Nous le savions, l'enchevêtrement de crises qui percutent la France, l'Europe et le monde – crise sanitaire, crise de la mondialisation, crise économique et sociale, crise climatique, crise de confiance démocratique dans le progrès – propulsent la recherche, l'innovation et la connaissance au coeur de leurs résolutions, dans l'urgence comme dans le temps long. Nous le savions avant même de les affronter, mais nous avons tardé, quand d'autres accéléraient. Nous le savions, et c'est pourquoi nous devons tous nous réjouir que 2021 marque le départ d'un puissant effort public et privé, après trois années de budget de rattrapage, afin de hisser la recherche et la communauté scientifique à la hauteur du défi national et européen que nous avons défini dans le projet de loi de programmation de la recherche, en cours d'examen au Sénat.
Avec ce projet de budget, avec le plan de relance, avec le quatrième programme d'investissements d'avenir – lui-même inédit – , avec le programme Horizon Europe et les contrats de plan État-région, nous engagerons dès 2021 le réarmement des organismes, des laboratoires, des chercheurs et de la recherche partenariale, afin de leur donner vraiment et durablement les moyens de leurs ambitions. Grâce à eux, nous réussirons à retrouver notre rang de grande puissance sur la scène scientifique internationale.
Au cours des vingt-trois auditions que j'ai menées dans le cadre de la préparation de ce rapport spécial, j'ai mesuré l'attente suscitée par les nouveaux outils – comme les chaires de professeur junior – , qui créeront un véritable choc d'attractivité pour la recherche française. L'accord conclu à cet effet le 12 octobre dernier par le Gouvernement et les organisations syndicales majoritaires permettra ainsi de revaloriser les rémunérations des jeunes chercheurs à hauteur de 92 millions d'euros par an jusqu'en 2027, ainsi que les carrières des chercheurs, des enseignants-chercheurs et du personnel de recherche.
Ce projet de budget ne se contente pas de conforter la dynamique enclenchée depuis 2017 : il la renforce considérablement. J'étaierai cette affirmation par deux constats.
Premièrement, à périmètre constant, les crédits de la recherche augmentent de 2,25 % en autorisations d'engagement. Les moyens des programmes 150 et 172 sont en hausse respectivement de 165 millions et 224 millions d'euros en crédits de paiement, tandis que la diminution des crédits du programme 193 ne s'explique que par l'extinction du remboursement de la dette française à l'Agence spatiale européenne. La baisse des crédits du programme 192 tient, quant à elle, à une mesure de périmètre, puisque le programme d'aides pour le développement de l'innovation de Bpifrance sera financé par le quatrième programme d'investissements d'avenir.
Deuxièmement, les grands opérateurs de la recherche publique sont les principaux bénéficiaires de ces hausses de crédits. Conformément au projet de loi de programmation de la recherche en cours d'examen, l'ANR – l'Agence nationale de la recherche – verra sa dotation portée à plus de 1 milliard d'euros en crédits de paiement en 2021, avec l'ambition d'améliorer significativement le taux de succès de ses appels à projets, qui passera de 16 à 23 %, soit 7 points de plus en un temps record. Dans le même temps, les dispositifs de valorisation de la recherche, comme les CIFRE – conventions industrielles de formation par la recherche – , les chaires industrielles, les LabCom et instituts Carnot, vont monter en puissance.
Certes, tout n'est pas réglé. Malgré ces hausses significatives, certains opérateurs – je pense par exemple à l'IFPEN, l'IFP Énergies nouvelles, ou à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – ne parviennent pas à endiguer l'érosion de leurs effectifs. En effet, la baisse de leurs fonds propres et de leurs crédits récurrents, à laquelle s'ajoute la charge du glissement vieillissement technicité, les contraint à flécher une partie de ces hausses vers la stabilisation de leurs emplois, alors même que leurs prérogatives ont été étendues.
C'est pourquoi j'ai déposé un amendement – que je soumets à nos débats, ainsi qu'à votre avis, madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation – visant à accompagner ces opérateurs en 2021, afin qu'ils puissent non seulement stabiliser leurs effectifs, mais aussi exécuter le schéma d'emplois prévu dans le projet de loi de programmation de la recherche, soit 315 équivalents temps plein supplémentaires.
J'appelle également votre attention sur le fait que, les crédits dédiés à la recherche duale étant dorénavant inscrits au sein du plan de relance, nous devrons veiller à leur pérennisation au-delà de la durée de vie de celui-ci.
Enfin, j'insiste sur le fait que l'effort très important que ce budget concrétisera doit aussi être appréhendé à travers des outils complémentaires de financement. Je pense bien sûr au plan de relance, lequel prévoit, à lui seul, un effort cumulé de 4 milliards d'euros pour la recherche sur trois ans, dont 428 millions d'euros pour l'accélération de la trajectoire de l'ANR. Par ailleurs, la mission « Investissements d'avenir » contribuera, à travers le PIA4, au soutien à long terme de la recherche et de l'innovation à hauteur de 16,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Le programme Horizon Europe, d'un montant de 91 milliards d'euros, et les contrats de plan État-région participeront eux aussi largement à l'effort régionalisé de recherche et d'innovation. Enfin, le crédit d'impôt recherche, première dépense fiscale avec 6,5 milliards d'euros, et le dispositif « jeune entreprise innovante » ont fait leurs preuves en temps de crise ; s'ils méritent sans doute un audit en profondeur, ils doivent avant tout être préservés.
Je donne donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.