La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Bernard Perrut.
Depuis la tribune de l'Assemblée nationale, je veux d'abord avoir une pensée pour les soignants et tous les personnels des établissements de santé du département du Rhône : …
… les hospices civils de Lyon, l'hôpital Nord-Ouest de Villefranche-sur-Saône, le groupement hospitalier de territoire Rhône Nord-Beaujolais-Dombes. Ils font actuellement face à une évolution importante du virus et des hospitalisations, à une situation très tendue dans les services de réanimation, à un risque de saturation pouvant les contraindre à des transferts, à un manque de personnel, à la nécessité de déprogrammer des opérations pour assurer l'activité covid. Je tiens à leur exprimer ici, devant vous tous, notre soutien.
Après trois projets de loi de financement de la sécurité sociale pour le moins décevants, la crise des gilets jaunes, de multiples manifestations de soignants, une crise sanitaire sans précédent ayant abouti au Ségur de la santé, le budget de la sécurité sociale pour 2021 était censé être historique. Historique, il l'est, mais pas au sens que nous aurions souhaité.
L'année 2021 devait être celle du retour à l'équilibre des comptes sociaux. Compte tenu de la crise sanitaire, nous ne pouvons nous étonner que l'on y ait renoncé ; c'est bien compréhensible. Toutefois, les constats sont glaçants, et les perspectives, inquiétantes : le déficit de la sécurité sociale est estimé à 44,4 milliards d'euros pour cette année et à 27,1 milliards pour 2021, sachant que ces projections sont pour le moins optimistes, voire caduques. En effet, l'instauration du couvre-feu et les nouvelles mesures économiques annoncées en faveur des entreprises risquent de dégrader à nouveau nos finances sociales, ce qui rendra d'ailleurs totalement obsolètes l'étude d'impact et les projections, fondées sur l'absence d'une deuxième vague et sur une reprise de l'économie.
Et ce déficit va durer. Or, lorsque le déficit est abyssal et qu'aucun plan de financement solide n'est prévu, il n'y a qu'une solution : faire de la dette encore et toujours, après la reprise de la dette sociale par la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, laquelle est financée, je le rappelle, par la contribution sociale généralisée – CSG – et la contribution au remboursement de la dette sociale – CRDS.
Grâce au Ségur de la santé, l'année 2021 devait être aussi l'étape charnière pour la revalorisation de nos personnels de santé, si durement mis à contribution pendant la crise – je veux saluer ici leur courage et leur engagement sans faille, sans lequel notre pays n'aurait pu tenir. Je regrette toutefois que cette reconnaissance légitime se fasse au détriment du sérieux budgétaire, puisque les hausses de salaires et les investissements seront financés par toujours plus de déficit et de dette. Si les revalorisations de salaires sont nécessaires, les maux du système sont toujours là, et le Ségur n'a proposé que des mesures circonstancielles, sans avoir réfléchi à une refonte globale de notre système de santé.
L'hôpital public va pouvoir bénéficier de certaines avancées, mais les personnels du secteur privé sont renvoyés à d'hypothétiques négociations collectives, dont l'aboutissement est très incertain. Les professionnels libéraux, qui sont les grands oubliés, ont décidé pour leur part de ne plus participer aux négociations avec l'assurance maladie, le budget de la sécurité sociale pour 2021 ne prévoyant selon eux « quasiment rien » pour la profession. De même, la négociation conventionnelle a été reportée de trois ans, alors que les tarifs n'ont pas été revus depuis plus de cinq ans. Quant aux 200 millions d'euros accordés au secteur de l'aide à domicile – trop souvent négligé eu égard au rôle qu'il joue dans tous nos territoires – , ils sont bienvenus mais ne suffiront pas à faire oublier les carences et les attentes.
L'année 2021 devait être celle de la création de la cinquième branche. N'en aura-t-elle que le nom ou, peut-être, le goût ? En réalité, il s'agit d'un ripolinage de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, laquelle va « récupérer » l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé – AEEH – auprès de la branche famille, ce qui fera péniblement augmenter son budget de 1,2 milliard d'euros. Les acteurs de la branche famille et du handicap sont, vous le savez, unanimement opposés à cette reprise.
Pour financer la dépendance, les besoins sont estimés à près de 6,2 milliards d'euros d'ici à 2024, puis à 9,6 milliards à partir de 2030. Non seulement les 2,5 milliards que vous annoncez sont insuffisants, mais ils proviennent d'un détournement d'une part de CSG affectée jusque-là au remboursement de la dette sociale. Il n'y a donc en réalité pas de moyens nouveaux pour faire face à cet enjeu qui nous concerne pourtant tous. Quant au catalogue d'impôts nouveaux proposés par le rapport Vachey, il ne peut nous satisfaire.
C'est donc un bien mauvais départ pour ce qui est censé être la réforme majeure du quinquennat. Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, mes chers collègues, nous ne demandons pourtant qu'à travailler avec vous de manière responsable sur le défi de la dépendance.
Enfin, l'année 2021 devait être celle de l'égalité entre les femmes et les hommes face à la naissance d'un enfant, grâce au doublement de la durée du congé paternité. Toutefois, ce dispositif ne suffira pas à combler le vide de la politique familiale que vous menez.
En conclusion, il s'agit d'un budget fondé sur des estimations aléatoires, financé par la dette et opaque quant à sa mise en oeuvre. Monsieur le ministre délégué, madame la ministre déléguée, vous n'êtes pas responsables de tout, je le sais. C'est pourquoi j'attends beaucoup de l'examen du texte en séance publique.
Jusqu'à présent, les initiatives du groupe Les Républicains ont été rejetées, alors qu'elles méritent d'être considérées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous abordons l'examen du budget de la sécurité sociale dans un contexte inédit : la pandémie de covid-19 continue de mettre à mal notre système de santé et entraîne des conséquences d'une ampleur sans précédent sur les plans sanitaire, économique, social et, même, démocratique. Le texte dont nous allons débattre est la retranscription comptable du séisme sanitaire auquel nous sommes confrontés depuis près de huit mois.
Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés a pleinement conscience de la difficulté de l'exercice budgétaire dans cette période troublée ainsi que des réponses fortes apportées par le Gouvernement. Il prendra le temps et la place nécessaires pour participer au débat dans un esprit ouvert et constructif.
Bien sûr, les comptes sociaux présentent un lourd déficit, lié à la croissance exponentielle des dépenses et à d'importantes pertes de recettes. Bien sûr, il est difficile de dresser un tel constat, tant les efforts consentis pour rétablir ces comptes ont été nombreux depuis le début de la législature. Toutefois, il faut l'assumer pleinement, courageusement, historiquement, en faisant preuve de responsabilité. Cette dégradation substantielle est aussi la preuve que notre système de sécurité sociale est suffisamment solide pour protéger l'ensemble de nos concitoyens dans les situations les plus extrêmes.
Le budget de la sécurité sociale pour 2021 vise aussi à concrétiser les accords du Ségur de la santé et la dynamique de revalorisation salariale en faveur des personnels des hôpitaux et des EHPAD. Notre groupe se réjouit de pouvoir parachever, dans le présent texte, cette mesure attendue de longue date.
La crise sanitaire nous a montré que nous pouvions sortir des vieux clivages, d'une part entre l'hôpital et la médecine de ville, d'autre part entre le public, le privé non lucratif et le privé, afin de renforcer l'efficacité et la réactivité de notre système de santé. Il s'agira aussi de revaloriser la place de chacun de ces acteurs, car nous avons besoin de tous.
En outre, le texte met en oeuvre la nouvelle branche de la sécurité sociale, dédiée à l'autonomie. Sa création l'été dernier, à l'initiative des parlementaires de la majorité, a constitué la première étape d'un processus complexe mais absolument indispensable pour relever le défi de la prise en charge de la dépendance. Ce PLFSS apporte une nouvelle pierre à l'édifice en établissant une architecture globale de la gouvernance et du financement de cette politique publique.
Il s'agit désormais de consolider cet ensemble avec une loi relative au grand âge. Cela passera nécessairement par une véritable dynamique collective des métiers des secteurs médico-social et social. En effet, le secteur des soins et services à domicile est la clé de voûte d'une politique de l'autonomie efficace et respectueuse du choix des personnes, celui du maintien à domicile prioritairement. Aussi ne pouvons-nous que nous réjouir que le Gouvernement ait pris l'initiative d'instaurer un financement pérenne par la CNSA pour soutenir le secteur. Il s'agit d'une bonne mesure, qui doit permettre d'engager une véritable montée en charge de l'ensemble du secteur, de progresser en matière de formation aux métiers de l'autonomie et de rendre ces métiers plus attractifs. Enfin, une politique publique solide de l'autonomie n'est pas envisageable sans un volet de prévention fort et assumé.
Le texte comporte d'autres mesures qu'il convient de saluer, notamment l'allongement du congé paternité, le développement des maisons de naissance et celui des hôtels hospitaliers. Néanmoins, nous regrettons l'absence de mesures significatives sur plusieurs aspects relatifs à la prévention ainsi que sur le renforcement et l'accélération de la mise en oeuvre des dispositifs tendant à améliorer l'accès aux soins.
Depuis le début de la législature, à travers divers véhicules législatifs, notre groupe s'évertue à mettre au coeur du débat la nécessité de se doter d'une véritable politique de santé publique et de prévention. Si la crise a démontré la capacité du soin à s'adapter et à résister, elle a aussi mis au jour des lacunes patentes du système de santé en matière de prévention et d'anticipation, ainsi que notre incapacité à faire de la démocratie sanitaire un véritable levier de participation. La prévention doit être le fil rouge de notre politique de santé.
M. Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur de la commission des affaires sociales, applaudit.
Il faut lui attribuer des moyens et prendre des mesures fortes.
Par ailleurs, si le texte reconduit la prise en charge intégrale des téléconsultations pour une année supplémentaire, il convient de ne pas décevoir les nombreuses attentes relatives au déploiement des mesures issues du plan « ma santé 2022 » qui visent à renforcer l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Aussi profitons-nous de cette tribune pour vous interroger, monsieur le ministre délégué, sur le processus – très attendu – de labellisation des nouveaux hôpitaux de proximité et sur les premières remontées chiffrées de la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS.
Pour finir, il reste absolument urgent de revoir l'organisation territoriale du secteur de la santé mentale, dès la périnatalité, en renforçant notamment les missions des sages-femmes. Plus généralement, il convient de donner à la psychiatrie, pour tous les âges, les moyens de s'inscrire réellement dans une logique de proximité et d'accès du patient à des soins gradués, au plus près de ses proches, et de protection des droits des personnes hospitalisées sous contrainte. Il faut sortir la psychiatrie de son état abandonnique chronique afin d'éviter les ruptures, de rétablir une continuité dans la communauté nationale.
Lors de l'examen de ce PLFSS, soyons des ambassadeurs de sens…
… car tous les professionnels de santé se disent fatigués ou en burn-out et en quête de sens. Donnons-nous les moyens de réussir collectivement. C'est bien l'objectif du texte, que nous voulons adopter après l'avoir amendé et adapté aux nécessités, afin de protéger nos concitoyens des incertitudes du temps présent. Tel est l'esprit de coconstruction qui anime le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 contient toutes les contradictions qui expliquent l'échec du Gouvernement face à la crise sanitaire, économique et sociale créée par le covid-19. Vous prétendez, grâce à votre projet, prendre les mesures d'urgence nécessaires, mais les mots ne sont pas suivis de décisions durables et cohérentes qui permettraient vraiment de remettre debout notre système de santé.
Bien entendu, je soutiens les mesures prévues pour augmenter la rémunération des soignants et investir dans les hôpitaux, car toute amélioration est bonne à prendre pour celles et ceux qui se dévouent, nous le savons, pour notre bien commun. En revanche, je ne pourrai pas voter votre projet dans sa globalité, car ces mesures sont insuffisantes et incomplètes. Seule la Bérézina du covid vous a obligés à consentir un effort financier, et la deuxième vague montre que cette prise de conscience est bien trop superficielle.
Nous savons tous que l'hôpital manque cruellement de personnel soignant. La hausse salariale prévue ne suffira pas à faire revenir les professionnels épuisés par votre système. Les 6 milliards d'euros d'investissement que vous proposez peuvent apparaître comme une somme importante, mais ils demeurent insuffisants compte tenu des besoins et des retards accumulés, lesquels ne datent d'ailleurs pas du présent quinquennat. La comparaison avec la hausse de 5 milliards d'euros de la contribution de la France au budget européen pour l'année 2021, qui a été votée en quelques heures, suffit d'ailleurs à relativiser cet effort budgétaire. Autrement dit, l'effort de la nation pour l'investissement dans l'hôpital est à peine supérieur au racket de la bureaucratie européenne.
La France bénéficie de taux d'emprunt négatifs historiques. C'est donc le moment ou jamais d'investir dans des dépenses utiles, mais aussi de reprendre l'intégralité de la dette hospitalière, plutôt que de s'en tenir aux 13 milliards d'euros prévus dans le projet de loi. Avec cette demi-mesure, vous laissez nos hôpitaux étouffer sous le poids de dettes exorbitantes, alors que l'État peut les libérer pour un coût final bien moindre pour le contribuable.
Faute de mettre les moyens pour attirer à nouveau des personnels soignants et d'investir, vous ne créez pas de lits de réanimation pour mettre notre pays au niveau de l'Allemagne ; c'est là que réside d'ailleurs le problème central de la crise. Réalisez-vous que la France est complètement paralysée, pour un coût économique et social de plusieurs centaines de milliards d'euros, car la marge entre une période normale et une période de reprise épidémique n'est que de quelques centaines de lits de réanimation ? Le faible nombre de lits de réanimation est semblable à une digue sous-dimensionnée, dont la hauteur serait à peine suffisante pour contenir une crue moyenne. Or un système hospitalier, à l'instar d'une digue, doit être paré pour des crises exceptionnelles, ce que vous refusez de faire, et ce toujours pour des raisons comptables.
Dans la plupart des départements de France, des établissements de santé ont été fermés, alors qu'ils pourraient tout à fait accueillir à nouveau des patients atteints du covid-19, ce qui permettrait de maintenir le reste des activités hospitalières. Depuis le début de la crise, vous avez systématiquement refusé de rouvrir ces établissements – je pense notamment au Val-de-Grâce, à Paris, qui serait parfaitement adapté. Pire encore, les agences régionales de santé continuent de vouloir fermer des services, voire des hôpitaux. Dans mon département de l'Essonne, vous fermez des services des hôpitaux de Juvisy-sur-Orge, d'Orsay, de Longjumeau, sans tirer aucune leçon de la crise. Selon Mediapart, plus de 100 lits – dont certains d'EHPAD – ont été fermés au CHU de Nantes, alors que nous sommes en pleine crise sanitaire et malgré un résultat excédentaire de 3,8 millions d'euros en 2019. Enfin, Le Canard enchaîné de ce matin nous apprend que les capacités de réanimation disponibles en Île-de-France pour les patients atteints du covid-19 auraient diminué de 30 % par rapport à mars dernier – même si, dans un autre journal, le ministre des solidarités et de la santé annonce bien évidemment le contraire.
Vous me direz, à juste titre, que l'argent magique n'existe pas ; j'ai répondu sur ce point. Mais depuis plusieurs années, des voix s'élèvent pour vous alerter sur l'ampleur considérable de la fraude sociale. Plusieurs parlementaires et la Cour des comptes ont produit des rapports accablants. La Cour des comptes s'est déclarée incapable de chiffrer précisément l'ensemble des détournements, mais elle a reconnu que, pour la seule branche famille, la fraude s'élève à 2,3 milliards d'euros, soit 3,2 % des prestations. En extrapolant ce taux à l'ensemble des branches de la sécurité sociale, la fraude sociale attendrait 16 milliards d'euros par an. Il s'agit d'ailleurs de l'ordre de grandeur estimé par le magistrat Charles Prats, ainsi que par notre collègue Pascal Brindeau dans son rapport d'enquête parlementaire.
La commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales a ainsi prouvé que les différents régimes sociaux comptaient, au total, entre 2,4 à 3 millions d'assurés fantômes et 5 millions d'assurés de plus que le nombre de résidents en France. Quant à l'AGIRC-ARRCO – l'Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés – , elle a procédé à un contrôle de 1 000 assurés résidant en Algérie et a découvert des fraudes chez 40 % d'entre eux. Face à de tels chiffres, comment accepter que vous ne preniez aucune mesure contre la fraude sociale, ne serait-ce qu'un plan d'action pour évaluer enfin son ampleur ?
La France est l'un des pays qui dépense le plus en faveur de son système social, en particulier de la santé. Nous disposons de personnels soignants admirables, qui font preuve d'un dévouement et d'un professionnalisme reconnus de tous. Pourtant, notre système est débordé, saturé, incapable de prendre en charge des milliers de personnes âgées, qui sont tout simplement écartées de la réanimation faute de lits disponibles.
En un mot, comment peut-on dépenser autant d'argent en faveur d'un système, laisser tant de fuites d'eau, tant de milliards gaspillés, tant de fausses cartes vitales…
… et manquer de quelques milliers de lits de réanimation, qui éviteraient la paralysie de notre pays et son coût colossal ?
Nous commençons l'examen du quatrième PLFSS de ce quinquennat dans un contexte de crise sans précédent de notre système de soins doublée d'une crise sanitaire et sociale majeure. Cette crise sanitaire hors normes doit, en définitive, nous interroger sur le modèle de protection sociale que nous souhaitons. Quelles perspectives donner à la médecine de ville et hospitalière de demain ? Quelles mesures prendre pour résorber les déserts médicaux ? Quel sens voulez-vous donner à vos politiques de santé ?
Depuis trois PLFSS, nous en sommes toujours à nous interroger et la réforme « ma santé 2022 » semble désormais bien obsolète pour répondre à ces défis. Vous vous contentez de mesures au coup par coup, et rien ne vient nous éclairer. Vous nous expliquez que personne n'avait fait autant avant vous, mais c'est votre devoir que de répondre à cette crise, pour les 33 885 personnes décédées jusqu'ici et les 980 000 médecins et soignants.
Je n'aurai pas la cruauté d'égrener les manques d'équipements de protection ou de rappeler les tâtonnements du début de la crise. La confiance se construit et vous n'avez pas su le faire. Nous demeurons inquiets de la dégradation de l'hôpital public et de la fuite des soignants qui y travaillent.
Certes, grâce au Ségur de la santé, l'ONDAM – objectif national des dépenses d'assurance maladie – hospitalier apparaît en forte hausse. L'objectif de dépenses est fixé à 92,3 milliards d'euros, en progression de 4,6 milliards par rapport à 2020. Mais derrière la communication gouvernementale sur les acquis du Ségur se cache le même hôpital en crise que durant la première phase de l'épidémie. À l'heure où la question n'est plus de savoir s'il y aura une deuxième vague, mais si les hôpitaux seront capables d'y faire face, l'inquiétude grandit à l'hôpital. Or vous demandez à nouveau 800 millions d'euros d'économies et de restrictions aux acteurs du système de santé et à l'hôpital.
Alors que toutes les boussoles du financement de notre système de santé sont complètement déréglées en raison de la crise du covid-19, alors que nos concitoyens ont plus que jamais besoin de leurs soignants, votre politique de restrictions va à rebours des événements que nous avons vécus et qui nous ont montré les résultats d'une sous-dotation des hôpitaux et des EHPAD.
Comme l'année dernière, il est vrai que certaines mesures sont appréciables et permettent, à moindres frais pour le budget de l'État, de présenter un PLFSS médiatiquement défendable. Je citerai l'allongement du congé de paternité, la création de nouvelles maisons de naissance, ou encore la revalorisation de l'allocation supplémentaire d'invalidité. Elles ne sauraient toutefois masquer les impasses et les manques de vos orientations politiques.
En 2008, je posais ma première question au Gouvernement sur la situation des aides à domicile. Douze ans plus tard, les secteurs social et médico-social, essentiels à la cohésion sociale de notre pays et qui s'occupent de nos concitoyens les plus fragiles, méritent toujours autant d'être, eux aussi, reconnus à leur juste valeur. Le Ségur de la santé les a oubliés dans leur ensemble. Ainsi, les MAS – maisons d'accueil spécialisées – , les SESSAD – services d'éducation spéciale et de soins à domicile – , les SSIAD – services de soins infirmiers à domicile – , les ESAT – établissements et services d'aide par le travail – , les SAESAT – sections annexes des établissements et services d'aide par le travail – , les SAVS – services d'accompagnement à la vie sociale – , les services d'aide à domicile et les aides sociales à l'enfance sont tous absents, aussi bien du décret issu du Ségur de la santé que du PLFSS. Toutes ces structures assurent pourtant une réelle continuité dans l'accompagnement et les soins.
Cette absence d'équité, intenable pour les professionnels et les établissements sociaux et médico-sociaux, doit être dénoncée. La perte d'attractivité pour ces secteurs exclus de la revalorisation se fait déjà ressentir sur le terrain. À postes et compétences équivalents, la différence de salaire crée une concurrence entre établissements, entre groupes d'établissements, voire parfois au sein d'un même établissement.
Les établissements sociaux et médico-sociaux font face à certains effets pervers de décisions prises récemment par le Gouvernement en matière de ressources humaines. Des inégalités de traitement aggravent des difficultés déjà importantes. Alors que seuls les personnels hospitaliers ont bénéficié d'une revalorisation salariale, on constate, en un mois, un grand nombre de départs d'infirmiers vers le secteur médicalisé.
Depuis des années, les professionnels du médico-social, du social et du handicap doivent prendre en charge les patients dans des conditions de plus en plus difficiles. Trop souvent oubliés et invisibles, ils doivent être reconnus et considérés au même titre que les autres acteurs du soin et obtenir immédiatement les mêmes augmentations salariales.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
La crise sanitaire d'une ampleur inédite que nous vivons a bouleversé nos vies quotidiennes et marquera durablement nos esprits. Nous n'étions pas préparés – ni en France ni ailleurs – au fait qu'un virus pouvait mettre à l'arrêt un pays aussi riche et puissant que le nôtre. La volonté de chacun, les solidarités, l'investissement des professionnels de santé – entre autres – , les mesures économiques et sociales exceptionnelles prises par le Gouvernement ainsi que la mobilisation des acteurs locaux nous permettent aujourd'hui d'espérer sortir de cette crise sanitaire sans précédent, tout en apportant un soutien à ceux qui en ont le plus besoin.
Ce PLFSS pour 2021 est incontestablement hors normes, en raison de la crise sanitaire et de son impact sur les finances sociales, mais aussi des transformations nécessaires qu'il contient pour aujourd'hui et demain.
Nous avons répondu au grand défi de la création de la cinquième branche dédiée à l'autonomie, attendue depuis des décennies mais jamais réalisée.
Celle-ci bénéficiera de recettes propres et fera, chaque année, l'objet d'un débat parlementaire. Le PLFSS ne préfigure pas le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie dont nous aurons à débattre, mais cette cinquième branche est dotée, dès sa naissance, de 31 milliards d'euros et d'une gouvernance propre, confiée à la CNSA, dont les missions sont bien définies.
