À l'heure où l'on fête les 75 ans de la sécurité sociale, le PLFSS pour 2021 qui nous est présenté est un budget de crise. Il montre que le Gouvernement a été pendant un temps rattrapé par le réel, car jusqu'à présent vous aviez refusé d'ouvrir les yeux sur l'ampleur de la colère hospitalière.
Le personnel soignant avait déjà tiré la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois avant que l'épidémie ne frappe notre pays. La souffrance était à son comble et la moitié des services d'urgences étaient en grève en septembre 2019 pour réclamer des embauches, des hausses de salaires et des ouvertures de lits. Quatre plans ont été annoncés entre 2018 et 2019 sans que les moyens ne soient jamais à la hauteur des revendications du monde de la santé. Pendant trop longtemps, l'exécutif leur a opposé la même réponse : ce n'est pas un problème de moyens financiers, mais un problème d'organisation.
C'est cette logique qui a guidé votre réforme « ma santé 2022 », qui prévoit notamment la refonte de la carte hospitalière et une réorganisation du système de soins, sans accroître les financements. C'est encore ce discours qui était tenu par le Président de la République aux infirmières de l'hôpital Rothschild, en octobre : « On ne va pas créer des postes et des lits parce que le covid arrive ; c'est impossible ».
Cette crise sanitaire vous a rattrapés brutalement ; elle vous rappelle vos propres turpitudes et rend caducs les choix opérés lors des exercices précédents, promettant des coupes aveugles dans les dépenses de santé et les prestations sociales. Elle vient invalider les attaques menées depuis trente ans contre le service public hospitalier. Ces politiques, vous les avez prolongées depuis votre arrivée aux responsabilités : depuis 2017, 7 600 lits d'hospitalisation ont été fermés et 4 milliards d'économies ont été demandées aux hôpitaux pour rétablir les comptes sociaux à marche forcée.
Il faut en finir avec ces orientations mortifères qui abîment notre système de santé et créent de la souffrance chez les soignants. Il faut en finir avec le pilotage comptable et managérial de l'hôpital public. Il faut en finir avec la course à l'activité et à la marchandisation des soins.
Au moins pour un temps, les luttes des personnels soignants et la crise sanitaire vous ont obligés à revoir votre doctrine sur le plafonnement des dépenses de santé, devant les pénuries constatées dans les hôpitaux en matière d'équipements et face au manque criant de personnels hospitaliers et de lits. Forcés par les circonstances, vous vous êtes résolus à dégager des moyens supplémentaires pour revaloriser les rémunérations des personnels des hôpitaux et des EHPAD, dans le cadre du Ségur de la santé.
Ces revalorisations salariales sont bienvenues mais ne compensent pas totalement dix années de gel du point d'indice dans la fonction publique hospitalière : nous passons seulement de la vingt-deuxième à la dix-huitième place pour les salaires infirmiers parmi les pays européens, d'après l'OCDE. C'est mieux, mais cela reste insuffisant : 30 % des postes restent vacants à l'hôpital public car les conditions de rémunération et de travail ne sont pas assez attractives par rapport à celles du secteur privé.
Malgré les engagements du Gouvernement, le Ségur de la santé fait des oubliés parmi les personnels soignants. Je pense notamment aux sages-femmes mais aussi aux personnels des établissements médico-sociaux, hors EHPAD, et aux infirmières de bloc opératoire diplômées d'État.
Ce projet de budget pour 2021, loin d'être historique, est selon nous celui des occasions manquées. Les moyens ne sont toujours pas à la hauteur concernant les embauches d'agents hospitaliers et les ouvertures de lits. Seulement 15 000 recrutements et l'ouverture de 4 000 lits à la demande ont été annoncés dans le cadre du Ségur. Or, pour disposer de 12 000 lits de réanimation afin de faire face à la recrudescence de l'épidémie, il nous faudrait déployer 24 000 infirmiers et 10 500 aides-soignants !
Devant l'urgence sanitaire, nous devons dès aujourd'hui engager un grand plan d'emploi et de formation…