Cet été, le Gouvernement a décidé, en faisant adopter les deux lois relatives à la dette sociale, d'ajouter 136 milliards d'euros de dettes au trou de la sécurité sociale. Ce montant est transféré à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale créée en 1996 pour apurer la dette de la sécurité sociale qui ne devait être que provisoire. Le remboursement serait aujourd'hui repoussé non plus à 2024, mais à 2033, sinon à une date ultérieure. Or le transfert couvre non seulement les déficits passés, mais encore des déficits sociaux prévisionnels liés à la crise actuelle ainsi que des investissements dans les établissements publics de santé décidés dans le cadre du Ségur de la santé. Il s'agit aussi d'une reprise de dette des hôpitaux qui n'est pas du ressort de la caisse d'assurance maladie mais relève exclusivement de la compétence de l'État. Autrement dit, la CADES vous sert de fourre-tout pour camoufler l'amortissement d'une partie de la dette publique. Je vous l'avais dit au mois de juillet dernier.
Monsieur le ministre délégué, nous demandons au moins le détail précis des transferts de dettes à la CADES.
Dans ces conditions, l'on ne peut qu'être sceptique sur la réalité de la cinquième branche, consacrée à la perte d'autonomie. L'ensemble des sources de financement n'est pas connu. Il ne s'agit en fait que d'un ripolinage maladroit de la CNSA, auquel vous comptez transférer en 2021 le versement de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé – AEEH – soit 1,2 milliard d'euros, alors que les acteurs de la branche famille sont vent debout, ainsi que celui des dépenses relatives aux EHPAD.
C'est une vingtaine de milliards d'euros de déficit qui sont à prévoir pour la sécurité sociale dans les années à venir, sans compter le mystère entretenu d'une future « loi grand âge » censée arriver « plus tard ». La précipitation éminemment politique de l'annonce de cette cinquième branche s'est imposée avant même qu'une vision n'ait été définie : vous signez des chèques en bois, ce qui n'est vraiment pas la marque d'une bonne politique financière.
Quel sera le sort de la réforme de l'assurance chômage, dont les finances sont ravagées par la crise ? Qu'en est-il de l'aide aux jeunes dans ce cafouillage au sommet de l'État ? Enfin la question du financement des retraites reste entière avec un solde financier accusant un déficit qui plonge cette année à plus de 25 milliards, et qui restera supérieur à 10 milliards par an jusqu'en 2024.
La dégradation de la situation financière menace d'ébranler des fondations qui sont creusées dans du sable. Combien faudra-t-il de budgets rectificatifs pour coller à la réalité mouvante des prochains mois ? Il est dès lors légitime, d'autant que la charge de l'intérêt semble la rendre plus facile, de s'interroger sur l'entrée dans un processus de dettes à perpétuité et sur ses répercussions sur la crédibilité économique et politique de notre pays. C'est à juste titre que la Cour des comptes s'inquiète de la soutenabilité de notre dette. Monsieur le ministre délégué, vous devriez écouter son Premier président qui juge impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur les rails de l'équilibre financier, alors que la dette sociale est aujourd'hui de près de 400 milliards d'euros – 396 milliards pour être précis. Écoutez aussi les complémentaires qui s'opposent à votre texte et à la taxation qui leur est imposée !
J'ai consacré une grande partie de ma vie à la médecine avec enthousiasme et bonheur. J'ai consacré mes mandats parlementaires à débattre, chaque année depuis vingt ans, des projets de loi de financement de la sécurité sociale. J'ai vu la situation se dégrader et la dette sociale exploser, fardeau qui reposera malheureusement sur les épaules de nos enfants et de nos petits-enfants. En attendant, on se soigne avec de la dette, mais j'affirme qu'un jour, mesdames et messieurs, il faudra rendre des comptes. Comme le disait Sun Tzu, on n'est frappé que par le destin que l'on n'a pas su maîtriser. C'est pour cela que je vous invite à voter la motion de rejet préalable.