrais dire à quel point elle me choque et combien nous la condamnons.
Il vaut la peine de se demander pourquoi une décision pareille est prise. On le devine : pour désengorger, dit-on, les urgences. Mais pourquoi va-t-on aux urgences ? Par plaisir ? Parce qu'on se plaint d'un bobo ? Tous les Français savent que passer aux urgences, c'est attendre un temps interminable dans des conditions tout à fait démoralisantes.
M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Jean Lassalle applaudissent.
Alors pourquoi y vont-ils ? Eh bien, parce qu'ils ne sont pas capables, comme tout le monde le comprend, d'évaluer la gravité de ce qu'ils ressentent ; ils y vont pour qu'on leur réponde.
Les gens se rendent aussi aux urgences parce qu'il n'y a pas assez de médecins : …
… 20 % des Français déclarent s'être déjà rendus aux urgences dans les deux dernières années par manque de disponibilité d'un médecin de ville, parce qu'il n'y avait personne pour s'occuper d'eux ; ils vont donc au seul endroit où on pourra le faire.
Songez que 3,8 millions de Français vivent dans un désert médical. Il faut en moyenne six jours pour obtenir un rendez-vous chez un médecin généraliste, vingt-deux jours pour un pédiatre, vingt-huit jours pour un dentiste et quatre-vingts jours pour un ophtalmologiste !
Par conséquent, ce forfait sera d'abord une punition pour les pauvres gens et ceux des périphéries, les plus touchés par le manque de médecins.
Et que se passera-t-il dès lors qu'ils sauront que ça coûte 18 euros ? Ils n'iront pas.
Mais les 18 euros sont ensuite remboursés !
qu'ils sauront que ça coûte 18 Comme ils n'auront pas la certitude d'être hospitalisés, ils n'iront pas aux urgences, au risque que leur état s'aggrave.
On sait que 45 % des Français ont d'ores et déjà renoncé à aller chez le médecin parce que c'est trop cher et que 3 millions de Français n'ont pas de mutuelle, donc pas de prise en charge possible du forfait hôpital.
Vous oubliez la complémentaire santé universelle !
Les soins seront donc repoussés jusqu'à leur aggravation, donc jusqu'à l'hospitalisation – hospitalisation sauvage, si j'ose dire.
« Il y a les mutuelles » va-t-on nous rétorquer. Oui, mais les complémentaires, les mutuelles et les assurances privées vont évidemment retranscrire ce nouveau forfait dans leurs contrats. Or, en dix ans, leurs tarifs ont déjà augmenté de 47 %. Et j'ai noté que leurs frais de gestion ont progressé de 30 %. Vraiment, mieux vaudrait avoir un système de sécurité sociale unique d'un bout à l'autre,
M. Pierre Dharréville et Mme Caroline Fiat applaudissent
qui nous épargnerait de devoir consacrer 15 % des dépenses des mutuelles au financement de la publicité, à la bureaucratie privée et aux actionnaires.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
Je n'en dirai pas plus. Ces 18 euros sont durs pour les faibles, et la conséquence sanitaire sera rude. Pour les gens simples, dans la vie de tous les jours, pour ceux qui ne savent pas et cherchent où se faire accueillir, la santé devient un luxe. Se nourrir correctement est un luxe alimentaire ; en matière de logement, vivre dans un endroit sain est un luxe ; et maintenant le luxe devient médical. C'est trop !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, LT et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits.
Depuis trois ans maintenant, nous dénonçons les budgets de la sécurité sociale qui se succèdent, nous dénonçons les choix politiques qu'ils représentent, nous dénonçons l'affaiblissement de la sécurité sociale, nous dénonçons la casse de l'hôpital public. Ces budgets en ribambelle, les uns après les autres, nous ont conduits dans cet état de grande pénurie, de fragilité extrême, de dénuement face au surgissement du virus. Le Gouvernement a été rattrapé par le réel. La situation dans les hôpitaux est catastrophique : c'est le revers de la médaille d'une politique qui renonce à prendre l'argent là où il est.
