La crise sanitaire et économique que nous traversons depuis plusieurs mois a durement affecté les comptes de la branche vieillesse de la sécurité sociale qui, je le rappelle, représentent près de la moitié des dépenses de sécurité sociale, tous régimes obligatoires de base confondus. Même s'il faut rester très prudent sur les chiffres, le déficit de la branche atteindrait 9,6 milliards d'euros en 2020, dont 7,9 milliards au titre du régime général. Toutefois, si on prend en compte l'ensemble du système de retraite, ce déficit atteindrait, selon une note d'étape publiée la semaine dernière par le Conseil d'orientation des retraites – COR – , plus de 25 milliards d'euros. Ces déficits sont de toute façon sans commune mesure avec les soldes enregistrés ces dernières années. De même, le déficit du fonds de solidarité vieillesse – FSV – , qui assure le financement des dispositifs relevant de la solidarité nationale, notamment le minimum vieillesse, devrait atteindre 3,2 milliards d'euros, soit le double de celui de 2019.
Comment expliquer une telle situation ? Elle est due à l'évolution divergente des recettes et des dépenses de la branche : les premières, en particulier les cotisations sociales, ont fortement diminué – de 2,3 % – à cause du ralentissement de l'activité économique, tandis que les dépenses des caisses de retraite continuaient à progresser à un rythme soutenu – de 2,5 %. Notons que le transfert de la soulte du régime des industries électriques et gazières du Fonds de réserve pour les retraites – FRR – à la Caisse nationale d'assurance vieillesse – CNAV – pour un montant de 5 milliards, acté dans le cadre de la loi du 7 août dernier relative à la dette sociale et à l'autonomie, a toutefois permis de limiter la dégradation du solde de la branche.
En l'absence de mesures fortes pour maîtriser les dépenses, les comptes de la branche vieillesse devraient durablement rester dans le rouge. Alors que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – prévoit une hausse de l'ordre de 2 % des dépenses de retraite en 2021, le déficit annuel du régime général devrait rester supérieur à 7 milliards d'euros jusqu'en 2024. En raison du poids de la branche vieillesse dans les comptes de la sécurité sociale, qui sont durablement dégradés, il sera donc nécessaire, une fois la crise sanitaire maîtrisée, de réexaminer la situation financière de notre système de retraite et d'engager de nouvelles discussions avec les partenaires sociaux pour réguler les dépenses de retraite à moyen terme, et ce indépendamment de la réforme systémique de la retraite à points.
Malgré la dégradation pérenne du solde de la branche, le Gouvernement n'a pas souhaité cette année procéder à des mesures de maîtrise des dépenses de retraite comme il l'avait fait lors des dernières lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, en 2021, l'ensemble des pensions de retraite de base seront bien indexées sur l'inflation, estimée à 0,6 %. Dans l'attente d'une relance de la réforme des retraites, suspendue en mars dernier après son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a axé ce PLFSS sur les mesures issues des accords du Ségur de la santé, choisissant donc de n'introduire aucune mesure spécifique affectant l'assurance vieillesse.
Cependant, la branche vieillesse agit aussi pour prévenir la perte d'autonomie et, à l'heure de la création de cette cinquième branche de la sécurité sociale, j'ai souhaité m'intéresser plus particulièrement à une mission souvent méconnue des caisses de retraite : la prévention de la perte d'autonomie. La CNAV consacre chaque année un budget de 400 millions d'euros en activités de prévention de la perte d'autonomie. Ce montant, j'en conviens, est faible au regard des dépenses globales de la caisse, mais il contribue à la politique nationale de soutien à l'autonomie, et ce de manière concrète. Ces 400 millions sont à ajouter aux dépenses en ce domaine de l'AGIRC-ARRCO – l'Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés – ou encore la mutuelle sociale agricole – MSA. Les caisses de retraite accompagnent en effet les individus au moment de leur passage à la retraite, les aident à préserver leur santé et à rester vivre chez eux en finançant, par exemple, des programmes d'adaptation du logement, comme l'aménagement des salles de bains, ou des services de portage de repas à domicile ; en somme, elles favorisent le bien vieillir.
Il est intéressant de noter que si le chemin est encore long avant une éventuelle mise en place d'un système universel de retraite, les caisses des différents régimes développent ensemble chaque année, avec d'autres organismes sociaux, des actions transversales notamment pour prévenir la perte d'autonomie. La qualité des actions de prévention menées par les caisses de retraite doit inviter les concepteurs de la cinquième branche à préserver leur rôle et à capitaliser sur leur expérience. La récente collaboration de la CNAV avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – dans la mise en place d'un formulaire national unique de demande de prestation pour les personnes âgées vivant à domicile et ayant besoin d'une aide extérieure démontre que les caisses de retraite travaillent de manière constructive avec les principaux acteurs de l'autonomie pour développer de nouveaux services qui facilitent la vie de nos concitoyens.