Je terminerai en évoquant la nécessaire revalorisation des aides à domicile – je sais que vous y êtes particulièrement attentive, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie. Selon une étude de la DREES – la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – , le taux de pauvreté est particulièrement élevé dans ce secteur, atteignant 17 % pour les intervenants à domicile, contre 6,5 % pour l'ensemble des salariés. Je me réjouis de l'enveloppe de 200 millions d'euros annoncée par le Gouvernement pour répondre à cette situation, à laquelle il devra remédier, avec les départements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Rappel au règlement
Aux termes de l'article 49, alinéa 1, de notre règlement, « l'organisation de la discussion des textes soumis à l'Assemblée peut être décidée par la Conférence des présidents ». S'agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, nous devons examiner 1 370 amendements en huit séances, ce qui est impossible. Une séance étant prévue samedi à neuf heures pour l'examen d'un autre texte, nous ne pourrons pas prolonger trop longtemps la séance de vendredi soir. Nous nous dirigeons donc vers un vote bloqué, que personne ici ne souhaite.
Dans mon métier, on m'a certes appris à faire une toilette de vingt minutes en cinq minutes, mais les modalités d'examen de ce PLFSS deviennent inquiétantes. Je préfère vous alerter sur cette situation dès le début de l'examen des articles, et j'invite tous mes collègues à soutenir ma demande : la Conférence des présidents doit être réunie immédiatement pour régler ce problème. Examiner 1 370 amendements en huit séances, nous savons tous que c'est impossible. Si nous voulons débattre correctement de ce PLFSS, il convient de trouver une solution dès maintenant.
Discussion générale
Je souhaite dire quelques mots pour répondre à l'ensemble des députés intervenus au cours de la discussion générale. Je remercie toutes les personnes qui se sont exprimées pour leur contribution au débat et le partage de leur appréciation du texte.
Je ne répondrai pas à chacun d'entre vous, pour deux raisons. Premièrement, l'organisation des travaux et les hasards du calendrier font que la discussion générale s'est déroulée sur deux séances ; aussi certains intervenants d'hier soir sont-ils absents cet après-midi, pour des raisons parfaitement légitimes, et inversement. Deuxièmement, les nombreux amendements évoqués par Mme Fiat – à ce sujet, je faisais d'ailleurs remarquer à Mme la présidente de la commission que plus de 2 000 amendements avaient été déposés sur la première partie du PLF – permettront de revenir sur chaque sujet d'interrogations, de débats, voire de clivages ou de controverses.
Je reviendrai donc sur quelques points seulement.
Le forfait de 18 euros demandé pour les passages aux urgences non suivis d'une hospitalisation a été plusieurs fois évoqué. Je voudrais rappeler, à ce stade du débat, qu'il existe aujourd'hui un ticket modérateur, qui s'élève en moyenne à 18,85 euros pour le secteur public et à 20,11 euros pour le secteur privé, soit 19 euros environ tous secteurs confondus. Nous proposons un ticket forfaitaire, unique et s'appliquant à tous, de 18 euros. Cette somme serait évidemment couverte par les complémentaires, quelles qu'elles soient.
Nous aurons l'occasion d'en débattre, mais je voulais d'ores et déjà souligner qu'il n'y avait pas d'atteinte au pouvoir d'achat ou à l'accès aux soins.
S'agissant de la reprise de dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – par la CADES, un calendrier précis nous a été plusieurs fois demandé. Pour ce qui concerne l'année 2020, 20 milliards d'euros sont repris ; ils bénéficieront pour 16,4 milliards à l'ACOSS, et pour 3,6 milliards à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, la CCMSA. Pour 2021, le plafond global est fixé à 40 milliards d'euros. La somme sera fixée par décret, et nous préciserons la ventilation entre la CCMSA et l'ACOSS.
Il a été plusieurs fois question de la médecine libérale et du quatrième pilier du Ségur. Des discussions doivent avoir lieu, dont nous espérons évidemment qu'elles aboutiront. L'objectif est d'abord que la médecine libérale bénéficie d'une revalorisation et d'un accompagnement sinon identiques à ceux des accords du Ségur, du moins dans le même esprit. S'agissant des revalorisations ciblées de grilles, l'objectif est que tout le monde soit emmené par les dispositions prises dans le cadre du Ségur.
S'agissant enfin de la question de l'aide à domicile, c'est la première fois qu'un gouvernement, donc l'État, décide d'intervenir financièrement pour revaloriser les rémunérations de salariés qui ne relèvent pas de son champ direct d'emploi, puisque ces personnes sont employées soit par des associations, structures privées, soit par des collectivités locales. Nous devrons évidemment travailler avec les collectivités locales, en particulier avec les départements, pour nouer des partenariats.
À la suite de Mme Iborra, je salue l'investissement de Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie, et le montant sans précédent de 200 millions d'euros qui permettra cette revalorisation tant attendue.
Cela nous amène au problème du financement de la cinquième branche, évoqué notamment par M. Perrut. Des rapports nous ont été rendus : ils préconisent soit des créations ou des hausses de prélèvements obligatoires, ce qui ne correspond pas à la politique fiscale du Gouvernement, soit des réorientations de recettes déjà affectées à d'autres postes, ce qui ressemblerait à une politique de Shadoks, soit encore ils dégagent des pistes d'économies très difficiles à réaliser ou à défendre politiquement. C'est donc là un véritable défi, qu'il nous faudra affronter. Nous espérons que les travaux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, mais aussi du Conseil d'orientation des retraites – COR – et des différentes missions qui ont été diligentées, nous permettront de trouver les voies et moyens d'accompagner la montée en puissance de cette cinquième branche.
Plusieurs intervenants ont évoqué les mesures de régulation, et donc d'économies structurelles, qui accompagnent la construction de l'ONDAM. Nous avons déterminé un ONDAM structurel légèrement supérieur à 2,5 %, auquel s'ajoutent les points d'ONDAM liés aux accords de Ségur. Les mesures de régulation s'inscrivent, comme les années précédentes, dans la recherche de la pertinence, de l'efficacité des soins, de la réorganisation. Ce sont des mesures que l'on retrouve d'année en année, et nous avons évidemment veillé à ce qu'aucune ne soit de nature à détériorer la qualité des soins ou, pire, à entraver la réponse à la crise épidémique que nous traversons.
Je terminerai par une remarque générale. Je pense en particulier à M. Perrut, parce qu'il est le dernier de son groupe qui se soit exprimé – n'y voyez donc aucun fait personnel, monsieur le député. Beaucoup d'intervenants nous ont reproché d'avoir oublié tel ou tel public, telle ou telle mesure, tel ou tel aspect de la politique sociale, tout en s'alarmant de la hausse de la dette et des déficits. Vous ne pouvez pas nous adresser ces deux critiques en même temps !
Soit nous ne faisons pas assez, soit nous dégradons les finances sociales. Cette double critique ne serait légitime que si le reproche de ne pas traiter un problème était accompagné de propositions d'économies ou de recettes nouvelles. Force est de constater qu'après quelques heures de discussion générale, je n'en ai pas entendu.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par les dispositions relatives à l'exercice 2019.
D'après le rapport de la commission des affaires sociales sur ce PLFSS, « on relève d'importantes pertes de recettes non compensées à la sécurité sociale par dérogation au principe de compensation. Le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre dernier estime à -4,4 milliards d'euros l'impact de ces mesures non compensées sur le solde du régime général et du FSV », le fonds de solidarité vieillesse.
L'année 2019 aurait pu être la première depuis 2001 pour laquelle le budget de la sécurité sociale était excédentaire, avec un solde bien plus important que nous ne l'espérions en 2018, lorsque nous avons examiné ce budget. Cela aurait constitué un signal extrêmement positif au vu des efforts que consentent les Français en matière de protection sociale. La question du déficit de la sécurité sociale, le « trou de la sécu », aurait pu être résolue. Il était possible d'apporter des garanties sur le financement à moyen terme de la sécurité sociale.
Cet article 1er est donc un article de regret.
L'article 1er est adopté.
L'article 2 et l'annexe A sont adoptés.
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
L'ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.
Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l'année 2020.
L'amendement no 967 de M. Pierre Dharréville est défendu.
La parole est à M. Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
L'amendement no 967 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le gouvernement Valls, en 2016, a rendu obligatoires les complémentaires dans les entreprises. Cela a eu pour conséquence une croissance importante de ces entreprises privées qui font du profit sur le dos de l'assurance des personnes. « L'Avenir en commun », programme de la France insoumise, défend le principe de la réintégration de ces complémentaires dans le régime général de la sécurité sociale, afin d'une part d'augmenter les recettes de la sécurité sociale, d'autre part d'assurer une couverture égalitaire des personnes. Par cet amendement, nous proposons, dans un premier temps, d'augmenter la contribution obligatoire de ces complémentaires qui ont pu prospérer avec la crise.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 2284 .
Dans le même esprit, cet amendement vise à créer une contribution exceptionnelle sur les bénéfices réalisés par les plateformes de streaming pendant le confinement. Pour venir en aide à la nation, une contribution de 0,5 % de leurs bénéfices serait instaurée. Elle serait indolore pour ces entreprises qui ont, pour certaines, doublé leur chiffre d'affaires pendant le confinement. Il serait normal que les Français profitent aussi de ces ressources afin de rétablir les comptes sociaux de la nation, au moment où vous voulez faire contribuer les complémentaires santé pour plusieurs milliards.
Je ne suis pas sûr que vous ayez défendu le bon amendement, monsieur Aviragnet. Ceux que nous examinons traitent des assurances…
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 801 .
Alors que nous ne connaissons pas les effets définitifs de la crise sanitaire sur le non-recours aux soins, le présent amendement vise à réduire pour les acteurs mutualistes la contribution exceptionnelle prévue à l'article 3, tout en maintenant une taxe sur les assurances privées.
Par ailleurs, au regard des déprogrammations organisées pour faire face à l'épidémie, on ne peut pas exclure un rattrapage ultérieur par les assurés dans les mois à venir. À notre sens, il aurait été plus juste de créer une sorte de séquestre et de proposer aux organismes de conserver certaines sommes afin de pouvoir réagir si cela se produisait.
Cet amendement propose donc d'épargner les mouvements mutualistes, et de ne pas les mettre sur le même plan que les assurances privées, dont la nature est différente.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1672 .
Il vise à introduire une modulation de la contribution exceptionnelle demandée en 2020 aux organismes complémentaires, en distinguant les organismes régis par le code des assurances, qui cherchent à réaliser des profits pour reverser des dividendes à leurs actionnaires, de ceux qui relèvent du code de la mutualité et n'ont dès lors pas de but lucratif. Il nous paraîtrait normal de porter le taux de la contribution à 2,6 % pour les premiers, tout en le fixant à 1,3 % pour les seconds.
Permettez-moi de commencer nos discussions en émettant le souhait que nos débats soient empreints de la sérénité que nous avons connue en commission. C'est dans cet esprit que j'aborde nos échanges, …
Notre position est juste et équilibrée : aussi mon avis sera-t-il défavorable sur tous ces amendements, tant sur ceux qui diminuent la contribution ou en excluent certains acteurs, ce qui occasionnerait une perte de 200 à 500 millions d'euros pour l'assurance maladie, que sur ceux qui l'augmentent. Les critères retenus pour la détermination de cette contribution sont les économies réalisées – 2,2 milliards d'euros – , les effets de l'accélération de la portabilité des droits et un éventuel rebond de la consommation de soins, pour 500 millions d'euros environ. Une contribution de 1,5 milliard d'euros me semble juste et équilibrée. J'ajoute que nous avons prévu une clause de revoyure pour l'année prochaine.
Défavorable, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur général. Nous sommes aussi attachés à la stabilité des tarifs – le ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons été très clairs sur ce point lorsque nous avons rencontré les représentants de ces organismes. Au vu des 2,2 milliards d'euros d'économies constatées, la ponction de 1,5 milliard que nous proposons ne conduira pas à une augmentation des tarifs de ces organismes durant la crise, parce qu'elle leur laisse une marge suffisante. La clause de revoyure nous permettra, si besoin, de reprendre ce débat.
Vous ne pouvez pas vous contenter d'arguer que, comme nos propositions sont différentes, la vôtre est forcément la bonne.
Puisque vous créez une taxe sur les mutuelles et les assurances, son coût sera supporté, au bout du compte, par les assurés et les mutualistes. Même si la taxe n'a pas de répercussion sur le montant des cotisations, elle pourra en avoir sur le niveau des garanties offertes dans les contrats – vous le savez très bien.
Enfin, nous proposons de traiter de manière différenciée les organismes mutualistes et les assurances privées à but lucratif. Vous devriez mieux prendre en considération leurs différences : les organismes mutualistes font oeuvre de prévention et soutiennent des oeuvres sociales qui, dans cette crise sanitaire, sont loin d'être inutiles. Avec cette taxe, vous les empêchez de déployer leur action face à la crise. Mettre sur un pied d'égalité des organismes de nature différente, comme vous le faites, pose un véritable problème.
J'ajouterai simplement ceci aux brillants propos de M. Dharréville : promettre, comme vous le faites, d'être « attentifs » ou « vigilants », c'est bien, mais mieux vaut, comme nous le demandons, inscrire les engagements dans la loi afin d'être « sûrs ». Ce n'est pas pareil ! Mieux vaut prévenir que guérir, surtout dans cette période. Je vous invite donc à adopter notre amendement : ainsi, nous serons sûrs que votre proposition ne conduise pas à une hausse des tarifs des mutuelles.
Selon vous, monsieur le rapporteur général, le fait que ces quatre amendements visent à modifier les taux dans des sens divergents montre que vous avez trouvé un équilibre. En fait, malgré leurs différences, certains de ces amendements ont en commun de distinguer les organismes selon qu'ils sont régis par le code des assurances ou par le code de la mutualité. C'est cela qui importe ! Nous pouvons maintenir le taux de 2,6 % pour les organismes qui relèvent du code des assurances : la plupart sont cotés en bourse et distribuent des dividendes. En revanche, Pierre Dharréville et moi-même proposons de l'abaisser à 1,3 % pour les organismes qui relèvent du code de la mutualité, parce qu'ils ont un fonctionnement différent.
Je propose que la contribution exceptionnelle aux fins de participation des organismes de complémentaire santé aux coûts engendrés par la gestion de l'épidémie de covid-19 soit financée sur les fonds propres des organismes concernés, afin d'éviter d'affecter directement les comptes des régimes collectifs complémentaires, qui sont pilotés par les branches professionnelles et hébergés par des organismes assureurs recommandés.
On voit bien quelle serait la conséquence d'une répercussion du coût de cette contribution sur les régimes collectifs de branche : une augmentation des cotisations patronales et salariales, inopportune en période de crise économique, qui dissuaderait les entreprises de rejoindre les régimes de branche, réduisant ainsi la mutualisation.
Nous proposons donc, pour que la contribution exceptionnelle ne puisse être répercutée sur les régimes complémentaires de branche, que ces organismes financent la contribution sur leurs fonds propres.
Nous avons déjà examiné un amendement similaire en commission des affaires sociales. Comme vous, je serais indigné si les complémentaires relevaient leurs primes l'an prochain, …
… alors que cette contribution leur laisse suffisamment de marge. Toutefois, je ne saurai donner un avis favorable à votre amendement, puisque l'assiette que nous avons retenue – celle des cotisations – présente l'avantage de la profondeur et de la simplicité et permet d'appliquer un taux de 2,6 %, ce qui n'est pas dissuasif. En outre, pour les mutuelles et les assurances, la question des fonds propres est sensible. Je maintiens donc mon avis défavorable.
Même avis. J'ajoute que l'obligation de payer cette contribution sur fonds propres risquerait de ramener ces fonds à un niveau inférieur aux règles prudentielles, dans certains cas – que je ne sais certes pas documenter.
L'amendement no 690 n'est pas adopté.
Il a pour objet la production d'un rapport, qui permettra au rapporteur général de savoir s'il doit s'indigner ou non.
L'amendement no 46 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
À cause du risque important de faillites d'entreprises, suite à la crise sanitaire, de nombreux salariés risquent de perdre le bénéfice de leur mutuelle d'entreprise.
Afin d'assurer la continuité et la portabilité des droits en matière de protection sociale complémentaire, il convient de mettre rapidement sur pied des dispositifs transitoires pour garantir la couverture santé des salariés du secteur privé dont l'emploi serait supprimé.
La présente demande de rapport vise donc à étudier la possibilité de créer un fonds de gestion de la contribution exceptionnelle des organismes de complémentaire santé, dont la mission principale serait de permettre le maintien, sans cotisations, d'une couverture santé complémentaire pour les salariés dont l'entreprise aurait fait faillite.
L'amendement no 802 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'inscrit dans le même état d'esprit que le précédent. Il s'agit de réfléchir à des propositions pour garantir aux salariés la portabilité de leur protection sociale complémentaire. La présente demande de rapport vise donc à éclairer la représentation nationale sur l'ampleur des pertes de droits en matière de protection sociale complémentaire, et à formuler des préconisations pour améliorer la portabilité de ces droits.
L'amendement no 1084 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Il vise à encadrer la pratique du remboursement différencié dans le cadre des contrats responsables, qui est contraire aux objectifs de la réforme du 100 % santé, parce qu'elle complexifie la lisibilité des droits et garanties auxquels les assurés peuvent prétendre.
Actuellement, certains contrats d'assurance complémentaire distinguent une prise en charge « à frais réels », dans le réseau de soins, et une prise en charge fixée en euros, hors du réseau de soins. Or cette rédaction est problématique, parce que les « frais réels » sont en réalité soumis à un plafond de prise en charge fixé dans le contrat responsable, ce que n'indiquent pas du tout les tableaux de garanties.
Nous proposons donc de subordonner les avantages fiscaux accordés aux complémentaires santé à une limitation des différences de remboursement entre les soins effectués dans et hors du réseau de soins.
Comme le précédent, ces amendements visent à limiter le remboursement différencié. En effet, si vous avez besoin d'un dispositif médical – des lunettes ou un appareil auditif, par exemple – , le remboursement est parfois différencié selon le professionnel de santé que vous choisissez. Cette contrainte n'est pas claire du tout pour les bénéficiaires du contrat : une opacité totale règne en matière de garanties. Nous proposons donc de clarifier la situation, afin que l'assuré soit remboursé au même niveau, quel que soit le professionnel de santé qu'il choisit.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 492 .
L'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – a très fortement recommandé, dans un rapport récent, de « maximiser le potentiel » du renouvellement des ordonnances par les opticiens. Le présent amendement propose donc de généraliser la prise en charge de cette prestation dans les contrats solidaires et responsables.
Votre amendement no 491 est également défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?
Nous avons déjà examiné des amendements similaires en commission des affaires sociales.
L'amendement no 488 vise à supprimer l'accès à un taux réduit pour les organismes qui modulent leurs primes dans les contrats responsables et solidaires, selon que les professionnels qui effectuent les soins participent ou non aux réseaux de soins. Ces réseaux, issus de la loi de 2014 relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé, permettent de limiter fortement le reste à charge pour les patients. Un rapport rendu par l'IGAS en 2017 indiquait que la diminution de moitié du reste à charge en optique était en grande partie attribuable à leur création.
Les amendements nos 2418 et 2417 ont également été repoussés par la commission. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de débattre sur la réforme du zéro reste à charge et du 100 % santé lorsque nous examinerons les amendements portant article additionnel après l'article 33. Un suivi de la mise en oeuvre des outils numériques permettant à ces organismes d'assurer le tiers payant a été instauré.
La commission a également donné un avis défavorable à l'amendement no 492 , qui entre trop profondément dans les relations contractuelles entre les OCAM – organismes complémentaires d'assurance maladie – et les établissements, professionnels et services de santé.
Quant à l'amendement no 491 , il est partiellement satisfait par le code de la sécurité sociale. Pour le reste, comme nous l'avons vu en commission, la problématique des plateformes de tiers-payant ne relève pas tant du domaine de la loi que de l'amélioration des relations techniques entre les établissements et services de santé, d'une part, et ces acteurs, d'autre part.
Même avis sur tous ces amendements, pour les raisons évoquées par le rapporteur général.
Je l'ai défendu tout à l'heure par erreur, à cause d'un problème de tablette. Il vise à faire contribuer les plateformes de streaming, en les taxant sur les bénéfices – substantiels, pour certaines – réalisés pendant le confinement, à un taux de 0,5 %. Ces plateformes participeraient ainsi à l'effort national, au même titre que les complémentaires santé, par exemple.
L'amendement no 1808 de Mme Caroline Fiat est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
Défavorable, comme je l'ai déjà indiqué en commission. Vos amendements ne concerneraient pas seulement les plateformes de streaming, mais aussi d'autres plateformes, notamment françaises, – j'avais cité Le Bon Coin. Or celles-ci ont été très touchées par la crise, comme d'autres entreprises et start-up, et il ne faut pas les fragiliser. Par ailleurs, les plateformes participeront bien davantage à la reprise de l'activité économique en raison de la transposition de la directive sur les services de médias audiovisuels, sur laquelle notre assemblée vient de se prononcer.
Défavorable. Je rappelle qu'en 2019, la France a perçu 350 millions d'euros au titre de la taxe sur les services numériques – la taxe GAFA – que nous avons instaurée. Début 2020, nous avons suspendu le versement de l'acompte de cette taxe, en attendant l'achèvement des travaux de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – sur le projet de taxe européenne ou internationale. Or les difficultés rencontrées par cet organisme montrent qu'il ne sera finalement pas possible d'en imaginer une d'ici à la fin de l'année 2020. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a donc annoncé que nous percevrons en décembre la taxe GAFA au titre de l'année 2020 ; son produit devrait encore avoisiner les 350 millions d'euros. Cela montre que nous n'avons pas abandonné cette taxation. Tant que nous n'aurons pas trouvé un accord international, nous resterons précurseurs en la matière.
Sur les amendements nos 1964 , 1961 , 1966 , 1967 et 1969 , que nous allons maintenant examiner successivement, je suis saisi par le groupe La France insoumise de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1964 .
« Il faudra nous rappeler que notre pays repose tout entier sur ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Ce sont les mots du Président de la République au printemps.
Rappelons-nous donc Isabelle, assistante maternelle dans la Somme, à Picquigny : « Le 14 mars, raconte-t-elle, on s'est retrouvés complètement livrés à nous-mêmes, sans masque, sans gel, sans rien, avec aucune nouvelle de la PMI. Ça sonnait dans le vide, les bureaux étaient déserts. On était perdus. »
Malgré tout, elle a continué à accueillir les enfants des soignants, des enseignants, des routiers : « Ils ont même relevé mon plafond d'agrément, afin que tout le monde puisse continuer à travailler. » Elle a assumé cette charge de travail supplémentaire : « Tous les soirs, je désinfectais ma maison. Je travaillais de sept heures à dix-neuf heures, et ensuite, pendant près d'une heure, je passais du produit partout, ce que je fais encore, d'ailleurs. »
Elle ajoute : « Les protocoles, on ne les a reçus qu'à la fin du confinement, et là, ils se sont montrés pointilleux. Ils ont surveillé qu'on respectait bien tout. Pourquoi pas ? Mais sans un remerciement, sans un "comment ça va ? ", alors qu'on a travaillé seuls, abandonnés, dans la peur, on peut dire, durant les deux mois de confinement. » Elle pose enfin cette question : « La prime, d'ailleurs, est-ce qu'on va la recevoir ? Personne n'a pensé à nous la verser. »
Je vous interroge donc, madame la ministre déléguée, sur ces oubliées du budget – les assistantes maternelles n'y sont nulle part mentionnées – , ces oubliées de la prime covid. Par quel biais comptez-vous améliorer leur statut et leurs revenus ?
