Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 26 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Plan de relance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Je ne dirai pas grand-chose du plan de relance car tout a déjà été dit par mes collègues à cette tribune. Je le résumerai ainsi : ce n'est pas un plan, c'est un saupoudrage, sur deux ans, d'une somme qui ne correspond même pas au rattrapage des investissements que l'État n'a pas faits pendant les trois ou quatre dernières années.

Ensuite, ce n'est pas un plan global puisqu'il ne comporte aucune conditionnalité sociale ni écologique. Ce n'est pas non plus un plan de relance, à supposer qu'il faille relancer ce qui existait déjà plutôt que d'organiser le déploiement de ce qui devrait exister. Nous allons en effet réinjecter deux points de richesse dans la circulation économique du pays là où il en manque dix, pendant que nos voisins allemands, pour six points perdus, en réinjectent vingt. L'Allemagne bénéficie d'ailleurs à elle seule de 57 % du total des aides aux entreprises européennes prévu pour les différents plans de relance, ce qui signifie que l'écart économique entre nos deux pays va se maintenir.

Mais si je suis venu ici, c'est pour aborder un seul sujet : la pauvreté. Elle explose. Vous avez lancé un plan sur ce sujet, samedi : or le Premier ministre est déjà en train de le rectifier, tant les associations du secteur se disent sidérées par son insuffisance. Nous compterons 1 million de pauvres supplémentaires en 2020, une situation inédite depuis 1945. Le nombre de pauvres va dépasser les 10 millions, dont un enfant sur cinq. Le plan de relance ne leur accorde que quelques toutes petites miettes sur la table plantureuse, à laquelle d'autres se gavent : 800 millions, ce qui représente 0,8 % du plan dit de relance, dont 600 millions – soit les trois quarts – sont déjà dépensés.

Les 150 euros annoncés par M. le président Macron, qui correspondent à une dépense de 1 milliard d'euros, ne seront pas versés avant décembre. Ils ne concernent que 3 millions de Français, loin des 10 millions de pauvres que je mentionnais. Cette somme, versée une fois seulement, ne représente qu'un tiers des dépenses contraintes des plus pauvres pendant un seul mois.

Pendant ce temps, évidemment, encore une baisse d'impôts de 20 milliards concédée aux entreprises, ou prétendues telles, car je suis à peu près certain qu'on n'en retrouvera pas plus la trace dans les investissements et dans la production qu'après cette pluie d'allégements d'impôts déversée sur elles au cours des dix dernières années. La vérité, c'est que cet argent est passé pour l'essentiel dans les dividendes, qui ont augmenté de 70 % en dix ans pendant que les investissements, eux, reculaient de 5 %, malgré la manne incroyable de crédits d'impôt et d'autres cadeaux fiscaux. Et les prétendues entreprises qui vont en bénéficier réellement ne représentent que 0,01 % du total des entreprises existantes.

Non, ce ne peut pas être, une fois de plus, tout pour les riches et rien pour les pauvres ! Les associations vous demandent d'augmenter le RSA d'au moins 100 euros et de l'étendre aux jeunes de moins de 25 ans, sans discuter le principe étant donné la période de détresse que nous traversons. Cette idée vaut la peine d'être entendue et suivie car, pendant ce temps, on sait où trouver la ressource : tout va de mieux en mieux pour les riches, tandis que tout va de pire en pire pour les pauvres ! En effet, pendant le confinement, la fortune des milliardaires a augmenté de 45 % ! Il vous suffit donc, pour financer les mesures que demandent les associations du secteur, d'une contribution exceptionnelle sur les grandes fortunes : deux jours de gains des milliardaires équivalent à 3 milliards qui pourraient abonder les caisses de l'État.

Les gens abandonnés seront, en définitive, ceux qui rendront impossible toute la dynamique de la société, car, pour s'accomplir, cette dynamique suppose qu'une partie de la société ne soit pas enfermée dans la servitude de la misère. Je vous rappelle ce principe énoncé si clairement et si lucidement par Maximilien Robespierre : « Quel est le premier des droits imprescriptibles de l'homme ? Celui d'exister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d'exister. » Pour 10 millions de pauvres, cette réalité n'est toujours pas accomplie.

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