Nous commençons l'examen du quatrième PLFSS de ce quinquennat dans un contexte de crise sans précédent de notre système de soins doublée d'une crise sanitaire et sociale majeure. Cette crise sanitaire hors normes doit, en définitive, nous interroger sur le modèle de protection sociale que nous souhaitons. Quelles perspectives donner à la médecine de ville et hospitalière de demain ? Quelles mesures prendre pour résorber les déserts médicaux ? Quel sens voulez-vous donner à vos politiques de santé ?
Depuis trois PLFSS, nous en sommes toujours à nous interroger et la réforme « ma santé 2022 » semble désormais bien obsolète pour répondre à ces défis. Vous vous contentez de mesures au coup par coup, et rien ne vient nous éclairer. Vous nous expliquez que personne n'avait fait autant avant vous, mais c'est votre devoir que de répondre à cette crise, pour les 33 885 personnes décédées jusqu'ici et les 980 000 médecins et soignants.
Je n'aurai pas la cruauté d'égrener les manques d'équipements de protection ou de rappeler les tâtonnements du début de la crise. La confiance se construit et vous n'avez pas su le faire. Nous demeurons inquiets de la dégradation de l'hôpital public et de la fuite des soignants qui y travaillent.
Certes, grâce au Ségur de la santé, l'ONDAM – objectif national des dépenses d'assurance maladie – hospitalier apparaît en forte hausse. L'objectif de dépenses est fixé à 92,3 milliards d'euros, en progression de 4,6 milliards par rapport à 2020. Mais derrière la communication gouvernementale sur les acquis du Ségur se cache le même hôpital en crise que durant la première phase de l'épidémie. À l'heure où la question n'est plus de savoir s'il y aura une deuxième vague, mais si les hôpitaux seront capables d'y faire face, l'inquiétude grandit à l'hôpital. Or vous demandez à nouveau 800 millions d'euros d'économies et de restrictions aux acteurs du système de santé et à l'hôpital.
Alors que toutes les boussoles du financement de notre système de santé sont complètement déréglées en raison de la crise du covid-19, alors que nos concitoyens ont plus que jamais besoin de leurs soignants, votre politique de restrictions va à rebours des événements que nous avons vécus et qui nous ont montré les résultats d'une sous-dotation des hôpitaux et des EHPAD.
Comme l'année dernière, il est vrai que certaines mesures sont appréciables et permettent, à moindres frais pour le budget de l'État, de présenter un PLFSS médiatiquement défendable. Je citerai l'allongement du congé de paternité, la création de nouvelles maisons de naissance, ou encore la revalorisation de l'allocation supplémentaire d'invalidité. Elles ne sauraient toutefois masquer les impasses et les manques de vos orientations politiques.
En 2008, je posais ma première question au Gouvernement sur la situation des aides à domicile. Douze ans plus tard, les secteurs social et médico-social, essentiels à la cohésion sociale de notre pays et qui s'occupent de nos concitoyens les plus fragiles, méritent toujours autant d'être, eux aussi, reconnus à leur juste valeur. Le Ségur de la santé les a oubliés dans leur ensemble. Ainsi, les MAS – maisons d'accueil spécialisées – , les SESSAD – services d'éducation spéciale et de soins à domicile – , les SSIAD – services de soins infirmiers à domicile – , les ESAT – établissements et services d'aide par le travail – , les SAESAT – sections annexes des établissements et services d'aide par le travail – , les SAVS – services d'accompagnement à la vie sociale – , les services d'aide à domicile et les aides sociales à l'enfance sont tous absents, aussi bien du décret issu du Ségur de la santé que du PLFSS. Toutes ces structures assurent pourtant une réelle continuité dans l'accompagnement et les soins.
Cette absence d'équité, intenable pour les professionnels et les établissements sociaux et médico-sociaux, doit être dénoncée. La perte d'attractivité pour ces secteurs exclus de la revalorisation se fait déjà ressentir sur le terrain. À postes et compétences équivalents, la différence de salaire crée une concurrence entre établissements, entre groupes d'établissements, voire parfois au sein d'un même établissement.
Les établissements sociaux et médico-sociaux font face à certains effets pervers de décisions prises récemment par le Gouvernement en matière de ressources humaines. Des inégalités de traitement aggravent des difficultés déjà importantes. Alors que seuls les personnels hospitaliers ont bénéficié d'une revalorisation salariale, on constate, en un mois, un grand nombre de départs d'infirmiers vers le secteur médicalisé.
Depuis des années, les professionnels du médico-social, du social et du handicap doivent prendre en charge les patients dans des conditions de plus en plus difficiles. Trop souvent oubliés et invisibles, ils doivent être reconnus et considérés au même titre que les autres acteurs du soin et obtenir immédiatement les mêmes augmentations salariales.