Vous nous parlez des assistantes maternelles, mais votre amendement vise à créer une contribution exceptionnelle sur le bénéfice des entreprises qui ont recours à des commandes par voie électronique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est difficile de considérer comme une contribution exceptionnelle ce qui est en fait une contribution pérenne. La taxation des bénéfices au taux de 10 % romprait l'égalité devant les charges publiques entre les entreprises ayant recours au commerce en ligne et les autres. Votre amendement aurait donc peu de chance de passer le test de constitutionnalité. Enfin, ce sont les entreprises françaises, grandes ou petites, dont les bénéfices sont localisés en France, que vous menacez directement, alors que ce sont plutôt leurs concurrents étrangers que vous semblez vouloir viser.
Partageant votre reconnaissance envers les assistantes maternelles et leur engagement pendant la crise, je tiens également à saluer l'action de la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, et de la branche famille au sens large, qui a apporté de l'aide aux maisons d'assistantes maternelles. Avis défavorable.
Je me fiche que vous préfériez taxer l'industrie pharmaceutique ou les milliardaires plutôt que le commerce en ligne. Ce n'est pas le sujet. La vraie question est de savoir à quel endroit, dans le budget, on trouve des dispositions pérennes en faveur des assistantes maternelles.
Vous arguez que la mesure est inconstitutionnelle ; en tout cas, elle a déjà passé le test de la recevabilité, ici, à l'Assemblée nationale. J'attends donc, monsieur le rapporteur général, que vous me donniez une réponse politique pour justifier que les 400 000 assistantes maternelles, dont un grand nombre ont continué à s'occuper des enfants d'enseignants, de routiers ou de soignants pendant la crise sanitaire, ne perçoivent pas la prime covid.
Par ailleurs, comment allez-vous donner à la CNAF les moyens de mieux structurer ce métier ? Qu'importe si cela ne passe pas par une taxe sur le commerce en ligne. Quelles sont vos ambitions en la matière ?
J'irai dans le même sens que M. Ruffin. Les assistantes maternelles n'ont pas été les seules oubliées ; il y a aussi les oubliés du Ségur, qu'il s'agisse des sages-femmes ou des infirmiers de bloc opératoire, les IBODE. Que va-t-on faire pour toutes ces personnes qui ont travaillé, donné de leur temps et parfois risqué leur vie ? Nous sommes plutôt défavorables aux primes mais, si elles existent, elles doivent bénéficier à tout le monde, y compris à tous ces oubliés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 19
Contre 85
L'amendement no 1964 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1961 .
« Il faudra nous rappeler… », disait donc le président Macron.
Souvenons-nous aussi des auxiliaires de vie sociale, de Sylvie, Véronique, Isabelle, Martine et Delphine, qui ont continué à travailler pendant la crise. Delphine, à Dieppe, a continué à réchauffer les repas de Mme Michaud ; Martine, à Abbeville, a continué à enfiler les bas de Mme Galland ; Isabelle a continué à laver Joëlle. Elles ont continué, au moment où nous restions chez nous. Elles ont continué sans masque, sans gel, sans surblouse. Elles ont continué malgré les pharmacies, les préfectures et les ARS qui ne les considéraient pas prioritaires, n'étant pas des personnels médicaux. Elles ont continué de huit heures à vingt heures, en accélérant la cadence, puisque le Gouvernement préconisait de réduire les temps d'intervention sur la préparation et la prise des repas – elles se demandaient d'ailleurs comment faire, puisque le temps passé à lever, laver et nourrir une personne avait déjà été ramené à trente minutes. Elles ont continué pour un salaire bien souvent inférieur au SMIC, ce qui explique que le taux de pauvreté chez les auxiliaires de vie sociale soit trois à quatre fois supérieur à celui de la moyenne des salariés.
« Il faudra nous rappeler… » Je viens donc les rappeler, pour qu'elles ne soient pas les oubliées de ce budget. Elles ont été rattrapées in extremis, par la queue d'un amendement, mais quelles sont les marges de manoeuvre que vous comptez dégager pour donner un statut et un revenu décent aux auxiliaires de vie sociale ?
Défavorable.
Je m'étonne que, sur un sujet comme celui-là, vous vous contentiez de dire « défavorable », sans présenter votre plan d'action en faveur de ces 700 000 auxiliaires de vie sociale qui galèrent. Va-t-on, demain, pour répondre aux besoins croissants, avoir recours à une immigration choisie, ou va-t-on enfin élaborer un vrai statut pour ces auxiliaires, afin d'éviter le turn-over et la désaffection du métier ? Cette dernière s'explique pour 35 % par une rémunération insuffisante, et pour 23 % par l'organisation du travail et les horaires ; viennent ensuite le temps partiel subi, ce qui rejoint les deux motifs précédents, et la pénibilité physique et psychique. Quelle est la réponse du Gouvernement pour lever ces quatre freins majeurs et faire en sorte que ce métier ne soit plus dévalorisé, malmené ? Ce souci nous concerne tous, en tant qu'accompagnants de personnes âgées et même en tant que futures personnes âgées.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 22
Contre 88
L'amendement no 1961 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1966 .
« J'ai eu une fin de vie, il y a deux ans. La personne est décédée dans mes bras, et aussitôt après on s'en va travailler. On s'attache quand même aux personnes… » Je cite une auxiliaire de vie sociale rencontrée à Dieppe, qui racontait comment elle partage, avec les personnes âgées, les souvenirs, les photos, les amours… Bien sûr, nous sommes en théorie dans le cadre d'une relation professionnelle, mais des liens personnels se créent et, lorsqu'un décès survient, c'est parfois, pour l'auxiliaire, un choc, voire un traumatisme. « J'ai eu le décès d'une dame. Ça faisait plus de dix ans que je l'avais, c'était ma mamie à moi. J'ai travaillé le matin, ils m'ont attendue au cimetière, ils ont attendu que j'arrive, ça m'a fait chaud au coeur. »
Je propose donc, comme une mesure d'humanité, que lorsqu'un « bénéficiaire » décède, l'auxiliaire de vie qui l'a accompagné bénéficie d'un congé pour se rendre aux funérailles, afin de partager ce moment avec la famille, dont elle fait quasiment partie.
Je souhaite aussi que les auxiliaires de vie sociale bénéficient chaque semaine d'un temps consacré aux groupes de parole, ce qui leur permettrait d'échanger sur des conflits, des décès, des chocs, des inquiétudes. Une auxiliaire m'a dit un jour qu'elle ne manquerait ce rendez-vous pour rien au monde, même quand elle est en vacances ! C'est d'autant plus nécessaire que les auxiliaires de vie travaillent chacune dans leur couloir ; elles utilisent leur téléphone portable pour badger et communiquer avec leur patron, et rencontrent assez peu leurs collègues et leur hiérarchie. Il faut donc donner aux départements et aux associations les marges de manoeuvre nécessaires pour organiser ces groupes de parole.
Votre mesure d'humanité serait financée par une contribution de 10 % sur les bénéfices réalisés en France par les entreprises, principalement les banques et assurances, qui proposent des plans d'épargne retraite. Je ne peux donner un avis favorable à un amendement dont les conséquences pourraient être désastreuses tant pour le secteur bancaire français que pour l'ensemble des mutuelles françaises, qui proposent des retraites professionnelles supplémentaires aux épargnants. Avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Je vous invite, monsieur Ruffin, à rester pour la suite de la discussion, car nous évoquerons les aides à domicile.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Je n'ai pas attendu vos plaidoiries pour travailler : dès mon arrivée aux responsabilités, avec le ministre des solidarités et de la santé et les membres du Gouvernement ici présents, nous avons envisagé un dispositif structurant qui aille bien au-delà de la prime. Nous travaillons en concertation avec les départements. Il est un peu facile de se focaliser sur les « oubliés », sans penser à tous ceux que nous allons servir aujourd'hui et qui nous en remercient.
Vous me demandez ma feuille de route, je vous la donne : ces métiers vont être revalorisés grâce à un plan métiers que nous préparons. Vous avez cité beaucoup de noms ; je pourrais vous en citer tout autant, car je les connais bien, et depuis très longtemps – sans doute plus longtemps que vous !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Madame la ministre déléguée, je voudrais également appeler votre attention sur les personnels des maisons d'enfants à caractère social, les MECS, qui, pour des raisons éducatives ou autres, ont continué d'accueillir les enfants pendant le confinement alors que les acteurs du secteur médico-social avaient la possibilité de les renvoyer dans leur famille, en assurant un suivi à domicile. Les éducateurs et moniteurs-éducateurs des MECS, qui ont assumé leur tâche malgré le manque de moyens, méritent d'être reconnus et ont, comme les autres, droit à la prime. Pourtant, ils font eux aussi partis des grands oubliés de ce budget.
Parmi les oubliés, signalons encore les personnels des maisons d'accueil spécialisées, qui n'ont rien touché, ou encore, chez les auxiliaires de vie sociale, les mandataires qui, contrairement aux prestataires, ne vont rien percevoir.
S'agissant de votre plan, madame la ministre déléguée, j'ai lu dans la presse que vous mettiez 200 millions d'euros sur la table pour les auxiliaires de vie sociale. Cela représente 25 euros par mois pour chacun des 700 000 auxiliaires de vie sociale : cela se prend, …
Il y a aussi les départements ! Ils sont chefs de file !
… en espérant que les départements mettent également la main à la poche, ce qui n'est pas gagné compte tenu de leurs difficultés. Oui, 25 euros, quand on est dans la galère, quand on a du mal à payer les factures, quand on a du mal à remplir le frigo, quand on compte derrière la virgule, ça se prend. Mais, soyons honnêtes, ce n'est pas cela qui sortira le métier de la pauvreté ; ce n'est pas cela qui créera des marges pour améliorer le métier.
Pour les pauvres, on compte toujours en millions ; pour les riches, c'est en milliards. Vous avez dégagé 20 milliards d'euros de marge de manoeuvre pour baisser les impôts dits de production pour les entreprises. C'est cent fois plus ! Il y avait déjà eu auparavant le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – cent fois plus. Il y a eu les 10 milliards de flat tax, d'ISF et compagnie. Alors, madame la ministre déléguée, je prends les 200 millions d'euros pour les auxiliaires de vie sociale, …
… mais le compte n'y est pas pour changer le métier, pour qu'il attire et que les femmes qui l'exercent, qui aiment l'exercer et qui disent : « Quand j'arrive chez les personnes âgées, je suis leur rayon de soleil », ne se découragent pas et ne le quittent pas.
Nous sommes bien d'accord.
Or elles le quittent massivement. Voilà l'hémorragie que vous avez, que nous avons à résoudre.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 19
Contre 94
L'amendement no 1966 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1967 .
« Presque du jour au lendemain, j'ai perdu trois enfants, trois gros contrats : 1 500 euros. À cause du déménagement des parents, d'une petite qui est entrée à l'école en septembre…. Pôle emploi ne m'a versé que 500 euros pour les trois contrats perdus. Je suis tombée à 500 euros. Heureusement qu'il y a des découverts. » C'est Marie, assistante maternelle à Picquigny, qui témoigne ainsi.
Chaque mois de septembre, bien souvent, c'est l'angoisse pour les assistantes maternelles : combien de contrats va-t-il leur rester ? Pourquoi ? Parce que ces salariés – en théorie – sont quasiment des auto-entrepreneurs, à la recherche de clients qu'ils doivent démarcher, fixant eux-mêmes leurs propres tarifs, se faisant souvent leurs propres fiches de paie. Tout cela pour un travail qui consiste à accueillir les enfants dès sept heures du matin, avec un domicile envahi jusqu'à sept ou huit heures du soir, à la plus ou moins grande joie du mari et avec, bien souvent, le risque de tout perdre. Pourquoi ? Car, en cas de séparation, on perd son conjoint, mais on perd bien souvent aussi son logement, n'ayant plus les moyens de payer les traites, les crédits ou le loyer ; l'agrément étant lié à la maison, on risque de perdre son métier dans la foulée.
Marie poursuit en disant : « Je me suis séparée. C'était le stress. Je vivais la peur au ventre, ça a été affreux. Trop d'incertitudes. Heureusement, j'ai pu garder mon domicile. » Elle raconte l'histoire d'une autre assistante maternelle qui, elle, a tout perdu.
Pour sortir de la précarité ces assistantes maternelles dont le nombre est appelé à augmenter, je préconise tout d'abord – mais d'autres propositions peuvent être formulées – de créer, dans chaque département, un conseiller Pôle emploi spécialisé pour ce métier, car les conseillers Pôle emploi ne se montrent pas toujours très compétents en face du tas de contrats qu'ils reçoivent.
Par ailleurs, il serait bon de créer un fond de lissage pour sécuriser les revenus des assistantes maternelles et leur éviter les montagnes russes. Comme le budget ne contient rien sur ce point, je me permets de vous suggérer cette piste pour le corriger.
Défavorable.
Madame la ministre déléguée, vous avez eu un mot pour les auxiliaires de vie sociale. Vous nous avez exposé, plus ou moins, votre plan. Je regrette que le Gouvernement ne s'exprime pas sur les assistantes maternelles pour ouvrir des perspectives ou proposer un plan de changement.
J'avais lancé un tweet à ce sujet ; je me suis fait tacler par Bruno Questel et Aurore Bergé – dont je regrette qu'ils ne soient pas là aujourd'hui, ainsi que par d'autres ténors de la majorité, qui m'accusaient de payer la nounou de mes enfants 4 euros de l'heure. Pour information, mes enfants ont maintenant neuf et douze ans, et ils n'ont jamais été gardés par des nounous.
Mais qu'importe, ce n'est pas le sujet. Ces députés m'ont répondu : « C'est deux fois moins que le SMIC. Merci patron ! »
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je souhaiterais qu'ils soient à mes côtés aujourd'hui pour revaloriser le métier. En vérité, 4 euros, c'est la fourchette haute de la rémunération – on est plus souvent aux alentours de 3 euros, voire 2,80 euros par enfant. Il y a donc des femmes qui travaillent du matin au soir, qui accueillent des enfants à leur domicile – qu'elles doivent de surcroît désinfecter tous azimuts en ce moment – , qui ne toucheront pas la prime covid et qui se retrouvent rarement avec le SMIC à la fin du mois.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 18
Contre 84
L'amendement no 1967 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1969 .
Annie a les épaules usées ; Véronique, c'est les talons ; Sylvie, c'est les genoux ; Nathalie, c'est les hanches.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En vérité, quand on les interroge, certaines cumulent les épaules, les genoux et les hanches.
L'une des découvertes que j'ai faites au cours des auditions que j'ai menées, c'est que les métiers du lien sont aujourd'hui plus accidentogènes que le bâtiment. Il y a plus d'accidents du travail et plus d'inaptitudes au travail chez les aides à domicile que dans la maçonnerie. Quand on discute avec les auxiliaires de vie sociale, il y a un côté : « J'ai la rate qui se dilate, j'ai le foie qu'est pas droit. » À force de soulever les malades, elles sortent bien souvent du travail par l'inaptitude ; leur salaire déjà faible diminue encore, ce qui ampute d'autant leur maigre retraite.
Nous avons auditionné le président de Pro-Consulte, un cabinet d'accompagnement, qui nous disait : « On a découvert le métier en 2015. On est tombés de l'armoire : avec les aides à domicile, on se croirait au temps de Zola. Nous avons une fierté à prendre en charge une profession aussi sinistrée, on joue un peu un rôle de SAMU. »
Il y a des solutions à apporter. Par exemple, on pourrait confier les interventions lourdes à des binômes. Un diagnostic logement pourrait être effectué au domicile du bénéficiaire avant intervention. On pourrait même prévoir des plans de formation et de bifurcation vers d'autres métiers pour que, quand l'usure arrive, les aides à domicile puissent poursuivre une carrière ailleurs.
Derrière chaque histoire, témoignage ou fait utilisé par M. Ruffin, il y a de la précarité, et il y a des solutions que le Gouvernement apporte, à son rythme – peut-être pas assez vite, mais nous les apportons.
Ce qui est dommage, monsieur Ruffin, c'est que, chaque fois que vous avez présenté un cas particulier ou relaté un témoignage, vous l'avez fait en rapport avec un amendement qui n'avait pas grand-chose à voir avec vos propos. Vous n'avez pas précisé que les cinq amendements présentés contenaient des créations de taxe sur telle ou telle assiette, dont nous aurions pu discuter.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Sur la cinquantaine d'articles que compte le texte, il y en a forcément un, deux ou plusieurs qui traitent les questions que vous évoquez. Peut-être auriez-vous pu travailler des amendements pour répondre, article par article, aux interrogations que vous avez exprimées. Ces articles seront examinés un peu plus tard dans la semaine ; il aurait fallu être là avec nous pour pouvoir les traiter.
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
J'émets un avis défavorable car il n'y a pas de rapport entre ce que vous dites et les amendements que vous présentez.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Je vous remercie pour les conseils que vous donnez à mes collaborateurs. Je vous assure que nous faisons tout pour franchir l'étape de la recevabilité, qui est de plus en plus compliquée. Nous plaçons donc nos amendements là où il est possible de les placer.
Le Gouvernement avance à son rythme, dites-vous. Mais à quel rythme ? En juin 2018, Emmanuel Macron promettait une loi sur le grand âge pour le mois de janvier 2019. Nous sommes maintenant à l'automne 2020 et – Anne, ma soeur Anne – nous ne voyons toujours rien venir.
Il y a eu une crise sanitaire, oui, mais elle est arrivée début 2020, et la loi n'était pas encore programmée.
Les mots « assistantes maternelles » et « auxiliaires de vie sociale » sont inexistants dans votre budget, monsieur Dussopt. Je ne sais donc pas où me greffer sur un texte d'où ces préoccupations sont absentes.
Je le répète : les assistantes maternelles, qui se sont dévouées pendant la crise, ne toucheront pas la prime covid. Mon interpellation – car ces amendements me donnent une fonction d'interpellation – reste sans réponse pour les 300 000 à 400 000 personnes qui ont continué à travailler, et qui devraient avoir droit à une prime. Ce serait le minimum.
Monsieur Ruffin, vous énumérez des professions, vous formulez des critiques, mais quelles propositions faites-vous ? Vous demandez, par exemple, qu'un conseiller Pôle emploi s'occupe des assistantes maternelles. Sachez que, sur le terrain, il existe des relais assistantes maternelles et des pôles petite enfance pour les aider à trouver des contrats et des familles. C'est comme cela que l'on travaille.
Sur les auxiliaires de vie, comme l'a dit Mme la ministre déléguée, nous apportons déjà une réponse. Tout n'est pas parfait mais, en énumérant des professions et des prénoms, vous êtes sans cesse dans la critique ; pour notre part, nous essayons de trouver des réponses.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 14
Contre 82
L'amendement no 1969 n'est pas adopté.
Le Ségur de la santé prévoit quelques revalorisations salariales dans les EHPAD et les établissements de santé. Nous serons très vigilants quant à sa mise en application.
Je me suis déjà exprimé sur le sujet dans une question au Gouvernement, et je réitère ici mon alerte sur le manque global de plans de revalorisation et d'attractivité des carrières dans les secteurs du social, du médico-social et de la santé. En effet, les distorsions créées par les primes covid et le Ségur de la santé entraînent des fuites de professionnels d'un secteur ou d'un établissement à un autre ainsi que de fortes tensions sur des secteurs qui connaissent des difficultés de recrutement croissantes.
On peut ainsi s'indigner de l'absence de soutien au secteur de l'aide à domicile dans le PLFSS pour 2021. La seule mesure concrète est l'aide de 80 millions d'euros apportée par la CNSA pour financer la prime covid ; mais, en contrepartie, une enveloppe financière de 50 millions d'euros destinée à la préfiguration du futur modèle tarifaire des services d'aide à domicile est abrogée.
Plusieurs rapports – ceux de Dominique Libault, de Myriam El Khomri, de Denis Piveteau et du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge – ont souligné les deux priorités que sont l'investissement dans la réponse domiciliaire et la revalorisation des salaires des intervenants. Il est urgent que le Gouvernement engage de vrais moyens pour le domicile ; il doit le faire dès ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous demandons donc clairement l'agrément, par le Gouvernement, des avenants 43 et 44. Cela permettra une indispensable revalorisation des métiers du domicile et la pérennisation de leur financement à hauteur de 600 millions d'euros, inscrite dans le cadre de la création de la cinquième branche pour l'autonomie, afin de garantir l'équité et la qualité du service et d'assurer des conditions de travail respectueuses des intervenants.
Ces sommes sont à mettre en regard du 1,4 milliard d'euros accordés aux EHPAD pour la revalorisation des salaires. Il est grand temps, madame la ministre déléguée, de lancer un New Deal de l'aide à domicile…
… pour créer les conditions d'une offre de qualité, financée, au profit des personnes accompagnées.
Une prime juste, méritée et due. Depuis plusieurs mois, les aides à domicile sont sur l'autre front de la crise sanitaire. On en parle peu, et parfois très mal ; pourtant, ces professions sont les garantes du « bien vieillir » chez soi. Oui, pendant longtemps, elles ont été peu citées et peu considérées.
La crise a mis en avant le criant besoin de reconnaissance de ces professionnels qui exercent un travail difficile au service de l'autre. Nous, députés de tous bords – de tous bords, monsieur Ruffin – , ne les oublions pas.
Dans les politiques relatives à la dépendance, on met souvent en avant le soin dans les EHPAD et les hôpitaux. Mais prendre soin, c'est aussi maintenir le lien social ; c'est accompagner, écouter, observer et alerter ; c'est le soin du quotidien. Alors oui, nous pouvons tous affirmer que les aides à domicile méritent cette prime. Certes, les accords entre l'État et les départements ont peut-être été tardifs, mais plus de 75 départements ont déjà répondu à l'appel de l'État et du Gouvernement en actant l'octroi de la prime. L'État a proposé, il s'est engagé à hauteur de 80 millions ; il revient maintenant aux départements de mettre en oeuvre cette compétence et cette responsabilité qui sont les leurs.
Dans le cadre du PLFSS, nous allons aussi acter la revalorisation salariale des aides à domicile. Un moment historique : jamais aucun gouvernement n'a autant soutenu ce secteur avant ce PLFSS ! Ainsi, nous donnons la possibilité à ces femmes et à ces hommes de se former, de s'organiser structurellement ; nous les reconnaissons à travers une prime ; nous allons leur montrer de la considération par une revalorisation salariale. Mais il reste encore du chemin à parcourir pour qu'ensemble, État, départements et partenaires sociaux puissent faire de l'aide à domicile un outil majeur du « bien vieillir ».
L'évaluation de ces politiques sera primordiale pour s'assurer que les mesures sont rapidement effectives et efficaces. Députés de tous horizons, nous restons mobilisés pour construire une politique du grand âge ambitieuse et valorisante, à la fois pour nos aînés et pour les professionnels dévoués à leur accompagnement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Tant mieux si les auxiliaires de vie reçoivent cette prime. Je le redis : parmi les auxiliaires de vie, je ne comprends pas qu'il y ait un tri entre prestataires et mandataires. Je ne comprends pas pourquoi on laisse sur le bord du chemin les auxiliaires de vie sociale qui ont un statut de mandataire.
Monsieur Isaac-Sibille, des propositions, on en fait un bon paquet ; vous avez pu en entendre ici ou là. Ces propositions ne sont pas celles de François Ruffin tout seul : elles ont été pensées et approuvées par Bruno Bonnell, du groupe La République en marche.
Vous dites que jamais un gouvernement n'a autant fait. Il faudrait peut-être se calmer… Tant mieux pour l'augmentation de 2,5 % : ça fait 25 euros par mois, qui se prennent maintenant ; ça va sans doute aider un peu à remplir le frigo. Mais l'âge d'or des auxiliaires de vie, c'était au début des années 2000, au moment de la structuration du métier, à la fois par la convention et par des décisions des pouvoirs publics, avec une orientation vers davantage de reconnaissance du métier, des salaires et des horaires. Tout cela a été détricoté par la loi de cohésion sociale de 2005, dite loi Borloo. Quel rapport entretenons-nous avec cette loi ? Comptons-nous revenir dessus ? Que prévoit la loi sur le grand âge ? Les baisses de fiscalité seront-elles ciblées ? Le grand projet doit être là.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1059 .
Avec cet amendement de suppression, il ne s'agit pas de s'opposer au principe de l'article 4 : nous le soutenons, dans la mesure où il prévoit la participation de l'État au versement des primes covid-19 aux professionnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile. Je salue d'ailleurs l'engagement de Mme la ministre pour obtenir cette participation.
Il s'agit en réalité de s'interroger sur la manière dont sont financés ces 80 millions. Nous ne l'acceptons pas et c'est pour cela que nous demandons la suppression de l'article 4. Une bonne partie de cette somme – 50 millions – est prise sur une mesure que nous avions introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, prévoyant l'amélioration de la qualité du service aux usagers et le lancement d'une expérimentation de la réforme de la tarification des SAAD – services d'aide et d'accompagnement à domicile. Or dans le cadre de cette expérimentation, certains SAAD ont contractualisé pour deux ans. L'amendement a pour objectif de rétablir l'engagement pris pour mener à bien cette expérimentation. Nous devons trouver d'autres moyens pour financer les 80 millions correspondant à la prime covid des aides à domicile.
Avis défavorable. Je considère cet amendement comme un amendement d'appel, étant donné qu'il était essentiel de pouvoir verser cette prime.
L'engagement en faveur des acteurs de l'aide à domicile est au coeur des préoccupations de la majorité et du Gouvernement. Nous avions voté à cet effet une enveloppe de 50 millions dans le cadre de la LFSS pour 2019, puis une seconde dans le cadre de la LFSS pour 2020. Des travaux de la MEC – mission d'évaluation et de contrôle – ont aussi été menés sur ce sujet. Ces crédits sont réalloués parce que la préfiguration de la réforme de la tarification des SAAD telle qu'elle avait été engagée est loin de faire l'unanimité. Mmes Annie Vidal et Agnès Firmin Le Bodo, qui ont travaillé sur ce sujet, pourront le confirmer. Un contentieux a même été engagé en 2019 par plusieurs fédérations à l'encontre du décret d'application. Enfin, les événements de cette année ont largement retardé les travaux.
J'ai bien noté votre demande d'explications, ainsi que le fait que vous ne remettiez pas en question le montage trouvé avec les départements pour verser la prime covid. Je souhaite vous préciser que pour ceux qui se sont lancés dans l'expérimentation il y a deux ans, le Gouvernement tiendra son engagement.
Compte tenu des explications données par Mme la ministre – que je remercie – , en particulier en ce qui concerne le maintien de l'engagement, je retire l'amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1059 est retiré.
Je voudrais m'arrêter un instant sur les 80 millions qui viennent d'être évoqués. Il y a quelques jours, au conseil départemental des Ardennes, nous étions – comme dans d'autres départements – en train de préparer les orientations budgétaires. Le président du conseil départemental des Ardennes – petit département de 280 000 habitants – nous a indiqué que les sommes qui devaient être versées allaient se monter à 2,4 millions.
Même si l'intention est intéressante – on ne peut pas dire le contraire – , le montant de 80 millions est insuffisant. Je veux insister sur la situation particulièrement difficile des conseils départementaux avec les AIS – allocations individuelles de solidarité : l'APA – allocation personnalisée d'autonomie – , le RSA – revenu de solidarité active – ou la PCH – prestation de compensation du handicap. Madame la ministre, cette somme reste insuffisante non pas pour satisfaire tout le monde, mais pour répondre à l'intention, elle-même tout à fait louable.
En commission, nous avons eu un débat assez long avec vous, monsieur le rapporteur général. Nous sommes tout à fait favorables à ce que cette prime soit accordée à l'ensemble des personnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile, qui font un travail admirable. Sur tous les bancs, nous nous sommes battus pour qu'ils puissent être reconnus. C'était un objectif commun et on ne peut que s'en réjouir.
Cependant, ce tour de passe-passe financier nous pose question. Vous nous avez apporté un certain nombre d'explications et vous avez en partie répondu à mon interrogation – la réallocation de 50 millions signifie-t-elle que l'on abandonne la réforme de la tarification des SAAD ? Vous avez répondu que non. Madame la ministre, nous attendons une confirmation que dans le cadre de la loi relative à l'autonomie, tous ces services seront véritablement pris en compte.
On ne peut pas dissocier les établissements d'accueil des personnes âgées de l'aide et du soin à domicile. On le voit sur le territoire : c'est une compréhension totale que nous devons avoir. Madame la ministre, permettez-nous d'insister auprès de vous, car nous n'avons toujours pas d'éléments de réponse. Comment allez-vous instaurer tout cela ? Avec quels moyens ?
Cet amendement est proposé par APF France Handicap. Au détour de la participation de l'État au versement des primes covid-19 aux professionnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile, l'article 4 abroge purement et simplement la contribution de 50 millions d'euros, pour 2020, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie à l'expérimentation de la réforme du financement des SAAD. L'expérimentation a été lancée en 2019 malgré un certain nombre d'alertes sur les modalités de mise en oeuvre. Alors que certains SAAD ont contractualisé pour deux ans dans le cadre de cette expérimentation, le législateur revient sur son engagement.
L'objectif de cet amendement est donc de rétablir l'engagement pris concernant cette expérimentation en cours depuis 2019. Nous avons entendu des débuts de réponse, mais les législateurs ne sont pas les seuls à se poser la question : les associations s'interrogent aussi.
Sans en ajouter beaucoup plus, je signale que le tissu associatif qui gère les SAAD nous alerte avec insistance : changer les règles du jeu en cours d'expérimentation les mettrait dans une grande difficulté. Ilans en rjouter roposée par l'AF convient de maintenir ces 50 millions et de vérifier ensuite s'il est possible de récupérer les montants qui ne seraient pas dépensés. Mais ne mettons pas en difficulté l'expérimentation dans laquelle des associations se sont engagées de bonne foi.
Il vise lui aussi à rétablir la contribution de 50 millions d'euros. L'enveloppe globale est bien trop faible et on ne peut supprimer ce qui est encore aujourd'hui une expérimentation.
Comme je vous l'ai dit en commission, je crois que cet amendement aboutirait à l'inverse de ce que vous souhaitez, en supprimant la participation de l'État auprès des départements. L'attente est forte dans le secteur s'agissant de la prime covid. L'accord intervenu entre l'État et l'Assemblée des départements de France a eu un véritable effet de levier dans l'attribution de cette prime. Sauf erreur de ma part, 80 départements se sont engagés à verser la prime. Je crois d'ailleurs que le département des Ardennes en fait partie, monsieur Cordier.
Deux choses concernant la prime covid et l'accord que nous avons trouvé avec l'ADF – Assemblée des départements de France – dès cet été. Tout d'abord, je réitère l'engagement signalé par M. Vallaud et ma réponse à Mme Dubié. Il n'est pas question de pénaliser les associations qui s'étaient engagées à être vertueuses. Bien évidemment, nous maintenons notre engagement envers elles. Vous aurez l'occasion d'en reparler après l'article 25.
Votre département, monsieur Cordier, peut prétendre à…
Nous sommes certainement voisins. Sachez que le mien, sans se poser la question, avait versé la prime covid avant même mon arrivée au ministère. Ce n'est pourtant pas un département riche : c'est le Pas-de-Calais. Il ne faut donc pas venir me dire que cette condition détermine si les départements peuvent ou non verser la prime. J'aimerais bien que l'on rétablisse les choses !
Il convient aussi de rappeler qu'au bout du compte, personne n'est oublié pour le versement de la prime covid, qui avait été décidé ; il est simplement nécessaire de respecter les partenaires. Il fallait négocier avant de décider si nous verserions ensemble ou non cette prime. J'ai mené ces négociations début juillet avec le président et les vice-présidents de l'ADF. Tout le monde est tombé d'accord à partir du moment où le Premier ministre s'est engagé en disant : « Si nous mettons 80 millions sur la table, est-ce que vous acceptez d'amorcer ce versement ? ». Cela a enclenché le processus, puisque nous sommes passés de 19 départements au moment où je suis arrivée au ministère à 83 aujourd'hui. On peut se dire que la méthode fonctionne.
Finalement, quel est notre intérêt ? Que les auxiliaires de vie perçoivent une prime covid-19, point final. Ils la méritent, tout comme la reconnaissance que nous devons tous avoir à leur égard. Plutôt que de nous opposer, nous devrions nous accorder sur ce constat. Nous irons également plus loin en ce qui concerne la revalorisation. Là encore, par respect pour les départements, il n'est pas question d'imposer une décision : il faut l'élaborer ensemble, ce qui suppose une démarche évolutive. Telles sont les raisons pour lesquelles nous mettons cet argent sur la table. Nous ne reviendrons donc pas sur cette participation de la CNSA au versement de la prime. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je trouve que l'intention est bonne et je salue l'esprit de négociation dans lequel vous avez travaillé avec l'ADF. Je citais seulement l'exemple précis de mon département des Ardennes, dans lequel le montant versé au titre de la prime s'élèvera à 2,4 millions d'euros. Il ne m'a pas échappé que le département du Pas-de-Calais était moins riche que d'autres. Néanmoins, dans le budget 2021, l'épargne nette négative du département des Ardennes s'élève à 9 millions d'euros. Je salue l'effort de l'État – il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain, si vous me passez l'expression – , mais la somme de 80 millions d'euros risque d'être un peu faible au regard de la situation de certains départements, même si elle correspond à l'accord que vous avez obtenu avec l'ADF.
L'amendement no 2272 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1947 .
Le groupe La France insoumise est évidemment favorable au versement de la prime covid-19 aux auxiliaires de vie sociale, qu'elles soient prestataires ou mandataires. Mais pourquoi aller gratter sur les crédits consacrés à la politique de solidarité et d'autonomie ? Je le répète : quand on offre 20 milliards d'euros de baisses d'impôts aux entreprises, on dispose d'autres leviers ! Vous nous demandez d'attendre après l'article 25 pour examiner le redéploiement des fonds, mais nous préférerions savoir dès maintenant ce qu'il adviendra des expérimentations.
C'est d'autant plus vrai que les SAAD offrent aux auxiliaires de vie sociale une perspective intéressante d'évolution de leur métier, selon un modèle où plusieurs personnes regroupées dans une même structure sont susceptibles de se rendre à domicile et d'effectuer un travail en tournée.
L'amendement no 1947 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. Ruffin n'a pas le monopole de la connaissance des auxiliaires de vie sociale. En tant qu'élu local, je peux aussi vous parler de Marielle, de Laureline ou de Franck. Je ne les ai pas seulement rencontrés à la faveur d'une audition : je les connais, je connais leur travail, leur valeur professionnelle, leur humanisme. J'entends, madame la ministre, votre volonté d'avancer sur le sujet de l'évolution indemnitaire. Néanmoins, la question des frais de route doit aussi être abordée : ce sont des personnes qui travaillent souvent quelques heures par-ci, par-là, et ces frais constituent un vrai problème. Il s'agit donc d'un amendement d'appel, qui vise à demander au Gouvernement un rapport relatif aux salaires des professionnels d'aide et d'accompagnement à domicile. Nous serons vigilants sur cette question.
Vous appelez notre attention et celle du Gouvernement sur la revalorisation des salaires des professionnels d'aide et d'accompagnement à domicile. Mme la ministre a fait des annonces. Je ne sais si elle les complétera, mais la demande de rapport n'est pas opportune. Je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Même avis.
L'amendement no 2635 est retiré.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1255 .
Il s'agit d'un amendement d'appel qui vise à répéter une question que j'ai posée en commission, pour laquelle vous m'aviez promis une réponse en séance. Elle concerne le versement de la prime covid-19 aux aides à domicile présents sur le terrain pendant le confinement pour remplacer des salariés placés en congé pour garde d'enfants. Employés en CDD, ils n'étaient plus sous contrat le 30 juin, au moment du versement des primes. Il serait légitime et équitable que ces professionnels de secours, dont le rôle a été indispensable pendant la crise sanitaire du printemps, en bénéficient, avec les mêmes exonérations sociales et fiscales que la PEPA – prime exceptionnelle de pouvoir d'achat. Or, aucun texte ne le garantit explicitement.
Vous m'avez effectivement posé une colle en commission avec cette question très pointue ! D'abord, la prime n'est pas soumise à la condition d'un contrat de travail en cours au moment du versement : les personnes qui étaient en CDD au plus fort de la crise peuvent y prétendre, au même titre que celles qui étaient en CDI, d'après une note de la CNSA datée du 9 septembre.
En outre, conformément à l'article L. 3245-1 du code du travail, le délai de prescription pour le versement des salaires est de trois ans. Les employeurs pourront donc verser une prime aux personnes qu'ils employaient au printemps dernier dans les mêmes conditions qu'à celles qu'ils emploient toujours. Néanmoins, malgré des recherches approfondies sur le sujet, je ne suis pas un spécialiste de la comptabilité d'entreprise. J'invite donc le directeur de l'ADMR – Aide à domicile en milieu rural – de Meurthe-et-Moselle, qui était je crois à l'origine de votre question, à se rapprocher de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE – pour obtenir davantage de précisions sur les modalités pratiques de versement de la prime. J'espère vous avoir suffisamment éclairé et vous propose donc de retirer l'amendement.
Le rapporteur général a dit ce qu'il y avait à dire. S'agissant du rapport que vous demandez concernant le versement de la prime, Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA, s'est engagée à le remettre à son conseil en avril prochain. Je souhaite qu'il soit publié et accessible à l'ensemble de la représentation nationale.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le rapporteur général. J'aurais préféré qu'elle vînt du Gouvernement. Si vous m'y autorisez, je considérerai qu'il s'agit d'une position commune. Ainsi, les acteurs locaux qui s'interrogent sur le sujet pourront la considérer comme une instruction, notamment vis-à-vis de la DIRECCTE. J'aimerais également que vous me transmettiez la note du 9 septembre, que je crois propre à rassurer, car ce cas peut se présenter dans nombre de nos circonscriptions. Il s'agit de ne pas oublier ceux qui étaient au front, même en CDD, même avant le 30 juin. Je retire l'amendement, qui est doublement satisfait puisque nous recevrons le rapport avant le 31 mars.
L'amendement no 1255 est retiré.
L'article 4 vise à attribuer une prime aux personnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, c'est-à-dire ceux qui portent assistance à domicile aux personnes âgées ou aux personnes en situation de handicap ou qui s'occupent d'elles dans les établissements. Or, cet article L. 312-1 comporte de nombreux autres alinéas, qui recouvrent notamment les établissements dédiés à la protection de l'enfance. Celle-ci constitue un des angles morts du dispositif. Les éducateurs sont restés vingt-quatre heures sur vingt-quatre aux côtés des enfants ; les assistantes familiales ont accueilli vingt-quatre heures sur vingt-quatre à leur domicile les enfants, sans école, sans sorties, sans activités. Pourtant, ils ne peuvent prétendre à la prime. Mon amendement vise donc à demander un rapport sur deux sujets. Il s'agit d'abord de connaître les montants attribués au titre de l'aide aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap, ensuite d'étudier l'élargissement des bénéficiaires de la prime aux personnels de l'aide sociale à l'enfance.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 2182 .
Il vise également à demander un rapport établissant la ventilation de la prime par département, ainsi que le montant moyen perçu dans chacune des collectivités concernées et, le cas échéant, les raisons justifiant le non-versement de la prime. Si nous nous réjouissons que les professionnels qui étaient en première ligne pendant la crise sanitaire – et le sont encore – la perçoivent, nous regrettons, comme Mme Goulet, que les professionnels de l'aide à l'enfance ne soient pas concernés, non plus que les assistants maternels : eux non plus ne se sont pas posé la question de se confiner, car il était évident à leurs yeux qu'ils devaient assurer leurs missions. J'ai bien entendu que 83 départements avaient déjà donné leur accord. Néanmoins, il serait bon de nous éclairer, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, sur les raisons qui ont poussé certains départements à refuser, notamment pour savoir si la cause en était la situation dégradée de leurs comptes – auquel cas nous pourrions, en tant que législateur, corriger ce point.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Ces demandes d'informations sont bienvenues. Nous disposerons ainsi d'un retour concernant l'utilisation de l'aide de la CNSA aux départements. J'ai quelques réserves quant à la date du mois de mars, qui semble prématurée pour permettre la rédaction du rapport. La commission a donné un avis favorable à l'amendement no 2302 , dont la rédaction lui semble préférable à celle de l'amendement no 2182 – sur lequel l'avis est par conséquent défavorable.
Avis de sagesse.
L'article 4, amendé, est adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 2650 , portant article additionnel après l'article 4. La parole est à M. Thierry Michels, pour le soutenir.
Le maintien à domicile constitue l'un des grands enjeux du soutien à l'autonomie de nos aînés. Je le répète : 80 % de nos concitoyens souhaitent vieillir à domicile. Cet amendement vise à demander un rapport sur l'expérimentation – autorisée par la LFSS pour 2019 – de la réforme de la tarification des services d'aide et d'accompagnement à domicile. Le dispositif visait à assurer leur accessibilité financière et géographique, un traitement plus équitable des usagers, une meilleure transparence tarifaire, à rendre l'offre plus lisible et à mieux maîtriser le reste à charge.
Même si l'expérimentation n'a pas connu l'ampleur souhaitée, comme Annie Vidal et Agnès Firmin Le Bodo l'ont constaté dans un bilan provisoire établi dans le cadre du printemps social de l'évaluation, certains acteurs locaux se sont emparés de cette démarche de progrès. Nous proposons donc d'établir en 2021 un nouveau bilan de l'utilisation des financements, avec le recul nécessaire pour comprendre les actions menées dans les territoires. Il s'agira d'une contribution importante pour réussir comme il se doit le nécessaire virage vers l'accompagnement à domicile que nous appelons de nos voeux et qui sera au coeur du projet de loi « grand âge et autonomie ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Même avis.
Le groupe La République en marche soutient cet amendement. Il nous arrive de voter des financements, notamment dans le cadre du PLFSS, dont on ne sait pas réellement ce qu'il advient, en particulier lorsqu'ils dépendent de décrets d'application.
Ce problème dont nous discutons depuis un certain temps, ce qui est la preuve de son acuité, peut être en partie réglé par cet amendement, qui a donc notre soutien.
L'amendement no 2650 est adopté.
L'article 5 est adopté.
L'amendement no 2169 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 6.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement no 2702 .
Il a trait à l'activité partielle. Les ordonnances prises au début de la crise liée au covid-19 contenaient des mesures comme le maintien d'un niveau de prélèvements faible sur les indemnités d'activité partielle et la validation des trimestres d'activité partielle pour la retraite. Ces dispositions devaient prendre fin le 31 décembre 2020, mais, au vu de l'incertitude entourant la crise épidémique, il est proposé à l'Assemblée de prolonger le régime spécial de traitement social des indemnités d'activité partielle et de validation des trimestres de retraite au-delà de cette date.
Cet amendement traduit les annonces faites la semaine dernière. Il reprend très largement les dispositions pour lesquelles le Gouvernement avait été habilité par le Parlement, pendant le confinement, à légiférer par ordonnances. La crise n'étant pas terminée, il faut prolonger le régime social protecteur et incitatif autour de l'activité partielle, qui a été l'un des plus puissants instruments d'atténuation de la crise. Avis très favorable.
L'amendement no 2702 est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement no 2703 , qui fait l'objet de deux sous-amendements.
J'ai annoncé cet amendement dans la présentation du projet de loi. Il s'agit d'exonérer de cotisations sociales patronales et d'apporter une aide au paiement aux entreprises les plus touchées par les nouvelles mesures de restriction annoncées cet automne.
Les dispositifs prévus à l'article 65 de la troisième loi de finances rectificative ont apporté une aide importante aux entreprises les plus touchées, mais les mesures de restriction décidées cet automne dans certains territoires vont à nouveau affecter certaines entreprises. Nous proposons, conformément aux annonces du Président de la République, de déployer un dispositif additionnel d'exonération, aligné sur celui adopté cet été et ciblé sur les très petites, les petites et les moyennes entreprises des secteurs les plus affectés par les nouvelles mesures, notamment l'hôtellerie, la restauration, le tourisme, la culture et le sport. Il concernera les territoires et les périodes touchés par les fermetures et les restrictions d'activité ou de circulation. Les entreprises totalement fermées bénéficieront d'une exonération, quel que soit le lieu de leur activité – la précision est utile, puisque certaines entreprises sont fermées par décision administrative.
Pour les entreprises fermées ou enregistrant une baisse d'au moins la moitié de leur chiffre d'affaires, toutes les cotisations employeur de la sécurité sociale seront exonérées pour chaque mois d'application des restrictions à compter de septembre. Elles bénéficieront d'une aide représentant 20 % de la masse salariale versée : il s'agit d'un dispositif identique à celui que nous avons déployé au printemps.
Les travailleurs indépendants de ces territoires et de ces secteurs bénéficieront également d'une aide forfaitaire.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement no 2715 .
L'amendement du Gouvernement était très attendu. Il traduit les engagements du Président de la République et du Gouvernement pris la semaine dernière. Les secteurs les plus touchés par les mesures de restriction sont soutenus par l'activité partielle, mais également par un mécanisme d'exonération et d'aide au paiement, semblable à celui mis en oeuvre lors du confinement.
L'amendement couvre les secteurs S1, soit le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, le sport, la culture et l'événementiel. Mon sous-amendement vise à étendre son champ aux secteurs S1 bis, c'est-à-dire à ceux qui dépendent des secteurs S1, sous réserve d'une perte du chiffre d'affaires des entreprises d'au moins 80 %.
Avis favorable à l'amendement du Gouvernement, sous-amendé par le sous-amendement que je propose.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir le sous-amendement no 2711 .
L'amendement du Gouvernement vise à supprimer les charges sociales pour les entreprises du tourisme dans les territoires concernés par les restrictions. L'objectif de mon sous-amendement est d'étendre l'exonération à toutes les entreprises du tourisme dans le pays.
Prenons l'exemple des centres de vacances : là où il n'y a pas de mesures de restriction, les académies interdisent tout de même les séjours dans ces centres. Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports supprime de fait la clientèle des centres de vacances, qui ont perdu près de 70 % de leur fréquentation et qui n'ont presque pas de réservations pour la fin de l'année et l'hiver. Pourtant, ils continueront de payer les charges sociales, alors qu'ils n'ont plus de clientèle du fait des décisions, compréhensibles quoique regrettables, des académies.
J'appelle votre attention sur ce secteur particulier. Il s'agit d'un sous-amendement d'appel, mais je souhaite connaître la position du Gouvernement. Monsieur le ministre, les entreprises du secteur touristique situées dans des endroits ne connaissant pas de mesures de restriction et ayant perdu la moitié de leur chiffre d'affaires bénéficieront-elles bien de l'exonération de charges sociales ?
Mme Aina Kuric applaudit.
La commission n'a pas examiné ce sous-amendement, qui me semble un sous-amendement d'appel au Gouvernement. À titre personnel, j'y suis défavorable et laisse le Gouvernement répondre à Mme Bonnivard.
Avis favorable – et même très favorable – au sous-amendement no 2715 du rapporteur général. Il prévoit que les entreprises dont l'activité dépend de celles soumises au couvre-feu et qui subissent indirectement une forte perte de leur chiffre d'affaires bénéficient des exonérations. Grâce à ce sous-amendement, nous reconduisons le même dispositif qu'au printemps, en aidant les entreprises les plus intégrées ou les plus dépendantes de l'activité d'une autre structure particulièrement touchée – nous avions souvent pris l'exemple des lingeries dépendant d'un seul ou de quelques hôtels.
Nous assouplissons même les conditions d'application des dispositifs votés, puisque nous étendons la possibilité d'imputation des aides au paiement des employeurs et des réductions forfaitaires des travailleurs indépendants sur les cotisations de 2021, et non seulement de 2020. En effet, certaines entreprises nous ont dit que le crédit de cotisations que nous avions prévu était supérieur au total des cotisations qui restaient dues pour l'année : elles préféraient utiliser ce crédit au début de l'année 2021, ce que nous allons permettre car cela est utile.
Madame Bonnivard, le sous-amendement du rapporteur général répond partiellement à votre préoccupation, dans la mesure où le cas que vous évoquez comporte un lien de dépendance. Il ne traite certes pas nécessairement la situation d'entreprises installées ailleurs dans le territoire et dont l'activité se réduit non pas à cause de l'arrêt d'une autre entreprise, mais à cause de décisions administratives visant à supprimer les séjours dans les centres de vacances. Je ne peux pas donner un avis favorable à votre sous-amendement, car j'ignore, à ce stade, si son dispositif fonctionne. En revanche, nous devons nous pencher, avec nos collègues du Gouvernement chargés du tourisme, sur le sujet et sur des dispositifs particuliers, puisqu'il s'agit d'activités de niche. L'avis défavorable ne signifie pas qu'il n'y a pas de sujet ni que la navette ne puisse être exploitée pour parvenir à une rédaction satisfaisante.
Je précise enfin, parce que l'amendement du Gouvernement n'est peut-être pas suffisamment explicite, que la comparaison des chiffres d'affaires se fait bien par rapport à l'année précédente, comme dans le dispositif du printemps dernier. Là aussi, nous mettrons la navette à profit pour améliorer la rédaction.
Je n'ai pas eu le temps de bien étudier l'amendement ni de déposer un sous-amendement. J'entends que vous reprenez le système adopté pendant le confinement, ce qui est une bonne idée, mais j'appelle votre attention sur le monde sportif.
La situation a changé entre le confinement et aujourd'hui. Au moment du confinement, le sport était arrêté et bénéficiait du chômage partiel et de tout ce qui l'accompagne. Actuellement, le monde sportif fonctionne, mais, avec les jauges de spectateurs et le couvre-feu, de nombreuses compétitions ne pourront pas se tenir avec du public, ce qui diminuera les recettes des clubs professionnels et semi-professionnels.
Monsieur le ministre, avez-vous prévu de modifier votre amendement pour prendre en compte le changement de situation des clubs sportifs intervenu en six mois ?
Nous soutenons totalement votre amendement, monsieur le ministre. Les entreprises du secteur touristique utilisant le chômage partiel ou fermées administrativement seront probablement confrontées au problème des congés payés. Ceux-ci s'accumulent, malgré le chômage partiel, et seront à la charge des entreprises, pourtant fermées six, sept, huit ou neuf mois. Nous vous avons alerté sur ce sujet : où en êtes-vous de votre réflexion ? Il faut se pencher sur ce problème, qui pourrait devenir une bombe à retardement en cas d'inaction.
Je soutiens le sous-amendement de notre collègue Émilie Bonnivard. Il importe de prendre en compte le sujet qu'elle soulève sur les classes de découverte, les classes de neige et tous les centres accueillant des enfants, qui ne pourront pas s'y rendre car le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports émet des craintes sur l'organisation des séjours.
Monsieur le ministre, vous êtes ouvert à la recherche d'une solution. Il faut agir, car certains de ces établissements ne pourront pas repartir quand les conditions normales de fonctionnement seront à nouveau remplies et mettront la clef sous la porte. Je vous remercie de vous pencher sur cette question et d'encourager les services du ministère à trouver une solution.
Madame Goulet, les activités sportives sont bien prévues dans la liste des secteurs S1 et S1 bis, donc éligibles aux exonérations de cotisations sociales, dans les conditions prévues par le décret, pour toutes les activités économiques et les entreprises employant moins de 250 salariés, qui comptent parmi les plus touchées.
Il reste votre question, qui relève davantage des tarifs que des conditions d'exploitation. Avec le ministère des sports, nous étudions les moyens d'aider les petites structures, professionnelles et semi-professionnelles, dont les recettes dépendent de la billetterie et qui pâtissent des jauges de spectateurs. Nous ne souhaitons pas mettre en place d'exonérations, car assurer la sécurité juridique de telles dispositions serait complexe, mais nous sommes bien attentifs à ce sujet.
J'entends l'alerte de M. Blanchet sur les congés payés : nous n'avons pas encore traité la question, mais nous devrons nous pencher sur ce sujet dans les semaines qui viennent.
Monsieur le ministre, je vous remercie de l'attention que vous portez au sujet que j'ai soulevé. Je retire mon sous-amendement si vous vous engagez à organiser une réunion avec l'UNAT – Union nationale des associations de tourisme et de plein air – et les représentants des centres de vacances pour travailler à l'élaboration d'un dispositif adapté au secteur.
Les entreprises du secteur évoluent dans le champ de l'économie sociale et solidaire, dont le but est non lucratif. Les structures ne se remettraient pas d'une nouvelle année blanche, ce qui serait dramatique pour le développement des enfants et pour cet outil formidable dans les territoires touristiques.
L'engagement est pris.
Le sous-amendement no 2711 est retiré.
Le sous-amendement no 2715 est adopté.
L'amendement no 2703 , sous-amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 494 et 1885 .
Sur ces amendements identiques, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 494 .
Cet amendement, rédigé en collaboration avec la FNSEA et ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, vise à accompagner le monde agricole afin de l'aider à faire face aux conséquences économiques de la sécheresse que nous avons connue cette année. Pour cela, il est proposé d'accorder, sur les exploitations touchées, les mêmes modalités de calcul annuel de leurs cotisations sociales que celles accordées au titre du dispositif dit « covid 19 ».
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, pour soutenir l'amendement no 1885 .
On dit souvent que les mêmes causes produisent les mêmes effets. De la même manière, il me semble que les mêmes difficultés doivent entraîner la même solidarité. En réponse à la crise sanitaire du covid 19, les exploitants ont pu calculer leurs cotisations et contributions sociales sur la base d'une « assiette nouvel installé » pour l'année 2020. Avec cet amendement, nous proposons que les agriculteurs en difficulté en raison de la sécheresse estivale puissent bénéficier du même mode de calcul.
Comme je vous l'avais indiqué en commission, le mécanisme proposé ne me semble pas de nature à aider véritablement les exploitants en 2020. Il supposerait en effet qu'ils remboursent en 2020 les cotisations dues en 2020 pour les reverser en 2021, quand les revenus de 2020 seront connus.
Outre sa complexité, ce mécanisme oblige les exploitants à repousser à plus tard le paiement des cotisations pour 2020, ce qui risque de mal s'articuler avec le retour au mode de fonctionnement normal de règlement des cotisations que l'on espère pour l'année prochaine. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
La loi de finances rectificative du 30 juillet dernier prévoit déjà que les exploitants agricoles ayant subi une chute de leur chiffre d'affaires peuvent choisir de cotiser sur la base des revenus de l'année 2020, ce qui constitue un avantage, puisque l'assiette sera plus faible que celle correspondant aux revenus des années antérieures. Votre amendement est donc partiellement satisfait.
Vous proposez de revenir, dès qu'une crise réduit les revenus, à l'assiette applicable aux nouveaux installés et d'abandonner à chaque fois le recouvrement des cotisations dues au titre des années antérieures, ce qui constituerait une forme de double déduction et ne saurait être accepté en l'état.
Votre amendement montre surtout que le mécanisme de calcul consistant à retenir pour assiette les revenus des trois dernières années n'est pas aussi adapté à la situation que ce que nous aurions pu imaginer, puisqu'il est demandé de s'en extraire dès qu'une crise apparaît, ce qui peut être légitime, mais est contradictoire avec l'état du droit.
Il nous semble plus judicieux de travailler à la mise en place d'une assiette contemporaine, comme pour les professions indépendantes, pour mettre définitivement fin à ce problème. C'est une question sur laquelle nous sommes disposés à travailler, étant bien précisé que nous ne pouvons pas faire coexister les deux dispositifs que sont l'assiette triennale et l'assiette contemporaine : on ne peut imaginer qu'un exploitant choisisse chaque année à quel dispositif il émarge. En l'état actuel des choses, j'émets un avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 38
Contre 71
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement no 2713 .
Avec l'amendement n° 2713 , nous vous proposons de modifier le tableau d'équilibre de l'article 7 pour tenir compte d'un amendement que nous vous proposerons à l'article 8, en postulant que vous adopterez les deux. Il s'agit de tirer les conséquences des annonces faites par le Président de la République et par le Gouvernement, ayant pour objet d'augmenter l'ONDAM 2020 de 2,4 milliards d'euros par rapport à celui qui figurait dans le texte initial – qui avait déjà été augmenté de 10 milliards d'euros.
Ces 2,4 milliards d'euros se décomposent ainsi. D'abord 355 millions d'euros pour avancer la mise en oeuvre de la deuxième tranche de revalorisation-socle du Ségur au 1er décembre 2020, en lieu et place du 1er mars 2021. Cela représente une augmentation de 183 euros net par mois des personnels hospitaliers et des EHPAD, qui sera intégralement possible dès 2020. Ensuite, 1,9 milliard d'euros pour augmenter les moyens des établissements de santé dans le contexte d'épidémie de covid, ce qui va permettre de constituer une provision pour compenser les surcoûts auxquels ils font face, mais aussi de majorer de 50 % l'indemnisation des heures supplémentaires jusqu'à la fin de l'année, et d'indemniser les congés non pris.
Nous avons également 50 millions d'euros pour financer l'ouverture et la réouverture de 4 000 lits à la demande dès 2020 ; 100 millions à la main des agences régionales de santé – ARS – pour organiser la gestion des ressources humaines en termes de gestion des plateformes, de financement des gardes d'enfants et de logement et de financement des renforts.
Au total, cela porterait l'ONDAM 2020 au taux de 8,8 %. Nous vous proposons pour cela de modifier le tableau d'équilibre de l'article 7, en prenant pour hypothèse que l'Assemblée acceptera l'amendement 2714 ayant pour objet d'inscrire cette dépense de 2,4 milliards d'euros à l'article 8.
La commission n'a pas eu l'occasion d'examiner cet amendement, mais j'y vois un engagement très fort du Gouvernement : ces 2,4 milliards d'euros supplémentaires vont donner encore plus de moyens à l'hôpital public et il s'agit d'un effort considérable pour lui permettre de faire face à la crise que nous traversons. À titre personnel, j'émets bien sûr un avis favorable.
Sur la forme, monsieur le ministre, lorsque vous vous êtes présenté devant la commission des affaires sociales aux côtés du ministre des solidarités et de la santé, vous avez accordé à peine deux heures aux députés présents, qui souhaitaient s'entretenir avec vous de ce projet de budget de la sécurité sociale pour 2021.
Quand nous en avons débattu en commission, nous ne disposions pas du texte du PLFSS, qui ne nous a été communiqué qu'après plus de la moitié de l'audition des ministres.
Nous n'avons donc pas pu en débattre avec vous en toute connaissance de cause, comme le veut l'usage parlementaire.
Aujourd'hui, alors que nous disposons désormais du texte, que celui-ci a été soumis à l'examen de la commission, où ont eu lieu des débats constructifs, vous arrivez la mine enfarinée avec 2,4 milliards d'euros supplémentaires dans votre besace…
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
En termes de respect du Parlement, on fait largement mieux !
Sur le fond, dans la mesure où le ministre des solidarités et de la santé a dit lui-même dans Les Échos ce matin que l'argent ne comptait plus, que le « quoi qu'il en coûte » était désormais aux commandes, pourquoi s'arrêter à 2,4 milliards d'euros, monsieur le ministre ? Pourquoi pas 3, 4 ou 5 milliards d'euros, puisque de toute façon, rien n'est financé ? Tous les chiffres annoncés ne sont rien d'autre que de la dette pour l'avenir, pour nos enfants… Dans ces conditions, allons-y, embrassons-nous, Folleville, et continuons à dépenser sans compter ! Ce n'est pas sérieux, monsieur le ministre !
On ne peut pas manipuler autant d'argent – un argent qui est celui des Français d'aujourd'hui, mais aussi et surtout celui de leurs enfants et petits-enfants – avec autant de désinvolture et d'irrespect à l'égard du Parlement, quand bien même les sommes dont vous avez proposé l'affectation ne seraient pas contestables sur le fond.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme l'a dit notre collègue Grelier, vous nous avez obligés à vous auditionner sans disposer du texte, puis à procéder à l'examen du texte en commission en ne disposant que de la moitié des informations, et aujourd'hui vous arrivez en cours de séance avec encore de nouveaux éléments.
Par ailleurs, nous ne sommes pas certains de pouvoir finir le texte en temps et en heure, ce qui laisse craindre que les débats soient encore bâclés, comme on commence à en prendre la très mauvaise habitude – si certains s'en satisfont, ce n'est pas mon cas.
Parmi les mesures que vous avez annoncées, monsieur le ministre, il y en a une qui m'inquiète fortement, à savoir les millions d'euros prévus pour financer les temps de repos qui ne seront pas pris par les soignants. Alors que le ministre des solidarités et de la santé a annoncé partout que les soignants étaient déjà épuisés, vous dites que vous allez financer les temps de repos non pris. Je ne peux accepter une telle mesure, qui revient à une mise en danger de la vie d'autrui.
Il est important pour le groupe La République en marche de reprendre la parole après l'opposition afin de rappeler le contexte, car ce que nous venons d'entendre est absolument incroyable : de la part du Gouvernement, qui annonce une revalorisation de l'ONDAM de 8,8 %, ce qui représente une somme énorme pour les hôpitaux et la gestion de la crise, mais aussi de la part des oppositions, qui remettent en cause cet effort sur la forme comme sur le fond !
Sur le fond, justement, comment la crise économique de 2008 a-t-elle été gérée ? Par la casse de l'hôpital public ! Nous, ce que nous voulons faire, c'est parier sur l'hôpital public et sur la relance économique, et c'est pour cela que nous proposons des revalorisations inédites. Je comprends que cela vous pose problème, puisque ce que vous appeliez de vos voeux depuis des mois est sur le point de devenir réalité.
Cependant, il me semblerait plus logique et plus constructif que, sur tous les bancs de cet hémicycle, on vote cet amendement gouvernemental qui propose une revalorisation inédite – j'insiste sur ce point – de l'ensemble de notre système de soins, dans un contexte de crise lui aussi inédit. Soyons tous fiers de voter cet amendement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Cet amendement n'est pas anodin, et je regrette également les conditions dans lesquelles nous avons échangé en commission avec le Gouvernement sur ces enjeux. Il avait d'ailleurs déjà été question de revoir un peu les chiffres, car il paraissait évident que l'évolution de la situation le nécessitait. La façon de faire du Gouvernement donne l'impression qu'il s'affranchit avec une certaine légèreté de ses obligations à l'égard du Parlement.
Cela dit, augmenter l'ONDAM est une nécessité, car il va bien falloir faire face à une inévitable aggravation de la situation dans les semaines et les mois qui viennent. Nous sommes donc favorables à cette augmentation, ainsi qu'à la mise en oeuvre anticipée de certaines mesures du Ségur, même si elles sont très insuffisantes. Vous nous dites parier sur l'hôpital public, mais ce n'est pas ce que l'on a constaté depuis 2017. Les échanges vont se poursuivre à propos de l'ONDAM 2021 mais, en l'état actuel des choses, nous sommes favorables à la revalorisation proposée.
Il y a tout lieu de se réjouir d'avoir 2 milliards de plus pour l'hôpital, même si les circonstances dans lesquelles le Gouvernement a introduit cette somme nous frustrent un peu, car nous n'avons pas eu l'occasion d'en débattre. Une bonne partie des mesures que vient d'annoncer M. le ministre faisaient partie du plan d'urgence que notre groupe avait proposé l'année dernière, ou de propositions venant de différents bancs de l'opposition, qui n'avaient à l'époque suscité que de l'indifférence de la part du Gouvernement et de sa majorité.
Après l'ONDAM pour 2020, nous allons devoir parler de l'ONDAM pour 2021 et nous demander, au-delà du Ségur et de l'effet covid, ce que nous dit l'ONDAM des réformes structurelles que le Gouvernement aurait éventuellement engagées. Force est de constater que tout n'est que cosmétique, que l'expérimentation de la réforme de la tarification n'est pas une vraie expérimentation, que le pilotage par des indicateurs de qualité n'est pas satisfaisant, faute de recourir à des indicateurs adaptés, qu'il est encore demandé à l'hôpital de faire des économies.
La question des moyens est posée par les soignants qui, s'ils se félicitent à juste titre des augmentations de rémunération qui leur ont été accordées, se demandent si leurs conditions de travail ont vraiment été améliorées entre la première et la deuxième vague de l'épidémie.
Nous soutiendrons ces 2 milliards d'euros supplémentaires, mais souhaitons que les débats de fond nécessaires ne soient pas esquivés : ce PLFSS n'a pas vocation à venir solder toutes les questions sur l'hôpital.
Le groupe Libertés et territoires votera bien évidemment cet amendement, car il faut améliorer la situation des personnels dans les hôpitaux. La vraie question, au demeurant, n'est pas de savoir s'il faut leur accorder 2 milliards d'euros, mais comment ce montant sera financé et comment nous trouverons de nouveaux financements pour notre système de protection sociale. Cette question n'est jamais abordée, mais charger encore la CADES de déficits supplémentaires et repousser sa durée de vie à l'infini ne réglera rien.
Il faudra bien, à un moment, que nous nous posions cette vraie question.
M. Boris Vallaud applaudit.
Sur la forme, monsieur Grelier, il me semble difficile d'utiliser quatre fois le mot « respect » tout en employant des expressions qui n'en témoignent pas.
Je vous remercie de vous inquiéter de ma mine, peut-être un peu fatiguée après les dizaines d'heures passées dans cet hémicycle pour l'examen des projets de loi de finances, mais je vous assure que même une mine enfarinée, pour reprendre votre expression, ne m'empêche pas de voir la vacuité de vos arguments et de constater que, derrière vos propositions, il n'y a rien, sinon des critiques,
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
et vous nous auriez tout aussi bien reproché de fixer un montant de 3 milliards d'euros. Sans reprendre ce qu'a dit Mme Dufeu, je rappelle que c'est ce gouvernement qui fait le plus gros effort pour revaloriser les carrières et, tout simplement, pour répondre à la crise.
Monsieur Dharréville et monsieur Vallaud, je vous remercie, a contrario, pour vos interventions. Vous avez exprimé des objections sur la forme que je peux entendre. De fait, les conditions n'ont certainement pas été optimales. Vous avez aussi exprimé des objections sur le fond en évoquant des débats à venir sur la construction structurelle de l'ONDAM, et nous aurons certainement l'occasion de voir que, hors Ségur, le taux de progression de l'ONDAM est supérieur à 2,5 %. Tous ceux qui connaissent bien l'évolution de l'ONDAM sur les quinze dernières années savent qu'il s'agit d'un niveau important, supérieur à la moyenne de cette période, …
… en raison notamment – mais pas seulement – de l'évolution tendancielle des soins. C'est là la réponse de ce gouvernement, et c'est en effet depuis l'arrivée de celui-ci que l'évolution de l'ONDAM a été, année après année, la plus importante. J'ai indiqué dans ma déclaration liminaire que la maîtrise des dépenses de santé était aussi le fruit d'une maîtrise, parfois dure, de l'ONDAM au cours des dernières années – je le sais notamment pour l'avoir votée.
Ainsi que l'a rappelé Mme Dubié, le débat relatif au financement est fondamental. Comme dans le cadre du projet de loi de finances, nous faisons clairement le choix d'assumer temporairement une dégradation des comptes publics de l'État et des comptes sociaux pour faire face à la crise. Si j'osais cette formule, je dirais qu'à l'exception de l'avancement dans le temps de la mesure liée à l'augmentation socle du Ségur, qui permettra de répondre à une situation conjoncturelle, mais qui procédait de l'accord et que nous nous contentons d'avancer de trois mois, vous et moi serions soulagés de ne pas avoir à provisionner 1,9 milliard d'euros pour permettre aux hôpitaux de faire face à une deuxième vague épidémique. Nous y sommes confrontés, nous y faisons face et nous y répondons avec ces moyens, qui se traduisent par une dégradation du solde des organismes de sécurité sociale, et donc par de la dette.
Cela ne doit pas exclure, comme je l'ai également dit au début de notre débat, le travail qui reste à faire pour reconstruire une trajectoire de finances publiques et de finances sociales – l'une allant de toute façon avec l'autre. Nous aurons certainement à travailler ensemble sur la trajectoire, sur les mesures, sur la nature de ces mesures et peut-être même la nature des indicateurs retenus en matière de finances publiques, quel que soit le secteur dont relève cette dépense, qu'il s'agisse de l'État, des collectivités ou des administrations de sécurité sociale. Dans l'attente, nous répondons à l'urgence. Les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont traduits dans cet amendement qui modifie le tableau d'équilibre pour 2,4 milliards d'euros et que je vous présenterai plus sommairement lors de l'examen de l'article 8.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 2713 est adopté.
L'amendement no 49 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 7, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 70 , tendant à supprimer l'article 8.
Tout d'abord, je souhaiterais qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : je n'ai pas critiqué ce montant de 2 milliards d'euros, mais lancé une alerte en indiquant que j'étais choquée de l'affectation de 50 millions d'euros au financement de temps de repos non pris par des professionnels déjà épuisés. Quand on sait qu'actuellement, les personnels soignants démissionnent à tour de bras, j'ai peur de ce qui nous attend !
Je propose donc encore mieux : il s'agirait de répondre à la demande d'Emmanuel Macron, qui déclarait le 12 mars que la santé n'a pas de prix et que le Gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies, quoi qu'il en coûte. Pour éviter de nous disputer pour des montants de 2,4 ou de 3 milliards, supprimons l'ONDAM, au moins pour 2020, afin de pouvoir, quoi qu'il en coûte, sauver nos patients.
L'amendement no 70 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ces débats sont importants et nous devons les approfondir, car il s'agit ici des lignes de force des budgets en jeu. Si donc l'amendement du Gouvernement, qui est le prolongement de celui qui vient d'être voté, l'est à son tour, les deux autres tomberont. Je tiens cependant à ajouter quelques éléments.
Malgré les jeux de vases communicants auxquels nous devons nous livrer en raison des contraintes liées à l'examen du PLFSS, le message que nous entendons exprimer avec cet amendement n° 803 est qu'il est nécessaire d'augmenter le budget des hôpitaux. C'est un peu le cas des propositions qui viennent de nous être faites, mais ce n'est, selon nous, pas suffisant, c'est tardif et, surtout, c'est contraint : vous le faites sous la pression des événements, de la crise sanitaire et des mouvements qui se développent dans l'hôpital public – il y a eu un mouvement de grève et de mobilisation la semaine dernière, parce que ça ne va pas. Il faut tout dire en la matière, et c'est pour cela que nous en sommes là.
La logique que vous épousez n'est pas la bonne. Comme vient de le dire Mme Dubié, la question du financement est décisive, car ce n'est pas seulement le financement conjoncturel de la sécurité sociale qui est attaqué, mais son financement structurel. Sur de tels enjeux, il n'est pas possible de continuer à assécher les ressources de la sécurité sociale. Nous voyons bien à quelles difficultés cela nous conduit. Il faut donc dégager des moyens, y compris pour l'hôpital public, qui est en grande difficulté.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 2285 .
J'insiste également sur la nécessité d'ouvrir de nouveaux lits et de recruter de nouveaux personnels. En effet, dans le même ordre d'idées, il ne faut pas que la crise actuelle, qui nécessite des moyens supplémentaires exceptionnels, fasse oublier les besoins réels de l'hôpital, qu'il faut pouvoir prendre en compte.
Avis favorable sur l'amendement no 2714 du Gouvernement et défavorable aux deux autres, même si j'en comprends pleinement l'objet, dont nous avons eu l'occasion de discuter en commission. Nous discuterons de toute façon, tout au long de ce PLFSS, des moyens alloués à l'hôpital public. Ce que proposent ces deux amendements est un tour de passe-passe entre les deux sous-ONDAM liés aux soins de ville et à l'hôpital. Je souscris à la volonté du Gouvernement de clarifier la situation de l'ONDAM et des travaux en ce sens ont d'ailleurs été demandés par M. le ministre des solidarités et de la santé.
Défavorable. Leur rédaction ne me paraît d'ailleurs pas compatible avec celle de l'amendement du Gouvernement, si celui-ci était adopté. Monsieur Dharréville, au risque d'accentuer ma schizophrénie en la matière, le ministre des comptes publics que je suis vous rejoint lorsque vous dites que l'ONDAM est une forme de contrainte. La réalité, tant en droit qu'au vu de ce qu'a montré la crise, est que nous n'avons pas de véritables contraintes car, lorsque c'est nécessaire, nous savons rajouter des dépenses et l'ONDAM revêt avant tout une valeur indicative. C'est d'ailleurs l'une des particularités de ce PLFSS que de le requalifier très fortement à la hausse, alors que nous avons souvent constaté sa bonne exécution, au-delà des débats sur sa composition. Je maintiens bien évidemment l'amendement du Gouvernement.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous me connaissez ! Je vais le répéter en boucle : je suis alertée par les directeurs d'établissement et les directeurs d'ARS à propos des démissions de personnels soignants dans les établissements de santé. Vous voulez enlever au peu de personnels soignants qui restent leurs jours de repos ou leurs vacances pour les faire travailler mais, comme l'a dit M. le ministre Véran sur les chaînes de télévision et ici même, ils sont épuisés. Qu'espérez-vous faire ? Les épuiser encore plus ? C'est très dangereux ! En prévoyant 50 millions d'euros de réserves pour payer les personnels qui ne prendront pas leurs jours de repos, vous allez les tuer à la tâche – il n'y a pas d'autre mot. Or nous avons besoin d'eux. Les autres démissionnent. Qu'espérez-vous ? Les rendre malades au travail ? Ils ne prennent pas leurs jours de repos par plaisir, mais parce qu'ils en ont besoin ! Ce n'est pas que je ne veuille pas voter pour les amendements du Gouvernement, mais je tiens à alerter tout le monde : ne pas donner leurs jours de repos et de vacances aux soignants est un vrai danger.
Monsieur le ministre, l'expression « mine enfarinée » est simplement extraite des fables de La Fontaine.
Vous n'avez pas son talent !
Ce n'est donc en aucun cas un élément désagréable, mais juste un élément de la littérature française.
Le débat que nous avons exige que nous réfléchissions – et peut-être le Ségur de la santé aurait-il pu en être l'occasion – sur le devenir de notre système de santé et, de manière générale, sur l'assurance maladie. On voit bien que, depuis déjà de nombreuses années, et sans que ce soit d'ailleurs exclusivement de la responsabilité de ce gouvernement, …
… toutes les dépenses ne sont pas couvertes par les recettes, ce qui crée donc un déficit structurel sur lequel on impose des trajectoires budgétaires assez mortifères pour l'ensemble de notre système de santé.
La crise sanitaire a bien montré que les choses ne pourraient pas durer. Aujourd'hui, dans nos territoires, il est difficile de trouver un médecin traitant ou un médecin spécialiste, et on continue à fermer, ici ou là, des lits, des services, et parfois même des hôpitaux. Ce mouvement se poursuivra, parce que nous n'avons jamais réfléchi et nous nous sommes toujours interdit d'imaginer des ressources nouvelles et différentes pour notre système de santé.
Peut-être, comme je l'ai dit hier soir dans la discussion générale, réutilisant la formule de Barack Obama, pourrions-nous faire en sorte qu'une crise soit profitable. Ouvrons ce débat, monsieur le ministre. Il n'est pas pour tout de suite, ni pour 2021, ni même peut-être pour 2022, mais il est utile et nécessaire.
Monsieur le ministre, on pourrait débattre longtemps du rôle de l'ONDAM, qui a été depuis sa création une chape pour réduire les dépenses de santé – mais, au bout du compte, réduire aussi l'accès aux soins, et nous en savons quelque chose.
Pour ce qui est des amendements qui nous occupent, j'insisterai sur ce que vient de dire Caroline Fiat. Ils ont en effet pour objet de savoir comment nous allons gérer la reconnaissance de crise dans les quelques mois qui viennent. S'il s'agit de recourir de façon exponentielle au travail des personnels soignants en heures supplémentaires et en jours de repos non pris, ça ne va pas le faire ! La question est de savoir quand nous ouvrons des bureaux d'embauche pour l'hôpital public et quand nous déclenchons le grand plan de formation que nous appelons de nos voeux depuis maintenant des années.
Pour l'instant, nous ne voyons pas se déclencher un processus d'une ampleur suffisante pour nous aider à faire face à la situation. Nous demandons depuis longtemps que s'ouvre une nouvelle ère pour l'hôpital public et que davantage de moyens lui soient accordés, mais ce n'est pas dans ce sens que vont les propositions que vous nous faites.
Personne ici, je pense, n'est défavorable à l'inscription de 2,4 milliards supplémentaires dans l'ONDAM, mais cela ne m'empêchera pas de formuler quelques remarques.
On peut tout de même s'étonner, sur le plan de la méthode, de voir le Gouvernement déposer en séance des amendements portant sur des sommes aussi considérables, qui plus est financées par la dette, donc supportées par les générations futures. C'est une stratégie qui n'en est pas une : cette attitude dénote un manque d'anticipation, car cela fait plusieurs mois que nous voyons ces enjeux prendre de l'importance. Caroline Fiat nous alerte sur les jours de repos auxquels les personnels soignants devront renoncer, mais ils y renoncent déjà ! Dans les centres hospitaliers, y compris de proximité, dans les services d'urgences, des médecins et des infirmières n'ont pas pris de congés depuis plusieurs semaines. Et ce problème ne sera pas réglé avec ces crédits, car il renvoie à l'organisation même des établissements de santé de notre pays.
La mesure portant sur les 2,4 milliards se comprend parfaitement et nous vous soutiendrons.
J'aurai toutefois une petite question, monsieur le ministre, madame la ministre, sur les 100 millions que vous transférez au Fonds d'intervention régional, le FIR. Je vois que vous les prenez sur la ligne de la contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées. Ne vont-ils pas leur manquer ?
L'article 8, amendé, est adopté.
L'article 9 est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
L'ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.
Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année 2021.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement no 941 .
L'article 10, dont nous demandons la suppression, prévoit la mise en place pour 2021 d'une contribution exceptionnelle des organismes de complémentaire santé à la prise en charge des coûts engendrés par l'épidémie de covid-19. Elle serait justifiée par le fait que leurs dépenses auraient été minorées par la crise sanitaire. Il nous semble toutefois nécessaire d'anticiper les effets négatifs d'une telle disposition, comme c'est le cas pour toute mesure fiscale. Elle risque en effet de pénaliser in fine les assurés, sur lesquels pourrait être répercuté son coût. N'oublions pas que de nombreux Français peinent déjà à financer les soins dont ils ont besoin, sans parler de ceux qui y renoncent purement et simplement. C'est à eux que nous pensons en vous demandant de revenir sur cette contribution exceptionnelle.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons qu'à l'article 3. D'abord, l'article 10 prévoit une clause de revoyure pour le prochain PLFSS. Ensuite, le montant de la contribution est inférieur à la marge constituée par ces organismes, estimée à 2,2 milliards d'euros. Enfin, cette mesure permet une juste participation des OCAM à la solidarité nationale en cette période de crise sanitaire.
Avis défavorable.
Je saisis cette occasion pour dire à M. Isaac-Sibille que les 2,4 milliards que nous inscrivons viennent en plus de ce que nous avions prévu. Il n'y pas de transferts. S'il y a un malentendu, je préfère le lever.
Pour les raisons évoquées à l'article 3, le Gouvernement sera défavorable à l'intégralité des amendements déposés sur l'article 10, qui comporte beaucoup de dispositions miroirs.
L'amendement no 941 n'est pas adopté.
En cohérence avec l'amendement déposé à l'article 3 au titre de l'année 2020, le présent amendement vise à exonérer les acteurs mutualistes de la contribution exceptionnelle prévue en 2021 tout en maintenant une taxe pour les assurances privées. Celles-ci couvrent d'autres marchés que les complémentaires santé et ont enregistré des surplus de cotisations importants en raison du confinement. Il convient donc de les mettre à contribution plus fortement que les acteurs mutualistes. Parallèlement, il importe de réfléchir à des solutions concertées avec les acteurs de la mutualité à but non lucratif qui ne se traduisent pas par une hausse de cotisations pour les adhérents.
L'amendement no 2157 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La Mutualité française a alerté les auteurs de cet amendement sur le risque que fait courir l'article 10 de créer une contribution disproportionnée. Nous proposons donc l'introduction de gardes-fous consistant à maintenir comme référence les cotisations perçues en 2020, et non pas 2021, et à créer, par un dispositif réglementaire plus souple, une clause de revoyure sur le taux de contribution.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je vais défendre en même temps l'amendement no 51 .
Le taux de la contribution des organismes complémentaires est fixé au titre de l'année 2020 à 2,6 % par l'article 3. Les difficultés à percevoir cette contribution pour une année écoulée doivent nous conduire, au minimum, à maintenir ce taux pour l'année 2021. La diminution envisagée laisse penser que 2021 serait économiquement plus dynamique que l'année 2020, ce que les indicateurs ne laissent pas nécessairement présager compte tenu de la reprise de la pandémie.
Par ailleurs, comme nous sommes favorables à la disparition de ces complémentaires – qui créent des inégalités de traitement et des disparités dans la protection sociale des travailleurs – et à leur réintégration dans le système général, nous serions même partisans d'une augmentation de ce taux jusqu'à l'extinction en douceur de ce secteur.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 2286 .
Nous proposons d'instaurer un taux différent de contribution selon que l'organisme complémentaire appartient au secteur des mutuelles ou à celui des compagnies d'assurance privées à but lucratif. Ces dernières couvrent d'autres marchés que les complémentaires santé et ont enregistré des surplus des cotisations importants en raison du confinement, auxquels viendront s'ajouter d'autres surplus du fait du couvre-feu et des déprogrammations de soins qui sont en cours. Il semble donc légitime de leur demander une participation exceptionnelle différente de celle des acteurs mutualistes.
J'en profite pour revenir à la taxe GAFA. Vous me disiez, monsieur le ministre, qu'elle serait à nouveau payée cette année, mais n'oublions pas qu'elle relève du budget de l'État et qu'il est question ici du budget de la sécurité sociale – distinction qui a son importance, me semble-t-il.
Merci, monsieur le président : je pense qu'il faut prendre le temps de débattre, car ce sont des mesures significatives.
Premièrement, vous dites, monsieur le ministre, assumer de créer de la dette pour réduire les impôts. Il n'en demeure pas moins que la problématique de l'asséchement des ressources de la sécurité sociale se pose. Pendant la crise, certains acteurs ont gagné beaucoup d'argent. Or ils vont eux aussi bénéficier de vos baisses fiscales, ce qui n'est pas normal. Pourquoi ne pas aller chercher chez eux des ressources pour financer les besoins publics, notamment sociaux ?
Deuxièmement, cela fait plusieurs fois que vous taxez les OCAM. Si vous considérez qu'ils constituent des leviers de l'action publique mobilisables à merci – avec une différence de nature entre organismes mutualistes et compagnies d'assurance – , allez jusqu'au bout de votre logique : réfléchissez au 100 % sécu et augmentez son niveau de prise en charge, notamment des soins.
M. Boris Vallaud applaudit.
Cela suppose bien sûr une conception de la sécurité sociale différente de la vôtre. Il me semble que vous voulez le beurre et l'argent du beurre : ce n'est pas cohérent.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Boris Vallaud applaudit aussi.
J'arrive à point, monsieur le président : nous proposons que l'augmentation des tarifs des organismes complémentaires soit limitée au taux de l'inflation. Il nous a été précisé qu'ils étaient d'accord pour supporter cette taxe et pour ne pas la répercuter sur leurs cotisants. Vous savez que les élus de territoires ruraux aiment que les choses soient inscrites : les paroles s'envolent, les écrits restent.
Monsieur Borowczyk, vous qui nous rejoignez à l'instant, sachez que nous avons déjà eu ces débats à l'article 3 : le Gouvernement a toujours défendu l'équilibre trouvé pour les organismes complémentaires, c'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à tous les amendements visant à le modifier.
Mes chers collègues, ils seraient vraiment dommage de ne pas voter ces amendements. Pour une fois que Mme Fiat et M. Borowczyk sont d'accord !
La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l'amendement no 2256 .
Nous avons voulu vous alerter sur l'impact direct que risque d'avoir cette mesure sur les comptes des régimes collectifs complémentaires. Vous nous avez apporté une réponse à l'article 3, mais notre inquiétude est toujours la même.
L'amendement no 2256 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement no 2617 .
La contribution exceptionnelle demandée aux organismes de complémentaire santé est fondée au regard de l'effort financier exceptionnel qu'exige l'épidémie de covid-19, mais aussi des moindres prestations versées durant la crise sanitaire et économique qui se poursuit.
Cependant, face aux incertitudes économiques qui menacent l'emploi, sans doute davantage en 2021 qu'en 2020, les organismes de complémentaire santé pourraient subir une baisse sensible du montant des cotisations d'assurance santé, alors même qu'on pourrait assister à un rebond des soins qui ont été reportés et qui pourraient s'avérer plus coûteux, faute de prise en charge préventive.
Le rapport que prévoit cet amendement doit permettre à la représentation nationale d'analyser la situation réelle des OCAM et, le cas échéant, d'ajuster le taux de contribution. Il s'agit de reconnaître les effets du rapport, sur la base d'une étude comparative, entre les prestations versées et les cotisations perçues, et de revoir le taux de la contribution à la baisse si la situation des organismes de complémentaire santé se dégrade, mais aussi – on l'a dit – de veiller à ce que les tarifs ne subissent pas une hausse par anticipation de cette contribution exceptionnelle.
Avis défavorable pour deux raisons. D'une part, il ne me semble pas de bonne méthode que de soumettre une contribution à la remise d'un rapport : on créerait un suspense juridique peu propice à la soutenabilité des finances sociales et à la contribution des OCAM à l'équilibre de l'assurance maladie.
En outre, l'examen du PLFSS pour 2022 sera l'occasion de faire le point sur la situation des OCAM.
L'amendement no 2617 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.
En effet, il s'agit d'un excellent amendement dont M. Le Fur est le premier cosignataire. En décembre 2018, le Gouvernement a finalement accédé à la demande répétée depuis plusieurs mois des Français salariés et des chefs d'entreprise, afin que le travail soit plus rémunérateur et que nos concitoyens puissent percevoir le fruit de leurs efforts pour améliorer leur quotidien et leur pouvoir d'achat.
La possibilité d'accomplir des heures supplémentaires sans charge sociale ni fiscale, qui a existé entre 2007 et 2012, est un dispositif dont chacun a regretté la suppression en 2012 et dont nous avons réclamé le rétablissement.
Sous la pression des mouvements récents, le Président de la République a décidé d'accéder à cette demande, mais le rétablissement de l'article 81 quater du code général des impôts n'y parvient que partiellement, puisqu'il manque, sur ces heures, l'allégement total de charges patronales et la suppression de la CSG et de la CRDS.
Si l'on veut aller au bout de la démarche et donner sa pleine efficacité à ce dispositif qui a fait ses preuves entre 2007 et 2012, il faut supprimer ces cotisations – tel est le sens de cet excellent amendement.
C'est vrai, nous faisons preuve de constance sur ce sujet des heures supplémentaires ! C'est que nous avons pu constater qu'entre 2007 et 2012, la suppression de toute charge fiscale et sociale sur les heures supplémentaires avait eu un effet bénéfique sur l'emploi, notamment dans les PME, et avait été utile à l'employeur comme au salarié. Si le Gouvernement a finalement accédé à nos demandes répétées que ces mesures soient reconduites, le dispositif que nous avons voté en décembre 2018 ne va pas assez loin. C'est la raison pour laquelle nous plaidons aujourd'hui pour qu'il soit intégralement reconduit afin de lui rendre sa pleine efficacité. C'est le sens de l'amendement.
La répétition étant une de nos qualités, nous ne doutons pas que vous finirez par entendre notre volonté d'aller jusqu'au bout de la défiscalisation des heures supplémentaires par la suppression totale des charges patronales, de la CSG et de la CRDS.
Vous proposez d'étendre l'exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires à la CSG et à la CRDS, ainsi qu'à l'ensemble des cotisations patronales.
Je voudrais d'abord rappeler que le dispositif introduit par la LFSS pour 2019, puis renforcé au titre des mesures d'urgence, permet déjà d'exonérer les heures supplémentaires et complémentaires dans leur ensemble à hauteur de 2 milliards d'euros en année pleine. L'extension de cette exonération à la CSG et à la CRDS entraînerait un coût supplémentaire de 1,6 milliard d'euros, tandis que l'exonération des cotisations patronales coûterait plusieurs centaines de millions supplémentaires. Il ne nous semble pas par ailleurs que l'enjeu soit cette année d'exonérer davantage les heures supplémentaires pour aider les entreprises. L'avis est donc défavorable.
Aucune suppression des cotisations sociales au bénéfice du patronat n'a entraîné des créations d'emplois. Cela n'a pas été le cas du CICE par exemple, qui a permis de donner 100 milliards d'argent public aux entreprises sans aucun contrôle et en contrepartie duquel le MEDEF avait promis de créer un million d'emplois. Or c'est au contraire le nombre des licenciements qui a augmenté, entre autres anomalies.
C'est pourquoi je considère que ces amendements ne vont pas dans le bon sens. Il faut modifier sa façon de penser : il est temps de cesser de croire qu'on favorise l'emploi en supprimant les cotisations sociales. Le Gouvernement va déjà, par le plan de relance, mettre sur la table 10 milliards pour les entreprises au travers d'exonérations diverses, encore une fois sans contrôle, au moment où des plans de licenciement sont mis en oeuvre, comme à l'usine Bridgestone de Béthune, près de chez moi.
Nous voterons donc contre ces amendements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 25
Contre 71
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 864 rectifié et 1143 rectifié .
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 864 rectifié .
Cet amendement prévoit la suppression du dispositif de désocialisation des heures supplémentaires instauré en 2019. Présenté comme une mesure en faveur du pouvoir d'achat, ce dispositif non compensé entraîne une perte de recettes de 1,8 milliard d'euros par an pour la sécurité sociale, ce qui remet en cause son autonomie financière et limite sa capacité à répondre aux besoins sociaux.
En outre, le rapport du Printemps social de l'évaluation, rendu par notre collègue Boris Vallaud en juin 2020, indique que « la pertinence de l'exonération est profondément remise en cause, tant sur le plan du gain de pouvoir d'achat que de l'encouragement à un temps de travail prolongé » – il pourra nous le confirmer. Au regard de la crise économique que nous sommes en train de vivre, ce dispositif nous paraît donc contre-productif et dangereux. Alors que près d'1 million d'emplois seront détruits cette année, il vaut mieux, pour résoudre le problème du chômage massif, encourager le partage du temps de travail plutôt que de demander aux salariés de faire des heures supplémentaires. Il faut apporter des solutions aux 700 000 jeunes qui cherchent actuellement à entrer sur le marché du travail.
Ce dispositif joue contre l'emploi : c'est pourquoi nous demandons sa suppression. Si vous voulez agir pour le pouvoir d'achat, il y a d'autres mesures à prendre qu'un tel détournement des dispositifs en vigueur. Il vaudrait mieux par exemple augmenter les salaires, mais c'est un autre débat.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 1143 rectifié .
L'avis est défavorable. Je voudrais rappeler l'effet, en termes de gain de pouvoir d'achat, des exonérations que vous voulez supprimer : pour un salarié payé au SMIC, qui passe de 35 à 39 heures par semaine, ces quatre heures supplémentaires se traduisent par un gain net de plus de 300 euros par an. Ce gain bénéficie en priorité aux ouvriers et aux employés, qui ont trois fois plus recours aux heures supplémentaires que les cadres et les professions intellectuelles supérieures, selon les données de la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques. À l'inverse, votre amendement tend à priver ces travailleurs d'1,8 milliard d'euros. C'est donc un avis défavorable.
Visiblement votre appréciation du Printemps social de l'évaluation diffère de celle de son rapporteur Boris Vallaud. J'ajoute que c'est vous qui vous attaquez aux salaires dans toute leur dimension, puisque les cotisations, qui servent à financer la sécurité sociale, sont un élément du salaire. Jusqu'où irez-vous dans ce sens ? Je pense, moi, que le salaire doit être considéré pour ce qu'il est, c'est-à-dire comme ouvrant des droits par le financement de la sécurité sociale. Encourager le recours aux heures supplémentaires comme vous le faites, c'est jouer à la fois contre le salaire, la santé et le travail. Ce n'est pas sérieux !
Si vous voulez vraiment augmenter le pouvoir d'achat, faites-le, non pas au détriment des droits acquis au titre de la sécurité sociale – c'est la perversité de votre dispositif – mais par de vraies augmentations de salaire.
Je remercie mon collègue Pierre Dharréville d'avoir eu la bienveillance de lire le rapport d'évaluation dont la rédaction m'avait été confiée : je déplore que ni l'exécutif ni le rapporteur général n'en tirent aucune espèce de conséquence. Déjà en période de croissance, l'efficacité du dispositif n'était pas avérée en termes de gain de pouvoir d'achat en raison du nombre considérable d'effets pervers mais, en plus, nos travaux nous ont permis de constater qu'en période de crise il favorisait la destruction d'emplois.
Ce rapport n'ayant manifestement pas été lu, je me permettrai d'en apporter un exemplaire au rapporteur général et aux ministres qui sont au banc, pour qu'ils reconsidèrent, durant le temps de la navette, une position qui me semble infondée et funeste pour la bataille que le Gouvernement souhaite engager en faveur de l'emploi.
Les amendements identiques nos 864 rectifié et 1143 rectifié ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de sept amendements, nos 663 , 389 , 547 , 617 , 621 , 879 et 1495 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 389 , 547 , 617 et 621 d'une part, 879 et 1495 d'autre part, sont identiques.
Sur l'amendement no 663 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marine Brenier, pour soutenir cet amendement.
Il nous invite à faire encore un petit effort en acceptant d'exonérer les heures supplémentaires des cotisations patronales. À l'heure où notre pays est frappé de plein fouet par une pandémie et où de très lourdes difficultés pèsent sur les TPE et PME, cette mesure nous paraît de bon sens.
Le président Le Fur ne pouvant s'exprimer sur son excellent amendement, je serai sa voix à cet instant précis !
Il s'agit là aussi d'élargir le champ d'exonération des cotisations pesant sur les heures supplémentaires. Il est temps de revenir à un slogan qui avait été très apprécié des salariés : « Travailler plus pour gagner plus. » Nous restons fidèles à cette démarche.
Il convient en effet d'aller plus loin dans la défiscalisation des heures supplémentaires, en supprimant également la part patronale des cotisations sociales, comme l'avait fait la loi TEPA – en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat – de 2007. Cette mesure permettra de renforcer le pouvoir d'achat des salariés et le dynamisme des entreprises.
Cet encouragement fiscal est particulièrement bienvenu dans le contexte actuel de ralentissement économique. Il permettra de soutenir l'activité économique alors que les nuages s'amoncellent au-dessus d'elle.
Une telle solution permet aux entreprises de faire faire des heures supplémentaires à leurs salariés. Je vous rappelle que la suppression de ce dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires s'est traduite pour les salariés concernés par un manque à gagner de 200 à 300 euros par mois.
Cet amendement propose de parfaire la défiscalisation des heures supplémentaires. Ce dispositif de défiscalisation, qui avait été supprimé en 2012, n'a été que partiellement réintroduit par la loi du 24 décembre 2018, puisqu'il manque la suppression des charges patronales, ainsi que de la CSG et de la CRDS dues au titre de ces mêmes heures.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a entraîné une chute du pouvoir d'achat pour de nombreux salariés, plus particulièrement les salariés aux revenus modestes ou moyens. Ce dispositif bénéficiait aux salariés comme aux entreprises, en leur permettant, dans le cadre d'un véritable dialogue social, de s'affranchir des contraintes des 35 heures. Il convient donc de le rétablir.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 1495 .
La défiscalisation des heures supplémentaires adoptée en 2007 a été abattue en plein vol, alors qu'elle avait permis à 9 millions de Français de bénéficier d'une augmentation substantielle de leur pouvoir d'achat. Supprimée en 2012, elle n'a malheureusement été rétablie que partiellement depuis, cela a été rappelé. De ce fait, elle n'a pas retrouvé sa pleine efficacité, qui avait permis au pouvoir d'achat de tant de Français d'atteindre un niveau décent : 200 à 300 euros supplémentaires, ce n'est pas rien !
Ce serait donc un geste significatif en faveur du pouvoir d'achat de millions de Français que de rétablir le dispositif que nous avions mis en place sous le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy, en allant au bout de la logique de défiscalisation et de désocialisation des heures supplémentaires via la suppression des charges patronales. C'est l'objet de cet amendement.
Nous avons ce débat quasiment chaque année. Je l'ai déjà dit à propos de la précédente série d'amendements, issue des bancs de la gauche : dans les conditions actuelles, l'exonération des heures supplémentaires représente déjà un coût de 1,8 milliard d'euros, auquel s'ajoute le coût de la déduction forfaitaire patronale appliquée aux heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés, soit 600 millions d'euros en 2019.
Ce dispositif ne doit pas être remis en cause, pour trois raisons. Premièrement, la déduction forfaitaire patronale a été la plus exposée aux effets d'aubaine, allégeant les cotisations d'employeurs qui, de toute façon, auraient eu recours aux heures supplémentaires pour soutenir leur activité. Deuxièmement, une extension aux entreprises de plus de vingt salariés modifierait sensiblement notre équilibre financier. Vous n'en avancez pas de chiffrage, mais son coût s'élèverait à plusieurs centaines de millions d'euros. Troisièmement, les allègements généraux induisent une exonération totale de cotisations patronales, y compris, désormais, des cotisations qui financent les régimes de retraite complémentaires et d'assurance chômage des salariés dont la rémunération est proche du SMIC. Avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
Les députés Les Républicains souhaitent le rétablissement d'un allègement fiscal institué sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Comme vous le savez, ce n'est pas vraiment notre passion ! Le jusqu'au-boutisme qui s'exprime ici pourrait vous pousser au vice ; je préfère donc intervenir, pour vous dissuader d'aller jusque-là – vous êtes déjà allés assez loin ! Un débat entre la droite et la droite est en train de s'engager, …
Dès lors qu'il y a travail – y compris à l'occasion d'heures supplémentaires – , il y a création de richesse : or vous proposez que la richesse créée grâce au travail effectué en heures supplémentaires ne participe pas au financement de la protection sociale et de la sécurité sociale. Ce n'est pas acceptable.
La sécurité sociale ne doit pas être un levier des politiques économiques. Ce n'est ni son rôle, ni son objet. Au contraire, elle doit en être préservée, pour jouer pleinement son rôle : assurer nos droits sociaux et notre protection sociale. Si vous voulez prendre des mesures en faveur de l'économie, passez par le budget de l'État, mais n'intervenez pas sur la sécurité sociale !
La position de M. Dharréville est cohérente avec les idées qu'il défend de façon générale mais, nous aussi, nous avons une cohérence qui nous est propre. Si nous nous opposons aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2021, c'est parce que nous formulons d'autres propositions, que nous défendons dans des amendements. Certes, nous aurions pu le faire sur le budget général, mais, vous le savez mieux que moi, nos amendements auraient alors été déclarés irrecevables.
Ils répondent à une demande qui s'exprime dans nos territoires – et que vous entendez aussi très certainement dans vos circonscriptions : il faut valoriser davantage le travail. Tel est bien leur objet. Actuellement, toutes les cotisations sociales s'appliquent dès qu'on effectue quelques heures supplémentaires au-delà du seuil – et ce, même lorsque le salarié est demandeur car il souhaite augmenter son pouvoir d'achat. S'il travaille quelques heures en plus, il est pénalisé.
Exclamations de Mme Caroline Fiat.
Je comprends que cela puisse vous énerver ! Je le répète, nous souhaitons valoriser davantage le travail, en réponse à une véritable attente. Pour votre part, vous multipliez les chèques en bois : or ce message ne responsabilise pas nos concitoyens.
Mme Brigitte Kuster applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 32
Contre 92
L'amendement no 663 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 123
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 32
Contre 91
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 30
Contre 92
Je suis saisi de trois amendements, nos 2127 , 788 et 577 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement no 577 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 2127 .
Chacun connaît les dégâts de l'alcoolisme festif chez les jeunes. Nous devons dissuader ces derniers de consommer, tout particulièrement les bières à fort degré alcoolique qui fleurissent depuis une dizaine d'années dans les rayons des supermarchés. Mon amendement vise donc à surtaxer ces bières, dont le degré d'alcool peut atteindre 17 degrés. Actuellement, elles sont taxées de la même manière que les bières à 6 degrés.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 788 .
Pour la deuxième année consécutive, je présente un amendement relatif aux bières fortement alcoolisées, souvent vendues par packs de canettes de 50 centilitres. Les industriels qui les commercialisent ont un but : alcooliser la jeunesse le plus tôt possible. Je parle non pas ici des bières artisanales, mais de celles qui sont vendues dans les supermarchés, aussi appelées « vins d'orge ». Tous les jours, dans les rues, nous voyons des jeunes en consommer. Les brasseurs industriels veulent les rendre dépendants à l'alcool, avec les conséquences sociales qu'on connaît. Ce serait donc une mesure de santé publique que de surtaxer les bières alcoolisées à plus de 11 degrés d'alcool.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement no 577 .
Il vise à taxer les bières dont le titre alcoométrique dépasse 11 % du volume. Je tiens à rappeler quelques chiffres : chaque année, en France, 8 000 enfants naissent atteints de troubles causés par la consommation d'alcool pendant la grossesse. Et chaque année, on recense 48 000 à 50 000 morts liées à l'alcool, pour un coût estimé à 7,5 milliards d'euros. À La Réunion, territoire où je suis élus député, l'alcool cause 450 décès annuels, bien que notre population compte 18 % d'abstinents. Lors de l'examen du PLFSS pour 2020, l'Assemblée nationale avait voté l'instauration d'une taxe sur les prémix à base de vin, pour en dissuader la consommation par les jeunes. Il est nécessaire d'appliquer la même politique aux bières fortes.
Dans une démarche de prévention, l'objectif de cet amendement est donc de taxer très fortement les bières à haut degré d'alcool, afin de dissuader les plus jeunes de les acheter – car, pour l'heure, il n'y aucune distinction fiscale entre les bières à 6 degrés et celles à 16 degrés. La Ligue contre le cancer rappelle que l'alcool est la deuxième cause de cancer évitable en France. En octobre 2019, son président soulignait que boire une bière à 16 degrés équivaut à boire une bouteille de vin. Sachez enfin qu'en 2016 le coût social des accidents de la route était estimé à 50 milliards d'euros, soit un peu plus de 2 % du PIB.
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.
Nous avons eu ce débat en commission. Comme je l'ai expliqué à cette occasion, il ne me paraît pas opportun de modifier la taxation des bières, pour des raisons de compatibilité avec le droit européen, et pour éviter aux brasseries traditionnelles françaises de subir des effets de bord économiques. Avis défavorable.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
Ce débat est intéressant, mais je constate que chaque fois qu'il est question d'un produit dangereux pour les jeunes, la réponse est de taxer. Dans le cadre du projet de loi Ma santé 2022, par exemple, il a été proposé d'augmenter le prix du paquet de cigarettes.
En plus de la taxation, n'y a-t-il pas d'autres solutions ? Ne faut-il pas donner des moyens à des éducateurs ou à des animateurs ? La répression est toujours privilégiée, mais donne-t-elle des résultats ? Est-il plus efficace d'augmenter le coût du paquet de cigarettes que de faire de la prévention ? Je n'ai pas la réponse. Je ne suis pas opposé à la taxation qui est proposée, mais j'ajoute un élément de réflexion au débat.
Oui, monsieur Bruneel, l'augmentation du prix du tabac a bel et bien eu pour effet de diminuer sa consommation. Certes, il faut faire de la prévention. Le problème est que les grands industriels en question, souvent étrangers – et n'ayant rien à voir avec nos brasseurs traditionnels – , déploient un marketing bien plus efficace que notre prévention. À ne miser que sur cette dernière, on part perdant. Il s'agit là d'un problème de santé publique et d'un problème social.
Qui n'a jamais vu des jeunes installés sur un coin de trottoir avec une bière ? J'en vois tous les jours, et ils ont 16 ans ! Le but des industriels est d'alcooliser ces enfants et de les faire entrer dans la dépendance, pour leur vendre toujours plus d'alcool. J'entends qu'une surtaxe serait incompatible avec le droit européen, mais il faut prendre conscience de ce qui est en jeu : je le répète, un problème de santé publique et un problème de société. Le Président de la République veut lutter contre les violences faites aux femmes. Or ces violences sont le fait d'hommes alcoolisés, à qui des industriels proposent, dès le plus jeune âge, des bières à 16 degrés conditionnées en canettes de 50 centilitres, soit l'équivalent, en alcool, de bouteilles de vin. Et ces canettes sont vendues par packs !
L'enjeu, ici, n'a rien d'économique : un industriel n'est pas perdant lorsqu'il produit une bière moins forte. De son côté, un jeune ne fait pas nécessairement la différence entre une bière à 16 ou 17 degrés, et une bière à moins de 11 degrés. Il faut donc imposer une diminution du degré alcoolique, et rendre difficile la commercialisation de bières fortement alcoolisées. Il y a là un problème de santé publique, un problème de société et un problème de violence. Si nous n'agissons pas, nous pourrons être accusés d'avoir laissé des bières fortement alcoolisées enivrer une société qui est par ailleurs, entre autres difficultés, frappée par le chômage.
M. Cyrille Isaac-Sibille et M. Philippe Naillet applaudissent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 34
Contre 67
L'amendement no 577 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Cattelot, pour soutenir l'amendement no 1901 .
Au contraire des auteurs des précédents amendements, je souhaite rétablir l'égalité de l'impôt pour des productions similaires. Les droits d'accise sur le vin et sur la bière ne sont pas les mêmes : pour 75 centilitres, une bière titrant 5 degrés est taxée à 0,28 euro, dix fois plus qu'un vin à 12 degrés – 0,028. Une bière issue d'une brasserie artisanale sera taxée, quant à elle, à 0,34 euro.
La différence de taxation est donc manifeste, alors que celle des produits n'est pas flagrante. Le problème consiste en ce que la fiscalité de la bière tient compte à la fois de la quantité et du degré d'alcool. Elle est donc défavorable à des bières légèrement plus fortes que les bières industrielles à 5 degrés, mais qui sont produites par de petites brasseries artisanales, employant souvent entre dix et trente équivalents temps plein. Qui plus est, ces bières sont destinées à la dégustation : leur consommation ne vise pas à atteindre l'ivresse, en buvant litre après litre, dans le cadre des pratiques addictives répandues chez les jeunes que vous avez dénoncées. À ce propos, vous évoquez d'ailleurs des bières titrant 16 ou 17 degrés : sauf peut-être en Écosse ou en Irlande, il n'en existe guère. Autant parler de ce que nous connaissons.
Cette distinction entre boissons alcoolisées opérée par la fiscalité n'est pas normale. Certes, elle découle en partie de la réglementation européenne, mais elle mérite que l'on en parle dans cet hémicycle.
En effet, votre amendement prend le contre-pied des précédents. Je comprends que vous souhaitiez réduire les droits d'accise sur les bières en raison de l'essor des micro-brasseries en France ; toutefois, ces petites brasseries indépendantes bénéficient déjà d'un taux dérogatoire de 3,81 euros par degré et par hectolitre au lieu des 7,61 euros de droit commun, ce qui constitue un avantage suffisant. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
Madame Cattelot, j'irai dans le même sens que le rapporteur général. Votre amendement vise tout de même à diviser par deux le droit d'accise applicable aux petites brasseries, dont la production est inférieure ou égale à 10 000 hectolitres par an ! Cela nous mettrait en porte-à-faux avec les objectifs de ces accises qui, d'une part, contribuent à la politique de santé publique, d'autre part ont pour finalité de réduire la consommation d'alcool, en particulier celle des jeunes, suivie par le Gouvernement.
Je n'aborderai pas le sujet de la faisabilité juridique d'une telle mesure, mais ces petites brasseries sont en plein développement – un développement rapide. Le Gouvernement les soutient, notamment par des dispositions récentes, prises dans le contexte de la crise sanitaire. Elles sont éligibles à tous les dispositifs, que ce soit le fonds de solidarité ou l'exonération de cotisations sociales. Nous sommes disposés à travailler ensemble : c'est la raison pour laquelle je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera malheureusement défavorable.
Je ne m'opposerai jamais à des injonctions de santé publique, et vous avez bien compris que l'objet de mon amendement était de mettre en évidence la différence de traitement entre boissons alcoolisées, même à degré égal. Cela vaudra la peine d'y travailler, durant l'année qui va s'ouvrir, afin de trouver un équilibre entre égalité de l'activité des entreprises devant l'impôt et impératifs de santé publique. Je retire l'amendement.
L'amendement no 1901 est retiré.
L'amendement no 1327 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ces amendements sont consacrés aux produits du tabac. Je défendrai d'ailleurs par la même occasion le no 715, monsieur le président.
Il y a un an, dans cet hémicycle, Gérald Darmanin m'a dit qu'il fallait absolument trouver des recettes si nous tenions à présenter des amendements. Il avait raison : c'est pourquoi, depuis un an, je travaille sur la taxation du tabac. D'abord, j'ai voulu comprendre comment elle fonctionne. Honnêtement, madame la secrétaire d'État, c'est très difficile, sinon pour vous et pour Laurent Saint-Martin.
Sourires.
Il existe un biais entre la part spécifique, le minimum de perception, la TVA, la part variable. Ce biais fait qu'en 2023-2024, nous allons lisser la fiscalité entre le bas de gamme et le haut de gamme, ce qui entraînera une perte d'environ 3 centimes sur ce dernier. C'est l'inverse de ce que nous voulons faire ! Je souhaitais vous alerter sur ce point, car il en résultera une perte de recettes pour l'État et, en outre, pour servir notre politique de santé publique, il est essentiel de maintenir les produits du tabac à un prix élevé, lequel constitue un signal.
Mon autre amendement – le no 716 – porte sur le tabac chauffé, dont l'usage se développe avec une rapidité incroyable. Tous les cigarettiers vous disent aujourd'hui que le tabac appartient au passé, qu'ils ne comptent plus vendre de cigarettes, mais des cigarettes électroniques et du tabac chauffé, dont le taux de croissance, à Paris, est à trois chiffres ! En réalité, c'est exactement la même chose : on vend du tabac, mais dont la fiscalité est bien inférieure à celle des cigarettes, à taux de nicotine égal. Il serait donc nécessaire de réviser la fiscalité du tabac chauffé. C'est une question non seulement de santé publique, mais aussi de recettes publiques.
Je souhaiterais tout d'abord préciser à M. Maillard que si son amendement no 715 a été jugé irrecevable, c'est parce qu'il impliquait une perte de recettes pour la sécurité sociale. Je vous sais très sensible à ce sujet, comme l'ensemble des députés.
Votre amendement no 716 vise à créer une nouvelle catégorie fiscale recouvrant les nouveaux produits du tabac, notamment le tabac chauffé et les cigarettes électroniques. Pourquoi une fiscalité spécifique alors que les règles du droit européen contraignent la fiscalité des autres produits du tabac ? Parce que les cigarettes électroniques ne sont pas rangées parmi les produits nocifs pour la santé, à la différence des cigarettes classiques ; et parce que leur substitution à celles-ci n'est pas étrangère à la réelle baisse du nombre de fumeurs que nous avons connue ces dernières années : 4 % en cinq ans, de mémoire. Enfin, la catégorie des nouveaux produits du tabac n'ayant pas de traduction fiscale, l'assiette que vous proposez paraît fragile. Par conséquent, avis défavorable à cet amendement.
Quant au no 717, il vise à porter de 10 % à 6 % la possibilité qu'ont les ministres des finances et de la santé d'augmenter le minimum de perception des droits de consommation.
S'agissant de l'amendement no 716 , j'ajouterai, dans la droite ligne des propos du rapporteur général, qu'en l'état ni la directive européenne du 21 juin 2011 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés, ni le droit de l'Union européenne en général, ne considèrent le tabac à chauffer comme une catégorie fiscale. La création d'une telle catégorie fait partie des sujets à évoquer lors des travaux de révision de cette même directive. Nous pouvons donc oeuvrer en ce sens dans un cadre européen.
Pour ce qui est de l'amendement no 717 , je dirai seulement, en connaissance de cause, que nous avons pris des décisions fortes touchant à la trajectoire pluriannuelle de fiscalité du tabac. Adoptées au sein de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, ces dispositions ont des effets dissuasifs conformes à nos prévisions : le prix moyen du paquet de cigarettes frôle, voire atteint désormais les 10 euros. Rien ne justifie donc que l'on revienne sur la structure fiscale retenue. Par ailleurs, en matière fiscale, la stabilité est toujours un atout : cela vaut également pour le tabac.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, avis défavorable.
Monsieur Maillard, j'ai l'impression que vous vous inscrivez tout à fait dans la trajectoire déterminée par Marisol Touraine. De votre part, cela me surprend, quoique sans excès.
M. Joël Aviragnet applaudit.
Vous partez du postulat qu'en augmentant les taxes, nous réduirons la consommation. À cet égard, la crise du covid-19 nous a offert une belle leçon : dans ma région, en Lorraine, les buralistes ont enregistré pendant le confinement une hausse des achats de tabac allant jusqu'à 40 % !
Lorsqu'on discute avec eux, ils nous disent que ces achats n'étaient pas le fait de nouveaux fumeurs, mais des fumeurs qui se fournissaient auparavant à l'étranger, notamment au Luxembourg. Dès le 12 mai, ces consommateurs, de nouveau, sont allés acheter ailleurs. Ils n'ont pas arrêté de fumer ! En réalité, cette hausse des taxes n'a pour effet que d'alimenter le commerce transfrontalier et la contrebande. Je tiens d'ailleurs à vous alerter, madame la secrétaire d'État : dans nos territoires, le nombre de braquages subis par des buralistes devient de plus en plus inquiétant. Chaque fois que vous augmentez les taxes, vous accroissez les tensions !
Dernier point, auquel je sais que le Président de la République sera sensible : les buralistes qu'Emmanuelle Anthoine et moi-même avons rencontrés sont aujourd'hui en souffrance. Ils ne pourront pas supporter cette nouvelle hausse des droits sur le tabac. Je vous demande de revoir cette trajectoire : il faut pouvoir penser autrement cette politique de santé, qui ne doit pas passer seulement par des taxes.
La cigarette électronique devait faire office de levier pour lutter contre le tabagisme. Or l'Organisation mondiale de la santé dénonce régulièrement son faible potentiel en matière de sevrage. Mon collègue a raison : il y a parfois détournement. La cigarette électronique est censée ne pas contenir de nicotine, mais nous ne savons pas très bien ce qu'elle contient ! Il faudrait donc approfondir les choses et clarifier sa fiscalité.
Monsieur Bazin, c'est contre la contrebande qu'il faut lutter, et non contre les taxes ! Cela fait une vraie différence : les taxes permettent évidemment de réduire la consommation de tabac.
J'aimerais par ailleurs ajouter deux éléments, madame la secrétaire d'État. J'ai entendu vos propos au sujet du tabac à chauffer et me tiens à votre disposition pour travailler sur ce sujet. Quant aux taxes, nous sommes d'accord pour ne pas les augmenter, c'est vrai, mais j'appelle votre attention sur le point de bascule qui surviendra en 2023 ou en 2024. Dans la mesure où nous avons un peu de temps devant nous, je vous invite à étudier le sujet de plus près. Quoi qu'il en soit, je retire mes deux amendements.
Il constitue en quelque sorte un droit de suite après le débat que nous avons eu dans cette assemblée sur le choix d'autoriser de nouveau les néonicotinoïdes comme solution aux difficultés que traverse la filière de production de la betterave sucrière. Lors de ce débat, nous avions formulé une proposition alternative, que nous avions appelée le plan B, comme betterave. Elle consistait essentiellement en une augmentation de la taxe sur les sodas, afin de consacrer un meilleur partage de la valeur ajoutée. Nous avions en effet démontré que le doublement de la taxe sur les sodas dégagerait une somme de 400 millions d'euros, avec laquelle il serait possible à la fois d'aider la filière à surmonter les conséquences de la fin des quotas sucriers et de l'engager dans une voie alternative aux néonicotinoïdes. Nous proposons de nouveau le doublement de cette taxation, qui affecterait à peine le gain réalisé par les grands groupes producteurs de soda au moment de la dérégulation du marché mondial avec la disparition des quotas sucriers.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement visant à doubler la taxe soda – qui est l'oeuvre, dans sa version actuelle, du rapporteur général qui m'a précédé. Je tiens, au demeurant, à saluer l'effet que l'entrée en vigueur de cette taxe soda a eu sur la composition des sodas vendus au quotidien. Même si je comprends tout à fait votre objectif, monsieur Vallaud, je soulignerai que le doublement de cette taxe aurait des effets de seuil importants, qui pourraient rendre le dispositif plus fragile au plan constitutionnel. Avis défavorable.
Il est identique.
Je suggère à M. le rapporteur général et à Mme la secrétaire d'État de ne pas décider à la place du juge constitutionnel. J'invite mes collègues à soutenir cette proposition qui bénéficierait à chacun d'entre nous, en incitant peut-être à la modération dans la consommation de sodas, et qui offrirait une ressource financière permettant de proposer une autre solution que la réintroduction des néonicotinoïdes. Une mesure ouvrant la voie à un meilleur partage de la valeur ajoutée pourrait, je crois, nous réunir. Il me semble qu'un avis de sagesse de la part de M. le rapporteur général et de Mme la secrétaire d'État conviendrait mieux.
L'amendement no 938 n'est pas adopté.
Il vise à créer une contribution « prévention » qui serait prélevée à hauteur de 1 % sur les budgets publicitaires, afin de financer des actions de prévention de l'assurance maladie, notamment à destination des enfants en matière de nutrition. L'idée est simple : les montants qui sont consacrés à la publicité sont infiniment supérieurs au budget consacré à la prévention. Organisons donc un juste retour des choses : faisons payer ceux que l'on peut appeler les pollueurs en prélevant une taxe consacrée à la prévention, qui permettrait de mieux prévenir un certain nombre de maladies, notamment liées à la nutrition.
Il est défavorable, comme il l'avait été en commission, en raison des effets de bord qu'une telle taxe aurait sur de nombreux acteurs. Je reprendrai l'exemple que j'avais cité en commission : 72 % de l'activité de l'industrie française des effets visuels proviennent du secteur de la publicité. Plus globalement, l'ensemble des médias privés pourraient pâtir de l'adoption de cette contribution. Avis défavorable.
Pour répondre de façon exhaustive à M. Vallaud, j'ajouterai que je suis fondamentalement défavorable à cette nouvelle taxe dont l'assiette serait très large et qui, comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, pèserait sur un secteur non seulement stratégique mais aussi affecté par la crise – alors que, faut-il le rappeler, le Gouvernement a indiqué très clairement ne pas vouloir augmenter les impôts, durant cette période de relance, ni pour les acteurs économiques ni pour les ménages.
Par ailleurs, vous savez sans doute, monsieur Vallaud, qu'une mesure similaire à la majoration de la taxe soda que vous défendez, visant à restreindre les publicités pour les denrées alimentaires et les boissons trop riches en matières grasses, en sel et en sucre, a été proposée par la convention citoyenne pour le climat, et que des travaux sont en cours sur ce sujet. Au-delà de l'avis défavorable du Gouvernement sur le présent amendement, il ne me paraît pas opportun de proposer une telle mesure alors même que les propositions de la convention citoyenne feront l'objet d'un projet de loi soumis au Parlement.
Tout d'abord, compte tenu du sort que vous faites parfois aux propositions de la convention citoyenne, le vote de notre proposition m'aurait semblé une mesure de précaution !
MM. Joël Aviragnet et Sylvain Maillard sourient.
Ensuite, la mesure de redistribution que nous proposons avec le présent amendement serait assez juste : une part importante de la publicité a un impact sanitaire et environnemental. Nous savons que nos modes de consommation font l'objet, à l'heure actuelle, d'une réflexion. Il serait assez juste que la publicité participe de la prévention de ses propres turpitudes et de ses propres excès ; ce serait une mesure de salubrité publique, à laquelle nous pourrions tous nous rallier.
Compte tenu de ce que peut coûter un diabète découvert chez un enfant, dont il souffrira toute sa vie d'adulte, il n'y a pas d'économies à faire dans ce domaine ! Le fait de préserver l'enfant de mauvaises habitudes alimentaires dès le plus jeune âge constitue une mesure de bon sens…
… et représente une économie pour la sécurité sociale, dont nous discutons justement maintenant. Pour ma part, je ne peux pas entendre que cette coûterait cher aux médias privés. Il s'agit d'une mesure d'économie pour l'avenir : un enfant devenu un adulte diabétique coûtera de l'argent à la sécurité sociale – et l'on va ensuite parler du trou de la sécu ! Comme cet amendement permettrait de réaliser des économies futures, on ne peut donc pas voter contre – d'autant plus qu'il vise à préserver la santé de nos enfants : on ne peut tout de même pas s'opposer au fait d'avoir des enfants en bonne santé !
À la suite des propos précédents de Mme la secrétaire d'État, je rappellerai qu'outre le covid-19, le secteur a aussi connu une crise avec Presstalis, qui a particulièrement touché l'ensemble des petits groupes de presse indépendants ; ceux-ci ne vivent quasiment que de la publicité. Quant aux grands groupes, ils cassent tous actuellement leurs budgets de publicité : les dépenses de communication sont toujours les premières que l'on coupe pour réaliser des économies d'échelle. Je suis donc navrée d'avoir à vous le dire, chers collègues, le moment n'est absolument pas le bon pour proposer un amendement comme celui-ci, qui risque de mettre au chômage de nombreuses personnes qui apportent une information libre et indépendante à ceux qui ont envie de la lire.
Mme Caroline Fiat proteste.
Il aurait été loisible au Gouvernement d'envisager une réforme plus généreuse des aides à la presse dans le contexte actuel. Pendant la crise, des dispositifs ont d'ailleurs soutenu ces groupes de presse. Je ne suis pas certain que la liberté de la presse réside dans son financement par la publicité – j'ai même un petit doute.
L'amendement no 1197 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 804 et 2287 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement no 804 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir cet amendement.
Il vise à créer de nouvelles ressources au profit de la sécurité sociale, pour lui permettre d'assurer son rôle de protection et de redistribution dans le contexte de la crise économique et sanitaire. Je voudrais faire un bref historique : en 2018, la CSG a augmenté d'1,7 point, sur les salaires et pensions de retraites notamment, alors qu'elle n'a augmenté que de 1 point sur les revenus du capital, ce qui représente une différence importante. Au travers de cet amendement, nous proposons d'augmenter la CSG sur les revenus du capital de 2,8 points. Une telle progression apporterait un rendement supplémentaire de 3 milliards d'euros au profit des caisses de sécurité sociale, lequel permettrait de financer par exemple des mesures de soutien au pouvoir d'achat des familles et des jeunes fortement touchés par la crise sanitaire.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 2287 .
Il est plus modeste, puisque nous proposons pour notre part une augmentation de 1,4 point de la CSG sur les revenus du capital, ce qui conduirait à un rendement supplémentaire de 1,5 milliard d'euros.
L'augmentation de CSG que vous proposez ne toucherait pas que les plus riches mais tous les Français possédant un produit d'épargne, qu'il s'agisse d'un PEL – plan d'épargne logement – , d'un CEL – compte épargne logement – ou d'un contrat d'assurance vie.
Il est également défavorable, monsieur le président.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 16
Contre 76
L'amendement no 804 n'est pas adopté.
L'amendement no 2287 n'est pas adopté.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1145 .
Dans le même ordre d'idées, il propose de revenir sur la hausse injuste de la CSG votée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Le Gouvernement avait alors augmenté la CSG de 1,7 point, provoquant une perte de pouvoir d'achat importante pour les retraités et les fonctionnaires. Il était revenu sur cette mesure à la suite de la crise sociale de l'année 2019, fixant alors un seuil de 2 000 euros mensuels en-dessous duquel les retraités ne sont pas assujettis au taux de CSG revalorisé : ils sont soumis au taux de 6,6 % au lieu de 8,3 %. Nous proposons de rehausser ce seuil à 3 000 euros mensuels : cela permettrait de redonner du pouvoir d'achat aux retraités tout en sortant de nombreuses familles de situations très difficiles, par exemple lorsque l'une des personnes âgées se trouve dans un EHPAD pour le financement duquel le reste à charge reste très élevé. C'est le montant de ce reste à charge qui nous a conduits à proposer le seuil de 3 000 euros, qui correspond vraiment à une réalité.
Je me permettrai de signaler qu'en dépit de l'avis que j'ai donné en commission, vous avez maintenu la rédaction de cet amendement, qui réintègre un taux à 6,6 % de CSG pour les retraités et demandeurs d'emploi bénéficiant actuellement d'un taux de 3,8 %. Pour le reste, nous avons déjà eu ce débat en commission ; avis défavorable.
Vous le savez, le taux de CSG a fait l'objet de nombreux ajustements. Sans entrer dans tous les détails, je voudrais rappeler qu'à la suite notamment de l'adoption de la loi de décembre 2018, qui a annulé la hausse pour les retraités dont la pension mensuelle n'excédait pas 2 000 euros, près de 70 % des foyers dans lesquels vit un retraité ne sont aujourd'hui pas concernés par la hausse de la CSG. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Lorsque l'on est confronté à des situations sociales très tendues, il ne faut chipoter ni sur les taux ni sur les pourcentages de personnes concernées. Des familles sont réellement en grande difficulté, parce qu'elles doivent financer des EHPAD à des coûts exorbitants compte tenu de leurs revenus. Si nous proposons cette mesure, c'est parce qu'elle répondrait à une situation sociale réelle.
L'amendement no 1145 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 805 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour le soutenir.
Le financement de la protection sociale est aujourd'hui fragilisé par la multiplication galopante des exonérations sociales, laquelle obère la capacité de la sécurité sociale à répondre aux besoins sanitaires et sociaux.
À chaque PLFSS, vous m'entendez dénoncer l'assèchement des ressources ; le constat est toujours valable cette année : hormis la création d'une contribution sur les organismes complémentaires, aucun effort n'est réalisé en matière de recettes. Pire : vous jouez la montre en reportant l'échéance de remboursement de la dette sociale, dont le financement reposera essentiellement sur les salariés et les retraités à travers le paiement de la CRDS et de la CSG.
Ce débat est d'autant plus urgent que notre pays fait face à une crise sanitaire et économique sans précédent, et que les besoins sont bel et bien là. Au-delà d'une remise à plat des dispositifs d'exonération de cotisations, qui génèrent un trou de 68 milliards d'euros dans les recettes, il convient de réfléchir à des solutions pour élargir l'assiette de financement de la protection sociale.
Dans cette optique, l'amendement propose de soumettre les revenus financiers des entreprises à des cotisations sociales, au taux de celles actuellement versées par les employeurs à chaque branche de la sécurité sociale. Une telle contribution permettrait de mener une politique sociale active et répondant aux besoins sanitaires et sociaux de la population, tout en représentant une incitation forte pour les entreprises à privilégier le facteur travail.
Outre le doublement des charges que votre proposition ferait mécaniquement peser sur les entreprises, l'amendement concourrait à déformer la stratégie des entreprises dans l'utilisation de leurs bénéfices, ainsi qu'à tuer l'assiette sur laquelle votre contribution est assise.
Comme il s'agit du premier d'une longue liste d'amendements portant sur le rehaussement des cotisations des entreprises, j'ajoute que la commission leur a systématiquement donné un avis défavorable. La stratégie développée par le Gouvernement et la majorité consiste actuellement à accompagner toutes les entreprises face à l'une des plus fortes récessions que nous ayons connues.
L'heure n'est donc pas au rajout de charges supplémentaires, mais à un effort collectif pour éviter l'explosion du chômage et une crise sociale encore plus forte.
Même avis.
Je ferai plusieurs remarques : tout d'abord, monsieur le rapporteur général, ce que nous proposons, et que vous avez appelé une charge, est en l'occurrence une cotisation. Vous avez ensuite affirmé qu'elle déformerait la stratégie des entreprises : au contraire, elle la rendrait sans doute plus vertueuse, puisqu'elle orienterait les richesses créées vers une utilisation utile, correspondant aux besoins et en phase avec les enjeux du moment, notamment en matière de travail.
Enfin, il s'agit simplement d'une cotisation sur les revenus financiers des entreprises. Si vous souhaitez instaurer des politiques de soutien à l'économie, ce n'est pas le bon texte, c'est dans le cadre du PLF qu'il faut en discuter. Mais je ne voudrais pas trop vous pousser dans cette voie, vous en faites déjà beaucoup trop à notre goût, et nous avons d'ailleurs combattu cette tendance lors des débats de la semaine dernière. Il s'agit bien ici de trouver des ressources pour faire face aux besoins sanitaires et sociaux, ce que vous vous refusez une nouvelle fois de faire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 18
Contre 71
L'amendement no 805 n'est pas adopté.
Il concerne l'exonération des cotisations employeurs pour les organismes d'intérêt général et associations situés en zone de revitalisation rurale. En effet, la remise en cause de cette exonération a des conséquences préjudiciables à ces structures, dont la situation financière est souvent fragile. Employeurs de proximité, ces organismes font aujourd'hui face à des difficultés de trésorerie, avec des répercussions en matière d'emploi particulièrement prégnantes s'agissant des organismes médico-sociaux, des services à la personne et des associations en charge du handicap.
C'est pourquoi l'amendement vise à rétablir le dispositif initial de l'article 19 de la loi du 9 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Tout à fait, défavorable.
L'amendement no 395 n'est pas adopté.
Dans le but de soutenir le pouvoir d'achat des ménages, l'article 1er de la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales avait ouvert aux employeurs, dans le but de soutenir le pouvoir d'achat des ménages, la possibilité de verser à leurs salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois le SMIC une prime, exonérée, dans la limite de 1 000 euros, d'impôt sur le revenu, et de toutes cotisations et contributions dues, notamment celles d'origine légale ou conventionnelle.
L'article 7 de la loi du 24 décembre 2019 a reconduit cette prime, en la subordonnant à l'existence d'un accord d'intéressement, mais les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ont été assouplies par l'ordonnance du 1er avril 2020, qui a supprimé cette dernière condition. La prime peut donc désormais être versée par tous les employeurs. L'ordonnance a également fixé à 2 000 euros le montant maximum de prime bénéficiant, sous certaines conditions, des exonérations fiscales et sociales.
L'amendement a pour objet de prévoir que le principe, les exonérations, et les modalités de versement de la prime exceptionnelle puissent, à compter du 1er janvier 2021, être reconduits chaque année, selon les conditions prévues par l'ordonnance du 1er avril 2020.
Je rappellerai simplement son objet, qui est de prévoir que le principe, les exonérations et les modalités de versement de la prime exceptionnelle pourront, à partir du 1er janvier 2021, être reconduits chaque année, selon les conditions prévues par l'ordonnance du 1er avril dernier.
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour ces amendements, dans lesquels je vois un hommage à la politique menée au sein des entreprises par la majorité depuis le début du quinquennat !
Sourires.
Toutefois, ces amendements, en faisant d'une prime exceptionnelle une prime régulière, entraînerait des effets de bord, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives, aussi bien pour le travail en entreprise qu'en matière de recouvrement pour la sécurité sociale. Avis défavorable.
En réponse à Mme Corneloup, j'ajouterai que ce Gouvernement, vous le savez, promeut le partage de la valeur.
Cela a notamment été le cas à travers le développement de l'épargne salariale, grâce à une loi que vous connaissez tous et que je ne citerai pas. Je sais, madame Corneloup, que vous êtes sensible au partage de la valeur.
Je rappelle que nous avons travaillé à de nombreuses mesures, comme la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés, la possibilité pour les plus petites d'instaurer un accord d'intéressement par décision unilatérale de l'employeur, ou encore la possibilité d'appliquer directement un accord d'intéressement négocié au niveau de la branche.
Je ne crois pas que pérenniser la prime exceptionnelle et son exonération de cotisations promeuve un partage durable de la valeur. Nous ferons d'autres propositions : je crains que ces exonérations sur la prime exceptionnelle ne se substituent en réalité à un partage plus durable de la valeur, ainsi qu'à de possibles augmentations de salaires, car des entrepreneurs leur préféreront peut-être parfois la prime.
Pour terminer, aux yeux du Gouvernement, cette proposition n'est pas un outil efficace pour maintenir le pouvoir d'achat dans les conditions difficiles que nous connaissons.
Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis défavorable.
Vous faites comme si la crise des gilets jaunes était une crise ponctuelle, et donc que la mesure exceptionnelle que vous avez prise pour y répondre ne devait pas se renouveler.
Mais, dans nos territoires, les alertes sont là : il existe une réelle attente en matière de pouvoir d'achat, qu'il faut prendre en considération, voire anticiper. Au début du quinquennat, nous vous avions alertés sur ce sujet ; vous avez augmenté un certain nombre de taxes, comme la CSG, la taxe sur l'essence…
Oh là là…
Souffrez que je vous les rappelle !
Nous vous avions alors mis en garde sur le fait qu'il existait une crise du pouvoir d'achat. Puis il y a eu la crise des gilets jaune, à la suite de laquelle vous avez pris une mesure, que nous vous avions d'ailleurs proposée par voie d'amendement dans le PLF de l'année précédente et dans le PLF alors en cours de discussion – vous vous rappellerez sûrement cette nuit où nous avons détricoté, moins de vingt-quatre heures plus tard, ce que nous avions adopté le matin même !
Lorsqu'une mesure est bonne, il faut la pérenniser ! C'est tout le sens de cet amendement.
Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que ces amendements sont un hommage à la majorité et au Gouvernement : non, je ne le crois pas. Un peu de modestie ! Lorsque nous présentons de bons amendements, vous mettez du temps à les intégrer ; là, il s'agit de bons amendements, puisqu'ils visent à pérenniser un dispositif intéressant pour les salariés. Nous vous invitons donc à les adopter, afin que l'on n'y revienne pas si, dans quelques mois, nous devions faire face à une nouvelle crise.
Je vous ferai un aveu : s'agissant du partage de la valeur, je ne fais confiance ni aux uns, ni aux autres !
MM. Thibault Bazin et Pierre Vatin sourient.
En réalité, je pense qu'en la matière, c'est plutôt de notre côté de l'hémicycle que les choses se passent ! Hélas, vous refusez de retenir les propositions que nous formulons : je trouve cela absolument regrettable.
Il ne faut pas se payer de mots : nous sommes encore très loin du compte en matière de partage de la valeur ! Toutes les mesures que vous proposez consistent à contourner le salaire : avec vous, il ne faut jamais toucher aux impôts, ni aux cotisations. Je ne sais pas où se situe le partage de la valeur pour vous, mais une chose est sûre, il n'arrive pas dans les poches des personnes concernées.
Je tiens à rappeler à notre collègue Thibault Bazin qu'avant la crise sanitaire, sociale et économique que nous traversons, en 2019, le pouvoir d'achat des actifs avait augmenté de 4,2 %. Il s'agit de la plus forte hausse de pouvoir d'achat depuis douze ans, et elle est à mettre au crédit de la majorité.
M. Thibault Bazin proteste.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1970 .
En 2018, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES – a reconnu les douleurs subies par les personnes atteintes d'électrosensibilité. Entre 600 000 et 6 millions de nos concitoyens se trouveraient dans cette situation.
Dans le même temps, et alors que nous n'en connaissons pas les effets sur la santé, le déploiement de la 5G semble imminent. En 2018, le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux de l'Union européenne indiquait dans son rapport que « les problèmes de santé et de sécurité pouvant être générés restent inconnus. Le manque de preuves claires sur le développement de l'exposition à la technologie 5G ouvre la possibilité de conséquences biologiques imprévues. » En 2020, l'ANSES regrettait le « manque de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels » pour évaluer les dangers de la 5G.
Il existe un doute, et nous ne sommes pas les seuls à l'avoir. En 2017, 180 scientifiques de trente-sept pays appelaient à un moratoire sur la 5G ; ils ont été suivis cette année par les citoyens de la convention citoyenne pour le climat.
Ainsi, nous souhaitons donc prévenir le potentiel risque lié au développement de la 5G, en faisant contribuer les opérateurs téléphoniques à la branche maladie de la sécurité sociale. L'objectif est de créer, au sein de cette dernière, un fonds qui serait destiné à prendre en charge les dépenses de santé des personnes souffrant d'électrosensibilité…
Sourires.
Nous proposons que les opérateurs téléphoniques commercialisant des produits pouvant utiliser le réseau 5G soient soumis à une cotisation exceptionnelle auprès de la branche maladie de la sécurité sociale.
Et comme nous travaillons en confiance, madame la secrétaire d'État…
Mme Caroline Fiat proteste.
Défavorable.
Je vais terminer : je proposais que les opérateurs téléphoniques commercialisant des produits pouvant utiliser le réseau 5G soient soumis à une cotisation exceptionnelle auprès de la branche maladie de la sécurité sociale.
Et vu que nous travaillons en confiance avec Mme la secrétaire d'État, Olivia Grégoire, nous proposons que le taux de la cotisation et les modalités de son application soient déterminés dans le cadre d'un décret, c'est-à-dire par le Gouvernement.
Vous voyez, nous vous proposons de travailler en confiance ! Alors plutôt qu'un avis défavorable, j'aurais préféré…
Sourires.
Mais on ne m'a même pas laissé le temps de donner mon avis !
Je sais que nous ne terminerons pas l'examen du texte avant vendredi à minuit, mais c'est dommage d'aller si vite sur les amendements. Monsieur le président, ce n'est ni vous, ni moi qui avons décidé qu'il fallait aller vite sur le PLFSS, mais là, vraiment… Si c'est pour bâcler tous les amendements, alors je rentre chez moi !
Vous avez pu vous exprimer et répondre, et nous vous avons écoutée avec la plus grande attention.
L'amendement no 1970 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement no 591 .
Il vise à introduire la disposition suivante : « Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les effets du rattrapage progressif du tarif de la cotisation sur les boissons alcooliques, prévu à l'article L. 758-1 du code de la sécurité sociale, pour les rhums, tafias et spiritueux composés à base d'alcool de cru produits et consommés sur place dans les outre-mer. »
En effet, l'article 41 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, adoptée à l'unanimité, avait prévu que le Gouvernement remettrait au Parlement « un rapport étudiant le lien entre le prix des boissons alcooliques et la consommation d'alcool, et évaluant l'impact d'une éventuelle majoration des droits d'accises sur les boissons alcooliques en matière de lutte contre l'alcoolisme ». Or ce rapport n'a pas été remis au Parlement.
L'article L. 245-9 du code de la sécurité sociale prévoit un tarif spécifique aux outre-mer : lors de l'examen du PLFSS pour 2019, le débat sur ce tarif spécifique a été relancé, et le Parlement a inscrit dans la loi un rattrapage progressif du tarif de la cotisation pour les rhums, tafias et spiritueux composés à base d'alcool de cru produits et consommés sur place. Il s'agit d'évaluer la pertinence du dispositif et d'en mesurer les effets sur la consommation.
Je vous renvoie à l'annexe 3 jointe au PLFSS pour de plus amples informations à ce sujet. Si un certain nombre d'entre nous souhaitaient se saisir de la question et évaluer les politiques menées en la matière, le Printemps de l'évaluation en serait l'occasion appropriée.
Oh !
Je suggère le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je demande moi aussi le retrait de l'amendement. Dans le cas contraire, mon avis sera défavorable.
L'amendement no 591 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra