… en leur rendant le pouvoir de décision au quotidien.
Les personnels de santé ont montré une nouvelle fois leur utilité sociale et leur engagement professionnel, déjà constatés bien avant la crise sanitaire. Les conclusions du Ségur de la santé ont enfin permis le versement d'un complément de traitement, de 183 euros net par mois, à tous les personnels des établissements hospitaliers et des EHPAD. Toutefois, le décret du 19 septembre 2020 relatif au versement de ce complément a exclu certains secteurs pourtant gérés par les hôpitaux publics. Par exemple, au centre hospitalier de Roubaix, dans ma circonscription, les agents du centre d'action médico-sociale précoce et ceux du centre d'éducation et de prévention en santé, qui sont placés sur les mêmes grilles indiciaires que leurs collègues et dépendent des mêmes commissions administratives paritaires, ne bénéficient pas de cette revalorisation. Une telle inégalité de traitement est incompréhensible.
Par ailleurs, la pandémie de covid-19 a révélé les fractures territoriales ainsi qu'une superposition d'inégalités sociales.
Une récente étude de la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – , en croisant données sociales et données épidémiologiques, a montré que les premières personnes touchées par le virus appartiennent aux populations les plus fragiles, habitent en zone urbaine ou périurbaine et ne peuvent recourir au télétravail. Les inégalités d'exposition se cumulent souvent quand on exerce un emploi en lien avec le public ou une activité qui a été maintenue sur site, notamment dans les secteurs de la santé, de l'action sociale, de l'industrie agroalimentaire, du commerce ou de l'industrie. Au-delà du facteur lié à l'âge, certaines pathologies aggravent les symptômes liés au covid-19 : obésité, hypertension artérielle, diabète. Ces pathologies, identifiées comme des comorbidités aggravantes, sont inégalement réparties sur le territoire : les Hauts-de-France, la Normandie, le Grand Est, La Réunion et la Corse sont les régions où les 45 à 65 ans sont encore plus susceptibles qu'ailleurs de développer une forme grave de coronavirus.
J'insisterai donc sur le fait qu'en dépit d'un niveau de dépenses de santé élevé, les inégalités territoriales restent profondément inscrites dans la réalité sanitaire de notre pays. Notre groupe politique rappelle cette problématique de façon constante, en particulier lors de l'examen de chaque PLFSS. Les moyens consacrés pour corriger ces inégalités sont insuffisants. Il reste donc encore à notre système de santé à se doter des outils nécessaires pour combler le retard accusé par plusieurs de nos régions. Il nous faut également inscrire dans la loi les indices tenant compte de cette situation sanitaire régionale pour la répartition du fonds d'intervention régional, le FIR.
Reste enfin une grande absente : la prévention, qui n'est pas assez identifiée, structurée, reconnue, alors qu'elle pourrait être véritablement efficace à l'échelon territorial.
Nous l'avons déjà affirmé, le projet de loi ne traduit pas la volonté d'un choc de décentralisation.
Il ne représente pas non plus une rupture avec les budgets de la sécurité sociale précédents, puisque les mesures d'économie reposent, une fois de plus, sur le secteur du médicament et des dispositifs médicaux. Certes, on lui en demande moins, mais toujours trop. Et cela soulève la question suivante : comment relancer et relocaliser le secteur du médicament tout en lui demandant une nouvelle fois des efforts de baisses de prix ? Nous prenons cependant acte de la décision de fixer le taux M – l'objectif de dépenses de médicaments – en valeur et non plus en taux, ce qui va améliorer la lisibilité des mécanismes de régulation.
Ce texte contient néanmoins des mesures à saluer, autant d'avancées concrètes : l'ouverture d'expérimentations intéressantes, notamment concernant le modèle mixte de financement des activités de médecine ; la taxe sur les complémentaires santé ; le prolongement du dispositif d'exonération de charges patronales pour l'emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi dans le secteur agricole ; quelques mesures de simplification des démarches déclaratives.
Pendant la crise, le recours à la téléconsultation médicale s'est considérablement accéléré, c'est une bonne chose. Cette expérience doit contribuer à la réflexion sur la solution complémentaire d'accès au parcours de soins qu'offre ce dispositif dans le monde médical de demain. Nous soutiendrons la poursuite d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie des téléconsultations, mais nous pensons également qu'une participation des complémentaires santé pourrait être étudiée.
L'allongement du congé de paternité est une évolution équilibrée. Comme il ne passe que de onze à vingt-cinq jours, cela ne pèsera pas trop lourdement sur les finances publiques. Cependant, avec une période obligatoire pour répondre aux distinctions sociales, l'incitation à y recourir se trouve fortement renforcée, ce qui permettra à tous de bénéficier de cette avancée sociale allant, selon moi, dans le sens des droits de l'enfant.
Pour conclure mon propos, je souhaite aborder un sujet attendu de longue date et qui trouve désormais un cadre avec le PLFSS : la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l'autonomie. Celle-ci, quoique attendue pour faire face au défi démographique, était repoussée depuis plusieurs années par les gouvernements successifs. Elle figure désormais dans le projet de loi, nous nous en réjouissons.
Toutefois, le projet de loi relatif au grand âge et l'autonomie n'est pas encore à l'ordre du jour, alors qu'il sera indispensable afin de définir le modèle que nous souhaitons instaurer pour prendre soin des personnes handicapées et de nos aînés. Surtout, annoncer une nouvelle branche de la sécurité sociale dédiée à l'autonomie sans prévoir la moindre mesure pour lutter contre la dépendance et pour accompagner les personnes en situation de handicap, revient à accroître encore davantage la frustration des personnes à qui on entend venir en aide. De plus, la branche autonomie sera financée par l'octroi de 1,9 point de CSG – contribution sociale généralisée – , qui, par un jeu de lignes budgétaires, fera en réalité reposer l'ensemble des financements nouveaux sur la dette.
Enfin, nous regrettons que le Gouvernement ait manqué une occasion en ne saisissant pas des recommandations du rapport de la commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Notre groupe souhaitait vous proposer de nombreux amendements issus de ces recommandations mais ils semblent considérés comme des cavaliers législatifs, quand ils ne sont pas simplement censurés sans fondement juridique. Notre groupe se désole que les recommandations exposées par le rapport n'aient pu être intégrées au projet de loi. Comment justifier que la lutte contre les fraudes aux prestations sociales n'ait aucun rapport avec le budget de la sécurité sociale ? C'est incompréhensible.
Vous le voyez, beaucoup reste à accomplir, et ce PLFSS ne nous semble pas contenir l'ensemble des dispositions qu'il serait urgent d'engager. Alors que les prochaines semaines seront critiques face à l'augmentation du nombre d'hospitalisations, le grand point d'interrogation reste la durée de la crise et la trajectoire de reprise de l'économie, de laquelle dépendra l'essentiel des recettes de la sécurité sociale. C'est donc en fonction des débats et des précisions apportées que le groupe UDI-I déterminera son vote final sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.