Dans les établissements, la tension est palpable. La colère aussi ; elle est encore montée d'un cran, avec un brin de désabusement supplémentaire. Au moment où l'on constate une grande perte de sens, entendre la rengaine habituelle – « c'est un problème d'organisation » – exaspère. Vous avez beau répéter qu'aucun gouvernement n'a fait autant pour la santé, ça ne va pas. Le Ségur de la santé ne rattrape pas le retard pris pendant des années, ne concerne pas tous ceux qu'il devrait embrasser et ne saurait être présenté pour solde de tout compte. Il nous fait seulement passer de la vingt-deuxième à la dix-huitième place européenne pour la rémunération des infirmières. Mais le personnel continue à s'en aller, ne souhaitant pas persister à vivre ce jour sans fin.
Dès le mois de mars, il aurait fallu engager un grand plan de recrutement et de formation pour ajouter du personnel dans les hôpitaux, accompagné d'un grand plan d'investissement matériel en lits de réanimation et en lits en général. Il y avait, dans l'urgence, des actes forts à poser pour anticiper, pour commencer à changer de trajectoire. Ce sont 3 400 lits qui ont été fermés en 2019 et 4 200 en 2018, 100 000 en vingt ans, tandis que vous annoncez généreusement 4 000 créations en 2021, dont nous ne savons pas grand-chose. C'est donc un budget en trompe-l'oeil ; vous y ajoutez quelques touches par des amendements, parce que vous savez que ça ne suffit pas.
Il contient quelques mesures positives, comme l'allongement du congé de paternité ou de parentalité et la diminution du rôle de la T2A. Néanmoins, le problème, c'est que le Gouvernement continue à ne pas tirer les leçons de l'épreuve et, trop souvent, à se contenter d'affichage.
Les dépenses exceptionnelles de financement des tests et des soins pour lutter contre le covid-19 ont été inscrites dans le budget, ainsi que les mesures insuffisantes et inégalitaires du Ségur de la santé. Il y a quelque temps, nous aurions pris cette entorse à votre doctrine pour de la science-fiction, mais vous en restez à la série B. Une fois mises de côté ces lignes de financement qui s'imposaient, le budget ressemble étrangement au précédent : on continue à compresser le reste du financement, avec 4 milliards d'efforts demandés, dont 800 millions à l'hôpital.
Vous annoncez l'effacement d'un tiers de la dette des hôpitaux, qui plombe leurs ressources ; toutefois, dans le même temps, vous la conditionnez à, je cite, « des engagements d'assainissement de la situation financière ». Les CREF – contrats de retour à l'équilibre financier – et autres COPERMO – comités interministériels de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers – continuent de courir ; c'est proprement insensé. Si l'on regarde plus loin, c'est assez logique puisque vous souhaitez maintenir le cap de l'assèchement des ressources de la sécurité sociale, chargée de surcroît depuis quelques mois d'une dette covid indue et de l'affaiblissement du principe même de la cotisation. Vous essayez de régler le problème de l'hôpital à côté de l'hôpital, au lieu d'annoncer une nouvelle ère, avec l'ouverture de nouveaux services, de lits, de postes – pas en CDD – et une meilleure articulation avec la ville et l'ensemble du système de santé.
Dans ce projet de budget, on trouve également la mise en acte de la décision, prétendument historique, de créer une cinquième branche, dédiée à l'autonomie. Là encore, toutes les cases sont cochées : on n'est pas au rendez-vous des attentes, on se contente d'un jeu de vases communicants, on peine à définir le périmètre, on est dans le marketing, on ne règle pas la situation des EHPAD, etc. Après en avoir fait de même pour la réforme des retraites – que la lucidité devrait conduire à abandonner au lieu de s'entêter – , on nous dit que c'est la grande réforme sociale du quinquennat. Tout cela, vous en conviendrez, est peu rassurant.
Au fond, en traçant les lignes de perspective, on se rend compte que la sécurité sociale devient un instrument de secours public et qu'elle est utilisée comme une variable d'ajustement conjoncturel des politiques économiques. Au moment où l'on fête ses 75 ans, comment ne pas s'interroger sur ces orientations, qui dessinent une société moins protectrice et moins solidaire, où les patients, pourtant ayants droit, sont toujours plus regardés comme des clients potentiels pour le marché ? La période nous a montré combien la santé devait être au premier rang des priorités et combien une protection sociale de haut niveau était nécessaire pour faire face aux aléas. Nul n'est besoin de dépiauter ce projet de budget trop longtemps pour mesurer qu'il se détourne de ces aspirations qui se sont imposées comme des évidences. À défaut de faire les choix nécessaires, on utilise nos libertés publiques comme levier de santé publique, et l'égalité s'en trouve malmenée.
Nous avons besoin d'un budget qui permette de davantage prendre soin, qui défende une ambition sociale renouvelée et qui redonne du sens à l'intervention publique.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
« Avec un courage exceptionnel, ils font face. Ils sauvent des vies. Ils font tout ce qui est en leur pouvoir. Nous serons là aussi au rendez-vous de ce que nous devons ». À Mulhouse, le 25 mars dernier, le Président de la République a rendu hommage aux soignants situés en première ligne pour protéger les Français du covid-19. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous donne l'occasion de transformer cette promesse en réalité.
L'indispensable reconnaissance de la nation envers les soignants se traduit en premier lieu, dans le PLFSS, par des revalorisations salariales historiques, inscrites dans les accords signés en juillet dernier par le Gouvernement et une majorité d'organisations syndicales. Ces revalorisations, qui seront prises en compte dans le calcul des droits à la retraite, sont d'une ampleur totalement inédite : 183 euros net par mois pour les secteurs public et privé non lucratif. Cette mesure socle s'accompagne de revalorisations par filières d'activité, de revalorisations pour les étudiants et de mesures d'investissement pour renforcer l'attractivité de l'hôpital public pour les médecins.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale revêt également un caractère extraordinaire compte tenu des sommes colossales investies : près de 19 milliards seront déployés pour redonner aux établissements de santé et médico-sociaux les marges financières nécessaires à l'investissement, notamment du quotidien, et pour améliorer les conditions de travail. Plus précisément, 13 milliards sont consacrés au refinancement d'un tiers de la dette des établissements assurant le service public hospitalier, afin de leur redonner rapidement les moyens d'investir, d'assainir leur situation financière et de transformer l'offre de soins pour améliorer la réponse aux besoins de la population. Le plan d'investissement supplémentaire de 6 milliards d'euros inscrit dans le plan de relance est consacré aux investissements ville-hôpital et aux projets hospitaliers prioritaires. La gouvernance de ces investissements massifs reposera largement sur l'échelon régional, avec la participation des territoires et des élus à la prise de décision.
Nous poursuivons dans le PLFSS la réforme de la tarification hospitalière, la fameuse T2A. D'une part, nous réformons le modèle de financement des structures d'urgence : la création du forfait patient urgences permettra de limiter le reste à charge, parfois très élevé pour les patients.
D'autre part, nous permettons l'expérimentation d'un modèle mixte de financement des activités hospitalières de médecine, celles-là mêmes qui souffrent du financement à l'activité.
Ce projet de loi de financement est aussi celui de la poursuite des innovations organisationnelles.
Tout d'abord, le déploiement des maisons de naissance répond à une demande croissante de femmes souhaitant accoucher de manière plus naturelle. Ces structures proposent une prise en charge globale de leur accompagnement, avec un accouchement sécurisé, grâce à la coopération avec des maternités hospitalières adossées.
Autres innovations organisationnelles, la poursuite du développement de la télémédecine, avec la prise en charge intégrale des actes pour l'ensemble des assurés pendant encore deux ans, mais aussi le développement des hôtels hospitaliers, qui offrent un hébergement temporaire non médicalisé aux patients.
Le groupe La République en marche a défendu en commission des avancées importantes dans la partie assurance maladie, notamment le renforcement de la transparence du secteur du médicament et le tiers payant intégral pour tous les actes d'interruption volontaire de grossesse. Il poursuivra en séance, avec de nouveaux amendements sur la nécessaire interopérabilité des logiciels, sur des expérimentations concernant la santé publique et sur le non-recours aux droits.
La réponse budgétaire, par le biais d'un PLFSS exceptionnel, nous commande d'être ambitieux et d'avancer véritablement dans la transformation et l'amélioration de notre système de santé. Hors crédits, il y a la crise sanitaire : l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie – ONDAM – progresse de 6 % en 2021, ce qui est indéniablement historique. Nous devons tous ensemble être à la hauteur et transformer en opportunités les incroyables efforts demandés par cette crise. Comme l'a dit le Président de la République le 25 mars, soyons au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 21 octobre 2020, à minuit.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra